Cour d'appel de Rouen, Ch. civile et commerciale, 5 décembre 2013, n° 13/00987

  • Droit au bail·
  • Bail commercial·
  • Fonds de commerce·
  • Cession·
  • Baux commerciaux·
  • Précaire·
  • Sociétés·
  • Bailleur·
  • Statut·
  • Fond

Chronologie de l’affaire

Commentaire1

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 
Testez Doctrine gratuitement
pendant 7 jours
Vous avez déjà un compte ?Connexion

Sur la décision

Référence :
CA Rouen, ch. civ. et com., 5 déc. 2013, n° 13/00987
Juridiction : Cour d'appel de Rouen
Numéro(s) : 13/00987
Décision précédente : Tribunal de commerce de Le Havre, 24 janvier 2013
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

R.G : 13/00987

COUR D’APPEL DE ROUEN

CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

ARRET DU 05 DECEMBRE 2013

DÉCISION DÉFÉRÉE :

TRIBUNAL DE COMMERCE DU HAVRE du 25 Janvier 2013

APPELANTES :

XXX

XXX

XXX

représentée et assistée par Me Renaud COURBON, avocat au barreau du HAVRE

SCI LE CRIQUET venant aux droits de la société NC INVEST

XXX

XXX

représentée et assistée par Me Renaud COURBON, avocat au barreau du HAVRE

INTIMEE :

SARL LES ARCADES

XXX

XXX

représentée et assistée par Me Olivier JOUGLA de l’AARPI JOUGLA OLIVIER & HANRIAT AMELIE, avocat au barreau du HAVRE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 786 du Code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 16 Octobre 2013 sans opposition des avocats devant Madame AUBLIN-MICHEL, Conseiller, rapporteur, en présence de Madame BERTOUX, Conseiller,

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur FARINA, Président

Madame AUBLIN-MICHEL, Conseiller

Madame BERTOUX, Conseiller

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme LECHEVALLIER, Faisant-fonction de greffier

DEBATS :

A l’audience publique du 16 Octobre 2013, où l’affaire a été mise en délibéré au 05 Décembre 2013

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 05 Décembre 2013, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

signé par Monsieur FARINA, Président et par Mme LECHEVALLIER, adjoint administratif faisant-fonction de greffier et assermenté à cet effet, présent à cette audience.

*

* *

Par acte sous seing privé du 24 octobre 2005, M. F X a donné à la SARL Les Arcades à bail commercial un local situé XXX au Havre, dans lequel était exploité un fonds de commerce de charcuterie traiteur, pour une durée de neuf années entières et consécutives à compter du 01er janvier 2005.

Par acte sous seing privé du 29 juin 2007, la SARL Les Arcades et M. X ont signé un accord ayant pour objet d’anticiper la rupture du bail en cours à effet du 31 décembre 2007, laissant le propriétaire bailleur libre de convenir d’un nouveau bail avec les éventuels successeurs de la société Les Arcades.

Suivant acte notarié du 18 mai 2009, Monsieur F X et consorts X ont cédé à la SARL NC Invest, l’ensemble des biens et droits immobiliers correspondant aux locaux affectés à l’exploitation du fonds occupé et exploité par la SARL Les Arcades.

Le 29 septembre 2010, la société NC Invest, par lettre recommandée avec avis de réception, a mis en demeure la SARL Les Arcades de libérer les lieux sans délai, exposant qu’à la suite de l’expiration de la convention précaire consentie le 29 juin 2007 qui avait une durée de 23 mois, elle était occupante sans droit ni titre.

La SARL Les Arcades se maintenant dans les lieux, par acte extrajudiciaire du 18 octobre 2010, la société NC Invest a fait assigner cette société aux fins d’expulsion et en paiement d’une indemnité d’occupation.

Par acte notarié du 08 février 2011, la société NC Invest a vendu à la SCI Le Criquet l’immeuble situé XXX, plus précisément les lot n°7 comprenant le local à usage de commerce occupé par la SARL Les Arcades, et n°16.

Par jugement du 25 janvier 2013, le tribunal de commerce du HAVRE a :

— reçu la SCI Le Criquet venant aux droits de la société NC Invest en ses demandes,

— jugé nul et nul effet l’accord intervenu le 29 juin 2007 entre M. X et la société Les Arcades,

— en conséquence, dit mal fondées les demandes de la SCI Le Criquet venant aux droits de la société NC Invest,

— reçu la société Les Arcades en ses demandes reconventionnelles, les a dit partiellement fondées,

— condamné in solidum les sociétés NC Invest et SCI Le Criquet à payer à la SARL Les Arcades la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts,

— débouté les parties de leurs autres ou plus amples demandes,

— condamné in solidum les sociétés NC Invest et SCI Le Criquet à payer à la SARL Les Arcades la somme de 4.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné in solidum les sociétés NC Invest et SCI Le Criquet aux dépens.

La SARL NC Invest et la SCI Le Criquet ont interjeté appel de cette décision.

Pour l’exposé des moyens des parties, il est renvoyé aux conclusions du 24 septembre 2013 pour les appelantes, et du 13 juin 2013 pour l’intimée.

La SARL NC Invest et la SCI Le Criquet concluent à l’infirmation du jugement. Elles demandent à la cour de :

— vu l’acte de cession du 8 février 2011 passé entre la société NC Invest et la SCI Le Criquet, mettre hors de cause la société NC Invest,

— vu la convention d’occupation précaire du 29 juin 2007 et l’article 202 alinéa 4 du code de procédure civile, écarter des débats les pièces 11, 12 et 13 produites par la SARL Les Arcades, constater que celle-ci est occupante sans droit ni titre, ordonner son expulsion ainsi que tous biens et occupants de son chef, au besoin avec le concours de la force publique, débouté la société Les Arcades de ses demandes,

— condamner la SARL Les Arcades, en tout état de cause, à payer aux sociétés NC Invest et SCI Le Criquet une somme de 6.000 € au titre des frais irrépétibles.

La SARL Les Arcades conclut, à titre principal, à la confirmation du jugement, sauf en ce qui concerne le montant des dommages et intérêts qui devra être porté à la somme de 20.000 €.

Elle demande, à titre subsidiaire, à la cour de :

— dire et juger que l’accord du 29 juin 2007 signé entre M. et Mme X d’une part, et la SARL Les Arcades d’autre part, ne peut être qualifié de convention précaire par dérogation au statut des baux commerciaux d’ordre public prévu en application des dispositions légales des articles L.145-1 et suivants du code du commerce,

— constater l’absence d’opposition du propriétaire bailleur, avant le 29 septembre 2010, au maintien dans les lieux de la société Les Arcades à l’expiration de la durée légale et/ou conventionnelle de l’accord signé du 29 juin 2009 entre M. et Mme X et la société Les Arcades,

— en conséquence,

* dire et juger qu’il s’est opéré un nouveau bail dont l’effet est réglé par les dispositions des articles L.145-1 et suivants du code de commerce, à compter du 01er décembre 2009, subsidiairement à compter du 01er mai 2009 de la SARL Les Arcades et reprenant l’ensemble des stipulations non contraires au statut, contenues dans le bail commercial initial signé le 24 octobre 2005,

— en toute hypothèse, réformant sur le quantum des dommages et intérêts alloués à la société Les Arcades,

* condamner in solidum les sociétés NC Invest et SCI Le Criquet à lui payer la somme de 20.000 € de dommages et intérêts pour procédure abusive et manquement à l’obligation de bonne foi, outre celle de 4.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, entiers dépens en sus.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 26 septembre 2013.

SUR CE

— sur la mise en cause de la société INC Invest

La société NC Invest sollicite sa mise hors de cause exposant que l’acte de vente du 8 février 2011 conclu avec la SCI Le Criquet a opéré le transfert de propriété du bien et de l’ensemble des droits et obligations accessoires au profit de cette dernière des locaux à usage de commerce occupés par la SARL Les Arcades, que n’étant plus propriétaire, elle ne peut être mise en cause dans le présent litige.

Cependant la SARL Les Arcades recherche la responsabilité contractuelle tant de la société NC Invest que de la SCI Le Criquet et leur condamnation in solidum en raison de leur comportement déloyal et de mauvaise foi, pour avoir fait échec à toute cession de fonds, en ce compris le droit au bail, la SCI Le Criquet ayant repris la position de la société NC Invest lui contestant ses droits au maintien dans les lieux, la réalité de son droit d’occupation et ses droits de se prévaloir du statut des baux commerciaux.

La responsabilité de la société NC Invest étant personnellement recherchée, il n’y a pas lieu à sa mise hors de cause.

Le jugement déféré sera confirmé sur ce point.

— sur la demande de rejet des pièces 11,12 et 13 produites par la SARL Les Arcades

Les appelantes concluent à l’irrecevabilité des attestations de M. C et H B (pièces 11 et 12) et M. D Y (pièce 13) car elles ne sont pas datées, contrairement aux dispositions de l’article 202 in fine du code de procédure civile.

Cependant ces documents, hormis leur date de rédaction, remplissent les conditions de formes prévues à l’article ci-dessus, notamment les mentions relatives à l’identité de leur auteur justifiée par l’annexion d’une pièce d’identité. Elles ont par ailleurs été versées aux débats en première instance et donc pu être débattues contradictoirement. Enfin elles évoquent dans leur contenu des négociations en vue de la cession du fonds de commerce qui auraient eu lieu en juin 2009, de sorte que la date de leur rédaction doit être considérée comme postérieure à ces discussions.

Ainsi, cette irrégularité ne peut être considérée comme constituant l’inobservation d’une formalité substantielle ou d’ordre public faisant grief aux sociétés NC Invest et Le Criquet.

Les sociétés NC Invest et Le Criquet seront déboutées de leur demande de ce chef.

— sur la qualification de la convention du 29 juin 2007 et ses conséquences

* sur la qualification de l’acte sous seing privé du 29 juin 2007

Pour décider de la nullité de l’accord intervenu le 29 juin 2007, le tribunal, rappelant les dispositions des articles L.145-15 et L. 145-16 du Code de commerce qui prévoient la nullité des conventions tendant à interdire au locataire de céder son bail ou les droits afférents au bail commercial à l’acquéreur de son fonds, a considéré que cet accord ne mentionnait à aucun chapitre qu’il s’agirait d’une convention d’occupation précaire se substituant au bail signé le 24 octobre 2005, que la société NC Invest et la SCI Le Criquet avaient exigé une augmentation de 70% du loyer convenu au bail initial du 24 octobre 2005, augmentation ayant fait échec à la vente du fonds de commerce, que l’accord était intervenu pour faciliter et non pour faire échec à la vente du fonds, qu’il ne pouvait être qualifié de convention précaire se substituant purement et simplement au bail signé entre la société Les Arcades et M. X.

Au soutien de leur appel, et pour l’essentiel, les sociétés NC Invest et SCI Le Criquet font valoir que :

— l’acte sous seing privé signé le 29 juin 2007 présente les caractéristiques d’une convention d’occupation précaire permettant d’exclure les autres statuts, bail commercial ou bail dérogatoire, à savoir la fragilité du droit de l’occupant et des circonstances exceptionnelles légitimant la précarité; que la précarité se déduit de la volonté des parties qui ont expressément écarté les dispositions des articles L.145 et suivants du code de commerce, fixé la durée de la convention à 23 mois, prévu les modalités de sa cessation en respectant un préavis de 3 mois pour le preneur, son absence de cessibilité et le versement d’une redevance modique; que la SARL Les Arcades a dénoncé le bail commercial; que la convention a été conclue dans l’attente de trouver un acquéreur pour le fonds de commerce ou le droit au bail; que la situation transitoire dans laquelle se trouvait l’immeuble loué permettait la conclusion d’une convention d’occupation précaire ;

— les dispositions des articles L.145-15 et L. 145-16 du code de commerce ne sont pas applicables puisque les parties ont entendu, de manière claire, sans ambiguïté ni équivoque, exclure de leur relation contractuelle le statut des baux commerciaux, que la convention ne peut donc en toute hypothèse être jugée nulle et de nul effet en se fondant sur des dispositions que les parties ont elles-mêmes entendu exclure; qu’elles ne se sont jamais opposées à la cession du fonds; qu’aucun compromis de cession de fonds de commerce n’a été signé; que le loyer du nouveau bail commercial était en rapport avec la valeur locative du bien.

La SARL Les Arcades soutient, essentiellement, que :

— la précarité procède de circonstances constituant un motif légitime de précarité qui doivent exister au moment de la signature de la convention; qu’en l’espèce il n’existe aucune circonstance objective justifiant d’une précarité antérieure ou contemporaine de la signature de l’accord du 29 juin 2007; que les termes de l’accord sont contradictoires avec toute qualification de précarité; qu’il ne peut y avoir aucun élément de précarité là où précisément l’accord a pour objet d’aménager, d’organiser, dans l’intérêt commun des parties, la cession du fonds ou la cession du droit au bail, que l’accord n’a pas pour objet ni pour effet, non plus que pour intention, de compromettre les droits du preneur, ou de déroger au statut protecteur des baux commerciaux, mais d’encadrer, dans l’intérêt du propriétaire bailleur la cession par la société Les Arcades de son fonds de commerce ou de son droit au bail; que pour être licite, l’accord ne pouvait avoir pour objet ou pour effet d’empêcher la cession par la SARL Les Arcades de son fonds de commerce en ce compris le droit au bail ;

— dans l’hypothèse où l’accord devait être conçu comme portant atteinte aux droits de la SARL Les Arcades, par application du statut des baux commerciaux, elle serait fondée à se prévaloir de l’illicéité et/ou l’inopposabilité dudit accord; qu’elle n’a jamais notifié de congé à son bailleur, ni renoncé au bénéfice du statut des baux commerciaux, ni au droit de céder librement son fonds de commerce dont le droit au bail et le droit au renouvellement dudit bail; que celui-ci est stipulé dans l’intérêt exclusif du propriétaire bailleur, sans doute pour qu’il puisse consentir un bail dans des conditions qui lui soient plus profitables ;

— l’accord du 29 juin 2009 ne compromet pas son droit au maintien dans les lieux, son droit de revendiquer le bénéfice du statut des baux commerciaux et à se prévaloir d’un nouveau bail soumis au statut se prévalant des dispositions de l’article L.145-5 du code de commerce relative au bail dérogatoire de deux ans; qu’elle s’est maintenue sans opposition du bailleur dans les lieux à l’expiration des 23 mois, au plus pendant 14 mois, au mieux pendant 10 mois; qu’elle peut donc revendiquer, sans contestation possible, en l’état du consentement tacite exprimé par le bailleur, le bénéfice du statut des baux commerciaux et prétendre en l’existence d’un bail nouveau à effet au 01er décembre 2009.

La convention d’occupation précaire, exclusive de l’application du statut des baux commerciaux, doit, pour que son existence soit reconnue, être justifiée par des circonstances objectives particulières indépendantes de la seule volonté des parties constituant un motif légitime de précarité. Celles-ci s’apprécient au moment de la rencontre de leurs volontés.

En l’espèce, il est constant que par acte sous seing privé en date du 24 octobre 2005, la SARL Les Arcades était titulaire d’un bail commercial consenti par M. F X, pour une durée de neuf années entières et consécutives à compter rétroactivement du 01er janvier 2005, soit jusqu’au 31 décembre 2013.

L’accord conclu le 29 juin 2007 entre M. X et la SARL Les Arcades, après avoir rappelé l’existence d’un bail commercial conclu entre la Charcuterie X SA et M. Z pour une durée de neuf années à compter du 1er janvier 1087, et du renouvellement mentionné ci-avant, est rédigé ainsi qu’il suit :

'…/…

La SARL Les Arcades a notifié, ce qui a été accepté par le bailleur qui s’interdit d’invoquer à cet égard une quelconque nullité, sa volonté de voir mettre un terme audit bail à effet du 31 décembre 2007.

XXX ET ARRETE CE QUI SUIT :

Par les présentes, le bailleur autorise le preneur à se maintenir dans les lieux à compter du 1er janvier 2008, aux conditions de paiement de loyer et de charges figurant dans le bail en date du 24 octobre 2005, pour une durée qui lui sera nécessaire afin d’un commun accord de favoriser les intérêts des parties en présence et notamment pour le preneur, la cession de son fonds de commerce ou de son droit au bail.

Cette autorisation est librement consentie et sans limitation de durée avec un maximum de 23 mois à compter 01er janvier 2008.

Toutefois le preneur devra aviser le bailleur de son éventuel départ avec un préavis de trois mois qui sera notifié par lettre recommandée avec accusé de réception.

A l’occasion d’une cession de fonds de commerce ou de droit au bail, un nouveau bail sera établi directement avec le successeur de la SARL Les Arcades, quelque soit le mode de transmission du bail.

Les présentes sont expressément dérogatoires aux articles L.145 et suivants du code de commerce, de la volonté commune des parties.

Pour le surplus les relations contractuelles et notamment les charges et conditions du bail précédemment signé, restent toutes de vigueur.'

La SARL Les Arcades se défend d’avoir donné congé. Il n’en demeure pas moins que la notification de sa volonté de mettre un terme au bail commercial dont elle bénéficiait à l’expiration de la première période triennale, soit le 31 décembre 2007, résulte des termes mêmes de l’acte en cause, clairs, précis et non équivoques, et au demeurant objet d’aucune remarque ou observation particulière. L’accord contient l’acceptation par le bailleur de cette fin de bail à cette date. Il s’ensuit qu’à compter du 31 décembre 2007, les rapports entre la SARL Les Arcades et M. Z n’étaient plus régis par le bail commercial conclu le 24 octobre 2005.

L’acte litigieux stipule ensuite qu’il aura une durée maximum de 23 mois à compter du 1er janvier 2008, qu’il n’est pas soumis aux articles L.145 et suivants du Code de commerce, de la volonté commune des parties.

Force est de constater que les parties se sont ainsi clairement exprimées sur leur volonté commune qui était de soustraire la convention en cause au statut des baux commerciaux.

La volonté commune devant être appréciée au moment de la conclusion de l’accord, l’attestation de M. X qui indique aujourd’hui qu’il n’avait jamais été question de rendre précaire l’occupation du local par la SARL Les Arcades est donc sans incidence.

Toutefois la volonté des parties est insuffisante à elle seule, pour conférer son caractère de précarité à l’occupation du local pour y exercer un commerce, il faut, pour pouvoir déroger aux règles d’ordre public du décret du 30 septembre 1953, que la précarité soit justifiée par des circonstances particulières objectives.

En l’espèce, l’acte litigieux prévoit que l’occupation des lieux par la SARL Les Arcades, à compter du 1er janvier 2008, est autorisée pour la durée qui lui sera nécessaire afin notamment pour elle, de trouver un acquéreur au fonds de commerce exploitée ou de son droit au bail, et ce pour une durée maximale de 23 mois, que dans cette hypothèse, le bailleur aura, quant à lui, la faculté de conclure un nouveau bail avec le successeur.

Par la notification de sa volonté de mettre un terme au bail commercial, certes à l’issue d’une période triennale, mais néanmoins de manière anticipée, au 31 décembre 2007, la durée initialement prévue étant fixée au 31 décembre 2013, et ce de son plein gré, sans aucune contrainte justifiée, la SARL Les Arcades, ayant mis fin au bail commercial du 24 octobre 2005 en vertu duquel les lieux lui étaient loués, ne pouvait plus à cette date, se prévaloir des droits s’y rattachant et devait en principe libérer l’immeuble.

L’autorisation de se maintenir dans les lieux à compter du 01er janvier 2008, lui a cependant été donnée le temps pour elle de trouver un acquéreur un acquéreur au fonds de commerce qu’elle y exploitait et/ou au droit au bail, et ce dans un délai maximum de 23 mois, soit jusqu’au 30 novembre 2009.

La circonstance particulière objective justifiant la précarité de l’occupation de l’immeuble résulte de la volonté même exprimée par la SARL Les Arcades de mettre un terme au bail commercial initial dont elle disposait, et partant de quitter les lieux au 31 décembre 2007, le maintien dans les lieux ne lui étant plus permis que le temps pour elle de trouver un acquéreur au plus tard pour le 30 novembre 2009.

Dans ce contexte, le motif de précarité du lien contractuel est légitime.

La convention en cause du 29 juin 2007 doit par conséquent être qualifiée de convention d’occupation précaire.

Il ne peut être reproché à cette convention d’interdire au preneur de céder son bail ou les droits qui s’y rattachent au l’acquéreur de son fonds de commerce, alors que l’intention du preneur, la SARL Les Arcades, était de renoncer à son droit au bail puisqu’elle avait exprimé sa volonté de mettre un terme au bail commercial, et qu’au contraire, cette convention lui permettait d’envisager la transmission du droit au bail pendant encore deux années.

Force est donc de constater que la convention n’a nullement été convenue avec l’intention de priver le locataire des droits qu’il tire du statut des baux commerciaux, puisque les intérêts étaient réciproques, la SARL Les

Arcades disposant notamment de céder son fonds de commerce et/ou son droit au bail. Elle est donc licite et opposable à la SARL Les Arcades.

La convention n’a, d’ailleurs, nullement pour objet d’aménager, d’organiser le droit au maintien dans les lieux par suite de cession du fonds de commerce et/ou de cession du droit au bail, comme l’indique la SARL Les Arcades, mais au contraire d’aménager, d’organiser le droit au maintien dans les lieux dans l’attente de cession du fonds de commerce et/ou de cession du droit au bail.

Certes la convention permet au propriétaire bailleur de conclure un nouveau bail, peut-être à des conditions plus avantageuses, mais uniquement dans l’hypothèse où cette cession se réalise, étant rappelé que malgré sa volonté exprimée de mettre un terme au bail commercial, le preneur se maintient dans les lieux le temps pour lui de trouver un cessionnaire.

Ainsi, il est incontestable que dans l’esprit des parties la location avait, à compter du 01er janvier 2008 un caractère précaire, que leur intention commune était d’écarter l’application du statut des baux commerciaux et les dispositions du bail commercial dérogatoire.

La précarité de l’occupation devant s’apprécier au moment de la conclusion de la convention, le fait que l’acte de vente des murs par les consorts X à la société NC Invest mentionne l’existence d’un bail commercial n’a pas pour effet de transformer la convention en bail commercial. Il en est de même des reçus remis en contrepartie des sommes réglées mensuellement par la SARL les Arcades au propriétaire, ce d’autant qu’elles ne peuvent être assimilées à des quittances de loyers, alors qu’elles portent également l’intitulé indemnité d’occupation.

La SARL Les Arcades ne peut donc prétendre au maintien dans les lieux au delà du 30 novembre 2009, ni se prévaloir d’un droit et titre nouveau en l’état d’un consentement tacitement exprimé du bailleur, et ce à effet du 1er décembre 2009 pour une duré de neuf ans, ou subsidiairement à compter du 01er juin 2009.

Par ailleurs, il n’est nullement justifié qu’avant cette date, la société NC Invest se soit opposée à la cession du fonds de commerce.

En effet les attestations de Messieurs B et Y faisant état de négociations en juin 2009 et indiquant qu’ils étaient 'à deux jours de signer le compromis’ mais en avaient été dissuadés par le prix trop élevé du loyer (1.050 € puis 1.500 €) proposé par le propriétaire, sont insuffisantes à établir que le bailleur serait à l’origine de l’échec de la cession, alors que, d’une part, la société NC Invest conteste avoir été contactée par les auteurs des attestations et d’autre part, aucun projet de compromis de cession n’est versé aux débats.

Il en est de même de l’attestation de M. A faisant état d’une offre d’acquisition avortée courant fin 2011 du fait des conditions financières disproportionnées qui lui étaient imposées (doublement du loyer mensuel et paiement d’un droit d’entrée de 15.000 €), dans la mesure où d’une part rien ne permet d’établir que la proposition d’acquisition ait été faite pendant la durée d’exécution de la convention d’occupation précaire et où d’autre part aucun projet de compromis de cession n’est versé aux débats.

A compter du 01er décembre 2009, la SARL Les Arcades étant devenue occupante sans droit ni titre, c’est à bon droit que la société NC Invest, par lettre recommandée avec accusé de réception du 29 septembre 2010, l’a sommée de déguerpir.

Les appelantes rappellent dans la discussion que l’occupante sans droit ni titre doit régler une indemnité d’occupation jusqu’à la libération des lieux.

La cour constate qu’aucune demande en ce sens n’est reprise dans le dispositif.

Il convient, dans ces conditions, d’ordonner l’expulsion de la SARL Les Arcades.

Le jugement sera par conséquent infirmé.

— sur la demande reconventionnelle en paiement de dommages et intérêts

A l’appui de sa demande de dommages et intérêts, la SARL Les Arcades soutient en résumé que les sociétés NC Invest puis la SCI Le Criquet ont démontré un manquement évident dans l’obligation de loyauté et de bonne foi dans les relations contractuelles en ce qu’elles ont tout mis en oeuvre pour compromettre la cession éventuelle du fonds de commerce en ce compris du droit au bail et tenter d’organiser un 'racket contractuel’ du candidat acquéreur en sollicitant une indemnité et paiement d’un droit d’entrée sans commune mesure avec la situation et parfaitement dissuasif.

Comme rappelé ci-dessus les attestations versées aux débats par la SARL Les Arcades sont insuffisantes pour établir que les sociétés NC Invest puis la SCI Le Criquet aient fait échec aux projets de cession. Au demeurant rien ne permet d’établir le caractère disproportionné des conditions financières qui auraient été alors proposées par les bailleurs successifs.

De plus, comme l’observent justement les sociétés NC Invest et Le Criquet, la SARL Les Arcades ne justifie d’aucune diligence (mandat, annonces, publicités, publications…) destinée à vendre le fonds de commerce, étant précisé que ces diligences devaient être effectuées pendant la durée de la convention d’occupation précaire.

Aucun comportement fautif de la part des sociétés bailleresses n’est donc justifié.

Enfin, en l’absence de négociation justifiée en vue de la cession du fonds de commerce pendant la durée de la convention d’occupation précaire, et au vu du maintien dans les lieux de la SARL Les Arcades dans les lieux loués au delà du 30 novembre 2009, il ne peut être reproché aux sociétés NC Invest et Le Criquet d’avoir fait valoir leurs droits en justice en poursuivant l’expulsion de la SARL Les Arcades. La procédure introduite par elles ne présente donc aucun caractère abusif.

Pour l’ensemble de ces motifs, il convient de débouter la SARL Les Arcades de sa demande de dommages et intérêts et d’infirmer le jugement entrepris sur ce point.

— sur l’article 700 du code de procédure civile

La SARL Les Arcades succombe en cause d’appel, il convient de la débouter de sa demande d’indemnité de procédure formée en première instance, et d’infirmer le jugement déféré sur ce point.

L’équité commande d’allouer à la société NC Invest et à la SCI Le Criquet la somme indiquée au dispositif

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Déboute les sociétés NC Invest et Le Criquet de leur demande d’écarter des débats les pièces 11, 12 et 13 versées par la SARL Les Arcades,

Infirme la décision entreprise sauf en ce qu’elle a reçu la société NC Invest en ses demandes,

Et statuant à nouveau,

Constate que la SARL Les Arcades est occupante sans droit ni titre,

Dit que dans le délai de deux mois à compter de la date de signification du présent arrêt, la SARL Les Arcades devra avoir libéré les lieux situés XXX au Havre,

Dit qu’à défaut de libération des lieux dans ce délai, il pourra être procédé à l’expulsion de la SARL Les Arcades et à celle de toutes personnes de son chef et ce au besoin avec le concours de la force publique,

Déboute la SARL Les Arcades de l’ensemble de ses demandes,

Condamne la SARL Les Arcades à payer à la société NC Invest et à la SCI Le Criquet la somme de 3.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SARL Les Arcades aux dépens de première instance et d’appel.

Le Greffier, Le Président,

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel de Rouen, Ch. civile et commerciale, 5 décembre 2013, n° 13/00987