Cour d'appel de Riom, Chambre sociale, 13 juin 2017, n° 15/01178

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Sur la décision

Référence :
CA Riom, ch. soc., 13 juin 2017, n° 15/01178
Juridiction : Cour d'appel de Riom
Numéro(s) : 15/01178
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

13 JUIN 2017

Arrêt n°

XXX

XXX

O Y

/

SA CYCLOPHARMA

Arrêt rendu ce TREIZE JUIN DEUX MILLE DIX SEPT par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d’Appel de RIOM, composée lors des débats et du délibéré de :

M. Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président

Mme Hélène BOUTET, Conseiller

Mme Nadine VALIERGUE, Conseiller

En présence de Mme Nadia BELAROUI greffier lors des débats et du prononcé

ENTRE :

M. O Y

LE BOURG

XXX

Représenté et plaidant par Me U TRUNO de la SELARL TRUNO & ASSOCIES, avocat au barreau de CUSSET/VICHY

APPELANT

ET :

SA CYCLOPHARMA prise en la personne de son représentant légal Mme X responsable RH

XXX

XXX

Représentée et plaidant par Me FOURVEL, avocat suppléant Me Patrick PUSO de la SELAS BARTHELEMY AVOCATS, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

INTIMEE

Après avoir entendu Monsieur ROUQUETTE-DUGARET Président en son rapport, les représentants des parties à l’audience publique du 03 Avril 2017, la Cour a mis l’affaire en délibéré, Monsieur le Président ayant indiqué aux parties que l’arrêt serait prononcé, ce jour, par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l’article 450 du code de procédure civile.

FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS

Monsieur O Y a été engagé à compter du 17 janvier 2011. en qualité de directeur général par la société Cyclopharma qui a pour activité l’élaboration et la production de produits radioactifs à usage médical dont la particularité est d’avoir une durée d’efficacité très restreinte.

Avançant des fautes graves, la société Cyclopharma a engagé une procédure de licenciement en convoquant Monsieur Y à un entretien préalable de licenciement fixé au 25 juin 2012 par courrier du 18 juin 2012 remis en mains propres.

Son licenciement pour faute grave lui a été notifié le 28 juin 2012 en ses termes :

' Suite à l’entretien auquel vous avez été convoqué par lettre remise en main propre contre décharge, nous vous notifions, en application de l’article L.1232-6 du Code du travail par la présente votre licenciement pour faute grave et ceci pour les motifs suivants :

Vous êtes employé depuis le 18 avril 2011 au sein de notre société en qualité de Directeur Général avec le statut de cadre dirigeant.

Vous assurez les fonctions de direction générale, placé directement et hiérarchiquement sous le Président de la société et bénéficiez à ce titre de pouvoirs très étendus.

Or, nous sommes amenés à constater que votre comportement dans le cadre de vos fonctions a conduit la société devant des difficultés extrêmement importantes qui risquent de la mettre en péril.

Ainsi, nous déplorons les faits suivants lesquels justifient votre licenciement.

- Depuis que vous avez pris en charge l’organisation de la production, notamment par votre volonté d’embaucher le 2 novembre 2011 un non-K en la personne de Monsieur Q L en qualité de directeur de production, nous constatons une très nette dégradation du fonctionnement pharmaceutique des sites de production.

A titre de rappel, ces derniers étaient gérés, avant votre décision de modifier l’organisation de la production des sites, directement par le K responsable et le taux de qualité était alors de 99,9%.

Suite à la nouvelle organisation mise en place par vous, de nombreux clients nous reprochent de ne pas tenir nos engagements en terme de délai (nombreux retards) ou de livraison (absence de livraison), ce qui compte tenu de la nature de nos produits, peut avoir des effets catastrophiques parce que touchant à la santé et à la vie de personnes.

Ces reproches ne peuvent être contestés, les faits étant corroborés par nos indicateurs de qualité.

Il en est notamment ainsi des clients suivants :

Ces difficultés (Bacq Up Externes, augmentation du nombre de jour de fermeture pour panne, non livraison) ont été mises en évidence et soulignées comme graves par notre K responsable qui, lors de la première réunion tenue le 3 novembre 2011, vous a alerté sur les conséquences réglementaires de ces dysfonctionnements.

Malgré cette alerte, aucune amélioration notable n’a été constatée.

Concernant les non-livraisons 2012, les clients continuent à se plaindre, 18 clients à fin juin sont concernés, pour 114 doses non livrées.

Les causes sont : panne cyclotron et équipement et pas de site Cyclopharma en back up pour cause de fermeture.

La poursuite de ces dysfonctionnements a conduit le Président a organiser une réunion de crise tenue le 13 juin 2012 en votre présence.

Lors de cette réunion, le K Responsable a listé de nouveau les dysfonctionnements et vous a rappelé leurs conséquences.

Il a notamment fait état :

- d’une augmentation importante du nombre de jours d’absence de production entrainant l’absence de production ;

- de l’alerte des indicateurs qualité ;

- du sous-dimensionnement des équipes sur les sites ;

Les conséquences sont importantes et portent sur l’engagement de la responsabilité pénale des dirigeants ;

- la remise en cause de la capacité pharmaceutique de la société du fait de l’absence de livraison chez les clients des doses commandées et du non-respect des appels d’offres ; ainsi, à titre de comparaison, sur l’année 2011 : 70 doses n’ont pas été livrées. Sur la période allant de janvier à mi-juin 2012 : ce nombre est passé à 114 doses!

- le non-respect des protocoles « essais cliniques » pourtant signés!

Lors de cette réunion, vous avez pris acte des faits sans aucune réaction de votre part et surtout sans aucune proposition d’amélioration à court terme. Le K Responsable a dû proposer, lui-même et dans l’urgence, des axes d’amélioration.

Votre inertie ne peut être acceptée notamment au regard des risques encourus mais aussi du fait de l’impact sur la vie économique de la société.

- Pire, nous venons d’apprendre, vendredi 15 juin 2012, que suite à vos choix, conséquences de la mise en oeuvre du « projet logistique » placé sous votre responsabilité, notre prestataire de transport la société N, spécialisée dans le transport de matières nucléaires, avait, sous la menace de votre part de cesser de lui confier notre fret, effectué un transport relais sans respecter les strictes normes en vigueur en matière de sûreté nucléaire. Un échange de produits radioactifs a eu lieu aux alentours de Z, en dehors de toute sécurisation et de bonnes pratiques afin d’éviter tout dévoyé, entre deux véhicules.

Ces relais ne sauraient s’effectuer dans de telles conditions, comme vous l’avez demandé à plusieurs reprises. La gravité des faits étant accrue du fait que, lors de ce relais les lots ont été échangés par erreur et que les clients n’ont pas été destinataires des lots qu’ils avaient commandés.

Ainsi, le client de Z a reçu des lots destinés au client de Limoges et inversement.

Cet incident qui aurait pu avoir des conséquences gravissimes doit faire l’objet d’un plan d’action correctif lourd, afin de pouvoir fournir des explications à nos autorités de tutelle, ASN et ANSM.

Est éminemment critiquable que votre mode d’organisation n’ait pas été communiqué à la responsable du service sécurité environnement de la société ainsi qu’à Monsieur T U H, responsable de l’activité nucléaire auprès de l’ASN et des règles élémentaires de prudence si de telles pratiques avaient dû être mises en place. Si l’on peut envisager un transbordement de véhicule en cas de force majeure, ceci doit être porté à la connaissance de tous afin de mettre en place les procédures nécessaires au contrôle de l’opération.

- Enfin, dernièrement, nous venons d’apprendre que vous aviez tenu auprès de Monsieur A, attaché commercial, en présence de Monsieur B, Directeur commercial, des propos remettant ouvertement en cause le Président, qui donc vont à l’encontre de l’intérêt de l’entreprise.

En effet, le jeudi 14 juin 2012, vous souhaitiez rencontrer seul Monsieur A sur Paris. Ce dernier a lui-même souhaité que la rencontre se fasse en présence de son responsable direct, Monsieur B. Lors de cet entretien, vous lui avez indiqué que « de toute manière la société était de la merde ! ».

Vous avez poursuivi en indiquant que : « C ne savait pas ce qu’il faisait et que cette boutique allait se casser la gueule. »

Vous avez conclu en indiquant que « vous alliez la reprendre pour pas cher » !

Ces propos ont choqué les salariés présents qui les ont rapportés au Président quelques jours plus tard.

Il est manifeste que la tenue de tels propos, appréciée à la lumière du niveau de vos responsabilités, de vos choix organisationnels et de vos relations très tendues avec nos financiers et actionnaires, rend votre maintien dans la société impossible, ne serait-ce qu’un instant.

En effet, ces propos permettent une lecture tout à fait claire de votre insistance auprès du Président de lui faire céder ses actions et des personnes de votre connaissance que vous aviez souhaité lui présenter voilà quelques mois. Par politesse et devant votre insistance, le Président les avait rencontrées, en votre présence, sur Paris, et n’avait pas donné de suite à leur proposition d’achat.

Votre management, s’il avait dû continuer, aurait mis à mal la société et aurait permis, comme il vous plaît à l’indiquer, de la racheter « pour pas cher » !

Aussi, l’ensemble de ces motifs, qui chacun constitue un manquement grave nous amène à procéder à votre licenciement pour faute grave, donc avec effet immédiat.

Votre solde de tout compte, votre certificat de travail et votre attestation Assedic vous seront adressés par voie postale.

Nous vous infirmons par ailleurs que votre solde de droits acquis au titre du DIF s’élève à 20 heurs. La somme correspondante à ces droits, 183 euros pourra être utilisée conformément aux dispositions des article L.6323-17 et L6323-18 du code du travail.

Enfin, nous vous informons que nous vioys libérons de toute obligation de non concurrence.'

Monsieur Y a contesté les griefs qui lui étaient reprochés à l’appui de son licenciement par courrier du 12 juillet 2012.

Par courrier du 16 juillet 2012, il démissionnait de son mandat de directeur général délégué.

Contestant la légitimité de la mesure prise à son encontre, Monsieur Y a saisi le conseil de prud’hommes de Riom le 12 septembre 2012 en paiement d’indemnités de rupture et afin qu’il soit prononcé la prescription des faits retenus contre lui, lequel, par jugement contradictoire du 27 mars 20165 a :

— dit et jugé que le licenciement de Monsieur Y reposait bien sur une faute grave ;

— débouté le requérant de l’ensemble de ses demandes ;

— condamné Monsieur Y à payer à la société Cyclopharma la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par acte du 22 avril 2015, Monsieur Y a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Par conclusions développées à l’audience, Monsieur O Y demande à la cour de :

— infirmer en toutes ses dispositions le jugement du Conseil de prud’hommes de Riom ;

— dire et juger que le licenciement ne repose sur aucune cause réelle et sérieuse ;

En conséquence,

— condamner la société au paiement des sommes suivante:

• 4.511,22 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire, outre 451,12 euros au titre des congés payés ;

• 49.213,36 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 4.921,34 euros au titre des congés payés afférents.

• 30.733,74 euros au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement,

• 70.000 euros en réparation du préjudice subi du fait des conditions de rupture vexatoire et en réparation du licenciement abusif intervenu,

• 90.000 euros bruts à titre de rappel de salaire sur bonus annuel non réglé pour les années 2011 et 2012 (au prorata temporis de son temps de présence,

• 2.500 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

— condamner la société Cylopharma à l’exécution provisoire de la décision à intervenir ;

— condamner la société Cyclopharma à remettre les documents de fin de contrat dûment rectifiés.

Il expose que :

— il a fait l’objet de la même mise au placard que son prédécesseur dès lors qu’il a dénoncé la situation de crise que connaissait la société Cyclopharma

— c’est à la demande de Monsieur C, Président Directeur Général de la société, qu’un non-K a été embauché pour occuper le poste de directeur de production, il n’a fait que participer à l’entretien d’embauche, le K responsable a été associé à cette décision,

— la nouvelle organisation a été décidée de manière tripartite avec Monsieur C ainsi que le K responsable et les résultats se sont améliorés fin 2011, l’EBITDA était positif, les non livraisons se sont considérablement réduites, les pannes de cyclotron étaient antérieures à son arrivée, il en a au contraire amélioré la maintenance, le principal problème d’effectif est la conséquence directe de la tentative de fermeture du site de Tours, prise en 2010, aboutissant au licenciement début 2011 des effectifs dans des conditions déplorables, il fait également état d’un important turn over,

— si la société N s’est sentie « menacée » comme cela est indiqué dans la lettre de licenciement, ce n’est pas en raison de son comportement, il avait pour mission de réduire et optimiser les coûts de transports, tout en respectant strictement les règles légales,

— Concernant le « relais » qui est présenté comme un problème potentiellement grave dans la lettre de licenciement il rappelle qu’il s’agit d’une faute du transporteur N, au demeurant les dirigeants ont réagi tardivement,

— concernant la réunion à Paris en date du 12 (ou 14 ') juin 2012, les propos qu’on lui prête sont mensongers,

— son bonus annuel de 60.000 euros bruts prévu au contrat de travail n’a jamais été réglé faute pour la société de définir ses objectifs.

La Sa Cyclopharma , reprenant ses conclusions déposées à l’audience, demande à la cour de :

— dire et juger le licenciement de Monsieur Y reposait bien sur une faute grave ;

— en conséquence, débouter le requérant de l’intégralité de ses demandes ;

— confirmer le jugement ;

— condamner Monsieur Y à lui payer la somme de 2.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

— condamner le même aux entiers dépens.

Elle fait valoir que :

— elle produit des éléments démontrant que le mode de gestion mis en place par Monsieur Y a conduit à la dégradation des services fournis par la SA Cyclopharma auprès de ses clients, Monsieur Y souhaitait réduire le parc de cyclotrons ainsi que la masse salariale afin de réduire les coûts de production ce qui est à l’origine de résultats désastreux,

— Monsieur Y a conclu, en signant en lieu et place du Président, le 20 février 2012 un contrat de mission entre la société Cyclopharma et la société ZALIS SAS afin d’accompagner la société Cyclopharma dans l’organisation de sa logistique afin de réduire les coûts de transport sans que soit prise en compte la specificité de l’activité de la société et notamment la production de produits radioactifs, soumis à une organisation de transport particulière ce qui a provoqué des erreurs de livraisons,

— concernant les propos dénigrants tenus lors de la réunion du 14 juin 2012 par Monsieur Y tendant à racheter la société à un faible prix ils sont attestés par les participants,

— sur les bonus, aucun objectif n’ayant été défini en début d’exercice 2011 (M. Y a été engagé en cours d’exercice) et Monsieur Y ayant été licencié avant la fin de l’exercice 2012 aucun bonus n’est dû.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs écritures déposées et soutenues oralement à l’audience.

MOTIFS

Sur le licenciement

1) – concernant le premier grief :

La société Cyclopharma produit aux débats :

— deux rapports rédigés par Monsieur T-W AA, K responsable, datant de novembre 2011 et juin 2012 par lesquels il dénonce la dégradation du fonctionnement pharmaceutique des sites de production,

— un courriel alarmiste du 12 juin 2012 par lequel Monsieur D dénonçait la situation en production, il était indiqué que la décision de fermer le site de Caen avait été prise sans en informer le comité de direction,

— le compte rendu de la réunion de production du 13 juin 2012 dressant la liste des actions correctives à mener,

— une attestation de Monsieur B, directeur commercial, déclarant que : « La stratégie de Monsieur Y était à l’opposé de la politique de l’entreprise mise en place par le Président Directeur Général. Ces changements risquaient de nuire gravement au développement de cette dernière.

La stratégie de Monsieur R. Y était basée sur la rédaction du parc de Cyclotrons liée elle-même à la réduction de la masse salariale. Cette situation devenait suicidaire. En effet, ces réductions étaient incompatibles avec l’accroissement de nos parts de marché et l’arrivée de nouvelles molécules qui permettaient le développement de notre chiffre d’affaires.

L’exemple type est la fermeture surprise de Saint Beauzire qui a généré des coûts liés au back up demandés à nos concurrents pour compenser cette fermeture.

La volonté de Monsieur R. Y était clairement définie, il voulait positionner notre société pour la vendre.

A huis clos, Monsieur R. Y prétendait avoir pris contact avec des groupes financiers susceptibles de nous racheter.

Pour justifier son attitude et ses décisions, il prétendait que notre PDG avait une posture attentiste qui participait à la dépréciation de la structure. Il déclarait être le seul à pouvoir sauver la société. Ce n’était pas la première fois qu 'il tenait ces propos ».

— Une liste récapitulative des plaintes de clients enregistrées entre le mois de janvier et le mois de novembre 2011

Monsieur Y s’attarde sur le fait que l’embauche d’un non K au poste de directeur de production avait été validée par le président et le K responsable alors que ce n’est pas cette décision qui lui est particulièrement reprochée mais la dégradation générale de la production.

De même ne sont pas remis en cause les résultats notamment de l’EBITDA auquel il se réfère qui milite en sa faveur.

Par contre il produit les chiffres (résultats mai 2012 édités par l’employeur) qui démontrent une baisse significative du nombre de réclamations entre 2010 et 2012 ( chiffres arrêtés au mois de mai 2012), il fait observer que tous les indicateurs de qualité sont en nette amélioration par rapport à l’année 2010, que les plaintes clients ont fortement diminué depuis 2010, alors que le nombre de doses produites est en constante augmentation sur la période, que les doses non livrées en fortement diminué en 2011 pour atteindre 76 contre 185 en 2010, et en 2012, 81, que les 'back up externes’ mentionnés comme en dégradation sont en fait en amélioration ( 45.532 en 2010 contre 32 .107 en 2012, chiffres arrêtés en mai).

Enfin, pour ce qui est des pannes de cyclotrons, Monsieur Y produit l’attestation de :

— Monsieur G qui déclare : « Si le cyclotron prototype de St Beauzire, construit sur un cahier des charges de Cyclopharma apparaissait fort séduisant, j’ai toujours entendu parler de problèmes liés notamment à la haute tension et haute fréquence. La première version industrielle a été installée à Tours, et n’a également cesser de poser problème, avec une incapacité à fonctionner régulièrement à la puissance prévue, donc de fournir avec régularité le Fluor radioactif nécessaire à la production de 18-FDG, médicalement à usage diagnostique utilisé dans le bilan de certains cancers. En raison de ces dysfonctionnements la décision d’arrêter le site de Tours a été prise avant l’arrivée de Mr Y, avec licenciement du personnel.

Il faut noter que la régularité de production est une condition absolue et essentielle car chaque dose de médicament était faite à la commande pour un patient spécifique.

Ensuite un nouveau cyclotron « general electric » a été acheté, et une nouvelle casemate construite.

Le site a relancé à fond après l’arrivée de Mr Y.

Le second cyclotron industriel « cyclopharma » a été installé à Illkirch et son fonctionnement a été plus qu’erratique. A ma connaissance ce dernier ainsi que celui de St Beauzire sont arrêtés à ce jour. En conclusions, les cyclotrons connus par Cyclopharma l’ont été avant l’arrivée de Mr Y, la technologie n’a jamais été maîtrisée et ils sont arrêtés, Mr

Y n’y est pour rien.

Au mois de juin 2011, Mr Y et moi-même sommes allés au congrès de la SNMMI (Society of Nuclear Medecine) à San Antonio. Mr Y s’est intéressé aux aménagements des laboratoires de production notamment aux solutions présentées par la société TEMA dont Cyclopharma était par ailleurs cliente.

Devant le tapis roulant de TEMA, Mr Y m’a dit que la solution utilisée par Cyclopharma où les techniciens et pharmaciens devaient lever des charges importantes posaient des problèmes (lombalgies et douleurs d’épaules). J’ai demandé à Mr Y s’il comptait présenter des solutions chez Cyclopharma ; Il m’a alors répondu avec circonspections que c’était trop tôt.

Peu après son arrivée Mr Y s’est penché sur la recherche et m’a demandé une analyse des projets en cours. Trois de ces projets étaient arrivés au point où l’on devait décider

d’investir pour envisager la réalisation d’une phase 1. S’étonnant de la stagnation de ces projets, Mr Y a d’une part, demandé des diagrammes de Gantt soient réalisés sur les différents projets et d’autre part il m’a demandé de prendre rendez-vous pour nous deux avec France BREVETS afin de voir si des aides pouvaient être trouvées.

Malheureusement lors des deux rendez-vous obtenus nous nous sommes rendus compte qu’aucun financement n’était possible.

Le conseil d’administration de Cyclopharma s’est à plusieurs reprises étonné du retard pris notamment celui du 13/01/2012 conseil où par ailleurs il avait été annoncé que Cyclopharma venant de prendre la tête du marché français de FDG.

Mr Y m’a demandé de faire le point sur les trois projets les plus avancés. Je lui ai dit que le projet FES me semblait le plus avancé car je pensais qu’une AMM bibliographique complétée par des projets réalisés en France était possible. Cependant cela imposait la réalisationd’une toxicologie sur des lots fabriqués par Cyclopharma. La réalisation d’une toxicologie partielle était en attente d’accord de financement; Mr Y m’a alors dit de faire procéder à une toxicologie. Quelques temps après, Mr H directeur général adjoint est venu dans mon bureau me demandant qui avait autorisé cette toxicologie. Je lui ai répondu que c’était Mr Y. Mr H a alors hurlé dans les couloirs le disant qu’on faisait n’importe quoi, que Mr Y se mélait de tout, qu’il voulait modifier les sites de productions et que d’ailleurs ses jours étaient comptés ».

— Monsieur I qui relate : « Les cyclotrons de Saint-Beauzire (Clermont-Ferrand), Tours, Illkirch et Caen n’ont jamais fonctionné correctement. Les sites de Clermont-Ferrand, Illkirch et Caen ont été fermés depuis. Le cyclotron de Tours a été purement et simplement remplacé »

Monsieur Y en conclu que ces pannes ne peuvent lui être imputées d’autant que ce cyclotron connaissait des pannes récurrentes depuis 2008 alors qu’il n’a été recruté qu’en 2011.

Enfin Monsieur Y justifie des actions menées avec le principal prestataire de service, la société SAIREM, pour parvenir à résoudre les problèmes rencontrés en ce domaine aboutissant à un relevé de conclusions le 21 février 2012 au terme duquel :

« Pour résoudre le problème actuel, le plan d’action suivant sera mis en place :

- Cyclopharma et Sairem vont collaborer et réaliser un certain nombre de tests pour mieux comprendre les dysfonctionnements actuels sur le site d’Illkirch, en faisant si besoin des comparaisons avec les installations de Saint-Beauzire.

- M. J établira les contraintes opérationnelles minimum attendues par Cyclopharma pour exploiter industriellement et de façon efficace les sites de Saint-Beauzire et d’Illkirch, sous forme de résultats mesurables à obtenir.

- L’objectif est de stabiliser Illkirch plusieurs semaines conformément à ces contraintes puis de déployer sur Saint-Beauzire.

- Le déblocage des payements pourra alors se faire. Pour arriver à ce stade un plan d’actions détaillé sera fait et validé par les deux partenaires. Un nouveau cahier des charges sera rebâti »

Il en résulte que ce premier grief ne peut être retenu.

2) – Concernant le second grief :

La société Cyclopharma produit aux débats :

— une attestation de Monsieur H, K qui déclare : 'Certifie que je n’ai jamais été informé de la demande de livraison de certains clients à partir de nos sites de production avec une rupture de charge avant l’incident du 28 mai 2012.

En effet, le travail sous-traité à la societe ZALIS par Monsieur O Y n’a jamais été présenté comme une prise de décision en réunion mais comme une faisabilite.

Monsieur O Y par ailleurs n’a jamais fait part de la mise en place de ce type de livraison ni en réunion, ni directement aupres des services concernés'.

— une lettre de recadrage adressée par Monsieur H à la société Isotival en matière de 'rupture de charge'

— un rapport relatif à l’examen de nouvelles pratiques liées aux opérations de transports du conseiller à la sécurité,

— un courrier de la société N prenant acte des consignes données par la société Cyclopharma.

La société Cyclopharma reproche ainsi à Monsieur Y une organisation inadaptée des transports.

Or il n’est pas justifié de l’intervention de Monsieur Y dans le choix de ces décisions, pas plus que n’est justifiée une menace quelconque portée par Monsieur Y à l’encontre de la société N .

Monsieur Y rappelle que le cahier des charges liant la société N à la société Cyclopharma rappelait de manière exhaustive les obligations légales en la matière :

— « L’expéditeur confie au chauffeur une ou plusieurs expéditions constituées d’un ou plusieurs colis

- Le chauffeur indique sur son bordereau de transport le numéro de seau qui lui a été remis, et c’est le responsable de la fabrication, le K délégué qui vérifie l’adéquation avec sa collective

- Le chauffeur se doit de vérifier que les étiquettes sur les emballages correspondent bien aux destinataires sur les documents de transport

- Le chauffeur s’assure du calage et de l’arrimage des marchandises chargées

- Le chauffeur complète la lettre de voiture en précisant l’heure d’enlèvement, il remet un exemplaire

- Le transporteur est tenu de refuser tout colis non conforme »

Monsieur Y verse une attestation de Monsieur L, directeur de production, précisant que « Concernant le travail effectué sur le transport avec pour objectifs la réduction des coûts, nous avons pu bénéficier de l’aide de ZALYS à travers la personne de M Lloyd. M a eu beaucoup d’échange avec différents services de chez CYCLOPHARMA (production, sécurité') afin de comprendre les contraintes associées aux produits et à la production.

Plusieurs échanges avec N s’en sont suivis. Dans toutes les réunions internes ou externes, M Lloyd et nous (moi-même et O) avons toujours rappelé l’importance de respecter la réglementation. N n’a pas vraiment apprécié l’étude de ZALYS concernant la réduction/l’optimisation des coûts…

« En mai 2012 (ou juin), un problème est survenu lors d’un transport : un « relai ». Suite à la mise à pied de O Y, plusieurs réunions ont été organisées par la direction générale sur le sujet « du relai problématique », avec le transporteur. J’ai été convié à quelque unes de ces réunions et mon avis est que l’on cherchait à démontrer la culpabilité de O Y, sans y être arrivé à ma connaissance. Choqué par cette démarche de « chasse à l’homme », j’ai recherché des informations sur la réalisation des relais chez CYCLOPHARMA et il s’avère que j’ai assez vite découvert que des relais étaient pratiqués par les sites depuis plusieurs années et que les personnes de la direction générale, qui étaient scandalisées par cette pratique en mai 2012 avaient félicité et donc approuvé cette démarche auparavant (2008, 2009, '). Ceci est d’autant plus choquant que si problème il y avait, il était de la responsabilité contractuelle du transporteur qui devait garantir le respect de la réglementation » »

Monsieur Y rappelle qu’il avait été fait appel à la société Zalys afin de réaliser une étude permettant de réduire et optimiser les coûts de transport, ce contrat ayant été signé par Monsieur C, président-directeur général, la facture éditée le 31 juillet 2012 par la société Zalis révèle que les économies réalisées par la société Cyclopharma se sont élevées à 210'298 euros, la société Zalys étant rémunérée à hauteur de 40 % des économies ainsi réalisées.

Il ne saurait donc être fait le reproche à Monsieur Y d’avoir voulu réaliser des économies au détriment de la qualité des transports.

Il en résulte que la société N a effectué un relais transport sans respecter les strictes normes en vigueur en matière de sûreté nucléaire en contravention avec le cahier des charges par lequel elle était liée à la société Cyclopharma et que cette circonstance n’est pas imputable à Monsieur Y.

Ce second grief ne peut être retenu d’autant que l’incident remontant au 28 mai 2012 n’a donné lieu à une réaction de la part de l’employeur que le 18 juin 2012 par l’envoi d’une lettre de convocation à entretien préalable avec mise à pied conservatoire.

3) – concernant le troisième grief :

Outre l’attestation de Monsieur B dont la teneur est reproduite ci-avant, la société Cyclopharma produit un mémo de Monsieur B adressé à Monsieur C se bornant à reprendre les confidences que lui aurait rapportées son commercial, Monsieur P, alors qu’aucune attestation émanant de ce dernier n’est produite aux débats.

En outre, Monsieur Y rappelle qu’au cours de l’assemblée générale de mai 2012, un mandat de vente a été signé par les actionnaires, fixant un seuil minimum de 70 millions somme qu’il était dans l’incapacité de réunir.

Il subsiste un doute sur l’authenticité des propos prêtés à Monsieur Y en sorte que ce dernier grief ne peut être davantage retenu.

Il en résulte que le licenciement prononcé est dénué de cause réelle et sérieuse. Eu égard à l’ancienneté (17 mois), à l’âge (56 ans) au salaire moyen perçu par le salarié, et tenant l’absence de tout justificatif de préjudice autre que la seule perte de son emploi par le salarié, il convient de fixer ainsi que suit le montant des sommes revenant à Monsieur Y :

—  4.511,22 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire, outre 451,12 euros au titre des congés payés ;

—  49.213,36 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 4.921,34 euros au titre des congés payés afférents.

—  30.733,74 euros au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement,

—  12.000,00 euros à titre d’indemnité pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse,

Sur le bonus

Monsieur Y fait observer que la lettre d’intention du 17 janvier 2011prévoyait un bonus annuel de 60.000 euros bruts en cas de réalisation des objectifs définis en début de chaque exercice.

L’employeur rétorque justement qu’aucun objectif n’ayant été défini en début d’exercice 2011 (Monsieur Y a été engagé en cours d’exercice) et Monsieur Y ayant été licencié avant la fin de l’exercice 2012 aucun bonus n’est dû.

Le demande est en voie de rejet.

L’équité commande de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et d’allouer à Monsieur Y la somme de 2.000,00 euros à ce titre.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort

— Infirme le jugement déféré et statuant à nouveau,

— Dit le licenciement de Monsieur Y dénué de cause réelle et sérieuse,

— Condamne la SA Cyclopharma à payer à Monsieur Y les sommes suivantes :

—  4.511,22 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire, outre 451,12 euros au titre des congés payés ;

—  49.213,36 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 4.921,34 euros au titre des congés payés afférents.

—  30.733,74 euros au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement,

—  12.000,00 euros à titre d’indemnité pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse,

— Rappelle que les intérêts au taux légal courent sur les sommes à caractère salarial à compter de la réception par l’employeur de la convocation à comparaître devant le bureau de conciliation, et à défaut de demande initiale, à compter de la date à laquelle ces sommes ont été réclamées, et qu’ils courent sur les sommes à caractère indemnitaire, à compter du jugement déféré sur le montant de la somme allouée par les premiers juges et à compter du présent arrêt pour le surplus ;

— Condamne la SA Cyclopharma à payer à Monsieur Y la somme de 2.000,00 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

— Condamne la SA Cyclopharma aux dépens de première instance et d’appel.

Ainsi fait et prononcé lesdits jour, mois et an.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,

N. BELAROUI Y. ROUQUETTE-DUGARET

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code du travail
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Cour d'appel de Riom, Chambre sociale, 13 juin 2017, n° 15/01178