Cour d'appel de Rouen, Ch. civile et commerciale, 19 décembre 2019, n° 17/04161

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Rouen, ch. civ. et com., 19 déc. 2019, n° 17/04161
Juridiction : Cour d'appel de Rouen
Numéro(s) : 17/04161
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Rouen, 24 juillet 2017, N° 14/01224
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Texte intégral

N° RG 17/04161 – N° Portalis DBV2-V-B7B-HTG7

COUR D’APPEL DE ROUEN

CH. CIVILE ET COMMERCIALE

ARRET DU 19 DECEMBRE 2019

DÉCISION

DÉFÉRÉE :

[…]

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE ROUEN du 25 Juillet 2017

APPELANTE :

Association LES TERRASSES

[…]

[…]

représentée par Me Gilles LE BOUSSE de la SELARL PATRICE LEMIEGRE PHILIPPE FOURDRIN GILLES LE BOUSSE & ASSOCI ES, avocat au barreau de ROUEN substituée par Me Raphaëlle POIGNY, avocat au barreau de ROUEN

INTIMES :

Etablissement Public METROPOLE ROUEN NORMANDIE Etablissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre

[…]

[…]

[…]

représenté par Me Y-Z A de la SELARL DE BEZENAC & ASSOCIES, avocat au barreau de ROUEN

SAS SUEZ EAU FRANCE Venant aux droits de la société Lyonnaise des Eaux

[…], […]

[…]

[…]

représentée par Me Sophie BARON, avocat au barreau de ROUEN

SASU EAUX DE NORMANDIE

[…]

[…]

représentée par Me Sophie BARON, avocat au barreau de ROUEN

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 786 du Code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 23 Octobre 2019 sans opposition des avocats devant Madaùe LABAYE, Conseiller, rapporteur

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame BRYLINSKI, Président

Madame MANTION, Conseiller

Madame LABAYE, Conseiller

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme GUILBERT, Greffière

DEBATS :

A l’audience publique du 23 Octobre 2019, où l’affaire a été mise en délibéré au 19 Décembre 2019

ARRET :

Contradictoire

Prononcé publiquement le 19 Décembre 2019, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

signé par Madame BRYLINSKI, Président et par Monsieur GUYOT, greffier.

*

* *

FAITS ET PROCEDURE

Le 07 juin 2012, la communauté d’agglomération de Rouen-Elbeuf-Austreberthe (la CREA), aujourd’hui, Métropole Rouen-Normandie, a fait parvenir à l’association Les Terrasses, gérant d’une maison de retraite médicalisée qui accueille une soixantaine de personnes âgées résidentes, une facture de consommation d’eau à hauteur de 41.959,47 €.

La facture a été établie à partir de la consommation relevée par les sociétés chargées de l’exploitation du service, la société Lyonnaise des Eaux France jusqu’à la fin de l’année 2011, et la société Eaux de Normandie à compter du 1er janvier 2012.

En septembre 2012, suite à la contestation de sa facture par l’association Les Terrasses, un changement de compteur a été effectué et l’examen de l’ancien compteur a été confié au laboratoire Cofrac, intervenu à la demande de la société Lyonnaise des Eaux France.

Suite à l’expertise, aucun accord n’a été trouvé entre les parties.

La trésorerie municipale de Rouen agissant pour le compte de la CREA a émis une opposition à tiers détenteur sur le compte bancaire de l’association Les Terrasses et la somme de 3.523,55 € a été saisie.

Le 17 décembre 2013, la CREA a fait mettre en demeure l’association Les Terrasses à lui régler la somme de 38.435,925 €.

Le 25 février 2014, l’association Les Terrasses a assigné la CREA devant le tribunal de grande instance de Rouen aux fins de voir :

— dire et juger qu’elle est recevable et bien fondée en sa contestation de la facture émise par la CREA, aujourd’hui Métropole Rouen Normandie, le 07 juin 2012

En conséquence :

— annuler la facture n°0908440 1 du 07 juin 2012

— dire et juger qu’elle n’est débitrice à l’égard de la Métropole Rouen Normandie au titre de la consommation d’eau de septembre 2011 à mars 2012 que de la somme de 6.767,09 €

— donner acte de ce qu’elle reconnaît devoir la somme de 6.767,09 €, sur laquelle elle a déjà réglé une somme de 3.523,55 €, et de ce qu’elle offre de régler la somme complémentaire de 3.243,54 €

— condamner la Métropole Rouen Normandie, à lui régler la somme de 4 000€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Par un acte du 23 octobre 2014, la CREA a appelé en garantie les sociétés Lyonnaise des Eaux France et Eaux de Normandie et a demandé au tribunal de grande instance de Rouen d’ordonner la jonction des procédures, d’enjoindre aux sociétés de fournir tous les éléments techniques sur le fonctionnement du compteur, sa conformité et sur la consommation d’eau de l’association Les Terrasses, de condamner solidairement les sociétés à la garantir de toutes condamnations qui pourraient être prononcées contre elle, de condamner solidairement les sociétés à lui verser une somme de 2.000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et de les condamner solidairement aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Y-Z A.

Il était relevé que jusqu’à la date du 31 décembre 2011, la société Lyonnaise des Eaux France était délégataire du service de distribution publique d’eau potable dans le ressort du syndicat intercommunal pour l’adduction d’eau de la région de Maromme (SIAER de Maromme) auquel a d h é r a i t l a c o m m u n e d e B o i s – G u i l l a u m e . L a c o m m u n a u t é d ' a g g l o m é r a t i o n d e Rouen-Elbeuf-Austreberthe (CREA) s’est substituée au SIAER de Maromme à la date de sa création le 1er janvier 2010 et est devenue l’autorité délégante. La CREA a passé un marché public de services avec la société Eaux de Normandie en vue de lui confier des prestations relatives au service public d’eau potable à compter du 1er janvier 2012 et pour une durée de six ans. La société Eaux de Normandie est chargée de facturer les abonnés du service pour le compte de la CREA. Elle lui reverse les produits encaissés. Lorsque le recouvrement des factures échoue, la société Eaux de Normandie transmet à la CREA la liste des débiteurs, et cette dernière met en 'uvre les procédures classiques de recouvrement des personnes publiques, à savoir qu’elle émet un titre de recettes dont le recouvrement est confié au comptable public.

Par des conclusions notifiées le 02 octobre 2015, la métropole Rouen Normandie, venant aux droits de la CREA, a renoncé à son appel en garantie à l’égard des sociétés Lyonnaise des Eaux France et

Eaux de Normandie, ainsi qu’à ses conclusions sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. A la date du 10 octobre 2016, la société Lyonnaise des Eaux France est devenue, par simple modification de sa dénomination sociale, la société Suez Eau France.

Par jugement en date du 25 juillet 2017, le tribunal de grande instance de Rouen a annulé la facture du 07 juin 2012, condamné l’association Les Terrasses à payer à la métropole Rouen Normandie la somme de 38.435,92 € avec intérêts au taux légal à compter du 14 février 2013, rejeté toutes autres demandes, condamné l’association Les Terrasses aux dépens dont distraction au profit de Me A.

L’association Les Terrasses a formé appel de ce jugement par déclaration reçue le 21 juillet 2017 au greffe de la cour.

*****

**

Par conclusions notifiées le 06 mars 2018, auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé des moyens développés, l’association Les Terrasses demande à la cour de :

— débouter la Métropole Rouen Normandie de son appel incident

— la recevoir en son appel et la dire recevable et bien fondée

Et en conséquence :

— réformer le jugement rendu le 25 juillet 2017 par le tribunal de grande instance de Rouen, sous le numéro […]

Et statuant à nouveau :

A titre principal :

— dire et juger qu’elle est recevable et bien fondée en sa contestation de la facture émise par la Communauté de l’agglomération Rouen Elbeuf Austreberthe, par abréviation CREA, aujourd’hui Métropole Rouen Normandie, le 07 juin 2012

En conséquence :

— annuler la facture du 07 juin 2012, et tous titres et actes qui en sont la conséquence ou la suite ;

— dire et juger qu’elle n’est débitrice à l’égard de la Métropole Rouen Normandie (anciennement CREA) au titre de la consommation d’eau de septembre 2011 à mars 2012 que de la somme de 6.767,09 € ;

— lui donner acte de ce qu’elle reconnaît devoir la somme de 6.767,09€, sur laquelle elle a déjà réglé une somme de 3.523,55 € et de ce qu’elle offre de régler la somme complémentaire de 3.243,54 € ;

A titre subsidiaire :

— constater le défaut d’information légale de la Métropole Rouen Normandie (anciennement CREA), prévue par les dispositions de l’article

L. 2224-12-4 III bis du code général des collectivités territoriales ;

— fixer, en conséquence, la créance due à la Métropole Rouen Normandie à la somme de 13.301,57 € ;

— prendre acte du versement déjà effectué par elle à la Métropole Rouen Normandie à hauteur de 3.523,55 € ;

— constater que sa dette ne peut excéder la somme de 9.778,02 € ;

En tout état de cause :

— condamner la Métropole Rouen Normandie (anciennement CREA), à lui régler la somme de 4.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

— condamner la Métropole Rouen Normandie (anciennement CREA), aux entiers dépens de première instance et d’appel.

L’association Les Terrasses estime son recours recevable dans le mesure où la facture du 07 juin 2012, dont elle conteste formellement le bien-fondé, ne contient pas la moindre mention d’un quelconque recours, de même que les autres documents reçus, lettre de relance et mises en demeure (pas le titre exécutoire qu’elle soutient ne pas avoir reçu) dès lors, son recours n’était soumis à aucun délai.

L’association maintient que, en l’absence de fuite et d’augmentation du nombre des résidents, le relevé de consommation d’eau était inhabituel uniquement en raison de la défectuosité du compteur et rappelle qu’il résulte d’une jurisprudence constante que les enregistrements du compteur ne valent pas preuve absolue de la consommation de l’abonné, mais seulement présomption. L’expertise du compteur a démontré qu’il était usé sans que l’expert ne s’explique sur les conséquences de cette usure, notamment sur le décomptage de la consommation effective. L’association insiste sur le fait que le laboratoire qui a fait l’expertise n’était pas indépendant puisqu’il dépend de la Lyonnaise des Eaux, l’expertise n’est donc pas objective et impartiale. L’association remarque que les faits contredisent directement l’analyse effectuée par le laboratoire puisque, dès le changement du compteur incriminé, la consommation relevée est redevenue totalement normale, conforme aux relevés d’index et aux consommations qui lui avaient toujours été facturés. Elle considère que l’usure du compteur ne s’explique pas par la surconsommation, mais qu’au contraire, c’est la surconsommation qui s’explique par l’usure du compteur défaillant.

Subsidiairement, l’association conclut à un manquement de la CREA à son obligation d’information : l’article L. 2224-12-4 III bis du code général des collectivités territoriales prévoit que, dès que le service d’eau potable constate une augmentation anormale du volume d’eau consommé, du moment où cette augmentation pourrait éventuellement provenir d’une fuite, il doit en informer sans délai le client, or, la CREA ne l’a pas avisé de la consommation anormale de

12.743 m3, manifestement sans proportion avec les relevés ou estimations antérieures. A défaut de cette information, la sanction légale est celle de la limitation du paiement au double de la consommation moyenne. Elle reconnaît en conséquence devoir seulement la somme de reconnaît devoir la somme de 6.767,09 €, sur laquelle elle a déjà réglé une somme de 3.523,55 €.

***

Par conclusions notifiées le 11 janvier 2018, auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé des moyens développés, la Métropole Rouen Normandie demande à la cour de :

— la recevoir en son appel incident en tant que le tribunal de grande instance de Rouen cru devoir annuler la facture du 07 juin 2012 ;

Et, en conséquence :

— réformer le jugement du 25 juillet 2017 en tant qu’il a procédé à l’annulation de la facture du 07 juin 2012 ;

— confirmer pour le surplus le jugement du 25 juillet 2017 en tant qu’il a condamné l’association Les Terrasses à lui payer la somme en principal de 38.435,92 € avec intérêts au taux légal à compter du 14 février 2013 ;

— condamner l’association Les Terrasses à lui régler une indemnité de 4.000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

— condamner l’association Les Terrasses aux entiers dépens de la procédure en appel dont distraction au profit de Me Y-Z A, membre de la SELARL de Bezenac & Associés dans les termes de l’article 699 du code de procédure civile.

La Métropole Rouen Normandie fait valoir que le premier juge ne pouvait procéder à l’annulation de la facture du 07 juin 2012, le défaut de mention des voies de recours n’a qu’une seule incidence : les délais de recours ne courent pas.

Selon elle, l’expertise du compteur effectuée le 13 septembre 2012 atteste de la conformité du totalisateur ce qui démontre que la consommation a été enregistrée correctement, d’ailleurs, souligne l’intimée, la consommation était revenue à la normale avant même le changement du compteur permettant ainsi de démontrer, s’il en était encore besoin, une absence de dysfonctionnement. L’expertise a en outre mis à jour une usure sur le fond de la boîte mesurante qui témoigne d’un passage très important d’eau. La consommation d’eau n’est pas sujette à contestation pour la Métropole Rouen Normandie qui avance que l’association n’est aucunement éligible au dispositif d’écrêtement de la facture d’eau qui n’est applicable qu’aux abonnés domestiques.

***

Par conclusions du 13 juin 2019, la société Suez Eau France et la société Eaux de Normandie demandant à la cour de :

— confirmer le jugement du 25 juillet 2017 du tribunal de grande instance de Rouen ;

— débouter l’association Les Terrasses de toutes ses fins, conclusions et demandes ;

— condamner l’association Les Terrasses à leur verser la somme de 4.000 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

— condamner l’association Les Terrasses aux entiers dépens.

Les sociétés Lyonnaise des Eaux France et Eaux de Normandie rappellent le cadre institutionnel et contractuel dans lequel le litige s’est formé et relèvent que lorsque le recouvrement des factures échoue, la société Eaux de Normandie transmet à la CREA la liste des débiteurs, cette dernière émet un titre de recettes dont le recouvrement est confié au comptable public. Faute de contestation du titre de recettes dans le délai prévu par l’article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales, le titre de recettes devient définitif et a la valeur d’un jugement.

Les sociétés Lyonnaise des Eaux France et Eaux de Normandie affirment qu’il n’appartient pas au juge judiciaire d’annuler une facture mais de statuer sur des droits.

Elles font valoir que l’action de l’association Les Terrasses est prescrite, en application de l’article

L.1617-5 du code des collectivités locales. L’ordonnateur de la Métropole a émis le 04 décembre 2012 un titre de recettes collectif du même montant que la facture, à savoir de 41.959,47€ TTC, titre qui a été notifié à l’association Les Terrasses, laquelle le reconnaît dans son courrier du 1er mars 2013, le titre a fait l’objet d’une lettre de relance et de mises en demeure postérieures, la saisine du tribunal est en tout état de cause intervenue plus de deux mois après la notification du premier acte de poursuite, soit le 14 mai 2013, le délai de recours contre le titre de recettes expirait par conséquent au plus tard le 15 juillet 2013.

Selon les sociétés, il est de principe que les indications du compteur font foi sauf preuve contraire et l’association Les Terrasses n’établit nullement un fait qui serait de nature à prouver l’inexactitude de l’index. Le compteur ne présentait aucune anomalie, il a fait l’objet d’une expertise après démontage intégral, le rapport d’étalonnage et d’expertise du compteur conclut à la conformité du compteur aux normes métrologiques, il présentait des marques d’usure, celle-ci est la marque d’une très grande consommation d’eau. Les sociétés affirment que l’expertise a été réalisée par le laboratoire CTCM, laboratoire qui effectue des contrôles, de manière parfaitement indépendante, pour de nombreuses entreprises et alors que la société Suez Eau France n’était plus délégataire du service public lorsque son laboratoire a réalisé l’étalonnage.

Les sociétés Lyonnaise des Eaux France et Eaux de Normandie relèvent également que le dispositif d’écrêtement de la facture d’eau n’est applicable qu’aux abonnés domestiques, or, une maison de retraite n’est pas un local d’habitation ; au surplus, le service d’eau potable a bien avisé l’association de la forte augmentation de sa consommation d’eau, ainsi que le prescrivent les dispositions dans la facture du 07 juin 2012 ; à cette date, aucune autre information n’était à communiquer à l’abonné, en effet, les dispositions de l’article L. 2224-12-4 III bis du code général des collectivités territoriales appelaient l’édiction d’un décret d’application, lequel ne sera adopté qu’en septembre 2012 et n’était applicable qu’au 1er juillet 2013.

MOTIFS DE LA DÉCISION

sur la recevabilité

Aux termes du 2° de l’article L.1617-5 du code général des collectivités territoriales, l’action dont dispose le débiteur d’une créance assise et liquidée par une collectivité territoriale ou un établissement public local pour contester directement devant la juridiction compétente le bien-fondé de ladite créance se prescrit dans le délai de deux mois suivant la réception du titre exécutoire ou, à défaut, du premier acte procédant de ce titre ou de la notification d’un acte de poursuite.

Le délai de recours n’est opposable qu’à la condition que ce délai et les modalités de recours aient été mentionnés dans la notification de la décision.

L’association Les Terrasses a reçu et produit la facture de consommation d’eau du 07 juin 2012 d’un montant de 41.959,47 €, la lettre de relance du 14 février 2013, la mise en demeure du 04 avril 2013 et l’opposition à tiers détenteur du 14 mai 2013, elle conteste avoir reçu le titre exécutoire de décembre 2012 et produit un extrait de titre qui lui aurait été envoyé en 2014 ; même si, dans sa lettre du 1er mars 2013, l’association fait état de la réception du titre exécutoire, en tout état de cause, le titre n’est produit par aucune des parties et son contenu quant aux modalités de recours n’est pas connu. S’agissant des autres documents reçus par l’association, ils mentionnent l’article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales, deux des documents en reprennent toutes les dispositions, néanmoins, si le délai de deux mois est indiqué, il est indiqué que le recours doit être fait devant la juridiction compétente, sans préciser laquelle, de l’ordre judiciaire ou administratif. Il en résulte, non pas que la facture doive être annulée, mais que le délai de recours n’a pas commencé à courir et que la contestation de l’association Les Terrassés est recevable.

Sur le fond

Selon l’article 1315 (devenu 1353) du code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, c’est à celui qui se prétend libéré de justifier le fait qui a produit l’extinction de son obligation.

En matière de consommation d’eau, l’index figurant sur le compteur est présumé correspondre aux quantités effectivement consommées par l’abonné. Cette présomption d’exactitude, qui repose sur la force probante du compteur, n’est néanmoins qu’une présomption simple, c’est à l’abonné qu’il appartient de la combattre en apportant une preuve contraire permettant de justifier l’extinction de son obligation au paiement, et non au fournisseur d’établir que des modifications substantielles sont intervenues dans la consommation d’eau de l’abonné ou qu’une fuite d’eau après compteur existait sur les installations.

La facture du 07 juin 2012 fait état, pour la période du 19 septembre 2011 au 07 mars 2012, d’une consommation de 12743 m3 pour cinq mois er demi. Selon les factures antérieures, la consommation de la maison de retraite a été de :

— du 19 septembre 2008 au 05 mars 2009 : 1985 m3 (consommation relevée)

— du 05 mars 2013 au 09 septembre 2009 : 1.946 m3 (consommation estimée)

— du 09 septembre 2009 au 04 mars 2010 : 1.965 m3 (consommation relevée)

changement du compteur le 22 mars 2010 avec un index de 38934

— du 04 mars au 17 septembre 2010 : 2.097 m3 (consommation estimée)

— du 17 septembre 2010 au 04 mars 2011 : 2.052 m3 (consommation relevée)

— du 04 mars au 19 septembre 2011 : 2.074 m3 (consommation estimée)

moyenne par semestre : 2009m3

changement du compteur le 09 août 2012 avec un index de 20256

et s’agissant des factures postérieures à celle de juin 2012

— de mars 2012 au 11 octobre 2012 : 2.196 m3 (consommation relevée)

— du 11 octobre 2012 au 06 mars 2013 : 1.332 m3 (consommation relevée)

— du 06 mars au 09 septembre 2013 : 1.764 m3 (consommation estimée)

— du 09 septembre 2013 au 11 mars 2014 : 2.842 m3 (consommation relevée)

— du 11 mars au 03 septembre 2014 : 2.303 m3 (consommation estimée)

— du 03 septembre 2013 au 06 mars 2015 : 2.827 m3 (consommation relevée)

— du 06 mars au 1er septembre 2015 : 2.565 m3 (consommation estimée)

— du 1er septembre 2015 au 08 mars 2016 : 1.080 m3 (consommation relevée)

moyenne par semestre : 2114 m3.

pour une moyenne mensuelle de 12743 m3 : 5,5 mois = 2316,90 m3 ou plus de

77 m3 par jour, ou plus 3,22 m3 par heure concernant la facture litigieuse.

Les sociétés Lyonnaise des Eaux France et Eaux de Normandie font valoir que, le compteur en place était capable d’enregistrer jusqu’à 6 m3 par heure, en un an, ce compteur aurait pu enregistrer jusqu’à 52 560 m3. En 368 jours, il n’a enregistré que 14 817 m3 (12743+2074), soit moins du tiers de sa capacité maximale, la consommation d’eau enregistrée par le compteur n’est donc, selon elles, en rien invraisemblable.

L’association estime que l’anormalité de sa consommation d’eau résulte non pas d’une fuite d’eau sur son réseau privatif, mais d’une défectuosité de son ancien compteur d’eau qui a été remplacé le 09 août 2012 par un nouveau compteur.

Il est précisé que le nombre de résidents de la maison de retraite n’a pas varié pendant la période considéré, qu’aucun changement dans leurs habitudes de vie n’est intervenu.

L’association expose avoir procédé à une recherche de fuite après compteur par un employé plombier de formation, M. X, de nuit, entre 23 heures et 1h50, ce qui n’a révélé 'aucune grosse fuite', selon courrier du 15 juin 2012, en outre la mollette indiquant un débit s’immobilise en l’absence de tirage sur le réseau et un puisage de 60 litres a indiqué un différentiel faible sur le compteur. Selon M. X, l’énormité du cubage aurait du entraîner un dégât des eaux mais toutefois, ce cubage de plus de 12000 m3 est étalé dans le temps sur à cinq mois et demi de consommation et non un très court laps de temps, ce qui dans ce cas aurait entraîné un dégât des eaux.

La CREA a répondu que la forte consommation d’eau n’était pas consécutive à une fuite d’eau (avant compteur ') un dégrèvement n’étant pas envisageable, il est fait référence (quant au dégrèvement et à l’expertise) aux dispositions du règlement de service lequel n’est pas versé aux débats.

L’association a demandé un étalonnage du compteur qui a été démonté pour expertise.

Celle-ci a été réalisée par le laboratoire CTCM, centre technique comptage et mesures, accrédité par la Cofrac (accréditation produite), agréé pour la vérification des compteurs d’eau par la direction générale des entreprises (DGE) du ministère de l’économie et des finances, laboratoire qui dépend de Suez Eau France ; il n’est pas démontré que ce laboratoire ne serait pas intervenu de façon totalement indépendante alors au surplus la société Suez n’était plus délégataire du service public lorsque le laboratoire a réalisé l’étalonnage. Les conclusions sont que le totalisateur est conforme aux normes métrologiques et que l’enregistrement de la consommation a été effectué correctement par le compteur, aucun défaut sur les rouleaux du totalisateur, ni sur les rochets, pas de décrochage du totalisateur ni sous l’effet d’un jet d’air comprimé très puissant, ni manuellement (est appliquée aux rouleurs totalisateur une contrainte beaucoup plus forte que celle qu’ils pourraient subir en exploitation courante selon la notice explicative du constat de démontage) ; en revanche, il a été constaté une usure significative de la boîte mesurante, avec traces sur l’axe de rotation du piston, dans la notice explicative du constat de démontage, il est expliqué que la boîte mesurante est la partie du compteur dans laquelle l’eau circule et est mesurée, son examen permet de démontrer s’il y a eu ou non passage anormalement élevé d’eau dans le compteur sur des temps relativement court, ce qui entraîne des usures de certaines parties intérieures du compteur comme c’est le cas en l’espèce, le laboratoire faisant état de traces d’usure qui prouvent un passage important d’eau dans le compteur. L’usure confirme qu’une forte quantité d’eau est passé par le compteur mais ne peut avoir entraîné un dysfonctionnement dans la mesure de la consommation.

Une nouvelle expertise n’a pas été sollicitée.

L’association soutient que le consommation est redevenue normale après le changement de compteur

en août 2012, or, lorsque le compteur a été changé, il avait un index de 20256, l’index était de 18770 au 07 mars 2012, il y a donc eu une consommation de 1486 m3 entre le 08 mars et le 09 août sur cinq mois, ce qui démontre que la consommation était redevenue normale avant le changement de compteur et après réception de la facture de juin 2012, l’association ayant vraisemblablement identifié le problème qui était à l’origine de sa consommation excédentaire.

Le mauvais fonctionnement du compteur n’est pas démontré.

Subsidiairement, l’association conclut à un manquement de la Métropole Rouen Normandie à son obligation d’information.

Les intimées soutiennent que l’article L. 2224-12-4 du code général des collectivités territoriales n’est pas applicable à la facture de juin 2012, faute de décret d’application et que les dispositions ne sont applicables qu’aux particuliers, ce qui est contesté par l’association les terrasses qui rappelle qu’elle gère une maison de retraite qui constitue le domicile principal des personnes qu’elle accueille et affirme que les dispositions étaient applicables dès publication de la loi nonobstant le décret postérieur.

L’article L.2224-12-4 – III bis du code général des collectivités territoriales édicté par la loi n°2011-525 du 17 mai 2011 prévoit que, dès que le service d’eau potable constate une augmentation anormale du volume d’eau consommé par l’occupant d’un local d’habitation susceptible d’être causée par la fuite d’une canalisation, il en informe sans délai l’abonné. Une augmentation du volume d’eau consommé est anormale si le volume d’eau consommé depuis le dernier relevé excède le double du volume d’eau moyen consommé par l’abonné ou par un ou plusieurs abonnés ayant occupé le local d’habitation pendant une période équivalente au cours des trois années précédentes ou, à défaut, le volume d’eau moyen consommé dans la zone géographique de l’abonné dans des locaux d’habitation de taille et de caractéristiques comparables (….)

l’abonné n’est pas tenu au paiement de la part de la consommation excédant le double de la consommation moyenne s’il présente au service d’eau potable, dans le délai d’un mois à compter de l’information prévue au premier alinéa du présent III bis, une attestation d’une entreprise de plomberie indiquant qu’il a fait procéder à la réparation d’une fuite sur ses canalisations

Conformément à la loi, un décret en conseil d’Etat était prévu pour définir les modalités d’application de cette disposition, il s’agit du décret n° 2012-1078 du 24 septembre 2012 relatif à la facturation en cas de fuites sur les canalisations d’eau potable après compteur. L’article 3 du décret fixe sa date d’entrée en vigueur le 1er juillet 2013 mais le paragraphe III bis inséré dans l’article L. 2224-12-4 par l’article 2 de la loi n°2011-525 du 17 mai 2011, clair et précis, était applicable dès l’entrée en vigueur de la loi, en mai 2011 et les abonnés de services d’eau et d’assainissement, pouvaient dès cette date, procéder, sur justificatif, à une demande de plafonnement en cas de fuite de canalisation.

L’association Les Terrasses, en tout état de cause, ne démontre pas qu’il y avait une fuite sur ses canalisations qui aurait été réparée et ne justifie donc pas remplir les conditions requises pour prétendre à un écrêtement de sa facture d’eau.

Le jugement sera confirmé sauf en ce qu’il a annulé la facture du 07 juin 2012.

Le jugement entrepris sera confirmé en ses dispositions relatives aux indemnités de procédure et dépens de première instance, en cause d’appel l’association Les Terrasses supportera les dépens mais il ne sera pas alloué d’indemnité par application de l’article 700 du code de procédure civile et chacune des parties supportera ses dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour

Statuant publiquement et contradictoirement

Infirme le jugement déféré en ce qu’il a annulé a facture du 7 juin 2012

n° 0908440-1 ;

Le confirme sur les autres dispositions ;

Y ajoutant

Dit n’y avoir lieu à allocation d’indemnité par application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les parties de leurs autres demandes ;

Condamne l’Association les Terrasses aux dépens de la procédure d’appel avec droit de recouvrement direct au profit des avocats de la cause conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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Cour d'appel de Rouen, Ch. civile et commerciale, 19 décembre 2019, n° 17/04161