Cour d'appel de Rouen, Chambre 1 cabinet 1, 26 mars 2008, n° 06/03989

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Rouen, ch. 1 cab. 1, 26 mars 2008, n° 06/03989
Juridiction : Cour d'appel de Rouen
Numéro(s) : 06/03989
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Bernay, 29 août 2006

Texte intégral

R.G : 06/03989

COUR D’APPEL DE ROUEN

CHAMBRE 1 CABINET 1

ARRÊT DU 26 MARS 2008

DÉCISION DÉFÉRÉE :

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BERNAY du 30 août 2006

APPELANTE :

Madame Y X

XXX

XXX

XXX

représentée par la SCP LEJEUNE MARCHAND GRAY SCOLAN, avoués à la Cour

assistée de Me Marc BENOIT, avocat au Barreau de BERNAY

(bénéficie d’une aide juridictionnelle totale numéro 2006/015334 du 18/12/2006 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de Rouen)

INTIMÉ :

Maître Q-R B

XXX

XXX

XXX

représenté par la SCP GREFF PEUGNIEZ, avoués à la Cour

assisté de Me Sylviane GAUTHIER, avocat au Barreau de PARIS

INTIMÉS ET INCIDEMMENT APPELANTS :

Monsieur C X

XXX

XXX

représenté par la SCP LEJEUNE MARCHAND GRAY SCOLAN, avoués à la Cour

assisté de Me Marc BENOIT, avocat au Barreau de BERNAY

Madame D E épouse X

XXX

XXX

représentée par la SCP LEJEUNE MARCHAND GRAY SCOLAN, avoués à la Cour

assistée de Me Marc BENOIT, avocat au Barreau de BERNAY

Madame F G

28700 NOTRE-DAME D’EPINE

représentée par la SCP LEJEUNE MARCHAND GRAY SCOLAN, avoués à la Cour

assistée de Me Marc BENOIT, avocat au Barreau de BERNAY

Monsieur H X

344, boulevard Q-Jaurès

XXX

représenté par la SCP LEJEUNE MARCHAND GRAY SCOLAN, avoués à la Cour

assisté de Me Marc BENOIT, avocat au Barreau de BERNAY

Mademoiselle Z X

XXX

XXX

représentée par la SCP LEJEUNE MARCHAND GRAY SCOLAN, avoués à la Cour

assistée de Me Marc BENOIT, avocat au Barreau de BERNAY

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats et du délibéré :

Monsieur BOUCHÉ, Président, rapporteur sur les faits de la cause et la procédure

Madame LE CARPENTIER, Conseiller

Monsieur GALLAIS, Conseiller

GREFFIER LORS DES DÉBATS :

Q Dufot

DÉBATS :

A l’audience publique du 12 février 2008, où l’affaire a été mise en délibéré au 26 mars 2008

ARRÊT :

CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 26 mars 2008, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

signé par Monsieur BOUCHÉ, Président et par Q Dufot, greffier présent à cette audience.

*

* *

Un accident est survenu le 12 janvier 1985 sur la RN 184 dans l’Eure, provoqué par le déportement du camion Mercédès appartenant à I J dans le couloir de circulation de plusieurs véhicules venant en sens inverse ;

de retour d’un bal qu’ils avaient animé, le conducteur du camion K X et I J assis à ses côtés – artiste musicien régionalement connu sous le nom de 'Peter Monsy’ – sont décédés lors de la collision ;

En février, mars et mai 1987, L M, mère et administratrice légale de la jeune mineure N O, fille de I O, a assigné les consorts X devant le tribunal de grande instance d’Evreux aux fins d’obtenir réparation de leur préjudice moral et économique ;

Maître Q-R B a été chargé d’assurer la défense de leurs intérêts par la famille X composée de : C X et D E-X, les parents d’K P, et leurs quatre enfants Y, Z et H X et F G ;

Suivant jugement du 7 juin 1991, le tribunal de grande instance d’Evreux d’une part a fait application de la loi du 5 juillet 1985 et accordé une indemnisation à N O, et d 'autre part a fait droit à l’exception d’irrecevabilité fondée par les consorts X sur leur renonciation à la succession d’K X ;

Postérieurement à ce jugement devenu définitif, les consorts X ont sollicité de maître Q-R B à plusieurs reprises qu’il régularise une procédure judiciaire aux fins de réparation de leur préjudice moral ;

Ce n’est que le 11 décembre 2000 que Q-R B a adressé aux consorts X un projet d’assignation fondé sur l’article 1384 alinéa 1er du code civil et que cette assignation a finalement été délivrée le 20 février 2001 à N O et aux Mutuelles du Mans, assureur du véhicule ;

Sur exception de prescription de l’action quasi-délictuelle soulevée par les deux défenderesses sur le fondement de l’article 2270-1 du code civil, le tribunal de grande instance d’Evreux, par jugement du 25 octobre 2002, a déclaré les demandes des consorts X irrecevables comme prescrites ;

Le 20 février 2003, Z X a relevé appel de cette décision, puis s’en est désistée le 19 novembre 2004 ;

Suivant actes d’huissiers du 17 décembre 2004, les consorts X ont assigné maître Q-R B devant le tribunal de grande instance de Bernay en responsabilité pour manquement à son devoir de conseil qui les aurait privés de l’indemnisation de leur préjudice ; ils lui ont en effet reproché, dans le cadre de la première procédure, de ne pas leur avoir indiqué qu’ils pouvaient solliciter des dommages et intérêts et qu’une prescription interviendrait en janvier 1995 et de n’avoir pas régularisé une demande d’indemnisation dans ce délai ;

Par jugement du 30 août 2006, le tribunal de grande instance de Bernay, tout en reconnaissant un manquement de l’avocat à son obligation de conseil, a jugé que les consorts X n’avaient pas perdu de chance d’obtenir réparation de leur préjudice dès lors qu’en confiant le volant de son camion à K X, I O ignorait que la validité du permis de conduire de son camarade était soumise à prorogation cinq jours avant l’accident ; les dépens ont été mis à la charge des consorts X ;

Y X a relevé appel de ce jugement ; ses frère et soeurs et ses parents ont constitué même avoué et ont fait adjonction à ses conclusions.

* * *

Y X au titre de l’aide juridictionnelle totale, C X et D E son épouse, F G, Z et H X – les consorts X – dans leurs dernières conclusions signifiées le 10 janvier 2008, mettent l’accent sur plusieurs courriers échangés et relances adressées entre août 1993 et 2000 qui, à leurs yeux, caractérisent le manquement de Q-R B à son obligation de conseil concernant le délai de prescription et son défaut de diligence pour n’avoir pas régularisé de procédure dans les dix ans de cette prescription ;

sur la perte de chance d’obtenir une indemnisation de la fille de I O, ils exposent que celui-ci, informé du défaut de validité du permis de conduire d’K X, lui a cependant confié le volant de son camion et a donc contribué à la réalisation de l’accident mortel ;

subsidiairement, ils considèrent qu’il n’y a pas eu transfert de la garde du véhicule, dès lors que son propriétaire était resté à bord ;

Les concluants demandent ainsi, par infirmation de la décision déférée, de condamner maître Q-R B à verser :

— à chacun de Y, Z et H X et à F G, chacun, la somme de 12 195, 92 €, pour leur préjudice moral,

— à C et à D X, chacun, la somme de 18 293, 88 €, pour leur préjudice moral,

— aux consorts X la somme de 9 400, 01 € au titre des frais d’obsèques et de sépulture, la somme de 2 312, 54 € en remboursement d’honoraires et de frais judiciaires exposés à l’occasion du jugement du 25 octobre 2002, enfin la somme de 3 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Maître Q-R B conclut le 21 décembre 2007 à la confirmation du jugement déféré ;

Il fait valoir que, prenant le risque que la prescription ne soit pas soulevée par leur contradicteur, il a tenté une action en responsabilité en février 2001, mais s’en rapporte sur la question d’un manquement à son obligation de conseil ;

en revanche, il entend démontrer que les consorts X n’ont pas perdu de chance de voir reconnaître la responsabilité de I O dans le processus accidentel qui a conduit à sa mort et à celle d’K X ;

très subsidiairement, l’intimé suggère que l’indemnisation de ses anciens clients ne dépasse pas la somme de 20 000 francs qui a été allouée à N O par le jugement du 7 juin 1991.

SUR CE LA COUR,

L’article 2270-1 du code civil dispose que les actions en responsabilité civile extra-contractuelle se prescrivent par dix ans à compter de la manifestation du dommage ;

il s’en déduit que les consorts X, dont le fils et frère était P dans l’accident du 12 janvier 1985, disposaient d’un délai de dix ans s’achevant le 13 janvier 1995 pour agir en responsabilité contre l’auteur présumé responsable ou contre N O son ayant-droit ;

Maître Q-R B fait valoir, sans être démenti, que, dans le cadre de l’action en responsabilité introduite par la fille de I O à leur encontre, les consorts X ses clients n’avaient pas manifesté l’intention de solliciter reconventionnellement une réparation de leurs propres préjudices ;

Cependant, lorsqu’en avril 1995, D X est intervenue auprès du Ministère Public, puis pour son compte le notaire maître A directement auprès de maître B le 17 février 1996, à une époque où la prescription décennale de l’action extra-contractuelle était acquise, maître B omet de rappeler qu’il était mandaté, au moins depuis mai 1994, par les époux X pour agir en dommages et intérêts ( lettre du 7 mai 1994 ), et qu’il avait été rappelé à l’ordre par lettre recommandée du 8 novembre 1994, à une époque encore non prescrite ;

C’est donc en désespoir de cause, mais désormais vainement et toujours sans être informés de l’irrecevabilité de leurs prétentions, que les consorts X se sont ensuite manifestés auprès du Bâtonnier pour exprimer leur désarroi devant l’inertie inexpliquée de leur avocat ;

Lorsqu’enfin Q-R B a adressé à ses clients le 1er septembre 2000 un avis juridique pour fonder une action judiciaire en responsabilité du fait des choses, puis le 11 décembre un projet d’assignation, la situation procédurale des consorts X était depuis longtemps définitivement compromise et l’avocat, par un manquement de diligence et la violation de son devoir de conseil qu’il n’a jamais expliqués, a engagé sa responsabilité à leur égard ;

Le jugement déféré mérite confirmation sur la reconnaissance de cette responsabilité sur laquelle en définitive Q-R B s’en rapporte à justice ;

S’agissant de la perte de chance dont les consorts X se prévalent pour être indemnisés par leur avocat des sommes qu’ils auraient pu obtenir d’une condamnation d’N O pour faute de son père dans la survenance de l’accident mortel, les termes du jugement du 7 juin 1991 et les autres documents versés aux débats ne permettent pas davantage qu’en première instance d’affirmer que I O savait que le permis de conduire de son camarade était périmé depuis quelques jours, ainsi que l’a souligné la MGFA, assureur de I O, ni que celui-ci a commis une faute en omettant d’en vérifier la validité avant de céder le volant de son camion ;

Au demeurant, le lien de causalité entre cette infraction administrative purement formelle et l’erreur fatale de conduite d’K X n’est pas démontrée ; à lire les articles des journaux de l’époque, la collision trouve son explication dans la fatigue accumulée par le conducteur au cours de la soirée ;

C’est dès lors par de justes motifs que le tribunal a jugé que les consorts X n’avaient pas de chance réelle et sérieuse de voir aboutir favorablement une action en responsabilité contre N O et qu’il les a déboutés de leurs demandes indemnitaires à l’encontre de Q-R B ;

En revanche, dès lors que les consorts X ont versé à leur avocat par tranches à partir du 27 août 1993 et encore le 3 janvier 2001 des avances sur honoraires qui n’ont pas servi à la défense de leurs intérêts, et que Q-R B a engagé sa responsabilité professionnelle, c’est par une erreur qui doit être rectifiée que le tribunal les a déboutés de leur demande de restitution : ces sommes atteignent un total de 2 312, 54 € qui doit leur être remboursé ;

Même déboutés de leur demande principale, il serait inéquitable que les consorts X, dont seule Y bénéficie de l’aide juridictionnelle, conserve la charge de leurs frais de défense ;

PAR CES MOTIFS,

Confirme le jugement du 30 août 2006 en ce qu’il a reconnu la faute de Q-R B mais a débouté les consorts X de leur demande de dommages et intérêts ;

Le réformant pour le surplus,

Condamne Q-R B à restituer aux consorts X la somme de 2 312, 54 euros et à supporter la charge des dépens de première instance;

Condamne Q-R B à leur verser une indemnité de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Le condamne aux dépens d’appel ;

Admet la société civile professionnelle d’avoués LEJEUNE-MARCHAND-GRAY-SCOLAN au bénéfice du recouvrement direct dans les conditions définies par l’article 699 du code de procédure civile et selon la réglementation sur l’aide juridictionnelle.

Le greffier Le Président

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