Cour d'appel de Rouen, Ch. civile et commerciale, 26 octobre 2017, n° 16/04223

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Chronologie de l’affaire

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Guillaume Grundeler · Bulletin Joly Sociétés · 1er février 2018
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Sur la décision

Référence :
CA Rouen, ch. civ. et com., 26 oct. 2017, n° 16/04223
Juridiction : Cour d'appel de Rouen
Numéro(s) : 16/04223
Décision précédente : Tribunal de commerce de Rouen, 10 juillet 2016, N° 2016002588
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

R.G : 16/04223

COUR D’APPEL DE ROUEN

CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

ARRÊT DU 26 OCTOBRE 2017

DÉCISION DÉFÉRÉE :

2016002588

TRIBUNAL DE COMMERCE DE ROUEN du 11 Juillet 2016

APPELANTE :

SAS SOCIETE NANTAISE DE GALVANISATION

[…]

[…]

représentée et assistée de Me Marie SAVOYE, avocat au barreau de ROUEN

INTIMES :

Monsieur X Y

né le […] à […]

[…]

[…]

représenté par Me Vincent GACOUIN de la SELARL POINTEL & ASSOCIES, avocat au barreau de ROUEN

assisté de Me Bruno HALLOUET ,avocat au barreau de BREST

SAS GALVA CAUX

zone industrielle du bois de l’Arc

[…]

représentée par Me Vincent GACOUIN de la SELARL POINTEL & ASSOCIES, avocat au barreau de ROUEN

assistée de Me Bruno HALLOUET,avocat au barreau de BREST

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 786 du Code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 13 Septembre 2017 sans opposition des avocats devant

Madame BRYLINSKI, Président.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame BRYLINSKI, Président

Madame BERTOUX, Conseiller

Madame MANTION,Conseiller

GREFFIER LORS DES DÉBATS :

Madame JEHASSE, Greffier

DÉBATS :

A l’audience publique du 13 Septembre 2017, où l’affaire a été mise en délibéré au 26 Octobre 2017

ARRÊT :

CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 26 Octobre 2017, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

signé par Madame BRYLINSKI, Président et par Monsieur CASTEL, Greffier .

*

* *

FAITS ET PROCÉDURE

La SAS Galva Caux n’ayant pas déposé ses comptes annuels auprès du greffe du tribunal de commerce de Rouen, la SAS Société Nantaise de Galvanisation (SNG) l’a fait assigner ainsi que son président M. X Y en référé devant le président du tribunal de commerce de Rouen, afin notamment, d’enjoindre M. X Y ès qualités, de procéder au dépôt de pièces et actes de cette société au registre du commerce et des sociétés, au titre des exercices comptables clôturés au 31 décembre 2012, 2013 et 2014.

Le président du tribunal de commerce de Rouen, par ordonnance en date du 11 juillet 2016, a débouté la Société Nantaise de Galvanisation de l’ensemble de ses demandes, l’a condamnée au paiement à chacune des parties défenderesses de la somme de 1.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

***

La Société Nantaise de Galvanisation SNG a interjeté appel de cette ordonnance et, aux termes de ses dernières écritures en date du 14 février 2017 auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé des moyens développés, demande à la cour de :

— infirmer l’ordonnance rendue le 11 juillet 2016 par le tribunal de commerce de Rouen ;

— enjoindre M. X Y en sa qualité de président de la société Galva Caux, de procéder au dépôt des pièces et actes de ladite société au registre du commerce et des sociétés énumérés à l’article L.232-23 du code de commerce, au titre des exercices comptables clôturés au 31 décembre 2012, 2013 et 2014, et en particulier:

les comptes annuels (bilan, compte de résultat et annexe);

le rapport général du commissaire aux comptes sur les comptes annuels ;

la proposition d’affectation de résultat soumise à l’assemblée des associés et la résolution votée;

en cas de refus d’approbation des comptes, une copie de la délibération de l’assemblée.

— assortir la décision à intervenir d’une astreinte de quatre-vingt euros (80€) par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir ;

— débouter M. X Y, en sa qualité de président de la société Galva Caux, de l’intégralité de ses fins et conclusions à l’encontre de la Société Nantaise de Galvanisation.

— condamner M. X Y, en sa qualité de président de la société Galva Caux, à payer à la Société Nantaise de Galvanisation une somme de

3.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

— condamner M. X Y, en sa qualité de président de la société Galva Caux, aux entiers frais et dépens de l’instance.

***

La société Galva Caux et M. X Y ès qualités, aux termes de leurs dernières écritures en date du 3 décembre 2016 auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé des moyens développés, demandent à la cour de confirmer la décision entreprise, dire n’y avoir lieu à référé, débouter la société Nantaise de Galvanisation de toutes ses prétentions et la condamner au paiement à chacun d’eux de la somme de 3 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Vincent Gacouin.

DISCUSSION

Le juge des référés a dans un premier temps relevé que l’action prévue à l’article L. 123-5-1 du code de commerce est ouverte à tout intéressé sans restriction, que l’intérêt à agir de la société SNG était établi par sa qualité de concurrente de sorte que son action est recevable.

Mais se référant à un rapport de l’office parlementaire n° 120 établi par

M. A B C, sénateur, sur la législation applicable en matière de

prévention et de traitement des difficultés des entreprises, le premier juge a relevé qu’il ne fait aucun doute que la volonté du législateur n’était pas la transparence économique, qui n’existe d’ailleurs dans aucun autre pays européen, mais bien la prévention des difficultés des entreprises ; qu’en déposant les comptes des sociétés mère et grand-mère de la société Galva

Caux, M. Y a entendu démontrer que son groupe n’était pas en difficulté et, 'usant de son pouvoir d’appréciation', a rejeté l’ensemble des demandes de la Société Nantaise de Galvanisation.

La SNG fait valoir que son intérêt à agir sur le fondement de l’article L.123-5-1 du code de commerce est établi par la simple qualité de concurrente de la société Galva Caux, aucune caractérisation d’un intérêt légitime n’étant exigée par les textes ; que pour déduire que l’objectif poursuivi par l’article L.232-23 du code de commerce relatif au dépôt des comptes était la prévention des difficultés des entreprises, et en aucun cas la transparence économique, le tribunal s’est fondé sur l’extrait d’un rapport d’office parlementaire, non produit par les parties, si bien que la motivation soulevée d’office par le premier juge, outre qu’elle n’a pas été débattue contradictoirement par les parties, est manifestement infondée ; que le texte, issu de la transposition des directives 78/660 CE du 25 juillet 1978 et 90/605 CE du 8 novembre 1990 vise à favoriser la transparence afin d’améliorer le marché unique comme en atteste une réponse ministérielle, et qu’en matière de prévention des difficultés, il existe déjà un texte spécifique à l’article L.611-2-II du code de commerce, comportant la même faculté pour le Président d’enjoindre une société de déposer ses comptes.

Elle soutient que la société Galva Caux n’a pas déposé au RCS les informations obligatoires relatives à ses comptes sociaux, conformément aux dispositions des articles L. 232-23 et L. 123-5-1 du code de commerce ; se référant aux moyens opposés par la société Galva-Caux en première instance, mais non repris en cause d’appel, elle souligne que la faculté ouverte aux micro-entreprises de demander la confidentialité des comptes annuels n’exonère pas lesdites sociétés de déposer leurs comptes annuels ; que cette faculté ne s’applique pas pour les comptes clos avant le 31 décembre 2013 ni aux sociétés appartenant à un groupe au sens de l’article L.233-16 du code de commerce (article L.232-25 alinéa 2 du code de commerce).

En ce qui la concerne, la société SNG fait valoir qu’aux termes de l’article L.232-23 I dernier alinéa du code de commerce, le dépôt du rapport de gestion ne s’impose qu’aux sociétés dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé ou sur Alternex, ce qui n’est pas son cas, si bien qu’il ne peut lui être reproché de ne pas avoir déposé au RCS son rapport de gestion ; qu’elle a déposé son compte de résultat conformément aux dispositions légales, établi par un expert-comptable ; que les dispositions légales françaises relatives au dépôt en France des comptes consolidés ne s’appliquent donc pas à la société mère du groupe France Galva, la société de droit anglais Hill & Smith (France) Limited, son siège étant situé au Royaume-Uni, et que par ailleurs elle produit le justificatif de dépôt des comptes au registre britannique, les comptes consolidés du groupe Hill & Smith étant accessibles gratuitement au public.

La société Galva Caux fait valoir que la SNG ne justifie pas avoir déposé ses rapports de gestion, que de même les comptes consolidés et le rapport de gestion du groupe dont fait partie la SNG n’ont pas été déposés au greffe ; qu’aux termes de l’article L.233-17 du code de commerce, il ne suffit pas de prétendre que les comptes consolidés du groupe Hill & Smith Holdings seraient établis en vertu de la législation anglaise qui lui est applicable ; qu’il n’est pas établi que la société Hill & Smith respecterait elle-même la législation anglaise, la pièce versée aux débats par la SNG comme étant le justificatif de dépôt de ses comptes annuels par la société Hill & Smith ne permettant pas à elle seule, faute de production des comptes en question, de le démontrer ; que la holding Hill & Smith, constituée sous la forme d’une 'private company limited', doit justifier satisfaire aux dispositions des articles 24 à 29 de la directive 2013/34/UE du

26 juin 2013, lesquelles énoncent les conditions dans lesquelles doivent être établis les états financiers consolidés, leurs annexes, ainsi que le rapport consolidé de gestion ; que la SNG, société par action simplifiée de droit français appartenant au Groupe Hill & Smith Holdings doit justifier satisfaire aux conditions d’exemption prescrites par l’article 37 de cette même directive ; que la société SNG ne justifie aucunement ni du respect des dispositions législatives et réglementaires nationales, ni de celui des dispositions communautaires précitées; que le périmètre de la consolidation des comptes de la société Hill & Smith n’est pas connu et que l’on ignore donc totalement si les sociétés France Galva et SNG y sont incluses.

Elle en déduit, sous le visa de l’article 31 du code de procédure civile, que la société SNG ne justifie pas d’un intérêt légitime, soulignant que l’article L.123-5-1 du code de commerce laisse au juge des référés un pouvoir souverain d’appréciation, ce texte employant le verbe 'pouvoir’ et non 'devoir'.

Elle fait valoir que la société Protector, holding de tête du groupe auquel appartient la société Galva Caux, publie ses comptes annuels en France, et est détenue majoritairement (90%) par une société Brenor, qui elle-même publie des comptes consolidés.

***

L’article L.232-23 du code de commerce en sa rédaction résultant de la loi n°2012-387 du 22 mars 2012 applicable aux exercices visés par la société SNG dans sa demande de publication, prévoit que

I. – Toute société par actions est tenue de déposer au greffe du tribunal, pour être annexés au registre du commerce et des sociétés, dans le mois suivant l’approbation des comptes annuels par l’assemblée générale des actionnaires ou dans les deux mois suivant cette approbation lorsque ce dépôt est effectué par voie électronique :

1° Les comptes annuels, le rapport de gestion, le rapport des commissaires aux comptes sur les comptes annuels, éventuellement complété de leurs observations sur les modifications apportées par l’assemblée aux comptes annuels qui ont été soumis à cette dernière ainsi que, le cas échéant, les comptes consolidés, le rapport sur la gestion du groupe, le rapport des commissaires aux comptes sur les comptes consolidés et le rapport du conseil de surveillance ;

2° La proposition d’affectation du résultat soumise à l’assemblée et la résolution d’affectation votée.

Il est fait exception à l’obligation de déposer le rapport de gestion pour les sociétés mentionnées au 1er alinéa autres que celles dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé (…)

La SA Galva Caux, SAS de droit français immatriculée au RCS de Rouen exerçant son activité en France, juridiquement distincte de sa société mère, est personnellement tenue au respect de ces dispositions, le fait qu’elle appartienne à un groupe ne la dispensant pas de ce dépôt, ce qu’elle ne conteste pas ; or il ressort des renseignements disponibles sur Infogreffe qu’elle ne dépose pas ses comptes depuis ceux de l’exercice 2004, ce qui n’est nullement discuté.

L’article L. 123-5-1 du code de commerce dispose que 'A la demande de tout intéressé ou du ministère public, le président du tribunal, statuant en référé, peut enjoindre sous astreinte au dirigeant de toute personne morale de procéder au dépôt des pièces et actes au registre du commerce et des sociétés auquel celle-ci est tenue par des dispositions législatives ou réglementaires.'

L’action est ainsi ouverte, sauf abus, à toute personne sans condition tenant à l’existence d’un intérêt particulier.

La société SNG exerçant une activité concurrente a un intérêt non contestable à les solliciter.

Les comptes dont le dépôt est sollicité sont ceux de la société Galva-Caux elle-même, et non les comptes consolidés du groupe auquel elle appartient ; la SAS SNG publie elle-même ses comptes tels qu’établis par son expert comptable et n’est pas tenue à un rapport de gestion.

La responsabilité du dépôt des comptes consolidés du groupe auquel appartient une société incombe à sa société mère ou grand-mère ; dès lors la discussion développée sur la publication régulière ou non des comptes consolidés est inopérante pour permettre de caractériser un abus de la part de la SAS SNG, qui seul pourrait faire obstacle au succès de sa demande.

L’ordonnance sera en conséquence infirmée en toute ses dispositions, pour être fait droit aux prétentions de la SAS SNG suivant les modalités ci-après précisées.

La SA Galva Caux supportera la charge des dépens de première instance et d’appel, et devra verser à la SAS SNG une indemnité de procédure qu’il convient de fixer à la somme de 2 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant par arrêt contradictoire,

Infirme l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau et, y ajoutant

Ordonne à M. X Y, en sa qualité de président de la SAS Galva Caux, de procéder au dépôt, au greffe du tribunal de commerce de son siège, des pièces et actes de ladite société exigibles par application des dispositions de l’article L.232-23 du code de commerce, au titre des exercices comptables clôturés au 31 décembre 2012, 2013 et 2014, et en particulier:

les comptes annuels (bilan, compte de résultat et annexe);

le rapport général du commissaire aux comptes sur les comptes annuels ;

la proposition d’affectation de résultat soumise à l’assemblée des associés et la résolution votée;

en cas de refus d’approbation des comptes, une copie de la délibération de l’assemblée,

et ce sous astreinte provisoire de 80 € par jour de retard, courant à compter de l’expiration d’un délai de 15 jours suivant la signification du présent arrêt et pendant un délai de deux mois à l’expiration duquel il sera de nouveau statué si besoin est, par le juge de l’exécution ;

Condamne la SAS Galva Caux à payer à la SAS Société nantaise de Galvanisation la somme de 2 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SAS Galva Caux aux dépens de première instance et d’appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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