Cour d'appel de Rouen, Chambre expropriation, 26 novembre 2015, n° 14/02034

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Rouen, ch. expropriation, 26 nov. 2015, n° 14/02034
Juridiction : Cour d'appel de Rouen
Numéro(s) : 14/02034
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Rouen, EXPRO, 16 février 2014
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

R.G : 14/02034

COUR D’APPEL DE ROUEN

CHAMBRE DE L’EXPROPRIATION

ARRÊT DU 26 NOVEMBRE 2015

DÉCISION DÉFÉRÉE :

Décision rendue par le JUGE DE L’EXPROPRIATION DE ROUEN en date du 17 Février 2014

APPELANT – PARTIE EXPROPRIÉE :

Monsieur Z X

Domicile élu : chez la SCP LEMIEGRE ROISSARD LAVANANT

XXX

XXX

comparant en personne, représenté par la SCP LEMIEGRE ROISSARD LAVANANT, avocats au barreau de DIEPPE, postulant

assisté de Me Geoffroy O’MAHONY, avocat au barreau de PARIS, plaidant

INTIMÉ – PARTIE EXPROPRIANTE :

L’ETAT FRANCAIS,

représenté par M. Le Directeur Régional des Finances Publiques de Haute-Normandie et du Département de Seine-Maritime

XXX

XXX

XXX

représenté par Me Yves MAHIU de la SCP DE BEZENAC ET ASSOCIES, avocat au barreau de ROUEN

EN PRÉSENCE DE :

MONSIEUR LE COMMISSAIRE DU GOUVERNEMENT

Direction Régionale des Finances Publiques

XXX

XXX

représenté par M. GUERIN, Inspecteur des Finances, muni d’un pouvoir

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats et du délibéré :

Monsieur LOTTIN, Président de Chambre

Monsieur SAMUEL, Conseiller

Madame GIRARD, Conseiller

désignés par ordonnance de Monsieur le premier président de la cour d’appel en date du 2 juillet 2012.

GREFFIER LORS DES DÉBATS :

Mme VERBEKE, Greffier

DÉBATS :

A l’audience publique du 07 Octobre 2015, après rapport de M. LOTTIN,

l’affaire a été mise en délibéré au 26 Novembre 2015

ARRÊT :

CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 26 Novembre 2015, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

signé par Monsieur LOTTIN, Président, et par Mme VERBEKE, greffier présent à cette audience.

***

FAITS ET PROCÉDURE

Par décret du 3 novembre 2005, le Conseil d’État a déclaré d’utilité publique les travaux relatifs à l’aménagement à 2 × 2 voies de la RN 27 entre Manehouville et Dieppe.

Un arrêté rendu le 7 mai 2012 par le préfet de Seine Maritime a rendu cessibles au profit de l’Etat les parcelles nécessaires à la réalisation des travaux.

Ces parcelles ont été expropriées par ordonnance du juge de l’expropriation du département de Seine Maritime rendue le 19 novembre 2012, dont notamment les suivantes, situées sur les communes de Tourville-sur-Arques et Arques-La-Bataille, louées et exploitées par M. Z X :

— ZB 15, propriété des consorts B, pour une emprise de 16058/144770 m²,

— ZB 16, propriété des consorts B, pour une emprise de 33355/229740 m²,

— ZB 20, propriété des consorts B, pour une emprise de XXX,

— ZB 19, propriété des époux X, parents de M. Z X, pour une emprise de 9016/15420 m²,

— ZB 76, propriété de Mme A, pour une emprise de 199/18730 m².

Le 30 mai 2013, l’État a notifié ses offres à M. Z X en qualité d’exploitant agricole d’une activité de pension pour chevaux en retraite.

L’État français a saisi le juge de l’expropriation de Seine-Maritime le 30 juillet 2013 aux fins de voir fixer les indemnités d’éviction dues à

M. Z X.

Un transport sur les lieux a été effectué le 7 octobre 2013.

Par jugement contradictoire rendu le 17 février 2014, le juge de l’expropriation de Seine-Maritime a adopté le dispositif suivant :

Fixe de la façon suivante les indemnités qui seront versées par l’État à M. Z X dans le cadre de l’éviction agricole partielle des parcelles qu’il exploite :

I – indemnité d’exploitation : 80.006 €

II – indemnités supplémentaires de fumures et arrière fumures : 6.878 €

III – destruction du bâtiment sur la parcelle ZB 19 : 12.540,78 €

IV – licenciement du personnel : 4.014,84 €

V – rupture d’unité d’exploitation : 1.708 €

VI – déformation du parcellaire : 8.538 €

VII – reconstitutions des haies et clôtures : 238.270 €

TOTAL des indemnités : 351.955,62 € ;

Condamne l’État à payer à M. Z X, la somme de 10.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne l’État aux dépens de première instance.

M. Z X a interjeté un appel général de cette décision, par déclaration faite au greffe de la cour le 25 avril 2014.

Par arrêt rendu le 20 novembre 2014, la chambre de l’expropriation de la cour d’appel a, pour l’essentiel :

— dit que M. Z X doit être indemnisé en application

de l’article L. 13-11 du code de l’expropriation au titre d’une éviction

totale de son exploitation,

— sursis à statuer sur l’évaluation des indemnités dues à M. Z X et sur les autres demandes,

— ordonné la réouverture des débats et invité les parties à déposer des mémoires et conclusions complémentaires sur le montant des indemnités et à produire toutes pièces utiles à l’appui de leurs prétentions,

— fixé un calendrier pour le dépôt au greffe des mémoires et conclusions complémentaires,

— dit que l’audience se tiendrait le 16 avril 2015.

L’Etat français a formé le 9 janvier 2015 un pourvoi en cassation à l’encontre de cet arrêt.

L’affaire a fait l’objet de deux renvois successifs au 18 juin 2015 puis au 7 octobre 2015 afin de permettre au greffe de notifier les conclusions et mémoires complémentaires en temps utile et d’assurer le respect du principe du contradictoire.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses dernières conclusions récapitulatives déposées au greffe de la cour le 17 juin 2015 et notifiées le 22 juin 2015 à l’État et au commissaire

du gouvernement, M. X demande à la cour de rejeter la demande de sursis à statuer ainsi que la demande d’expertise judiciaire formulées par l’État et, à titre principal, de condamner ce dernier à l’indemniser ainsi qu’il suit :

— Indemnité principale pour éviction totale : 955'200 € ;

— Indemnité pour fumures et arrière fumures : 51'411 € ;

— Indemnité pour destruction et reconstitution d’un ensemble d’abri à chevaux : 72'800 € ;

— Indemnité pour destruction et reconstitution de haies : 2'155'657 € à titre principal et 1'667'442 € à titre subsidiaire ;

— Indemnité pour destruction et reconstitution de clôtures : 80'743 € ;

— Indemnité pour licenciement de personnel : 4014 € ;

— Indemnité pour le temps de recherche d’une exploitation aménagée à l’identique : 166'217 € à titre principal, sauf, à titre subsidiaire, à porter l’indemnité principale à 6 années de marge brute pour un montant de 1'146'240 € ;

— Indemnité pour déménagement de 12'889 € ;

soit un total de 3'498'192 euros.

A titre subsidiaire, M. X sollicite la condamnation de l’État à lui verser les mêmes sommes à l’exception des deux postes suivants :

— une indemnité principale pour éviction totale de 1'337'280 € ;

— une indemnité pour destruction et reconstitution de haies de 1'156'694 € ;

soit un total à titre subsidiaire de 2'881'309 euros.

A titre plus subsidiaire encore, M. X sollicite la condamnation de l’État à lui verser toujours les mêmes sommes à l’exception des deux postes suivants:

— une indemnité principale pour éviction totale de 1'910'400 € ;

— une indemnité pour destruction et reconstitution de haies de 90 000 € ;

soit un total à titre subsidiaire de 2'387'735 euros.

Il sollicite en outre la condamnation de l’Etat français à lui payer une somme de 20'000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Par mémoire déposé au greffe le 11 juin 2015 et notifié le 15 juin 2015 à l’exproprié et au commissaire du gouvernement, l’Etat français sollicite à titre principal que soit ordonné un sursis à statuer dans l’attente de l’issue de la procédure suivie devant la Cour de Cassation.

A titre subsidiaire, il demande à la cour de juger que l’indemnité d’éviction à laquelle peut prétendre M. X doit être calculée en tenant compte de la période de référence, soit le mois de novembre 2004, et sollicite une mesure d’expertise judiciaire sur les conséquences financières de l’éviction de M. X calculées à cette date.

Dans ses conclusions reçues au greffe de la cour le 2 octobre 2015 et notifiées le 6 octobre 2015 à l’exproprié et à l’expropriant, le commissaire du gouvernement demande à la cour :

— à titre principal, d’ordonner le sursis à statuer dans l’attente de la décision de la Cour de Cassation ;

— à titre subsidiaire, d’ordonner une expertise judiciaire aux fins d’évaluer l’indemnité due à M. X ;

— à titre plus subsidiaire, de fixer l’indemnité d’éviction totale due à

M. X à la somme de 762'099,74 €, dont l’indemnité de 351'955,62 € fixée en première instance et déjà versée à l’exproprié viendra en déduction du montant restant à verser, soit un complément de 410'144,12 euros.

MOTIFS DE LA COUR

Sur la demande de sursis à statuer

Au soutien de leur demande de sursis à statuer dans l’attente de la décision qui sera rendue par la Cour de Cassation, l’État français et le commissaire du gouvernement invoquent l’intérêt d’une bonne administration de la justice, dès lors que l’évaluation des indemnités d’expropriation basées sur une éviction totale dépend du principe de cette éviction totale qui peut être remis en cause par la cour régulatrice.

Si le commissaire du gouvernement admet qu’il y a lieu de prendre en compte la nécessité pour M. X de bénéficier de revenus dans l’attente de cette décision, il souligne que seule l’éviction totale le priverait de tout revenu et que dans l’attente de la décision à intervenir, il peut continuer à exploiter l’ensemble des terres non soustraites par l’emprise du projet routier, l’Etat s’étant engagé à constituer les clôtures nécessaires.

Toutefois, l’exproprié fait valoir à bon droit qu’il s’est trouvé dans l’obligation de quitter les lieux dès le mois de mai 2015, alors que la déconsignation des sommes allouées en première instance dont il a bénéficié ne lui permet pas de retrouver un emplacement comparable pour poursuivre son exploitation, ce qu’il l’a amené à renvoyer l’ensemble des chevaux qu’il hébergeait chez leurs propriétaires et à entreprendre une procédure de licenciement de ses salariés.

Au surplus, rien ne s’oppose à ce que les indemnités d’expropriation soient fixées d’ores et déjà sur les bases définies dans le précédent arrêt, étant observé qu’une éventuelle cassation des dispositions ayant fait droit à la demande d’éviction totale de M. X aurait pour effet de rendre inapplicable cette évaluation et de saisir la cour de renvoi de l’entier litige.

L’Etat français et le commissaire du gouvernement seront en conséquence déboutés de leur demande de sursis à statuer.

Sur la demande d’expertise judiciaire

Au soutien de sa demande d’expertise judiciaire, l’État français fait valoir que l’intervention du décret n°2005-497 du 13 mai 2005 a rendu possible le recours à cette mesure d’instruction en matière d’expropriation. Il soutient que le code de l’expropriation, au travers de l’article L. 322-8 du code de l’expropriation, oblige le juge en matière d’évaluation des immeubles à examiner certains termes de comparaison privilégiés, constitués par les acquisitions amiables réalisées par les collectivités publiques et même sous certaines conditions à les prendre pour base d’évaluation, de telle sorte que l’institution d’une expertise judiciaire s’impose.

Le commissaire du gouvernement, qui s’associe à cette demande d’expertise, souligne que l’ensemble des expertises versées aux débats ne sont pas contradictoires et que les éléments relatifs au nombre de chevaux en pension et à la capacité d’accueil des chevaux n’ont pas pu être vérifiés contradictoirement, notamment lors du transport sur les lieux.

S’il constate que l’État n’avait pas jusqu’à présent sollicité le recours à une expertise judiciaire, il fait valoir que le contexte et l’usage des rapports sont modifiés par rapport au débat précédent dès lors qu’il s’agit désormais, dans la présente instance, de procéder à l’évaluation d’une indemnité d’éviction totale et non plus partielle.

Toutefois, la cour observe en premier lieu que l’article L. 322-8 du code de l’expropriation, issu de l’ordonnance n°2014-1345 du novembre 2014 qui a abrogé en son article 6 la partie législative du code de l’expropriation, est inapplicable à la présente procédure en application des dispositions transitoires de ce texte prévues par son article 7 dont il résulte que 'les contentieux administratifs et judiciaires engagés sur le fondement des dispositions de l’ancien code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, en cours au jour de l’entrée en vigueur de la présente ordonnance, demeurent régis par les dispositions de l’ancien code de l’expropriation pour cause d’utilité publique jusqu’à dessaisissement de la juridiction saisie'.

Il convient à cet égard de rappeler que l’appel de M. Z X a été interjeté le 25 avril 2014, soit bien avant l’entrée en vigueur de la nouvelle version du code de l’expropriation, laquelle est donc inapplicable en l’espèce.

Au demeurant, les dispositions de l’article L. 322-8 susvisé n’ont fait que reprendre en les modifiant légèrement celles précédemment prévues par l’article L. 16-13 du code de l’expropriation ancien, applicable à la présente espèce, qui n’a nullement pour objet de rendre obligatoire un recours à l’expertise judiciaire mais oblige le juge à tenir compte dans certaines hypothèses des accords réalisés à l’amiable entre l’expropriant et les divers titulaires de droits à l’intérieur du périmètre des opérations faisant l’objet de la déclaration d’utilité publique, voire à les prendre pour base lorsqu’ils ont été conclus avec au moins la moitié des propriétaires intéressés et portent sur les deux tiers au moins des superficies concernées ou lorsqu’ils ont été conclus avec les deux tiers au moins des propriétaires et portent sur la moitié au moins des superficies concernées.

Au surplus, il n’est nullement invoqué en l’espèce que les conditions d’application de cet article L. 16-13 seraient réunies.

Par ailleurs, ni l’Etat français ni le commissaire du gouvernement n’avaient sollicité une telle mesure d’expertise judiciaire depuis le début la procédure en fixation des indemnités initiée par l’expropriant en juillet 2013 alors que, contrairement à ce qui est allégué, le contexte n’a nullement évolué puisque M. X avait sollicité dès la première instance, par mémoire notifié le 24 décembre 2013, son indemnisation sur la base d’une éviction totale.

La cour, qui constate en outre que l’expert ne pourrait faire aucune constatation utile sur l’exploitation qui a été stoppée et notamment sur le nombre de chevaux, lesquels ont été rendus à leurs propriétaires, s’estime suffisamment éclairée par les pièces versées aux débats et déboutera l’Etat français et le commissaire du gouvernement de leur demande d’expertise.

Sur l’évaluation de l’indemnité principale d’expropriation

Il résulte de articles L. 13-14 et L.13-15 du code de l’expropriation que, pour l’évaluation des indemnités d’expropriation, il y a lieu de prendre en considération :

— pour les immeubles et droits réels immobiliers, leur usage effectif à la date de référence, soit un an avant l’ouverture de l’enquête publique préalable à la déclaration d’utilité publique ;

— la consistance des biens à la date de l’ordonnance portant transfert de propriété ;

— la valeur de ces biens à la date de la décision de première instance.

En l’espèce, il est constant que la date de référence se situe au 25 février 2003, soit un an avant l’ouverture de l’enquête préalable à la déclaration d’utilité publique, que l’ordonnance de transfert de propriété a été rendue par le juge de l’expropriation le 19 décembre 2012 et que la décision de première instance statuant sur l’évaluation des expropriations est intervenue le 17 février 2014.

L’expropriant fait valoir que, postérieurement à la date de référence,

M. X a bouleversé l’économie de son exploitation, passant d’une activité limitée en 2003 à la prise en pension d’une trentaine de chevaux à une entreprise de grande ampleur, embauchant du personnel, édifiant des constructions importantes, procédant à des campagnes de plantations sur des linéaires très importants, au point d’accueillir 120 chevaux en 2013.

Invoquant les dispositions de l’article L. 13-14 du code de l’expropriation, il en déduit que c’est sur la base de la marge brute du chiffre d’affaires réalisé en 2004 que doit se calculer l’indemnité d’éviction.

Toutefois, s’il résulte de l’article L. 13-14 susvisé que 'les améliorations de toute nature, tels que construction, plantations, installations diverses, acquisition de marchandises, qui auraient été faites à l’immeuble, à l’industrie ou au fonds de commerce, même antérieurement à l’ordonnance d’expropriation, ne donnent lieu à aucune indemnité, si, en raison de l’époque à laquelle ces améliorations ont eu lieu, ou de toute autre circonstance, il apparaît qu’elles ont été faites dans le but d’obtenir une indemnité plus élevée’ et que 'sont présumées faites dans ce but, sauf preuve contraire, les améliorations postérieures à l’ouverture de l’enquête prévue à l’article L 11-1", il est constant que M. X avait engagé une activité principale de pension pour chevaux bien avant la date de référence, activité qu’il développait à cette date depuis plusieurs années et qui s’est accrue de façon constante et l’a amené, pour y faire face, à construire postérieurement deux abris pour chevaux et à faire un certain nombre de plantations, alors que l’arrêté déterminant les parcelles expropriées n’est intervenu qu’en 2010.

La cour considère en conséquence que, comme le fait observer le commissaire du gouvernement, ces améliorations s’inscrivaient dans la logique de conversion de l’exploitation de la pension pour chevaux engagée en 1998 et ne sont pas sur-dimensionnées par rapport au développement global de cette activité.

En toute hypothèse et en application des textes susvisés, la consistance de l’activité doit être appréciée au 19 décembre 2012 et sa valeur au 17 février 2014.

Le protocole d’accords relatif à l’indemnisation des biens ruraux concernés par les acquisitions immobilières poursuivies par l’État ainsi que les collectivités et organismes soumis au contrôle du service des domaines dans le département de la Seine-Maritime prévoient que la durée pendant laquelle l’exploitant est considéré comme privé de son revenu est estimée en principe à trois années.

Il précise que la même règle s’applique aux évictions totales, mais que les deux correctifs, qui permettent dans certaines hypothèses de porter à quatre années voire à cinq années la durée d’exploitation pour le calcul de l’indemnité, ne peuvent avoir d’effet dans l’hypothèse d’une éviction totale.

L’indemnité sera en conséquence calculée sur trois années de marge brute.

Si, pour les motifs énoncés ci-dessus, l’expropriant est mal fondé à soutenir que l’indemnisation doit être faite sur la base de la marge brute de l’année 2004, l’exproprié est également mal fondé à invoquer à ce titre la moyenne des exercices 2012 et 2013, alors que la consistance de l’activité doit être examinée en décembre 2012.

Compte tenu de l’activité en croissance constante de l’exploitation, la cour retiendra pour base la marge brute réalisée au titre de l’année 2012, soit une somme de 177'006 euros.

L’indemnité d’éviction sera en conséquence fixée à la somme de

531 018 euros.

Sur l’indemnité de fumures et d’arrières fumures

Le protocole départemental ne fait pas de distinction suivant qu’il s’agit de culture traditionnelle ou d’agriculture biologique et il n’y a pas lieu en conséquence d’appliquer une minoration de ce chef comme le demande l’expropriant.

Il sera retenu le montant d’indemnisation de 524 €/hectare adopté par le premier juge et tenant compte de l’actualisation du protocole départemental en 2013, dès lors qu’il n’est pas justifié d’une actualisation pour l’année 2014, date à laquelle cette indemnisation doit être évaluée.

Cette indemnité sera en conséquence fixée à la somme de 50'304 euros.

Sur l’indemnité de destruction et de reconstitution des abris à chevaux

Pour les raisons exposées ci-dessus et contrairement à ce que soutient l’expropriant, l’ensemble des abris à chevaux doivent donner lieu à indemnisation.

Pour le surplus, l’évaluation faite par M. C à hauteur de

72 800 euros n’est pas contestée et l’indemnité sera fixée à ce montant.

Sur l’indemnité de destruction et de reconstitution des haies

M. X sollicite son indemnisation à titre principal sur la base d’une reconstitution des haies à l’identique.

Il reproche aux premiers juges d’avoir retenu l’estimation résultant du rapport Nansot, soit 153 €/mètre linéaire, qui ne constituait qu’une approximation, au motif que les deux devis produits présentaient un écart de prix important avec cette estimation, alors que cet écart s’explique par la prise en compte de la spécificité des espèces nécessaires au bien-être des chevaux pensionnaires et par la prise en compte de l’âge des plantations concernées, impliquant un coup de replantation plus élevé. Il expose qu’en outre un système d’arrosage est nécessaire pour permettre aux plantations de s’adapter à leur nouvelle terre.

L’Etat français propose que soit retenue l’estimation de M. Y, sur la base de 90 000 euros pour 8070 ml, ramenée à 68 000 euros pour ne pas tenir compte des haies plantées en 2004 et 2005.

Il ajoute qu’il y a lieu de tenir compte du fait que les haies seraient devenues définitivement la propriété du bailleur à l’expiration du bail en septembre 2015.

Toutefois, M. X aurait sollicité et vraisemblablement obtenu le renouvellement de ce bail.

Les devis produits ont été établis sur la base d’une quantité linéaire notoirement inférieure à celle qui est sollicitée, ce qui fausse la référence à un prix au mètre linéaire.

En outre, un système d’arrosage, qui n’existait pas précédemment, ne saurait être intégré dans l’indemnisation.

Au vu des pièces produites, la cour retiendra une base d’indemnisation de 50 euros/m², soit une somme de 375 550 euros.

Sur l’indemnité de destruction et de reconstitution de clôtures

Au vu des rapports produits, dont les conclusions sont proches, la cour fixera ce poste de préjudice à la somme de 75 000 euros.

Sur les indemnités de licenciement

Il importe peu que les deux salariés aient été embauchés en 2008, dès lors que cette embauche était justifiée par le développement rapide de l’activité.

Par ailleurs, le fait que Madame X soit l’épouse de l’exproprié ne la prive pas de tout droit à ce titre.

Le jugement sera confirmé de ce chef et il sera alloué à M. X la somme de 4014,84 euros.

Sur l’indemnité pour temps de recherche

M. X sollicite de ce chef une somme de 166 217 euros correspondant à deux années d’excédent brut d’exploitation en faisant valoir qu’il lui sera très difficile de retrouver une nouvelle exploitation à acquérir ou à louer.

À titre subsidiaire, il demande que l’indemnité principale soit calculée sur 6 années de marge brute.

Toutefois, l’indemnité d’éviction, calculée conformément au protocole départemental, vise précisément à indemniser l’exproprié de la perte subie pendant le temps nécessaire à la recherche d’une nouvelle exploitation et à sa réinstallation.

La cour, ne pouvant indemniser deux fois le même préjudice, déboutera en conséquence M. X de sa demande de ce chef.

Sur l’indemnité pour déménagement

Ainsi que le souligne l’expropriant, cette indemnité évaluée par

M. C et correspondant au déménagement du cheptel ne repose sur aucun justificatif. La cour ne pourra en conséquence que débouter M. X de sa demande de ce chef.

L’expropriant sera condamné à verser à l’exproprié la somme mentionnée au dispositif sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS, LA COUR

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Vu l’arrêt précédemment rendu le 20 novembre 2014,

Déboute l’Etat français et le commissaire du gouvernement de leur demande de sursis à statuer dans l’attente de la décision qui sera rendue par la Cour de Cassation sur le pourvoi formé à l’encontre de ce précédent arrêt,

Déboute l’Etat français et le commissaire du gouvernement de leur demande d’expertise judiciaire,

Confirme le jugement entrepris en ce qu’il a fixé l’indemnité au titre du licenciement du personnel à la somme de 4014,84 euros et en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens,

L’infirmant pour le surplus, statuant à nouveau et y ajoutant,

Fixe ainsi qu’il suit les autres indemnités qui seront versées par l’État français à M. Z X dans le cadre de l’éviction agricole totale de ce dernier :

— indemnité principale d’exploitation : 531'018 €

— indemnité de fumures et arrière fumures : 50'304 €

— Indemnité de destruction et reconstitution d’abri à chevaux 72'800 €

— Indemnité de reconstitution de haies : 375'550 €

— Indemnité de reconstitution de clôtures : 75'000 €

Dit en conséquence que le total des indemnités d’éviction dues à

M. Z X s’établit à la somme de 1 108 686,84 euros,

Dit que la somme de 351 955,62 euros versée en exécution de la décision de première instance viendra en déduction de cette somme, l’Etat français restant devoir à M. Z X une somme de 756 731,22 euros,

Déboute M. Z X de ses demandes d’indemnisation faites au titre du temps de recherche d’une exploitation aménagée à l’identique et au titre du déménagement,

Condamne l’Etat français à payer à M. Z X une somme de 10'000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel,

Condamne l’Etat français aux dépens d’appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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