Cour d'appel de Riom, Chambre commerciale, 19 décembre 2018, n° 17/00480

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Chronologie de l’affaire

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Gouache Avocats · 26 février 2019

Les retards et ruptures répétés d'approvisionnement en produits du fait du mandant justifient une résiliation du contrat d'agence à l'initiative de l'agent commercial, aux torts du mandant. Conformément à l'article 134-13 du Code de commerce,l'indemnité de fin de contrat de l'agent commercial visée à l'article L.134-12 du Code de commerce n'est pas due à l'agent lorsque ce dernier est à l'initiative de la cessation du contrat, sauf à ce que cette cessation soit justifiée par des circonstances imputables au mandant. Il appartient donc à l'agent commercial qui prend l'initiative de la …

 
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Sur la décision

Référence :
CA Riom, ch. com., 19 déc. 2018, n° 17/00480
Juridiction : Cour d'appel de Riom
Numéro(s) : 17/00480
Décision précédente : Tribunal de commerce de Cusset, 5 décembre 2016, N° 201501531
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL

DE RIOM

Troisième chambre civile et commerciale

ARRET N°

DU : 19 Décembre 2018

N° RG 17/00480 – N° Portalis DBVU-V-B7B-EXJV

FK

Arrêt rendu le dix neuf Décembre deux mille dix huit

Sur APPEL d’une décision rendue le 6 décembre 2016 par le Tribunal de commerce de CUSSET (RG n°201501531)

COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :

M. François RIFFAUD, Président

M. François KHEITMI, Conseiller

Mme Virginie THEUIL-DIF, Conseiller

En présence de : Mme Christine VIAL, Greffier, lors de l’appel des causes et du prononcé

ENTRE :

M. X Z J K

immatriculé au RCS de CUSSET sous le n° 347 420 150

[…]

[…]

Représentants : Me Alexandre BENAZDIA, avocat au barreau de CUSSET/VICHY

(postulant) et la SCP CABINET FOUSSAT, avocat au barreau de PARIS (plaidant)

APPELANT

ET :

La société INTEGRA LIFESCIENCES SERVICES (FRANCE)

SAS à associé unique immatriculée au RCS de LYON sous le n° 492 534 466

[…]

[…]

[…]

Représentants : la SELARL LEXAVOUE, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND (postulant) et la SELARL HAUSSMANN ASSOCIES/SQUIRE PATTON BOGGS, avocats au barreau de PARIS (plaidant)

INTIMÉE

DEBATS : A l’audience publique du 08 Novembre 2018 M. KHEITMI a fait le rapport oral de l’affaire, avant les plaidoiries, conformément aux dispositions de l’article 785 du CPC. La Cour a mis l’affaire en délibéré au 19 Décembre 2018.

ARRET :

Prononcé publiquement le 19 Décembre 2018, par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

Signé par M. François RIFFAUD, Président, et par Mme Christine VIAL, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Faits et procédure – demandes et moyens des parties :

La SA NEW DEAL a conclu sous seing privé, le 12 novembre 2001, un contrat d’agent commercial à durée indéterminée avec M. Z X, contrat ayant pour objet la vente de produits orthopédiques de la gamme « chirurgie du pied », commercialisés par la société mandante, dans une zone géographique constituée des départements de l’Allier, du Cantal, du Cher, de la Corrèze, de la Creuse, du Loiret, du Puy-de-Dôme et de l’Yonne (sauf la ville d’Auxerre). M. X bénéficiait d’une exclusivité sur la zone ainsi délimitée. Sa rémunération était fixée à la commission.

M. X a ensuite conclu avec la société SURFIX TECHNOLOGIES , le 7 mars 2002, un autre contrat de même nature, portant sur la vente de produits de la gamme « ostéosynthèse des membres inférieurs et supérieurs, et cotyle de reprise », commercialisés par la société mandante, dans une zone géographique comprenant les départements de l’Allier, du Cantal, du Cher, de la Creuse, de l’Indre, du Loiret et du Puy-de-Dôme (sauf la Clinique Saint-Amable).

Au cours du mois d’avril 2007, une troisième société, la SAS INTEGRA LIFESCIENCES SERVICES France (la société INTEGRA) a repris les activités des sociétés SURFIX TECHNOLOGIES et NEW DEAL, et M. X a poursuivi l’exercice de ses mandats pour la société INTEGRA.

Des difficultés se sont élevées, au cours de l’année 2013, entre M. X et la société INTEGRA, sur les modalités de son activité pour cette société. M. X, par une lettre recommandée avec avis de réception du 28 mars 2014, a rappelé à la société mandante les manquements qu’il lui reprochait, et lui a déclaré qu’il prenait acte de la rupture, du fait de cette société, des contrats qui les liaient ; il a cessé sa collaboration avec elle. Puis M. X a fait assigner, le 19 février 2015, la société INTEGRA devant le tribunal de commerce de Cusset, aux fins d’obtenir, entre autres, la condamnation de la société adverse à lui verser une somme de 247 791 euros à titre d’indemnité de fin de contrat.

Le tribunal de commerce, suivant jugement contradictoire du 6 décembre 2016, a rejeté toutes les demandes de M. X, et fait partiellement droit aux demandes reconventionnelles de la société INTEGRA, en condamnant M. X à lui payer une somme de 10 000 euros en réparation du préjudice résultant du non-respect par M. X du préavis stipulé dans les contrats, outre 3 500

euros par application de l’article 700 du code de procédure civile.

M. X, par une déclaration reçue au greffe de la cour le 27 février 2017, a interjeté appel total de ce jugement.

M. X, reprenant les principales demandes qu’il avait présentées devant le tribunal, demande à la cour de réformer le jugement, et de condamner la société INTEGRA à lui payer 247 791 euros d’indemnité de fin de contrat, 24 696 euros d’indemnité compensatrice de préavis, et 30 000 euros de dommages et intérêts.

Il invoque les dispositions de l’article L. 134-13 du code de commerce, selon lequel, a contrario, le mandataire a droit à l’indemnité compensatrice de la rupture du mandat commercial, lorsque la rupture, bien que résultant de l’initiative du mandataire, est justifiée par des circonstances imputables au mandant. Il déclare que tel a été le cas pour la société INTEGRA, qui a géré ses stocks de telle sorte qu’il a connu de graves difficultés d’approvisionnement pour de nombreux articles, provoquant la perte de clients, et une baisse importante de son chiffre d’affaires. M. X reproche en outre à la société INTEGRA d’avoir manqué à son devoir d’information, en ne l’avertissant que de manière tardive ou partielle des difficultés d’approvisionnement, et de l’avoir mis à l’écart en s’abstenant, depuis l’année 2012, de l’inviter aux réunions commerciales qu’elle organisait. Il demande une indemnité compensatrice fixée à trois années de rémunération, et une indemnité de préavis équivalant à trois mois de rémunération. M. X demande enfin l’allocation de dommages et intérêts, en réparation du préjudice financier qu’il a subi du fait du comportement de la société mandante.

La société INTEGRA demande à la cour de confirmer le jugement, sauf à porter à 35 000 euros le montant des dommages et intérêts qui lui ont été alloués. Elle expose que l’interruption des deux contrats est entièrement imputable à M. X, que les quelques ruptures d’approvisionnement n’ont eu que des conséquences très limitées sur les commissions qu’il percevait et sur son image commerciale, et que les tableaux qu’il présente ne sont pas probants à cet égard, notamment parce qu’ils ne tiennent pas compte de la possibilité de proposer des produits de substitution. La société mandante précise que 80 % du chiffre d’affaires qu’a réalisé M. X dans le cadre de ses mandats, entre fin 2012 et mi-2013, provenaient de la vente d’un produit (la « vis Bold ») qui n’a quasiment pas été affecté par les ruptures de stocks. Elle relève que les commissions perçues par M. X sont d’ailleurs restées globalement stables, de 2011 à 2013, et affirme qu’elle a manifesté une attention particulière à son égard, en considérant son ancienneté et sa personnalité : elle a toujours maintenu le contact avec lui, et s’est toujours efforcée de réagir efficacement aux difficultés qu’il a rencontrées.

La société INTEGRA reproche elle-même à M. X d’avoir délaissé, à partir de l’année 2013, l’exercice des mandats qu’elle lui avait confiés, au profit de ceux donnés par d’autres mandants et en particulier par l’entreprise SMITH & NEPHEW, pour laquelle il aurait réalisé 92 % de son chiffre d’affaires. Elle lui reproche d’avoir été, par sa négligence, à l’origine de la perte d’un marché ayant fait l’objet en octobre 2014 d’un appel d’offres par l’hôpital de Clermont-Ferrand, et demande qu’il soit condamné à lui payer, à titre de dommages et intérêts, une somme de 35 000 euros pour la préjudice résultant de la perte de ce contrat. À titre subsidiaire, et pour le cas où la cour admettrait néanmoins le principe d’un droit à indemnité pour M. X, la société mandante lui demande de réduire cette indemnité, au motif que son préjudice est bien moindre que ce qu’il prétend : l’activité « pied », que M. X a poursuivie pour la société INTEGRA, lui a permis de développer une activité de vente de produits pour le genou et la hanche, sous mandat de l’entreprise SMITH & NEPHEW.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 7 novembre 2018.

Il est renvoyé, pour l’exposé complet des demandes et observations des parties, à leurs dernières conclusions déposées en cause d’appel, le 17 octobre et le 7 novembre 2018.

Motifs de la décision :

Selon l’article L. 134-4 du code de commerce, les contrats intervenus entre les agents commerciaux

et leurs mandants sont conclus dans l’intérêt commun des parties. Les rapports entre l’agent

commercial et le mandant sont régis par une obligation de loyauté et un devoir réciproque

d’information. L’agent commercial doit exécuter son mandat en bon professionnel ; et le mandant

doit mettre l’agent commercial en mesure de remplir ses obligations.

M. X, dans une lettre de son avocat à la société INTEGRA le 2 juillet 2013, s’est plaint de trois

séries de faits auprès de cette société : 1°) des ruptures de stocks et un allongement des délais

d’approvisionnement, devenus chroniques depuis novembre 2012, et qui avaient provoqué la perte de

certains clients, une perte consécutive de commissions pour M. X, et une atteinte à son image de

marque ; 2°) un défaut d’information envers M. X, qui n’avait été avisé que tardivement et

partiellement des ruptures de stocks et de l’allongement des délais d’approvisionnement, ayant même

appris de clients l’arrêt de la fourniture de certains produits ; 3°) la mise à l’écart de M. X, qui

n’avait pas été convoqué une seule fois, pendant l’année 2012, aux réunions commerciales organisées

par la société INTEGRA. M. X demandait à cette société de remédier sans délai à cette situation,

qu’il estimait incompatible avec l’exercice de son mandat, faute de quoi il en tirerait toutes

conséquences.

Dans la seconde lettre de son avocat le 28 mars 2014, M. X a reproché à la société mandante

d’avoir persisté dans les manquements qu’il dénonçait le 2 juillet 2013, et lui a déclaré qu’il était

contraint de prendre acte de la rupture des contrats d’agent commercial qui les liaient, par le fait de

cette société.

La société INTEGRA, dans une lettre en réponse du 30 avril 2014, a contesté que M. X se soit

trouvé dans l’impossibilité d’exécuter normalement son mandat. Elle a donné les explications

suivantes, sur les reproches qu’il lui avait faits : les délais accrus de livraison et l’indisponibilité de

certains produits étaient résultés d’une réorganisation en profondeur de la société, ayant impliqué,

entre fin 2012 et mi-2013, une modification des procédures liées à la chaîne logistique ; la situation

s’était toutefois 'considérablement améliorée’ depuis septembre 2013, ne laissant subsister que des

indisponibilités ponctuelles. La société INTEGRA regrettait le manque de compréhension de M.

X face à ces difficultés, d’autant que, vu la part réduite des produits INTEGRA dans l’ensemble

du chiffre d’affaires de l’intéressé (constitué à 90 % de la vente de produits d’un autre fournisseur :

SMITH & NEPHEW), il ne démontrait pas que les problèmes d’approvisionnement en produits

INTEGRA aient mis son activité en difficulté. La société INTEGRA exposait ensuite, dans sa même

lettre du 30 avril 2014, que M. X avait bénéficié de rencontres avec le fondé de pouvoir de cette

société, environ une fois par trimestre dès lors qu’il en exprimait la souhait, pratique suivie depuis de

nombreuses années, et dont ne bénéficiaient pas ses homologues.

La société INTEGRA reconnaissait en revanche qu’elle ne conviait plus M. X à ses réunions

commerciales, mais précisait qu’elle lui apportait, en lieu et place de ces réunions collectives, « un

contact régulier au quotidien avec M. Y [directeur commercial] et un accès privilégié au

Management », ce qui assurait à l’agent commercial un niveau d’information équivalent à celui des

commerciaux de la société.

La société INTEGRA ajoutait, dans sa lettre de réponse du 30 avril 2014, que sa décision de ne plus

inviter M. X aux réunions collectives s’expliquait par l’attitude négative de l’intéressé, par son

opposition quasi systématique et ses propos dénigrants envers la société mandante, comportement

que celle-ci jugeait inacceptable, pour s’être manifesté lors de réunions auxquelles assistaient « de

jeunes commerciaux, […] dont la motivation ne doit pas être entachée ». La société INTEGRA

reprochait à l’agent commercial une baisse de chiffre d’affaires sur son secteur géographique ( – 30 %

entre le 1er semestre 2012 et le 1er semestre 2014), baisse qui, ajoutait-elle, ne pouvait être imputée

aux difficultés d’approvisionnement, puisque les commerciaux salariés qui exerçaient dans les autres

secteurs n’avaient pas connu de baisses similaires dans leurs résultats, alors qu’il rencontraient les

mêmes difficultés d’approvisionnement. La société mandante reprochait en outre à son mandataire

l’extrême faiblesse de son activité de prospection, illustrée par la stabilité du nombre de clients sur

son territoire, bien qu’il eût à sa disposition, depuis l’année 2010, un nouvel outil (la « base PMSI »)

destiné à favoriser la prospection, outil que M. X n’avait semble-t-il pas utilisé.

La société INTEGRA concluait sa lettre en déclarant à M. X qu’elle prenait acte de sa décision

unilatérale de rompre les mandats, sans reconnaître aucune responsabilité dans cette rupture,

puisqu’il lui apparaissait que le mandataire faisait montre, depuis un certain temps, d’un manque

d’intérêt et d’engagement dans l’exercice de son mandat.

En droit : selon l’article L. 134-13 du code de commerce, le mandataire n’a pas droit à l’indemnité

compensatrice de la rupture du mandat commercial, lorsque la cessation du mandat résulte de

l’initiative de l’agent, à moins, entre autres, qu’elle ne soit justifiée par des circonstances imputables

au mandant.

Les circonstances dans lesquelles les parties ont poursuivi l’exécution de leur mandat d’intérêt

commun, pendant les années précédent l’envoi de la lettre de rupture de M. X du 28 mars 2014,

peuvent être recherchées par l’examen notamment des messages qu’elles ont échangés, et des autres

pièces établies depuis octobre 2012, produites aux débats de part et d’autre. Ces pièces et leur

contenu peuvent être ainsi résumés :

— message de M. X à la société INTEGRA le 31 octobre 2012, pour se plaindre qu’il ne peut

honorer une commande pour une intervention prévue à Blois le 7 novembre 2012, qu’il existe des

ruptures de stocks sur différents produits, et que M. X demandait, «la situation devenant

critique », à être informé du nom des clients en rupture sur dépôt, des délais exacts de livraison sur

les ruptures, et des solutions de remplacement envisagées ;

— autre message, envoyé le 20 décembre 2012 par Mme A B au nom de M. X,

faisant état d’un retard de réapprovisionnement au centre hospitalier d’Amboise, et demandant avec

insistance quand seraient honorées des commandes qui dans certains établissements remontaient au

mois d’octobre ;

— message de la société INTEGRA à M. X le 28 décembre 2012 : « Hello Z / Ci-joint

le tableau que WANG JANE de PLAINSBORO nous adresse concernant les dates de réappro des

ruptures / Procède : tu ouvres le tableau sélectionné onglet en bas à gauche […] / Et tu ouvres la

caverne d’Ali Baba ! […] ». A ce message est joint un tableau, comportant des indications écrites

pour certaines en langue anglaise, portant sur des séries de référence (plus de 300), tableau qui

semble indiquer, pour une partie des références, des retards d’ampleur variable (ainsi à titre

d’exemple, pour les deux premières références du tableau : livraison le 25 décembre 2012 au lieu de

du 14 ; et le 1er février 2013, au lieu du 26 novembre 2012) ;

— au cours du mois de janvier 2013, et jusqu’au 13 février suivant, les deux parties échangent divers

messages, pour faire état de manquants ou de retards : messages de la société INTEGRA les 23, 28,

29 janvier et 8 février (« Je n’ai pas de dispo », «il n’y a pas de dispo avant mi-mars », « nous

subissons actuellement des difficultés pour fournir certains ancillaires » (instruments), «Je refuse

une pose […] pour le 20 février 2013. Je n’ai plus de dispo ») ; messages de M. X les 21 janvier,

8 et 13 février 2013 : « Je voudrais savoir si je vais être commissionné sur tous les refus de poses »,

« Je viens d’apprendre aujourd’hui que depuis le mois de septembre 2012 nous sommes toujours en

rupture sur les plaques TRAUMAX dans les deux cliniques de Tours […] Par conséquent la clinique

a pris du matériel à la concurrence », « Je suis très content de voir enfin les plaques arriver mais

malheureusement nous sommes maintenant en rupture de vis de 40 Surfix […] Je trouve cette

situation insupportable surtout que rien n’a évolué depuis un an, et que ce sont les clients qui nous

informent des ruptures » ;

— message de la société INTEGRA à M. X le 22 février 2013, indiquant à celui-ci «les BO sur

[son] secteur, avec les dates de réappro quand elles sont disponibles » ; le tableau joint vise 47

références, avec l’indication des quantités pour chacune d’elles, de l’établissement de soins concerné,

et, pour la plupart, de la date de réapprovisionnement, ces dates étant comprises entre le 8 mars et le

26 avril 2013 ;

— message de la société INTEGRA à M. X du 4 mars 2013, lui communiquant, ainsi qu’à

plusieurs autres personnes, « l’état des ruptures de stocks actuelles et les prochaines dates de

disponibilité pour la vente », afin que les destinataires puissent en informer leurs clients ;

— messages de M. X à la société INTEGRA le 8 mars 2013, faisant état des doléances d’une

pharmacie, « car nous sommes encore en rupture », et des plaintes d’une autre cliente, qui menaçait

de « passer à la concurrence » ;

— message de la société INTEGRA à M. X le 12 mars 2013, indiquant les « restes à livrer » sur

son secteur, et pour la plupart les dates de réapprovisionnement, échelonnées entre le 15 mars et le 3

juin suivants ;

— nouveaux messages de la société INTEGRA à M. X le 25 mars 2013, comportant de nouvelles

listes de « restes à livrer », avec des dates de réapprovisionnement pour la plupart d’entre elles ; lettre

de la même société le 28 mars 2013, pour faire état de diverses ruptures de stocks ;

— échange de messages entre les parties le 18 avril 2013 : M. X demande la date de livraison de

vis référencées 117028 S, qui devaient être fournies le 5 puis le 12 avril ; la société INTEGRA lui

répond que le prochain réapprovisionnement est prévu pour le 29 avril 2013 ;

— autre échange de messages les 23 et 24 avril 2013, concernant un défaut d’approvisionnement à la

clinique Saint-Gatien ;

— message de M. X à la société INTEGRA le 7 mai 2013 : l’agent commercial déplore

d’apprendre par ses clients l’arrêt (de la fourniture) des plaques humérales PIH de chez Surfix, et

souligne que, « même si nous avons une légère amélioration des ruptures nous continuons d’être en

rupture sur au moins un élément sur la majorité de nos clients » ;

— message de M. X à la société adverse le 23 mai 2013, lui rapportant les plaintes d’un médecin

sur les ruptures d’approvisionnement, et sur d’autres problèmes techniques, précisant que «le client

est très surpris de n’avoir reçu aucun courrier explicatif de l’entreprise », qu’il a donc sollicité un

autre fournisseur capable de le livrer en temps et en heure, dont il est très content, et qu’il s’agit de la

perte d’un important client. M. X conclut ainsi son message : « Je pense que nous allons

commencer à payer nos ruptures » ;

— nouveau message de doléances de M. X le 11 juin 2013, pour un défaut de livraison : « J’avais

besoin de plaque TITANE commandée le 30 mai 2013 pour intervention le 3 juin 2013. Comme

d’habitude impossibilité d’avoir les plaques. Le chirurgien a commandé les plaques chez SYNTHES.

Cordialement » ;

— lettre de la société INTEGRA le 1er juillet 2013, annonçant de nouvelles ruptures de stocks sur

cinq références de vis Surfix, pouvant être remplacées par d’autres modèles, « mais qui ne sont pas à

angle variable » ;

— échange de messages entre la société INTEGRA, Mme A B et d’autres personnes

courant août 2013, concernant l’inventaire du dépôt de la clinique La Pergola ; il ressort de cet

échange que la société INTEGRA a donné satisfaction aux demandes de son interlocuteur ;

— autres échanges de messages en septembre et en octobre 2013, qui tendent à établir l’efficacité des

réponses apportées par la société INTEGRA aux demandes qui lui sont faites ;

— message de la société INTEGRA au mandataire le 30 janvier 2014, pour l’informer d’une rupture

d’approvisionnement, concernant le CHU de Tours ; M. X lui répond le même jour : « J’ai

l’impression d’être pris en otage. As-tu un délai ' Merci » ;

— échange entre les deux parties le 4 février 2014 : la société INTEGRA confirme à M. X que le

CHU de Tours a reçu certains articles le jour précédent, et elle ajoute : «Ce sera tout jusqu’au 21

mars … hélas » ;

— le 4 février 2014, M. X, dans un message à la société INTEGRA, déclare son mécontentement

à la suite d’une nouvelle rupture de stocks (pour des plaques TRAUMAX), alors qu’il avait reçu

auparavant « la confirmation que le stock était bon », après de multiples ruptures courant 2012 et

début 2013 ; dans un autre message du même jour, M. X rapporte qu’il a dû annuler une

programmation à cause d’un délai de livraison, fixé fin février ;

— le 18 février 2014, M. X se plaint à nouveau que, alors qu’il avait pris des engagements, sur la

foi de l’assurance qui lui avait été donnée par son mandant pour une livraison le 17 février, il lui a été

annoncé en définitive une livraison pour la fin du mois de mars ;

— message de M. X à la société INTEGRA le 25 mars 2014, où il se déclare « très content de voir

enfin les plaques arriver », mais regrette qu’il y ait désormais rupture pour les vis de 40 Surfix, qu’il

ne sache toujours pas chez qui il manque des implants, sauf à interroger chacun des établissements,

et qu’il trouve cette situation insupportable, rien n’ayant évolué depuis un an, et les ruptures lui étant

signalées par les clients eux-mêmes ;

— message de M. X à la société INTEGRA le 26 mars 2014, pour se plaindre qu’il n’a « aucune

confirmation de la faisabilité » d’une intervention chirurgicale programmée le 1er avril suivant.

Il résulte de ces pièces que M. X a rencontré, dans l’exercice de son activité d’agent commercial

de la société INTEGRA, des retards d’approvisionnement répétés, pendant la période qui s’est

écoulée de la fin de l’année 2012 jusqu’au mois de juillet 2013, puis de nouveau pendant les mois de

janvier à mars 2014 : les doléances précises exprimées par l’agent commercial, non réfutées par la

société INTEGRA, et la reconnaissance faite par celle-ci, dans certaines de ses lettres ou messages

citées, ne laissent aucun doute sur la réalité, l’ampleur et la répétition de ces retards, qui parfois se

sont prolongés pour les mêmes commandes.

La société INTEGRA n’est pas fondée à se prévaloir de ce que M. X n’accomplissait qu’une part

minoritaire de son activité d’agent commercial sous les mandats qu’elle lui avait confié : quelle que

fût l’importance relative du volume d’affaires traité par M. X dans le cadre de ces mandats, au

regard de celui traité pour d’autres mandataires, la société INTEGRA n’en restait pas moins tenue aux

obligations créées par le mandat d’intérêt commun ; elle a manqué à ses obligations par les ruptures

ou retards d’approvisionnement dont elle s’est rendue l’auteur, et qui ont causé de sérieuses difficultés

à M. X, dans l’accomplissement de son mandat commercial. Et les nombreux messages échangés

entre les parties révèlent que l’absence de livraison à bonne date des produits prévus ne pouvait être

habituellement palliée par des produits de substitution : une telle possibilité n’est évoquée que de

manière exceptionnelle lors de ces échanges, et avec parfois des restrictions, telle que celle contenue

dans le message du 1er juillet 2013 ; M. X produit d’ailleurs une lettre du docteur E-F

VIGROUX, chirurgien au Pôle Santé République à Clermont-Ferrand, précisant le 16 mai 2018 que

les plaques tibiales type PTO, figurant dans la gamme INTEGRA, ne sont en aucun cas remplaçables

par les plaques POM ; ce praticien ajoute que les ruptures de stocks de plaques PTO ont provoqué de

forts préjudices dans l’organisation des programmes opératoires de son établissement.

Le fait, souligné par la société intimée, que les problèmes d’approvisionnement n’aient « quasiment

pas affecté » les vis BOLD, avec lesquelles M. X réalisait 80 % de son chiffre d’affaires, ne

retire pas leur importance à ceux qui ont affecté les autres articles ou produits.

Et la société INTEGRA, lors des échanges ci-avant rapportés, n’a pas non plus contredit les griefs

que lui a faits M. X, de n’être informé que par les clients de la fin de diffusion de certains

articles, de ne pas être informé de la nécessité de réapprovisionner certains clients (problèmes des

implants, signalé dans le message du 25 mars 2014), et de recevoir des promesses de livraisons qui

n’étaient pas tenues, après qu’il les ait transmises au client : ces carences répétées de la société

mandante, à fournir au mandataire des informations importantes, et à tenir les engagements pris,

apparaissent ainsi établies, et constituent elles aussi des fautes de la société INTEGRA.

La société INTEGRA ne saurait non plus s’exonérer de sa responsabilité en faisant état d’un manque

d’implication de M. X dans l’exercice de son mandat, qui aurait pré-existé à ses propres

manquements : cette société ne produit pas de document statistique, qui permettrait de comparer les

résultats de M. X pendant les années 2010 à 2014, à ceux des commerciaux qui ont exercé lors

des mêmes années dans d’autres secteurs du territoire français, dans le cadre d’un contrat de travail ;

M. X produit en revanche des tableaux de son chiffre d’affaires et des ses propres commissions,

qui révèlent une quasi stagnation entre les années 2010 et 2011 (- 1 % de commissions), une légère

baisse en 2012 ( – 3%, par rapport à 2011), et une diminution nettement marquée en 2013 : – 8 %.

Ces baisses de chiffres d’affaires et de commission sont intervenues à la période même des difficultés

d’approvisionnement susdites, et la société INTEGRA ne prétend pas que M. X en ait connu de

semblables, pendant les quelque dix années qui se sont écoulées depuis le début d’exercice de ses

mandats en cause, jusqu’à l’année 2011. Cette concomitance laisse apparaître que le fléchissement

des résultats de l’agent commercial est lié aux difficultés d’approvisionnement imputables à la société

INTEGRA : M. X produit d’ailleurs le message collectif d’un autre agent chargé de la diffusion

des produits INTEGRA (M. C D, de Stockholm), qui fait état lui aussi, en février

2014, des difficultés de même nature qu’il a rencontrées avec cette société.

La société INTEGRA ne rapporte d’ailleurs aucune preuve des fautes qu’elle reproche à M. X, et

notamment de son manque d’implication, avec l’absence de nouveaux clients : ce manque de

diligence de l’agent commercial, à le supposer avéré, ne serait d’ailleurs apparu qu’après qu’il a

lui-même rencontré, dans l’exercice de son mandat, les difficultés résultant des propres fautes de la

société mandante. Elle ne rapporte pas la preuve que la perte du marché du CHU de

Clermont-Ferrand soit imputable à des négligences de M. X ; celui-ci produit en revanche un

message de Mme G-H, pharmacien dans cet établissement, qui énonce que la

candidature de la société INTEGRA n’a pas été retenue pour certains lots, pour des motifs

techniques, et aussi en raison des nombreuses ruptures d’approvisionnement survenues en 2013 et en

2014 (pièce n° 59 produite par M. X).

Ces fautes de la société mandante ont causé à M. X un préjudice commercial indéniable, lié à la

perte de confiance, dans un domaine où la fiabilité des livraisons revêt une importance particulière

(comme énoncé dans les documents publicitaires que produit M. X, y compris ceux émanant de

la société INTEGRA, qui s’engageait à « limiter l’incertitude : […] en vous fournissant toujours nos

produits quand et où vous en avez besoin » : pièce n° 35 produite par M. X) ; cette perte de

confiance a affecté la réputation professionnelle de M. X dans l’ensemble de ses activités d’agent

commercial, y compris pour d’autres mandants, qui s’exerçaient dans des domaines similaires.

L’appelant a subi en outre une perte de chiffre d’affaires, donc de commissions.

Il en résulte que la rupture des mandats en cause, intervenue à l’initiative de M. X, était justifiée

par les fautes commises par la société INTEGRA ; il convient donc d’infirmer le jugement déféré, et

de faire droit, en son principe, à la demande d’indemnité compensatrice de rupture présentée par M.

X.

Cette indemnité, prévue à l’article L. 134-12 du code de commerce, est usuellement fixée à deux

années de commissions ; M. X demande une indemnité plus importante : trois ans de

commissions, au motif de la durée des mandats qu’il a exercés pour la société adverse ; cependant ni

cette durée, ni les autres circonstances de fait ne justifient que l’indemnité soit fixée au montant qu’il

demande.

Compte tenu du fait, non contesté par M. X, que les commissions qu’il percevait en exécution

des mandats en cause étaient beaucoup moins élevées que celles que lui procurait l’exercice d’un

autre mandat, qui lui était confié par une tierce entreprise, il convient de fixer l’indemnité

compensatrice à 18 mois de commissions. Il sera fait droit à la demande dans cette limite, soit, sur la

base des commissions hors taxe perçues pendant les années 2011 et 2012 (l’année 2013 étant exclue,

en raison de la baisse des résultats en 2013 provoquée par les manquements de la société

INTEGRA), une somme de (83 228 + 86 239) x (18 / 24) = 127 100,25 euros, somme arrondie à 127

100 euros.

M. X est encore bien fondé dans le principe de sa demande de dommages et intérêts, pour le

préjudice que lui a causé la société mandante par ses fautes, et en particulier le préjudice

commercial, résulté de la perte de confiance qu’il a subie auprès des établissements et des

professionnels de santé auprès desquels il exerçait ses mandats. Au vu des circonstances de la cause,

ce préjudice sera exactement réparé par l’allocation d’une somme de 5 000 euros.

M. X demande en outre une indemnité de préavis, sur le fondement de l’article L. 134-11 du

code de commerce ; cependant, et comme le fait valoir la société INTEGRA, M. X, ayant

lui-même pris l’initiative de notifier à la société mandante la fin de leurs relations, était tenu

d’exécuter le préavis de trois mois prévu par cet article, sauf à rapporter la preuve d’une faute grave

de la société INTEGRA, ou d’un cas de force majeure. Les fautes de la société INTEGRA, si elles

constituaient un motif de rupture pour l’agent commercial, ne présentaient pas le caractère de fautes

graves, qui auraient rendu impossible l’exécution du mandat pendant le préavis ; et M. X ne fait

état d’aucun cas de force majeure, de sorte que sa demande de ce chef sera rejetée.

La demande de dommages et intérêts formée par la société INTEGRA sera elle aussi rejetée, dès lors

qu’aucune faute n’est établie à l’encontre de M. X, et notamment pas lors de la perte du marché

du CHU de Clermont-Ferrand, comme déjà énoncé.

PAR CES MOTIFS :

La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, mis à la disposition des parties au greffe ;

Infirme le jugement déféré ;

Condamne la SAS INTEGRA LIFESCIENCES SERVICES France à payer à M. Z X une somme de 127 100 euros au titre d’indemnité compensatrice de rupture, une somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts, et une somme de 1 500 en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Rejette le surplus des demandes ;

Condamne la SAS INTEGRA LIFESCIENCES SERVICES France aux dépens de première instance et d’appel.

Le Greffier, Le Président,

[…]

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Textes cités dans la décision

  1. Code de commerce
  2. Code de procédure civile
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Cour d'appel de Riom, Chambre commerciale, 19 décembre 2018, n° 17/00480