Cour d'appel de Rouen, Chambre sociale, 18 novembre 2020, n° 18/01174

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Rouen, ch. soc., 18 nov. 2020, n° 18/01174
Juridiction : Cour d'appel de Rouen
Numéro(s) : 18/01174
Décision précédente : Tribunal des affaires de sécurité sociale de Rouen, 18 février 2018
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

N° RG 18/01174 – N° Portalis DBV2-V-B7C-HZIW

COUR D’APPEL DE ROUEN

CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE

ARRET DU 18 NOVEMBRE 2020

DÉCISION

DÉFÉRÉE :

Jugement du TRIBUNAL DES AFFAIRES DE SECURITE SOCIALE DE ROUEN du 19 Février 2018

APPELANTE :

Madame Y X

[…]

[…]

représentée par Me Sandra MOLINERO, avocat au barreau de ROUEN

INTIMEES :

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE ROUEN – ELBEUF – DIEPPE – SEINE MARITIME

[…]

[…]

représentée par Me Vincent BOURDON, avocat au barreau de ROUEN

S.A.S. CASTORAMA FRANCE

[…]

[…]

représentée par Me Marc HALFON, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du Code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 07 Octobre 2020 sans opposition des parties devant Madame de SURIREY, Conseillère, magistrat chargé d’instruire l’affaire.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur POUPET, Président

Madame ROGER-MINNE, Conseillère

Madame de SURIREY, Conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

A B

DEBATS :

A l’audience publique du 07 Octobre 2020, où l’affaire a été mise en délibéré au 18 Novembre 2020

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé le 18 Novembre 2020, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

signé par Monsieur POUPET, Président et par M. B, Greffier.

* * *

Mme X, salariée de la société Castorama France (la société ou l’employeur), a été victime, le 2 octobre 2010, d’un accident dans les conditions suivantes : « s’est fait mal au dos en manipulant des cartons de carrelage ». Cet accident a été pris en charge par la caisse primaire d’assurance-maladie de Rouen au titre de la législation professionnelle.

La salariée a déclaré une rechute le 12 juin 2012 qui a également été prise en charge par son organisme social.

Elle a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Rouen afin de voir reconnaître la faute inexcusable de l’employeur à l’origine de son accident avec toutes conséquences de droit.

Par jugement du 19 février 2018, le tribunal l’a déboutée de ses demandes.

Mme X a relevé appel de cette décision.

Par conclusions remises le 6 octobre 2020, auxquelles elle se réfère oralement à l’audience et auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet de ses moyens, elle demande à la cour de :

— réformer le jugement,

— dire que la société Castorama a commis une faute inexcusable à l’origine de son accident du travail,

— ordonner la majoration de sa rente à son maximum,

— ordonner une mesure d’expertise médicale dont elle détaille la mission,

— fixer à 10 000 euros la provision à valoir sur ses préjudices,

— dire que la caisse en récupérera le montant sur la société,

— condamner cette dernière à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

Aux termes de ses conclusions déposées le 7 octobre 2020, reprises oralement à l’audience et auxquelles il convient de se référer pour un exposé exhaustif de ses moyens, la société demande à la cour de :

— à titre principal, confirmer le jugement et condamner l’appelante à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— subsidiairement, dire que la majoration de la rente à sa charge se fera sur le taux de déficit fonctionnel permanent de 9 %,

— limiter la mission de l’expert aux préjudices fixés au livre IV du code de la sécurité sociale,

— rejeter la demande de provision.

La caisse, par conclusions déposées le 22 septembre 2020, auxquelles elle se réfère oralement à l’audience et auxquelles il est renvoyé pour l’exposé de ses moyens, demande à la cour de :

— lui donner acte de ce qu’elle s’en rapporte à justice en ce qui concerne l’existence d’une faute inexcusable,

— si la cour devait reconnaître la faute inexcusable, constater qu’elle s’en rapporte à justice en ce qui concerne la majoration de la rente et la demande d’expertise médicale, réduire à de plus justes proportions le montant de la provision sollicitée et condamner la société à lui rembourser le montant des réparations qui pourraient être allouées à la salariée.

EXPOSE DES MOTIFS

Mme X soutient en substance que la conscience du danger résulte de ce que la société, qui favorise le rendement et la satisfaction des clients aux dépens des conditions de travail de ses salariés, ne pouvait ignorer les conditions difficiles dans lesquelles elle était amenée à travailler dans le rayon revêtements de sol alors qu’elle en avait été avertie par ses différents courriers de plainte et par les préconisations de la médecine du travail.

Elle expose que le jour de l’accident, il n’y avait pas de collègue susceptible de l’assister, ni de transpalette à disposition ce qui l’a contrainte à manipuler seule le carton de carrelage, qu’au demeurant un transpalette ne lui aurait pas évité de porter ce carton de l’engin jusque dans le chariot du client et que la formation aux gestes et postures qui lui a été dispensée n’a pas produit les effets escomptés. Elle ajoute que la société, non seulement n’a pris aucune mesure particulière pour la protéger, mais a délibérément décidé de ne pas mettre suffisamment de transpalettes à disposition des vendeurs et qu’en donnant pour consigne de satisfaire le client par tous moyens, y compris en déchargeant les matériaux sans transpalette, la société a violé son obligation de sécurité de résultat.

L’intimée, après avoir fait remarquer qu’il n’existait aucun témoin de l’accident, affirme avoir pris les dispositions et mis en place des équipements habituels et suffisants pour que ses salariés puissent travailler en toute sécurité, s’agissant notamment des équipements de manutention dont le bon état d’entretien n’est pas utilement discuté. Elle soutient qu’au moment de l’accident il y avait quatre salariés présents dans le rayon qui n’ont pas été sollicités pour apporter de l’aide et que la salariée a été formée et informée des mesures de sécurité à mettre en 'uvre notamment s’agissant des gestes et postures.

La cour rappelle qu’en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l’employeur est tenu envers ce

dernier d’une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les accidents du travail et les maladies professionnelles et le manquement de l’employeur à cette obligation a le caractère d’une faute inexcusable, au sens de l’article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel le salarié était exposé et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.

La preuve de la faute inexcusable incombe au salarié.

Il résulte des articles R. 4541-1 à R. 4541-10 du code du travail que l’employeur prend les mesures d’organisation appropriées ou utilise les moyens appropriés, notamment les équipements mécaniques, afin d’éviter le recours à la manutention manuelle de charges par les travailleurs ; que lorsque la manutention manuelle ne peut être évitée, il prend les mesures d’organisation appropriées ou met à la disposition des travailleurs les moyens adaptés, si nécessaires en combinant leurs effets, afin de limiter l’effort physique et réduire le risque encouru ; que par ailleurs, il évalue les risques et organise les postes de travail en mettant à la disposition des travailleurs des aides mécaniques ou des accessoires de préhension propres à rendre leur tâche plus sûre et moins pénible ; que l’employeur fait bénéficier les travailleurs d’une information sur les risques qu’ils encourent lorsque les activités ne sont pas exécutées d’une manière techniquement correcte et d’une formation adéquate à la sécurité relative à l’exécution de ces opérations, portant notamment sur les gestes et postures à adopter pour accomplir en sécurité les manutentions manuelles.

En l’espèce, le document unique d’évaluation des risques identifie bien la manutention mécanique comme facteur de risque et préconise comme moyens de prévention notamment l’utilisation d’un matériel conforme et adapté aux charges ainsi qu’une formation des utilisateurs.

Il est établi que la salariée a reçu une documentation sur les principaux risques en matière de sécurité dans l’établissement notamment quant au port de charges, deux formations sur la prévention des risques liés à l’activité physique dispensées par un prestataire extérieur ainsi qu’une formation initiale à l’utilisation d’un chariot élévateur.

La société justifie également, notamment par la production de factures et d’une attestation du chef de rayon, de ce qu’elle met à la disposition de ses salariés un certain nombre d’engins de manutention facilement accessibles et de ce que, le jour de l’accident, quatre employés étaient présents dans le rayon. Or, Mme X, à qui incombe la charge de la preuve ne démontre pas avoir, en vain, demandé du renfort ou cherché un transpalette en état de fonctionnement. À cet égard, les attestations qu’elle verse aux débats selon lesquelles elle portait souvent du carrelage et qu’il était impossible de respecter les gestes et postures préconisés en raison de l’affluence de la clientèle sont inopérantes à défaut d’être circonstanciées et de concerner le jour des faits. Elle ne démontre pas qu’un engin de manutention ne lui aurait pas permis de placer le carton de carrelage dans le chariot du client alors que des chariots plats spécialement prévus à cet effet sont mis à la disposition de la clientèle dans ce type de magasin.

De plus, aucune pièce du dossier ne vient confirmer que l’établissement connaissait un nombre anormal d’accidents liés à la manutention, que l’employeur avait donné pour instructions de ne pas utiliser les moyens de manutention mécanique et qu’il avait été alerté, antérieurement à l’accident, sur les conditions de travail au rayon revêtements de sol par Mme X elle-même, par les instances représentatives du personnel, ou par le médecin du travail. D’ailleurs, la refonte de la logistique consistant à placer certaines familles de produits, dont le carrelage, dans une zone de retrait de matériaux répond, au vu du compte rendu de la réunion du comité d’établissement du 30 septembre 2011, non pas comme le soutient la salariée, au souci d’éviter les accidents liés à la manutention, mais à celui de recentrer les vendeurs sur leur c’ur de métier.

Enfin, la salariée ayant saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Rouen d’une demande de reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur à l’origine de son accident de travail du 2 août

2010, l’évocation des préconisations du médecin du travail est inopérante dès lors que celles-ci sont postérieures à l’accident.

Il résulte de ce qui précède que la société avait conscience du danger lié à la manipulation de charges lourdes mais qu’elle a mis en place les moyens nécessaires pour en protéger Mme X.

Il convient par conséquent de confirmer le jugement en ce qu’il a débouté celle-ci de ses demandes.

La salariée, qui perd le procès, doit en supporter les dépens.

La disparité entre les situations économiques des parties commande de rejeter la demande présentée par l’employeur sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour confirme le jugement en toutes ses dispositions,

y ajoutant,

déboute les parties de leurs demandes présentées sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

condamne Mme X aux dépens.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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Cour d'appel de Rouen, Chambre sociale, 18 novembre 2020, n° 18/01174