Cour d'appel de Rouen, 15 septembre 2016, n° 15/05276

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Rouen, 15 sept. 2016, n° 15/05276
Juridiction : Cour d'appel de Rouen
Numéro(s) : 15/05276
Décision précédente : Tribunal d'instance de Les Andelys, 22 octobre 2015

Texte intégral

R.G. : 15/05276

COUR D’APPEL DE ROUEN

CHAMBRE DE LA PROXIMITÉ

Section SURENDETTEMENT

ARRET DU 15 SEPTEMBRE 2016

DÉCISION DÉFÉRÉE :

Jugement du TRIBUNAL D’INSTANCE DES ANDELYS du 23 Octobre 2015

APPELANTE :

Madame Z X

Née le XXX à SARTROUVILLE

XXX

XXX

Comparante en personne

assistée de Me Cyrille GIVORD, avocat au barreau d’EVREUX

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2015/014111 du 04/02/2016 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de Rouen)

INTIMÉES :

SA ACM SURENDETTEMENT – LES ASSURANCES DU CREDIT MUTUEL IARD

XXX

XXX

Représentée par Me Anne THIRION – CASONI, avocat au barreau de ROUEN substitué par Me LETOUE, avocat au barreau de ROUEN

SA CREDIT LOGEMENT

XXX

XXX

Représentée par Me Richard DUVAL, avocat au barreau de l’Eure

DIRECTION GENERALE DES FINANCES PUBLIQUES

XXX

XXX

BRED BANQUE POPULAIRE

Service recouvrement amiable 8056A – XXX

XXX

XXX

Agence 923 – Banque de France – XXX

XXX

CIC NORD OUEST

XXX

XXX

XXX

XXX

XXX

CREDIT DU NORD BDD

Risque recouvrement – XXX

XXX

Société EDF SERVICE CLIENT

XXX

XXX

XXX

XXX

XXX

SA MCS ET ASSOCIES

XXX

XXX

XXX

XXX

XXX

XXX

XXX

XXX

XXX

XXX

XXX

Non comparants ni représentés bien que régulièrement convoqués par lettre recommandée avec accusé de réception

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du Code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 09 Juin 2016 sans opposition des parties devant Madame LABAYE, Conseiller, magistrat chargé d’instruire l’affaire,

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame BRYLINSKI, Président

Madame LABAYE, Conseiller

Madame DELAHAYE, Conseiller

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme NOEL DAZY, Greffier

DÉBATS :

A l’audience publique du 09 Juin 2016, où l’affaire a été mise en délibéré au 15 Septembre 2016

ARRÊT :

Réputé contradictoire

Prononcé publiquement le 15 Septembre 2016, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

signé par Madame BRYLINSKI, Président et par Mme NOEL DAZY, Greffier présent à cette audience.

**-**

Mme Z X a déposé auprès de la Commission de surendettement des particuliers de l’Eure une demande de traitement de sa situation de surendettement.

Par avis du 18 novembre 2014, la Commission de surendettement a proposé des mesures recommandées tendant à la mise en place d’un moratoire de 24 mois aux fins de vente du bien immobilier de la débitrice, estimé à 280.000 €.

La direction générale des finances publiques, pôle de recouvrement spécialisé d’Evreux, a formé un recours contre les mesures au motif que sa créance à l’encontre de Mme X a pour origine une fraude de celle-ci. Les dettes fiscales sont issues d’une vérification de la comptabilité de la société SARL Opteo gérée par Mme X et son concubin, M. Y, cette vérification a notamment mis en évidence l’utilisation, pour leurs besoins personnels, du compte de la société.

Mme X a soutenu qu’en réalité la société était gérée par M. Y et non par elle-même du fait de ses problèmes de santé, elle n’avait pas connaissance de la situation.

Par jugement du 23 octobre 2015, le tribunal d’instance des Andelys a :

— déclaré la contestation formée par direction générale des finances publiques, pôle de recouvrement spécialisé d’Evreux recevable

— déclaré cette contestation bien fondée

En conséquence :

— déclaré Mme Z X irrecevable au bénéfice de la procédure de surendettement des particuliers

— rappelé que le jugement bénéficie de l’exécution provisoire de droit

— dit que la totalité des dépens sera mise à la charge du Trésor Public

— dit que la décision sera notifiée par lettre recommandée avec demande d’avis de réception à chacune des parties ainsi que par letre simple à la Banque de France.

Le tribunal a retenu la mauvaise foi de Mme X pour la dire irrecevable à bénéficier des dispositions relatives au traitement des situations de surendettement.

Le jugement a été notifié à Mme Z X le 28 octobre 2015, elle a en a interjeté appel par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 05 novembre 2015.

Mme X expose qu’elle vivait avec M. Y qui avait une activité de conseil et services en matières de travaux immobiliers. Mme X, qui lui faisait confiance, a accepté d’être co-emprunteur ou caution des prêts contractés par son concubin et d’être co-gérante de la société. Elle soutient qu’elle était crédule et n’avait pas connaissance des agissements de M. Y qu’elle a quitté en mars 2013.

Mme X soutient être de bonne foi, au moment du dépôt du dossier de surendettement puisqu’elle a déclaré l’intégralité de ses dettes, y compris fiscales. S’agissant des faits étant à l’origine du surendettement, elle affirme qu’elle n’avait pas conscience de la fraude, elle n’a pas pu être assistée lors de la vérification de la comptabilité de la société Opteo et celle-ci n’était dirigée que par M. Y qui s’occupait des relations avec les clients, les fournisseurs et la banque. Elle-même avait alors des problèmes de santé qui ont généré une dépression, elle prétend qu’elle ignorait les dépenses litigieuses engagées par son concubin. Elle précise que son endettement total est proche de 800.000 €.

Mme X demande à la cour de :

— déclarer recevable et fondé son appel

— y faisant droit, infirmer la décision entreprise

— statuant à nouveau

— la déclarer recevable au bénéfice d’une procédure de surendettement

— conférer force exécutoire aux mesures recommandées par la Commission de surendettement le 10 avril 2015

— à titre subsidiaire, écarter les dettes fiscales du plan de surendettement.

La société Crédit Logement soutient que l’appel de Mme X est irrecevable, selon la société, il résulte de l’article R.331-9-2 du code de la consommation que les jugements en matière de surendettement sont rendus en dernier ressort et, quelle que soit la qualification donnée par le juge, la décision n’était pas susceptible d’appel, ce à quoi s’oppose la débitrice en soulignant que l’article R.334-17 lui ouvre la possibilité de faire appel.

Les Assurances du Crédit Mutuel ACM demandent à la cour de :

A titre principal :

— constater la subrogation dont elles bénéficient dans les droits du CIC Nord Ouest

— constater la mauvaise foi de Mme X

En conséquence :

— confirmer dans en l’intégralité de ses motifs le jugement du 23 octobre 2015 rendu par le tribunal d’instance des Andelys

— dire et juger qu’elle est irrecevable et mal fondée à solliciter le bénéfice d’une procédure de surendettement des particuliers

A titre subsidiaire :

— fixé un moratoire aux fins de vente des biens de Mme X dans le but de désintéresser en priorité les créanciers de dettes immobilières

En tout état de cause :

— condamner Mme X à leur payer la somme de 1.500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile

— condamner Mme X aux entiers frais et dépens de la procédure.

Les ACM soutiennent que Mme X est de mauvaise foi, elle s’est endettée volontairement, de façon disproportionnée et déraisonnable, elle a contracté de nombreux prêts dont 575.000 € de dettes immobilières. Mme X, au moment de souscrire le prêt de 150.000 € auprès la banque CIC Lord Ouest, n’a déclaré que 1.035 € de revenus mensuels. Elle a par ailleurs bénéficié des dépenses somptuaires de son concubin. Les ACM déclarent une créance à hauteur de 143.199,98 € en ce compris les intérêts au taux conventionnel de 4,750 % l’an à compter du 10 mars 2015 et compte-tenu d’un paiement obtenu de M. Y pour 2.200 €.

La direction générale des finances publiques, pôle de recouvrement spécialisé d’Evreux demande confirmation du jugement.

Mme X a des dettes fiscales de plus de 46.000 € provenant pour l’essentiel de contrôles fiscaux. Lors de la vérification de la comptabilité de la société dont elle était co-gérante, il est apparu que la compte de la société Opteo avait été utilisé pour des dépenses personnelles (travaux, voyages, repas..). Les faits ont été reconnus par M. Y et Mme X ne peut prétendre ignorer 'ses errements’ puisqu’elle a bénéficié des dépenses en question sur une longue durée.

La direction générale des finances publiques précise d’une part, que la société Opteo a fait l’objet d’une procédure collective clôturée pour insuffisance d’actifs par jugement du tribunal de commerce de Versailles du 27 novembre 2014, d’autre part qu’elle s’est également opposée à la recevabilité de la procédure de surendettement pour M. Y, et que, à sa connaissance, la contestation des mesures recommandées le concernant est pendante devant le tribunal d’instance de Bobigny.

Par courriers envoyés à la cour, le GEIE Synergie, demande, pour la compte de la société Cofidis, la confirmation du jugement, la société MCS et associés, suite à la cession au fonds de titrisation Consomab de la créance de la société SE MAB contre Mme X, en sa qualité de gestionnaire du fonds, indique s’en remettre à la décision de la cour. Les autres créanciers, régulièrement convoqués, ne se présentent pas à l’audience et n’ont pas fait parvenir d’observations écrites.

SUR CE

Il résulte de l’article R. 334-17 du code de la consommation, devenu l’article R. 733-17, que le jugement par lequel le juge se prononce sur la contestation des mesures recommandées ou imposées est susceptible d’appel.

Le jugement a été notifié à Mme Z X le 28 octobre 2015, elle a en a interjeté appel par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 05 novembre 2015, soit dans le délai de quinze jours de l’article R.331-9-3 du code de la consommation, devenu l’article R. 713-7, l’appel est recevable.

*****

Le tribunal a retenu que le redressement fiscal de la société SARL Opteo était intervenu sur plusieurs points : rappels de TVA, factures de travaux immobiliers payées par la société pour des prestations effectuées à l’adresse personnelle des co-gérants, Mme X et M. Y, frais personnels non engagés dans l’intérêt de l’entreprise (dîners dans des restaurants gastronomiques, nuits d’hôtel dans des hôtels de luxe, frais de cocktails, voyage au Kenya …) utilisation de véhicules de société à des fins personnelles. Mme X, gérante jusqu’en 2013, ne pouvait ignorer que, ni elle, ni son concubin, n’avaient les moyens de financer un tel train de vie, que les dépenses n’étaient pas effectuées dans l’intérêt de la société ; elle ne pouvait qu’avoir conscience que ces dépenses étaient réalisées frauduleusement via la société qu’elle dirigeait. Le tribunal l’a donc considérée comme de mauvaise foi et l’a déclarée irrecevable au bénéfice de la procédure de surendettement des particuliers.

L’examen du passif révèle un total de dettes de 784.058,33 € dont la dette fiscale liée au redressement d’un montant 38.028 € + 3.851 € = 41.879 € ce qui représenté environ 5,35 % du total du passif. L’importance du passif n’est donc pas due à la dette provenant de la fraude fiscale et cette dette ne peut, à elle seule, caractériser la mauvaise foi de la débitrice faisant obstacle au bénéfice d’une procédure de surendettement.

Mme X ne peut pas soutenir que les dettes liées à la société seraient à l’origine de son surendettement même si, outre le redressement fiscal, elle s’est engagée comme caution à hauteur de 49.948,34 € soit 6.37 % de son endettement.

Il doit être relevé que les créances au titre des cinq prêts immobiliers (dues aux banques, aux organismes de caution ayant réglé les banques) s’élèvent à 647.305,54 € soit 82,56 % du passif. Il est indiqué dans le jugement que Mme X avait un revenu de 1.000€ par mois, ce que relève également un des créanciers, les Assurances du Crédit Mutuel (ACM) lequel s’étonne à juste titre des engagements financiers importants de Mme X pour de faibles revenus. Les crédits ont été contractés avec son concubin, dont les revenus ne sont pas communiqués, mais ces crédits immobiliers généraient des remboursements mensuels d’au moins pour trois d’entre eux : 1.953,37 + 1.037,70 + 1.377,11 = 4.368,18 € (les autres ne sont pas connus au dossier) outre des crédits à la consommation avec des remboursements mensuels de 777 €.

Les ACM soulignent que Mme X est de mauvaise foi, elle s’est endettée volontairement, de façon disproportionnée et déraisonnable, Mme X ne s’est pas expliquée sur la notion de mauvaise foi qui serait liée à ces emprunts immobiliers contractés pour des sommes très excessives eu égard à ses revenus et alors qu’elle pouvait avoir conscience de ce qu’elle ne pourrait pas faire face à ses engagements. Elle doit être invitée à s’expliquer de ce chef.

Dans le dossier de surendettement figurent des commandements de payer ou assignations délivrés par les créanciers immobiliers, il n’est pas justifié de l’issue de ces procédures or, si des condamnations ont été prononcées le montant de celles-ci peut influer sur la situation de Mme X et il convient d’inviter la débitrice à produire celles qui seraient en sa possession et à inviter les créanciers à justifier de leur créance.

Les demandes des parties seront réservées.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire

Avant dire droit :

Invite Mme Z X :

— à s’expliquer sur la notion de mauvaise foi telle que relevée dans les motifs de l’arrêt qui pourrait être liée à la souscription délibérée de crédits excessifs et hors de proportion avec les capacités financières

— à fournir les justificatifs d’éventuels condamnations à paiement prononcées quant dettes incluses dans l’état des créances ;

Invite les créanciers à produire :

— l’ensemble des justificatifs de leur créance (notamment pour les contrats de crédit, immobilier ou non : contrat, tableau d’amortissement, historique de compte, décompte précis) éventuellement de justifier des jugements de condamnation qui auraient été obtenus contre Mme X seule ou avec son concubin, M. D E .

Renvoie la procédure et les parties à l’audience du 10 novembre 2016 à 9 h 30 ;

Dit que notification de la présente décision vaudra convocation pour cette date ;

Réserve les différentes demandes et les dépens

Le Greffier Le Président

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Cour d'appel de Rouen, 15 septembre 2016, n° 15/05276