Cour d'appel de Rouen, Chambre civile 02, 26 juin 1997

  • Commercialisation et ecoulement du stock par cette société·
  • Article 9 et article 146 nouveau code de procédure civile·
  • Desorganisation du reseau de fabrication et distribution·
  • Responsabilité contractuelle du licencie et du concedant·
  • Desorganisation du reseau de distribution du licencie·
  • Article l 713-4 code de la propriété intellectuelle·
  • Alteration ou modification ulterieure des produits·
  • Pertes et manque a gagner imputables au concedant·
  • Cession du stock pour ecoulement a une société·
  • Dommages intérêts, fixation a un montant egal

Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

Apposition des marques et mise dans le commerce des produits anterieurement a la resiliation du contrat

annonce publique de la conclusion d’un nouveau contrat de licence avec une societe tiers anterieurement a la resiliation du contrat

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Sur la décision

Référence :
CA Rouen, ch. civ. 02, 26 juin 1997
Juridiction : Cour d'appel de Rouen
Domaine propriété intellectuelle : MARQUE
Marques : YVES SAINT LAURENT COUTURE;YSL
Référence INPI : M19970439
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Texte intégral

FAITS ET PROCEDURE Au mois d’avril 1984, la société YVES SAINT LAURENT SA, aux droits de laquelle se trouve aujourd’hui la société YVES SAINT LAURENT COUTURE, a consenti à la société PRESTIGE OPTIQUE une licence exclusive d’exploitation de ses marques « YVES SAINT LAURENT COUTURE » et « YSL » pour la fabrication et la commercialisation de montures de lunettes sur le territoire de 17 Etats européens. A cette occasion, les parties sont notamment convenues :

- du montant de la redevance stipulée au profit du concédant En contrepartie de l’utilisation des marques couvertes par la licence, le licencié versera à YVES SAINT LAURENT SA une redevance de 10% sur le montant total hors taxes des ventes directes et indirectes des articles … payable annuellement. Le licencié règlera en tout état de cause … à titre de redevances minima garanties les sommes suivantes : … ler janvier 1990 – 31 décembre 1990 : FF 1 200 000 … Le règlement de ces minima garantis sera effectué par le licencié trimestriellement et d’avance … (art 9).

- de la durée de la concession : Les présentes conventions sont prévues pour une durée qui commencera le 1er janvier 1985 et expirera le 31 décembre 1990. A cette date, elles seront automatiquement renouvelées pour une période de 5 années, sauf résiliation avant le 30 juin 1990 … (art 11)
- des modalités d’écoulement du stock en fin de contrat : Lors de l’expiration du présent contrat, pour quelque cause que ce soit, le licencié s’engage à cesser immédiatement la fabrication et la vente des articles couverts par la licence, à la seule exception de ceux faisant l’objet de commandes antérieures et qu’il conservera le droit de livrer pendant une période qui ne saurait excéder six mois à compter de la date de résiliation du présent contrat. Toutes les ventes réalisées pendant cette période de six mais seront soumises à l’autorisation préalable d’YVES SAINT LAURENT et au paiement de la redevance, tel que prévu à l’article 9. A cet effet, un état certifié du stock à la date de résiliation du contrat devra être adressé par le licencié à YVES SAINT LAURENT au plus tard 30 jours après la date d’effet de résiliation (art. 13). Le 12 mars 1990, soit plus de six mois avant l’expiration de la première période de cinq ans, contractuellement prévue, la société YVES SAINT LAURENT COUTURE a

informé sa licenciée de sa décision de mettre fin au contrat à compter du 31 décembre 1990. Cette décision faisait suite à la conclusion, le 12 février 1990, d’un nouveau contrat de licence exclusive avec la société de droit italien LUXOTTICA, avec effet stipulé au 1er janvier 1991. Informée, deux ans après, de la commercialisation de lunettes revêtues de ses marques, mais non fabriquées par la société LUXOTTICA, la société YVES SAINT LAURENT COUTURE a fait procéder à des saisies-contrefaçon, au mois de janvier 1993 dans deux magasins parisiens, au mois de juillet suivant dans les locaux de la société PRESTIGE OPTIQUE et, au mois de septembre, dans ceux de la SOCIETE TECHNIQUE DE LUNETTERIE ayant son siège à la même adresse que la précédente. L’huissier instrumentaire s’est vu notamment préciser que :

- la société PRESTIGE OPTIQUE avait cessé toute fabrication des lunettes litigieuses au 31 décembre 1990, après avoir cédé son stock à ses distributeurs et, pour la FRANCE, à la SOCIETE TECHNIQUE DE LUNETTERIE ;

- la SOCIETE TECHNIQUE DE LUNETTERIE avait elle-même entrepris de l’écouler, plus particulièrement dans les premiers mois de l’année 1991 afin notamment de satisfaire des commandes antérieures, puis avait cédé le stock résiduel à une société dite ATWOOD RICHARDS, à la fin de cette même année. L’huissier a pu prendre copie de pièces afférentes à ces opérations : facture de 1 644 116, 22 francs établie le 28 décembre 1990 au nom de la SOCIETE TECHNIQUE DE LUNETTERIE (soit : 5 596 montures métal ; 9 530 montures plastique) ; contrat intervenu entre cette dernière et la société ATWOODS RICHARD le 16 décembre 1992. En suite de ces mesures, la société YVES SAINT LAURENT COUTURE a fait assigner :

- la société PRESTIGE OPTIQUE et la SOCIETE TECHNIQUE DE LUNETTERIE en paiement d’une somme de 2 000 000 francs à titre de dommages-intérêts pour contrefaçon, outre le coût de cinq insertions, dans la presse, de la décision à intervenir ;

- puis, après l’ouverture à leur égard d’une procédure de redressement judiciaire, la SCP GUERIN DIESBECQ et Me L pris en leur qualité respective de représentant des créanciers et d’administrateur judiciaire. En cours de procédure, la société YVES SAINT LAURENT COUTURE a ajouté que la cession du stock n’avait eu d’autre but que de tourner les stipulations contractuelles relatives à son écoulement.

La société PRESTIGE OPTIQUE a formé une demande reconventionnelle en dommages- intérêts, du chef du préjudice que lui aurait causé la conclusion prématurée du nouveau contrat de licence consenti à la société LUXOTTICA et surtout de son annonce dès le début de l’année 1990. C’est en cet état que, par jugement du 25 mai 1995, le Tribunal de Grande Instance d’EVREUX a :

- notamment retenu : Sur la responsabilité des sociétés défenderesses … La société PRESTIGE OPTIQUE qui bénéficiait d’une licence d’exploitation de la marque jusqu’au 31 décembre 1990, n’en a … pas fait usage de manière illicite et les faits invoqués ne sont en conséquence pas constitutifs de contrefaçon … La vente à la SOCIETE TECHNIQUE DE LUNETTERIE, société appartenant au même groupe que la société PRESTIGE OPTIQUE, deux jours avant l’expiration du contrat, ne peut avoir eu d’autres intérêts financiers que celui d’échapper aux dispositions contractuelles réglementant les ventes après l’expiration du contrat alors qu’il est bien démontré que la société PRESTIGE OPTIQUE a eu connaissance du non renouvellement du contrat suffisamment à l’avance pour réaliser les ventes du stock en cours. Le préjudice financier subi par la société PRESTIGE OPTIQUE du fait du non renouvellement de la licence d’exploitation de la marque ne l’autorisait pas à abuser du droit conféré par le contrat liant les parties. La SOCIETE TECHNIQUE DE LUNETTERIE, quant à elle, qui a une personnalité juridique distincte, et qui ne disposait d’aucun droit conféré par le contrat n’a pas en conséquence commis d’abus de droit, et sa responsabilité ne peut pas être engagée de ce chef. Il résulte par ailleurs de l’article L 713-4 du code de la propriété intellectuelle que « le droit conféré par la marque ne permet pas à son titulaire d’interdire l’usage de celle-ci pour des produits qui ont été mis dans le commerce dans la Communauté Européenne sous cette marque par le titulaire ou avec son consentement » Ainsi la SOCIETE TECHNIQUE DE LUNETTERIE qui a revendu des produits marqués authentiquement et légitimement acquis pouvait librement se livrer à toute activité commerciale sans que la contrefaçon puisse être retenue à son égard … La responsabilité de la Société PRESTIGE OPTIQUE ne peut ainsi être retenue qu’au titre de l’abus de droit, la SOCIETE TECHNIQUE DE LUNETTERIE étant, quant à elle mise hors de cause. Sur le préjudice :

La cession opérée par la société PRESTIGE OPTIQUE s’élève à la somme de 1 644 166, 22 francs. La société YVES SAINT LAURENT … invoque la redevance de 10%, qu’elle n’a pas perçue sur la vente en soulignant le prix particulièrement bas auquel la cession est intervenue. Elle produit des factures établies dans des boutiques parisiennes, desquelles il convient de retenir que compte tenu du prix de gros pratiqué, le moins perçu s’élève à la somme de 693 527, 10 francs. Elle sollicite encore une indemnisation à raison des conséquences préjudiciables que les actes incriminés lui ont causées par une véritable désorganisation du réseau de distribut

DECISION Sur le droit des marques Attendu que « la marque de fabrique de commerce ou de service est un signe … servant à distinguer les produits ou services d’une personne physique au morale » (art. L 711-1 du Code de la Propriété Intellectuelle) ; Que les prérogatives, légalement reconnues au titulaire d’une marque, sont à la mesure de cette fonction et de l’importance des enjeux qui s’y attachent, tout particulièrement dans une économie de marché ; Que le Code précité pose notamment pour principe que : L’enregistrement de la marque confère à son titulaire un droit de propriété sur cette marque pour les produits qu’il a désignés (art L 713-1) ; …………… Sont interdits, sauf autorisation du propriétaire : a) la reproduction, l’usage ou l’apposition d’une marque … pour des produits ou services identiques à ceux désignés dans l’enregistrement … (art 713-2) ; …………… L’atteinte portée au droit du propriétaire de la marque constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur. Constitue une atteinte aux droits de la marque la violation des interdictions prévues aux articles L 713-2, L 713-3 et L. 713-4 (art L 716-1) ; …………… Les droits attachés à une marque sont transmissibles en totalité ou en partie. Les droits conférés par … la marque peuvent être invoqués à l’encontre d’un licencié qui enfreint une des limites de sa licence … (art L 714-1)

Attendu toutefois que ces prérogatives – et plus particulièrement celles portant sur l’usage pouvant être fait de la marque – sont désormais assorties d’une importante limite procédant du souci de faire obstacle à toute dérogation au régime applicable à la circulation des produits et services au sein de l’Espace Economique Européen, qui serait abandonnée à la discrétion du titulaire ; Que ce dernier ne peut plus exciper de sa qualité et des droits spécifiques y attachés – comme parfois admis sous l’empire du droit antérieur, dont procède largement l’argumentation que la société YVES SAINT LAURENT COUTURE développe devant la Cour – pour prétendre contrôler la circulation de produits et services déjà mis dans le commerce avec son accord, sauf faits nouveaux étroitement circonscrits ; Qu’en effet, la loi du 4 janvier 1991 a expressément étendu, au commerce interne à l’hexagone, la règle dite de « l’épuisement du droit » et posé pour principe que : Le droit conféré par la marque ne permet pas à son titulaire d’interdire l’usage de celle-ci pour des produits qui ont été mis dans le commerce dans la Communauté économique européenne ou l’Espace économique européen sous cette marque par le titulaire ou avec son consentement. Toutefois, faculté reste alors ouverte au propriétaire de s’opposer à tout nouvel acte de commercialisation s’il justifie de motifs légitimes, tenant notamment à la modification du produit ou à l’altération, ultérieurement intervenue, de l’état des produits (disposition aujourd’hui reprise à l’article L 713-4 du Code de la Propriété Intellectuelle) ; Sur la contrefaçon alléguée Attendu qu’il ressort des explications des parties et des pièces du dossier qu’en l’espèce, la société PRESTIGE OPTIQUE – alors licencié exclusif de la société YVES SAINT LAURENT COUTURE, notamment pour plusieurs pays d’EUROPE – a régulièrement apposé les marques litigieuses (« YVES SAINT LAURENT » et « Y.S.L. ») sur les articles de lunetterie qu’elle a fabriqués ; Que ces articles – qui n’appelaient aucun contrôle ou autre intervention préalable de la part de la concédante – se sont trouvés non moins régulièrement disponibles et offerts à la vente sur le territoire français ; Que, notamment, l’apposition des marques et la mise en vente sont intervenues alors que la licence exclusive était toujours en vigueur ; qu’elles ont porté sur des articles fabriqués en conformité aux stipulations du contrat et n’ayant postérieurement subi aucune modification ou altération ; Attendu que – sauf motif légitime notamment lié à une telle altération ou modification qui n’est ici, ni établie, ni même alléguée – la société YVES SAINT LAURENT COUTURE ne saurait exciper de son droit de marque pour contester les conditions, de pure stratégie

commerciale, dans lesquelles les articles ont été vendus, après avoir été ainsi mis dans le commerce avec son autorisation ; Que c’est donc par une exacte appréciation des faits de la cause et des droits des parties que les premiers juges – dont la décision sera sur ce point confirmée – ont écarté la contrefaçon du chef :

- tant de la cession de l’intégralité de son stock, incluant les articles litigieux, à laquelle la société PRESTIGE OPTIQUE a consenti deux jours avant la fin du contrat de licence, au profit d’une autre société du groupe auquel elle appartenait : la SOCIETE TECHNIQUE DE LUNETTERIE ;

- que de la commercialisation de ces mêmes articles effectuée par cette dernière tout au long de l’année qui a suivi, avant qu’elle n’abandonne le stock résiduel aux mains d’un soldeur professionnel ; Que cette circonstance ne prive cependant pas la société YVES SAINT LAURENT COUTURE de la faculté de rechercher les intéressées sur le terrain du droit commun de la responsabilité, contractuelle en ce qui concerne la société PRESTIGE OPTIQUE, délictuelle en ce qui concerne la SOCIETE TECHNIQUE DE LUNETTERIE ; Sur les fautes à la charge du licencié Attendu que lors de la conclusion du contrat de licence – dont aucune stipulation n’est contestée, nonobstant les pouvoirs largement discrétionnaires que se réservait le concédant – les parties sont notamment convenues : Le licencié s’engage à faire le nécessaire pour maintenir par tous moyens le prestige attaché aux marques couvertes par la licence … Il est … expressément stipulé que les lieux d’exposition et de vente où les produits seront proposés au public devront avoir le caractère de « commerce de luxe ». A cette fin, le licencié s’engage à adresser, dans les quinze jours suivant l’expiration de chaque trimestre civil la liste complète et détaillée de tous ses points de vente à YVES SAINT LAURENT S.A. Il s’engage irrévocablement à arrêter la diffusion des articles sous licence aux points de vente qu’YVES SAINT LAURENT lui notifierait … ne pas correspondre aux critères définis aux alinéas précédents … Le licencié s’interdit de solder, soit directement, soit indirectement, tous les articles portant les marques couvertes par la licence … (art 2) ; Attendu que, d’évidence, la société PRESTIGE OPTIQUE a manqué à ses obligations et engagé sa responsabilité contractuelle à l’égard du concédant, en :

— cédant son stock à la SOCIETE TECHNIQUE DE LUNETTERIE afin qu’elle en assure l’écoulement, alors que le recours à un intermédiaire ne pouvait manifestement s’effectuer que dans le cadre d’une concession commerciale imposant à ce dernier des obligations destinées à permettre au licencié de respecter ses propres engagements pris à l’égard du concédant ; or, une telle « concession » était contractuellement subordonnée à « l’accord préalable et écrit du concédant » (art 15) ;

- calculant les redevances versées à ce dernier sur le « prix coûtant » auquel elle a unilatéralement décidé de céder le stock, là où les parties étaient convenues de redevances calculées « sur le montant total hors taxes des ventes directes et indirectes » (art 9), aucune acceptation, ni de l’opération, ni de la modification d’assiette des redevances, ne pouvant s’inférer de l’envoi au concédant d’un décompte révélant, sans autre précision, l’absence de stock en fin de contrat ;

- permettant l’écoulement dudit stock au delà de la période de six mois et en violation des autres restrictions contractuellement prévues : exécution, pendant cette même période, des seules commandes antérieures ; suppression, après son expiration, de "toute identification tenant aux ma

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