Cour d'appel de Rouen, Chambre correctionnelle, 6 septembre 2006, n° 06/00104

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Rouen, ch. corr., 6 sept. 2006, n° 06/00104
Juridiction : Cour d'appel de Rouen
Numéro(s) : 06/00104
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Bernay, 18 octobre 2005

Sur les parties

Texte intégral

DOSSIER N° 06/00104 N°

ARRÊT DU 6 SEPTEMBRE 2006

COUR D’APPEL DE ROUEN

CHAMBRE CORRECTIONNELLE

Sur appel d’un jugement du Tribunal de Grande Instance de BERNAY du 19 Octobre 2005, la cause a été appelée à l’audience publique du mercredi 07 juin 2006,

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats et du délibéré :

Président : Monsieur CATENOIX,

Conseillers : Monsieur X,

Madame O-P,

Lors des débats :

Le Ministère Public étant représenté par Monsieur Le Substitut Général VIOLET

Le Greffier étant : Monsieur R,

PARTIES EN CAUSE DEVANT LA COUR :

Le Procureur de la République près du Tribunal de Grande Instance de BERNAY

Appelant

ET

Y B

né le XXX à XXX

Fils de Y Emile et de MATHET Yvonne

De nationalité française

Divorcé

Sans profession

XXX

Prévenu, appelant, libre

présent assisté de Maître AKABA Ahmed, avocat au barreau de ROUEN

(Commis d’office)

CONTRADICTOIRE

G C épouse Y

née le XXX à XXX

Fille de G H et de I J

De nationalité française

Divorcée

ayant élu domicile chez Maître K Z – 7 passage XXX

Prévenue, appelante, libre

absente représentée par Maître Z K, avocat au barreau de PARIS, non muni d’un pouvoir de représentation et qui demande à être entendu

CONTRADICTOIRE

A SIGNIFIER

ET

COFIDIS

XXX

Partie civile, intimée

absente, représentée par Maître BALI Nadia, avocat au barreau d’EVREUX

CONTRADICTOIRE

L M

XXX

Partie civile, appelante

absente, représentée par Maître BENHAJI Nadia, avocat au barreau du VAL d’OISE, substituant Maître GAYRAUD , avocat au barreau du VAL d’OISE

CONTRADICTOIRE

EN CAUSE

MONSIEUR LE PROCUREUR GENERAL

Maître BALI et Maître BENHAJI ont déposé des conclusions, lesquelles datées et contresignées par le greffier ont été visées par le Président puis jointes au dossier.

DÉROULEMENT DES DÉBATS :

Madame le Conseiller O-P a été entendue en son rapport après avoir constaté l’identité du prévenu Y B

Le prévenu Y B a été interrogé par le Président et a présenté ses moyens de défense, exposant les raisons de son appel

Maître Z pour C G épouse Y a été invité par la Cour à s’expliquer sur une requalification des faits poursuivis sous la qualification de recel de biens obtenus à l’aide d’escroqueries en escroqueries,

Maître BALI a plaidé pour COFIDIS,

Maître BENHAJI a plaidé pour L M,

Monsieur Le Substitut Général VIOLET a pris ses réquisitions,

Maître Z a été entendu en ses observations pour C G épouse Y

Maître AKABA a plaidé pour Y B,

Maître Z pour C G épouse Y et Y B ont eu la parole en dernier,

Puis la Cour a mis l’affaire en délibéré et le Président a déclaré que l’arrêt serait rendu le 6 SEPTEMBRE 2006.

Et ce jour 6 SEPTEMBRE 2006:

Les prévenus et les parties civiles étant absents, Monsieur le Président CATENOIX a, à l’audience publique, donné seul lecture de l’arrêt en application des dispositions des articles 485 dernier alinéa et 512 du Code de Procédure Pénale en présence du Ministère Public et de Monsieur Q R, Greffier.

RAPPEL DE LA PROCÉDURE

Prévention

Par ordonnance en date du 13 juillet 2004 du juge d’instruction du Tribunal de Grande Instance de BERNAY, C G épouse Y et B Y ont été renvoyés devant le Tribunal correctionnel de BERNAY.

Ils étaient prévenus d’avoir à D, A et la TOUR D’AUVERGNE, courant 1996 à 1998,

— sciemment recélé divers objets mobiliers et sommes d’argent qu’ils savaient provenir de délits d’escroqueries, en l’espèce un prêt personnel Cofidis d’un montant de 10 000 francs et un découvert en compte quatre étoiles ayant permis l’acquisition de divers objets, notamment des vêtements, des articles ménagers, des jeux, pour un montant de 64 150, 87 francs au préjudice de M L,

— sciemment recélé divers objets mobiliers qu’ils savaient provenir de délits d’escroqueries, en l’espèce un numéro de carte France Télécom et son code secret ayant permis l’ouverture et l’utilisation d’une ligne France Télécom pour la somme de 20 000 francs au préjudice de M L,

infraction prévue et réprimée par les articles 312-1, 312-3, 312-4, 321-9 et 312-10 du code pénal.

Jugement

Par jugement contradictoire en date du 19 octobre 2005, le Tribunal correctionnel de BERNAY a

sur l’action publique

— déclaré B et C Y coupables des faits reprochés,

— condamné B et C Y à la peine de 10 mois d’emprisonnement avec sursis assorti d’une mise à l’épreuve de deux ans comprenant l’obligation d’indemniser les victimes,

sur l’action civile

— reçu M L et la société Cofidis en leurs constitutions de partie civile,

— déclaré B et C Y entièrement responsables du préjudice subi par celles-ci,

— condamné solidairement B et C Y à payer à M L la somme de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts et à la société Cofidis celle de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts.

Appels

Par déclarations en date du 27 octobre 2005, les avocats des prévenus ont interjeté appel principal des dispositions pénales et civiles de ce jugement et le Ministère Public appel incident des dispositions pénales à l’encontre de chacun. L’avocat de M L a formé appel incident des dispositions civiles le 2 novembre 2005.

DÉCISION

Rendue après en avoir délibéré conformément à la loi.

En la forme

Au vu des énonciations qui précèdent et des pièces de la procédure, les appels interjetés par les prévenus, le Ministère Public et la partie civile dans les formes et délais des articles 498 et suivants du code de procédure pénale sont réguliers et recevables.

B Y a été cité par exploit délivré le 23 février 2006 à sa personne. Il est présent et assisté. Il sera donc statué contradictoirement à son égard.

C Y a été citée par exploit délivré le 6 mars 2006 à sa personne. Elle est absente et représentée par un avocat non muni d’un pouvoir. Il sera donc statué contradictoirement, l’arrêt devant être signifié à C Y.

M L et la société Cofidis sont représentées par leur avocat respectif. La décision sera donc contradictoire à leur encontre.

Au fond

Après une plainte effectuée à la gendarmerie de son domicile le 5 janvier 1999 pour usurpation d’identité par une personne inconnue, M L déposait plainte avec constitution de partie civile le 14 octobre 1999 auprès du doyen des juges d’instruction du Tribunal de Grande Instance de BERNAY à l’encontre de C et B Y. Elle indiquait avoir fait la connaissance de C Y à la fin de l’année 1994 ou au début de l’année 1995 dans le cadre de son activité professionnelle de commerciale en réceptionnant au téléphone des commandes de cette cliente habituelle avec laquelle elle avait sympathisé et que C Y lui avait parlé des dons de médium de son mari. M L expliquait que, connaissant des problèmes professionnels et sentimentaux, elle avait alors fait appel aux services de B Y et était devenue une proche du couple.

Elle indiquait qu’en 1995 ou 1996, ayant évoqué une tentative de suicide de sa fille aînée, C Y l’avait appelée et elle s’était ensuite rendue au domicile du couple situé à D, que C Y avait profité de la situation pour solliciter d’elle un prêt de 10 000 francs afin de permettre de déménager et s’installer en Bretagne à E, que C Y avait pris l’engagement verbal sur l’honneur de rembourser le prêt et que, dans ces conditions mise en confiance par ce couple vivant dans une demeure bourgeoise, elle avait sollicité auprès de la société Cofidis par souscription d’une offre Libravou en date du 26 juillet 1996 un prêt d’un montant de 10 000 francs qu’elle avait reversé immédiatement à C Y par mandat.

M L précisait qu’elle avait découvert en 1997 des prélèvements indus sur son compte bancaire pour des commandes à la Redoute qu’elle n’avait jamais passées et qui avaient été systématiquement livrées au domicile de la famille Y ou des contrats qu’elle n’avait pas souscrits, que C Y lui avait prédit toute sorte de malheurs du fait des pouvoirs surnaturels de son mari si elle parlait à quiconque de ces difficultés de sorte qu’elle s’était tue jusqu’à ce que la fréquence des commandes et leur montant l’amène à menacer de porter plainte à défaut de cesser ces agissements.

M L remettait copie d’un courrier adressé à sa banque, le Crédit Lyonnais, le 3 janvier 1998 aux termes duquel C Y s’était fait passer pour elle afin de demander d’abord par téléphone puis par écrit de suspendre les prélèvements en faveur de la société Cofidis sur son compte. Elle ajoutait que, par lettres recommandées en date du 26 novembre 1998, la société lui avait demandé le règlement du solde de trois contrats:

—  23 846,89 francs pour le contrat 301 711 169 246 34 ( formule Libravou initialement souscrite le 26 juillet 1996 par M L mais modifiée par un second virement de 10 000 francs consenti sur appel téléphonique le 9 juin 1997)

—  9 242,65 francs pour le contrat 301 801 017 874 78 ( demande de prêt personnel d’un montant de 10 000 francs souscrite le 11 décembre 1996)

—  64 151,87 francs pour le contrat 301 407 845 366 27 (ouverture de découvert en compte avec carte 4 étoiles souscrite le 4 novembre 1996 pour financer des achats par correspondance, compte renouvelable utilisable par fractions)

Sur sa demande, M L avait obtenu de la société Cofidis copies des contrats en cause et le relevé des commandes toujours livrées aux domiciles successifs de la famille Y. Elle constatait que grâce aux renseignements mentionnés dans le premier contrat souscrit par ses soins, C Y avait pu conserver les renseignements d’identité nécessaires ainsi que ses coordonnées professionnelles et bancaires pour les indiquer avec plus ou moins d’exactitude sur d’autres offres de crédit. Elle imputait à C Y les demandes de crédits et commandes dont la famille Y avait profité et fixait à près de 120 000 francs la somme qu’elle avait été amenée à rembourser à ce titre.

M L précisait enfin qu’à la fin de l’année 1996, C Y l’avait sollicitée pour qu’elle lui communique son numéro de carte France Télécom ainsi que son code secret et en avait profité pour faire ouvrir pendant quelques mois, à son nom et à son insu, une ligne auprès de l’opérateur téléphonique France Télécom pour laquelle il lui avait été réclamé une somme 20 000 francs qu’elle avait dû payer. Elle produisait la liste partielle obtenue de France-Télécom faisant état des numéros appelés par la carte à son nom entre le 19 novembre 1996 et le 23 décembre 1996, essentiellement dans le Finistère et secondairement l’Eure à une période où la famille Y avait déménagé de l’Eure pour s’installer à LANDENA dans le Finistère alors que M L demeurait à SARCELLES chez sa mère.

Le 28 mai 2002, le Procureur de la République délivrait un réquisitoire introductif du chef d’escroqueries à l’encontre des époux Y.

Au cours de l’instruction, C Y reconnaissait avoir emprunté la somme de 10 000 francs auprès de M L pour financer un déménagement alors qu’ils étaient eux-même en redressement judiciaire civil mais réfutait toute implication dans les faits reprochés, soulignait que seul son époux s’occupait des questions d’argent, que les communications téléphoniques onéreuses étaient liées à l’activité de son mari et que M L avait une relation privilégiée avec lui puisqu’elle lui avait demandé de l’adopter comme le démontraient des courriers produits et imputait enfin les commandes réalisées auprès de la Société la Redoute avec la carte 4 étoiles à sa fille F.

Par de nombreux courriers adressés au juge d’instruction, l’avocat précédent de C Y faisait valoir que celle-ci était en fait victime des manoeuvres de son mari dans la présente procédure mais également, avec ses filles, de faits de violence de la part de celui-ci. Il évoquait une complicité de M L avec B Y au détriment de sa cliente.

Devant le juge d’instruction, B Y , admettait être redevable de l’emprunt de 10 000 francs contracté auprès de M L aux fins de faciliter le déménagement. Il excluait toute intention frauduleuse de sa part et attribuait la réalisation de l’ensemble des méfaits à son épouse et à sa fille F, reconnaissant l’écriture figurant sur les contrats de prêt comme étant celle de son épouse ou de sa fille.

Lors de la confrontation du 9 décembre 2003, F Y reconnaissait avoir demandé à M L de lui financer un ordinateur mais niait être l’auteur des falsifications. M L contestait formellement ces explications, considérant que C Y qui évoquait régulièrement ses difficultés financières l’avait manipulée en jouant des problèmes de la famille pour obtenir des fonds, que son époux en était informé et qu’ils avaient bénéficié tous les deux des remises de fonds, commandes ou prestations téléphoniques.

L’instruction permettait de mettre en évidence l’achat de nombreux articles grâce aux prêts souscrits au nom de M L et expédiés aux différentes adresses des époux Y. Il s’agissait d’articles tant féminins que masculins ou destinés à la maison. Un spécimen d’écriture de C Y était joint à la procédure.

Sur réquisitoire définitif conforme, les époux Y étaient renvoyés devant le Tribunal du chef de recel de biens obtenus à l’aide d’une escroquerie.

Devant la Cour et par l’intermédiaire de son avocat, C Y reconnaît finalement être la rédactrice du contrat en date du 11 décembre 1996 et de la demande de carte 4 étoiles, documents qu’elle dit avoir établis sous la contrainte de son ex-époux. Elle justifie d’une information ouverte contre X au Tribunal de Grande Instance de CLERMONT-FERRAND pour viols et agressions sexuelles sur ses filles F et N Y entre 1990 et 2002 et pour viol avec usage ou menace d’une arme à son préjudice mettant en cause B Y. Elle argue enfin d’une autre procédure à l’encontre de son mari pour tentative d’homicide de leur fille F le 6 décembre 1995, passée jusqu’alors comme une tentative de suicide de la jeune fille.

A l’audience, B Y admet avoir su que les commandes reçues provenaient des contrats falsifiés et motive son appel, non par la peine qu’il dit considérer juste, mais par le montant des sommes réclamées, précisant qu’il s’efforcera de rembourser ce qui sera mis à sa charge.

Dans ses conclusions développées à l’audience par son conseil, M L sollicite la condamnation solidaire de B Y et C Y née G à lui verser la somme suivantes :

* Contrat 301 801 017 874 75 avec intérêts………1.524,49 euros

* Contrat France Télécom………………………………3.048,98 euros

* Contrat 301 407 845 366 27…………………………9.779,89 euros

* Contrat 301 711 169 246 34…………………………..3.048,98 euros

* Préjudice moral…………………………………………..15.000,00 euros

* Article 475-1 du Code de Procédure Pénale…….7.500,00 euros

à titre subsidiaire, elle demande la confirmation du montant des condamnations mises à la charge des prévenus et leur condamnation aux dépens.

Par voie de conclusions détaillées oralement par son avocat,la Société COFIDIS, partie civile demande la confirmation du jugement et la condamnation de C Y à lui payer la somme de 1000 euros sur le fondement de l’article 475-1 du Code de Procédure Pénale.

Le Ministère Public requiert la requalification des faits en escroquerie et sa déclaration de culpabilité de ce chef s’agissant de C Y, la confirmation de la déclaration de culpabilité du chef de recel pour B Y et la confirmation des peines prononcées par le Tribunal à l’encontre des deux prévenus.

Sur ce,

Sur l’action publique

La comparaison de l’écriture de l’offre de crédit remplie et signée par M L le 26 juillet 1996 avec celle des offres de prêt personnel en date du 11 décembre 1996 et de découvert en compte avec carte 4 étoiles le 4 novembre 1996 démontre que ces dernières ne sont manifestement pas de la main de M L. L’examen du spécimen d’écriture de C Y suffit à la retenir comme auteur de ces deux contrats, ce qu’elle admet finalement par l’intermédiaire de son second avocat à l’audience de la Cour.

Il ressort des pièces de la procédure que, pour la souscription de ces deux crédits, C Y a faussement fait usage du nom de M L, a imité sa signature et a repris à son insu des éléments d’information mentionnés dans le contrat souscrit par M L pour remplir les deux autres offres, mettant ainsi en oeuvre des manoeuvres frauduleuses afin de se voir accorder par la société Cofidis des fonds ou différents articles essentiellement vestimentaires commandés de 1996 à octobre 1998 en vente par correspondance que sa situation financière ayant justifié un redressement judiciaire civil ne lui aurait pas permis d’obtenir, et ce au préjudice final de M L sur le compte de laquelle les prélèvements correspondant aux mensualités de remboursement ont été un temps effectués.

La Cour relève que le courrier adressé à la banque de M L le 3 janvier 1998 sous le nom et la signature de celle-ci pour voir suspendre les prélèvements et assurer en toute discrétion la poursuite de l’opération jusqu’à la réception de la lettre de mise en demeure qui éveillera à nouveau l’attention de M L est manifestement de la main de C Y.

Enfin, s’agissant de l’utilisation de la carte de France-Télécom de M L et de son code secret sur une même période, il convient de retenir que lors de la confrontation, C Y n’a pas contesté avoir utilisé la carte de la plaignante au moyen de son code secret précédemment entendu et avoir fait installer sous le nom de M L en donnant l’identité de celle-ci lors de la demande orale une seconde ligne de téléphone largement utilisée dans leur département d’origine ou d’habitation au vu de la liste des appels puisqu’elle a induit des prestations indûment obtenues pour un montant facturé de 20 000 francs sur une période de novembre 1996 à février 1997.

Si les pièces versées par le conseil actuel de C Y tendent à établir un climat de violence au sein de la famille Y qu’illustrent des procédures en cours, la contrainte évoquée par C Y pour justifier ses manoeuvres répétées entre 1996 et 1998 et destinées à obtenir des fonds ou biens quelconques n’est pas démontrée, étant observé que C Y avait une exacte connaissance des conséquences de ces agissements et que M L a toujours déclaré avoir eu C Y comme interlocutrice principale et habituelle pour les questions d’argent.

Les faits établis par la procédure caractérisent donc dans tous ses éléments à l’encontre de C Y le délit d’escroquerie prévu et réprimé par l’article 313-1 du code pénal initialement reproché durant l’instruction, sur lequel la prévenue a été entendue par le magistrat instructeur et sur lequel son avocat a été entendu à l’audience de la Cour. Il y a donc lieu de requalifier les faits poursuivis devant le Tribunal sous la qualification de recel de biens obtenus à l’aide d’une escroquerie en escroqueries à l’encontre de C Y et de la déclarer coupable des faits ainsi requalifiés au préjudice de M L.

Si B Y n’a pas personnellement fait usage du nom de M L ni participé aux manoeuvres destinées souscrire des contrats à son nom ou ouvrir une ligne de téléphone sous le nom de celle-ci, il admet avoir eu une juste connaissance de l’origine frauduleuse des sommes d’argent qui lui parvenaient à ce titre, des services téléphoniques utilisés souvent pour ses activités pseudo-professionnelles et des divers biens qui, en tout état de cause, étaient adressés au domicile familial de l’époque et lui étaient personnellement destinés pour ce qui concerne les effets vestimentaires masculins, étant le seul homme de la maison. Le délit de recel reproché est dés lors établi à son encontre et le jugement sera confirmé sur la déclaration de culpabilité de ce chef.

Au vu de la nature et du degré de gravité des infractions commises et retenues, de l’absence d’antécédent de condamnation pénale des prévenus et des éléments recueillis sur la situation personnelle de chacun d’eux, la Cour confirme le jugement déféré sur la sanction pénale qui apparaît adaptée aux circonstances de la cause et à la personnalité des prévenus.

Sur l’action civile

Le Tribunal a fait une juste appréciation de la recevabilité de la constitution de partie civile de M L et de l’entière responsabilité civile de C Y et B Y du fait de leurs agissements commis au préjudice de celle-ci. Le jugement sera confirmé en ces dispositions.

Il ressort des pièces produites que M L a fait l’objet de poursuites de la part de la société Cofidis afin de régler le solde des comptes souscrits et des biens commandés à son insu et a été amenée à payer la facture de France-Télécom qui était du reste son employeur. Son préjudice matériel doit donc être fixé aux sommes de :

—  1 524,49 euros au titre du prêt personnel numéro 301 801 017 874 78 souscrit le 11 décembre 1996,

—  9 779,89 euros au titre du découvert en compte avec carte 4 étoiles numéro 301 407 845 366 27 souscrit le 4 novembre 1996,

—  3 048,98 euros au titre de la facture de France-Télécom,

soit la somme totale de 14 353,36 euros au paiement de laquelle il convient de condamner solidairement C Y et B Y avec intérêt au taux légal à compter de la présente décision

S’agissant du contrat Libravou numéro 301 711 169 246 34 souscrit le 26 juillet 1996 par M L elle-même et pour lequel une demande de virement supplémentaire a été opérée le 9 juin 1997, la Cour relève qu’il n’avait pas été retenu dans la prévention et que celle-ci est donc mal fondée à en solliciter remboursement.

Au vu du contexte des faits, des relations de confiance instaurées sur l’instigation des époux Y mais aussi d’une certaine ambiguïté de la part de M L dans ses rapports avec cette famille et enfin des conséquences tant psychologiques que financières des faits pour la partie civile, il y a lieu de condamner solidairement les prévenus à lui payer la somme de 2 000 euros en réparation de son préjudice moral.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de M L les frais irrépétibles qu’elle a été contrainte d’exposer tant en première instance qu’en appel pour assurer la défense de ses intérêts. La Cour, constatant que le jugement déféré n’a pas statué sur la demande présentée devant lui en application de l’article 475-1 du code de procédure pénale, condamnera solidairement en application dudit article C Y et B Y à payer à M L une indemnité de 4.500 euros.

Enfin, il convient de rappeler qu’en application de l’article 800-1 du code de procédure pénale, les frais de justice criminelle, correctionnelle ou de police sont à la charge de l’Etat sans recours envers les condamnés.

S’agissant de la constitution de partie civile et du préjudice invoqué de la société Cofidis, la Cour relève qu’elle ne produit aucun justificatif actualisé à l’appui de ses prétentions qui apparaissent résulter de l’addition des soldes des trois contrats souscrits arrêtés au 5 septembre 2005 sans prendre en considération les remboursements de M L dans le cadre des poursuites intentées par la société contre celle-ci. Par ailleurs, la même observation quant aux limites de la prévention doit être faite concernant le contrat Libravou du 26 juillet 1996. Il convient dés lors de la débouter de ses demandes au titre de son préjudice matériel et des frais irrépétibles.

Le jugement sera en conséquence partiellement réformé en ce sens.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant publiquement et par décision contradictoire à l’égard de toutes les parties, l’arrêt devant être signifié à C G épouse Y,

Sur la forme

Déclare les appels des prévenus, du Ministère Public et de M L, partie civile, recevables.

Au fond

Sur l’action publique

Confirme le jugement déféré sur la déclaration de culpabilité s’agissant de B Y et sur la sanction pénale prononcée à son encontre.

Réformant partiellement le jugement s’agissant de C G épouse Y,

Requalifie les faits poursuivis devant le Tribunal sous la qualification de recel de biens obtenus à l’aide d’escroqueries en délit d’escroqueries commis entre 1996 et 1998 prévu et réprimé par l’article 313-1 du code pénal,

Déclare C Y épouse G coupable des faits ainsi requalifiés et confirme le jugement déféré sur la sanction pénale prononcée à son encontre,

Sur l’action civile

Confirme le jugement déféré en ce qu’il a déclaré recevable la constitution de partie civile de M L et déclaré entièrement responsables C G épouse Y et B Y des préjudices subis par celle-ci.

Le réformant pour le surplus,

Condamne solidairement C G épouse Y et B Y à payer à M L les sommes de 14 353,36 euros en réparation de son préjudice matériel, 2 000 euros en réparation de son préjudice moral et 4.500 euros en application de l’article 475-1 du code de procédure pénale.

Déboute M L du surplus de ses demandes

Déboute la société Cofidis, dont la constitution de partie civile était recevable en la forme, de l’intégralité de ses demandes.

La procédure est assujettie à un droit fixe de 120 euros dont B Y et C G épouse Y sont redevables.

EN FOI DE QUOI LE PRÉSENT ARRÊT A ÉTÉ SIGNÉ PAR LE PRÉSIDENT ET LE GREFFIER, Monsieur Q R.

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