Cour d'appel de Rouen, Chambre sociale, 1er octobre 2020, n° 18/00550

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Rouen, ch. soc., 1er oct. 2020, n° 18/00550
Juridiction : Cour d'appel de Rouen
Numéro(s) : 18/00550
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Le Havre, 22 janvier 2018
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

N° RG 18/00550 – N° Portalis DBV2-V-B7C-HYAE

COUR D’APPEL DE ROUEN

CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE

ARRET DU 01 OCTOBRE 2020

DÉCISION

DÉFÉRÉE :

Jugement du CONSEIL DE PRUD’HOMMES DU HAVRE du 23 Janvier 2018

APPELANTE :

S.A.S. POUJAUD

[…]

[…]

représentée par Me Claudie ALQUIER-TESSON, avocat au barreau de ROUEN

INTIME :

Monsieur Y X

CCAS DE OISSEL

[…]

[…]

représenté par Me Eléonore LAB SIMON de la SELARL DPR AVOCAT, avocat au barreau de ROUEN

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 8 de l’ordonnance n°2020-304 du 25 mars 2020 prise sous le visa de la loi n°2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence sanitaire pour faire face à l’épidémie du Covid-19, l’affaire a été retenue sans débats par Madame BACHELET, Conseillère rapporteur, qui en a rendu compte pour délibéré par la Cour composée de :

Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente

Monsieur TERRADE, Conseiller

Madame BACHELET, Conseillère

SANS DEBATS

Sur dépôt de dossiers fixé au 24 Juin 2020, les parties ayant été avisées de ce que l’affaire était mise en délibéré au 01 Octobre 2020

ARRET :

CONTRADICTOIRE

mis à disposition du public le 01 Octobre 2020 au greffe de la Cour, et signé par Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente et par Mme LAKE, Greffière.

*

* *

EXPOSÉ DES FAITS, DE LA PROCÉDURE ET DES PRÉTENTIONS DES PARTIES

M. Y X a été engagé par la société Altrad Balliauw multiservices en qualité de monteur échafaudeur par contrat à durée indéterminée à compter du 1er septembre 2005.

Les relations contractuelles des parties étaient soumises à la convention collective de la métallurgie.

La société Altrad Balliaw Multiservices a fait l’objet d’un transfert partiel de fond de commerce au profit du cessionnaire l’entreprise Poujaud le 1er septembre 2012.

M. X a saisi le conseil de prud’hommes du Havre le 16 juin 2015 en résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de l’employeur et paiement de rappels de salaires et indemnités.

Il lui a été notifié son licenciement pour motif économique le 27 mars 2017, après qu’il a accepté le contrat de sécurisation professionnelle le 10 mars.

Par jugement du 23 janvier 2018, le conseil de prud’hommes, en sa formation de départage, a :

— rejeté les demandes de rappels de salaires et indemnités d’ancienneté présentées par M. X,

— dit qu’en application de la convention collective du bâtiment de la région Nord, applicable à la société Poujaud, les indemnités de repas devaient être réglées à hauteur de 9,80 euros de septembre à décembre 2012 et de 10 euros à compter du 1er janvier 2013,

condamné la société Poujaud à verser à M. X la somme de 1 646,65 euros à titre d’indemnités de repas de septembre 2012 à février 2015, avec intérêts à compter de la demande,

— rejeté la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur présentée par M. X,

— dit le licenciement de M. X sans cause réelle et sérieuse,

— condamné la société Poujaud à régler à M. X les sommes suivantes :

• dommages et intérêts : 15 000 euros,

• indemnité de préavis : 6 153,58 euros,

• congés payés y afférents : 615,35 euros,

— dit que ces sommes porteront intérêts à compter de la mise à disposition du jugement,

— rejeté la demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la négligence par l’employeur de la régularisation des documents du contrat de sécurisation professionnelle,

— ordonné à la société Poujaud de remettre un bulletin de salaire pour le rappel d’indemnités de repas de septembre 2012 à février 2015, ainsi que des documents de fin de contrat rectifiés (certificat de travail, reçu pour solde de tout compte, attestation Pôle emploi) sous astreinte de cinq euros par document passé le délai de 45 jours suivant la signification du jugement, le conseil se réservant le droit de liquider l’astreinte,

— rappelé qu’en application de l’article R.1454-28 du code du travail, l’exécution provisoire est de droit sur les rappels de salaires et accessoires, la moyenne des trois derniers mois de salaire étant fixée à 2 051,19 euros,

— condamné la société Poujaud à verser au salarié une somme de 1 200 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens,

— débouté la société Poujaud de sa demande en application de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné la société Poujaud au titre de l’article L.1235-4 du code du travail à rembourser au Pôle emploi les indemnités chômage versées à M. X dans la limite de trois mois,

— dit n’y avoir lieu à ordonner l’exécution provisoire pour le surplus des condamnations pour lesquelles elle n’est pas de droit.

La société Poujaud a interjeté appel de cette décision le 9 février 2018.

Par conclusions remises le 7 mai 2018, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé des moyens, la société Poujaud demande à la cour de :

— confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a rejeté les demandes de rappels de salaires et primes d’ancienneté, la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail et la demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la négligence dans la régularisation des documents du contrat de sécurisation professionnelle,

— le réformer en ce qu’il a dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse, lui a ordonné de remettre un bulletin de salaire pour le rappel d’indemnité de repas sous astreinte de 50 euros par jour de retard et en ce qu’il l’a condamnée au paiement des sommes suivantes :

• indemnités de repas de septembre 2012 à février 2015 : 1 646,65 euros avec intérêts à compter de la demande,

• dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :15 000 euros

• indemnité de préavis : 6 153,58 euros, outre les congés payés y afférents,

• indemnité en application de l’article 700 du code de procédure civile : 1 200 euros

— en tout état de cause, débouter M. X de toutes ses demandes, fins et conclusions,

— à titre subsidiaire, dire que M. X ne justifie d’aucun préjudice et ramener en conséquence à de plus justes proportions ses demandes indemnitaires,

— condamner M. X à lui payer la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions remises le 3 août 2018, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé des moyens, M. X demande à la cour de :

— confirmer le jugement déféré en ce qu’il a condamné la société Poujaud à lui payer la somme de 1

646,65 euros à titre d’indemnité de repas sur la base des dispositions de la convention collective du bâtiment Nord Pas de Calais, et, à titre subsidiaire, la condamner à lui payer la somme de 1 347,50 euros nets en application des accords collectifs d’entreprise,

à titre incident,

— infirmer le jugement en ce qu’il a rejeté sa demande à titre de rappel sur son salaire de base à compter du mois de septembre 2012 et condamner la société Poujaud à lui payer la somme de 2 362,83 euros à ce titre, ainsi que 236,28 euros à titre de congés payés y afférents,

— infirmer le jugement en ce qu’il a rejeté sa demande au titre de la prime d’ancienneté et condamner la société Poujaud à lui verser la somme de 3 628,48 euros bruts à ce titre, ainsi que 362,85 euros à titre de congés payés y afférents, à titre subsidiaire, la condamner à lui payer la somme de 716,25 euros, outre 71,63 euros au titre des congés payés y afférents,

— confirmer le jugement en ce qu’il a retenu le principe d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamné la société Poujaud à lui payer la somme de 6 153,58 euros à titre d’indemnité de préavis, ainsi que 615,35 euros à titre de congés payés sur préavis,

— à titre subsidiaire, dire que la société Poujaud a violé ses obligations liées à la détermination des critères d’ordre de licenciement et la condamner à lui payer la somme de 23 300 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la perte injustifiée de son emploi,

à titre incident,

— infirmer le jugement déféré en ce qu’il a réduit la condamnation de la société Poujaud au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse à 15 000 euros et la condamner à lui payer la somme de 23 300 euros,

— infirmer le jugement en ce qu’il a rejeté sa demande principale sollicitant la résiliation judiciaire de son contrat de travail, dire que la société Poujaud a commis des manquements graves justifiant la résiliation judiciaire du contrat de travail à ses torts et la condamner à lui payer la somme de 23 300 euros à titre de licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi que 3 153,58 euros à titre d’indemnité de préavis et 615,35 euros de congés payés y afférents,

— infirmer le jugement en ce qu’il a rejeté sa demande au titre du préjudice subi du fait de l’absence de remise du contrat de sécurisation professionnelle à Pôle emploi, dire que la société Poujaud a commis des négligences fautives le privant partiellement de ses droits au titre du contrat de sécurisation professionnelle, et en conséquence, condamner la société Poujaud à lui payer la somme de 3 878 euros en réparation du préjudice subi,

— ordonner la remise des bulletins de salaire, du solde de tout compte, du certificat de travail et de l’attestation Pôle emploi rectifiés sous astreinte de 75 euros par jour de retard et par document à compter de la notification du jugement, la cour se réservant le droit de liquider l’astreinte,

— condamner la société Poujaud à lui payer la somme de 1 200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en première instance, et de 2 000 euros au même titre devant la cour d’appel, ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 11 juin 2020.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I – Sur les demandes de rappel de salaire et primes

A titre liminaire, pour mieux appréhender les demandes de rappel de salaire du salarié, il convient de rappeler qu’aux termes de l’article L. 2261-14 du code du travail, dans sa version applicable au litige, lorsque l’application d’une convention ou d’un accord est mise en cause dans une entreprise déterminée en raison notamment d’une fusion, d’une cession, d’une scission ou d’un changement d’activité, cette convention ou cet accord continue de produire effet jusqu’à l’entrée en vigueur de la convention ou de l’accord qui lui est substitué ou, à défaut, pendant une durée d’un an à compter de l’expiration du délai de préavis prévu à l’article L. 2261-9, sauf clause prévoyant une durée supérieure.

Lorsque la convention ou l’accord mis en cause n’a pas été remplacé par une nouvelle convention ou un nouvel accord dans les délais précisés au premier alinéa, les salariés des entreprises concernées conservent les avantages individuels qu’ils ont acquis, en application de la convention ou de l’accord, à l’expiration de ces délais.

Une nouvelle négociation doit s’engager dans l’entreprise concernée, à la demande d’une des parties intéressées, dans les trois mois suivant la mise en cause, soit pour l’adaptation aux dispositions conventionnelles nouvellement applicables, soit pour l’élaboration de nouvelles stipulations.

Il en résulte qu’en cas de transfert du contrat de travail par application des dispositions de l’article L. 1224-1 du code du travail, si la convention collective dont relève le cessionnaire s’applique immédiatement au salarié, les dispositions plus favorables de l’accord mis en cause continue également à lui bénéficier dans les conditions prévues par l’article L. 2261-14 du code du travail.

En l’espèce, M. X était soumis à la convention collective de la métallurgie préalablement au transfert de son contrat de travail à la société Poujaud le 1er septembre 2012.

Aussi, et alors que cette dernière relevait de la convention collective nationale du bâtiment, et qu’il n’est justifié d’aucun accord de substitution, M. X est en droit d’invoquer la première de ces conventions en ce qui concerne sa demande de rappel de prime d’ancienneté et la deuxième en ce qui concerne sa demande de rappel d’indemnités de panier.

Sur la demande de rappel de salaire de base

M. X fait valoir que le salaire de 1 888,29 euros qui lui a été versé en septembre 2012 correspondait à une réelle volonté de l’entreprise de fixer un salaire horaire de 12,45 euros comme cela résulte du contrat de travail qui lui a été soumis lors du transfert. Aussi, il considère que l’employeur ne pouvait au mois d’octobre diminuer unilatéralement sa rémunération sans son accord.

Il conteste que l’employeur, ce faisant, se serait conformé aux anciennes dispositions de son contrat de travail en distinguant le salaire de base et la prime d’ancienneté alors même que, parfois la prime d’ancienneté ne lui a pas été versée et qu’en tout état de cause, il était obligé de continuer à lui verser cette prime, laquelle était un avantage acquis conformément à l’article L. 2261-14 du code du travail.

En réponse, la société Poujaud invoque une erreur matérielle qui ne s’est produite qu’à l’occasion du paiement du salaire de septembre 2012.

En l’espèce, il est produit le contrat de travail soumis à M. X lors du transfert de son contrat de travail aux termes duquel était prévu une modification de la structure de la rémunération en son article 4.

Ainsi, il était indiqué qu’en rémunération de ses services et de son activité, le salarié percevrait des appointements bruts mensuels, base 151,67 heures de 1 888,29 euros (soit un taux horaire de 12,45 euros), ce taux horaire prenant en compte la valeur moyenne de la prime d’ancienneté perçue par le salarié au titre de la convention collective nationale de la métallurgie applicable avant le transfert,

étant précisé que le versement de cette prime cesserait au 1er septembre 2012.

Au-delà de la question de la validité d’un tel contrat, en tout état de cause, M. X ne l’a pas signé et n’a pas accepté cette modification.

Aussi, et s’il est exact que la société Poujaud ne pouvait unilatéralement modifier la structure de sa rémunération, il ne peut néanmoins être considéré que le versement d’un salaire de 1 888,29 euros pour le seul mois de septembre 2012 aurait été créateur d’un droit à son égard alors même que tant avant qu’après ce versement, M. X a toujours bénéficié du salaire de base de 1 835,29 euros et de la prime d’ancienneté sur une ligne distincte, et ce, malgré d’éventuelles erreurs dans le versement qui seront étudiées par la suite.

Il ressort ainsi suffisamment des éléments du débat que la société Poujaud a appliqué ce taux par erreur dès lors que M. X n’a jamais accepté de signer le contrat qui lui était soumis et qu’elle a immédiatement dès le mois suivant, à défaut d’accord de M. X sur cette modification de la structure de sa rémunération, rétabli son salaire selon les conditions antérieures, comme la loi le lui imposait.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. X de sa demande de rappel de salaire sur ce fondement.

Sur la demande de rappel de prime d’ancienneté

M. X soutient que les périodes de suspension de son contrat de travail, et notamment ses arrêts maladie, ne pouvaient être prises en compte pour faire varier sa prime d’ancienneté, aussi, il sollicite un rappel à ce titre en appliquant le pourcentage de la prime d’ancienneté aux minima hiérarchiques applicables dans l’entreprise, soit 1 817,01 euros chaque mois.

La société Poujaud, sans remettre en cause l’application de la convention collective nationale de la métallurgie, soutient que la prime d’ancienneté est fonction à la fois de l’ancienneté et du temps de travail effectif et ne se calcule pas sur le salaire minimum prévu dans l’entreprise.

Il résulte de l’article 15 de l’avenant 'Mensuels’ du 2 mai 1979 à la convention collective régionale des industries métallurgiques, mécaniques et connexes de la région parisienne du 16 juillet 1954, étendue par arrêté du 10 décembre 1979, que la prime d’ancienneté s’ajoute au salaire réel de l’intéressé et est calculée en fonction du salaire minimum hiérarchique de l’emploi occupé en variant en fonction du nombre d’année d’ancienneté.

Il est expressément indiqué que le montant de la prime d’ancienneté varie avec l’horaire de travail et supporte, le cas échéant les majorations pour heures supplémentaires.

S’il est défini à l’article 14 de cet avenant la notion d’ancienneté, laquelle est caractérisée par le temps écoulé depuis la date d’entrée en fonction, en vertu du contrat de travail en cours, sans que soient exclues les périodes de suspension de ce contrat, il doit être relevé qu’il n’existe aucun différend entre les parties sur l’ancienneté de M. X, à savoir, sept ans en septembre 2012.

Néanmoins, cette définition de l’ancienneté, calculée sans exclure les périodes de suspension, ne peut se confondre avec le calcul de la prime d’ancienneté tel qu’il est prévu à l’article 15 précité dès lors qu’il est expressément indiqué que son montant varie avec l’horaire de travail et supporte, le cas échéant, les majorations pour heures supplémentaires, de sorte que, si les heures indemnisées, serait-ce au titre d’un arrêt maladie, doivent être prises en compte, au contraire, le salarié ne peut prétendre au versement de cette prime pendant ses absences non rémunérées.

Aussi, outre que cette prime n’a pas été payée certains mois sans explications, et alors que

l’employeur l’a également limitée durant les absences maladie de M. X alors qu’il bénéficiait du maintien du salaire et du complément versé par la Pro Btp, il convient de recalculer cette prime d’ancienneté en ne retenant pour la limiter ou au contraire l’augmenter, que les absences non rémunérées et les heures supplémentaires.

Par ailleurs, il ressort de la convention collective applicable et de ses annexes que c’est la valeur du point qui détermine les salaires minimaux hiérarchiques, base de calcul des primes d’ancienneté et non pas le salaire minimum.

Aussi, il convient d’appliquer la formule suivante telle qu’elle ressort des tableaux annexés explicitant les calculs de prime d’ancienneté : coefficient attribué x valeur du point.

Ainsi, et alors que M. X relevait du coefficient 190 de la convention collective de la métallurgie, le minimum hiérarchique est de 936,50 (190 x 4,92897) à compter du 1er janvier 2012, puis de 943,53 à compter du 1er janvier 2013 (190 x 4,96594), et enfin de 948,25 à compter du 1er janvier 2014 (190 x 4,99077), la valeur du point n’ayant plus été revalorisée par la suite sur la période relative au rappel de salaire, soit du 1er septembre 2012 au 31 janvier 2016.

Dès lors, et en tenant compte d’un pourcentage de 7 % du 1er septembre 2012 au 31 août 2013, puis de 8 % du 1er septembre 2013 au 31 août 2014, puis de 9 % du 1er septembre 2014 au 31 août 2015 et enfin de 10 % du 1er septembre 2015 au 31 janvier 2016, au regard des heures supplémentaires accomplies, des absences non rémunérées et des sommes déjà versées au titre de la prime d’ancienneté, il convient de condamner la société Poujaud à payer à M. X la somme de 873,37 euros, outre 87,34 euros au titre des congés payés afférents.

Sur la demande d’indemnités de repas

M. X fait valoir que l’indemnité de repas perçue, à savoir 6,40 euros, était très en-deçà de celle prévue par la convention collective nationale du bâtiment, et en tout état de cause, des accords d’entreprise revendiqués par la société Poujaud.

La société Poujaud soutient que les salariés ont perçu jusqu’en décembre 2014 l’indemnité qui leur était versée par la société Altrad Balliaw et que par la suite, ils ont été réglés de 9,85 euros, montant conforme aux accords paritaires de juillet 2013 et juin 2015, sans qu’il puisse être retenu l’application de la convention collective nationale du bâtiment dès lors que depuis la loi du 4 mai 2004, l’accord paritaire conclu au sein de la société prend le pas sur cette dernière.

Comme vu précédemment, M. X est en droit d’invoquer la convention collective nationale du bâtiment applicable dans la société cessionnaire, et ce, dès le transfert de son contrat de travail, sans que la société puisse, quant à elle, lui opposer l’application de la convention collective nationale applicable dans la société cédante.

Aussi, et alors que le taux de 6,40 euros s’explique par le montant des indemnités de repas prévu par la convention collective nationale de la métallurgie, la société Poujaud se devait d’appliquer la convention collective nationale la plus favorable, en l’espèce, celle du bâtiment qui prévoyait une indemnité de repas à 9,80 euros jusqu’en décembre 2012, puis de 10 euros à compter du 1er janvier 2013.

Pour autant, il résulte de l’article L. 2253-3 du code du travail, dans sa version applicable du 1er mai 2008 au 10 août 2016, que dans les matières autres que celles des salaires minima, classifications, garanties collectives complémentaires mentionnées à l’article L. 912-1 du code de la sécurité sociale et mutualisation des fonds de la formation professionnelle, la convention ou l’accord d’entreprise ou d’établissement peut comporter des stipulations dérogeant en tout ou en partie à celles qui lui sont applicables en vertu d’une convention ou d’un accord couvrant un champ territorial ou professionnel

plus large, sauf si cette convention ou cet accord en dispose autrement.

En l’espèce, la convention collective nationale des ouvriers employés par les entreprises du bâtiment visées par le décret du 1er mars 1962 ne comporte aucune clause interdisant d’y déroger et c’est donc à juste titre que la société Poujaud invoque l’accord paritaire du 5 juillet 2013 ayant limité l’indemnité de repas à 9,85 euros au 1er juillet 2013, lequel ne peut néanmoins s’appliquer qu’à compter de cette date.

Aussi, au vu du nombre de paniers payés et non remis en cause, du montant de l’indemnité de repas prévue par la convention collective nationale du bâtiment et celui prévu par l’accord paritaire du 5 juillet 2013, il y a lieu de dire que M. X aurait dû percevoir 66 indemnités de repas à 9,80 euros de septembre à décembre 2012, puis 105 indemnités de repas à 10 euros de janvier à juin 2013, et enfin 230 indemnités de repas à 9,85 euros de juillet 2013 à décembre 2014, la société ayant par la suite versé ce montant.

Il convient en conséquence, alors que ces paniers ont été payés 6,40 euros, de condamner la société Poujaud à payer à M. X la somme de 1 395,90 euros pour la période du 1er septembre 2012 au 31 décembre 2014.

II – Sur la rupture du contrat de travail

Sur la demande de résiliation judiciaire

Après avoir rappelé qu’en cas de licenciement intervenu après une demande de résiliation judiciaire, il appartient au juge de statuer prioritairement sur cette demande, M. X sollicite la résiliation judiciaire de son contrat de travail au regard du refus de son employeur de régulariser son salaire et ce, malgré les courriers qu’il lui a adressés et la saisine du conseil mais également en raison de son attitude après qu’il a refusé de signer la modification de son contrat de travail au moment du transfert, son employeur ayant affecté les salariés proches de son domicile sur des sites éloignés alors qu’antérieurement ils le covoituraient faute de permis de conduire.

En réponse, la société Poujaud soutient avoir payé l’intégralité des salaires dus et ne pas avoir la responsabilité des difficultés que peut éventuellement rencontrer M. X pour se rendre sur son lieu de travail, étant relevé qu’il y parvient manifestement puisqu’il n’y a pas d’absences à déplorer de ce fait.

Lorsqu’un salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service, et que ce dernier le licencie ultérieurement pour d’autres faits survenus au cours de la poursuite du contrat, le juge doit d’abord rechercher si la demande de résiliation du contrat était justifiée et celle-ci prend effet, si le juge la prononce, au jour du licenciement. C’est seulement dans le cas contraire que le juge doit se prononcer sur le licenciement notifié par l’employeur .

La résiliation judiciaire du contrat de travail peut être prononcée si les manquements reprochés à l’employeur sont d’une gravité suffisante pour empêcher la poursuite du contrat de travail et la juridiction qui a caractérisé des manquements de l’employeur antérieurs à l’introduction de l’instance, peut tenir compte de leur persistance jusqu’au jour du licenciement pour en apprécier la gravité.

A l’appui de sa demande, M. X produit trois courriers envoyés à la société Poujaud, dont il n’est pas justifié par cette dernière qu’elle y aurait répondu, aux termes desquels, M. X fait part, dans la première, de son étonnement de l’affectation de ses collègues qui assuraient son covoiturage sur des endroits éloignés et dans les deux autres, des difficultés repérées dans le paiement de ses primes de panier, distinctes de celles de ses collègues, et de sa prime d’ancienneté, sur certains mois totalement impayée.

Il verse également aux débats quelques attestations de collègues qui expliquent que M. X a rencontré des difficultés pour se rendre sur son lieu de travail car les collègues qui le covoituraient auparavant avaient été envoyés en grand déplacement, l’un d’eux précisant que M. X avait insisté auprès du responsable d’agence M. A B pour partir avec ses collègues en déplacement et que ce dernier lui avait répondu qu’il n’avait qu’à signer son contrat de travail.

Outre qu’il ressort de cette dernière attestation une volonté de pénaliser M. X en raison de son refus de signer le contrat de travail modificatif au moment du transfert, il apparaît qu’au-delà de la condamnation de la société Poujaud au paiement de rappels de prime d’ancienneté et indemnités de repas pour une somme qui n’est pas négligeable, elle ne lui a laissé d’autres choix que de saisir le conseil en se refusant à répondre à ses questionnements pourtant légitimes comme en témoigne la décision rendue.

Bien plus, s’il pouvait exister des divergences d’interprétation sur le montant de la prime d’ancienneté, il ne peut qu’être relevé que M. X avait pointé l’existence de mois sans aucun versement et ce, à des périodes où il n’était pas en arrêt maladie, sans aucune réponse de la société, ne serait-ce que sur ce point.

Ainsi, seule une régularisation pour l’avenir est intervenue concernant le paiement des indemnités de panier à compter de janvier 2015.

Aussi, et alors qu’aucune des demandes à l’origine de la saisine du conseil n’a, quant à elle, fait l’objet d’un paiement avant le licenciement de M. X, il convient d’infirmer le jugement et de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de la société Poujaud dans la mesure où ces manquements, qui mettaient M. X dans l’incertitude du paiement des primes auxquelles il pouvait prétendre et portaient sur un élément essentiel du contrat, étaient d’une gravité empêchant la poursuite du contrat de travail.

Compte tenu du licenciement pour motif économique intervenu depuis, et alors que M. X a accepté d’adhérer au contrat de sécurisation professionnelle, il y a lieu de prononcer cette résiliation judiciaire à la date de l’expiration du délai de réflexion du contrat de sécurisation professionnelle, soit le 24 mars 2017.

Sur les sommes réclamées au titre de la rupture

Si en application des dispositions de l’article L.1233-67 du code du travail, le salarié qui adhère au contrat de sécurisation professionnelle ne bénéficie pas de l’indemnité compensatrice de préavis, néanmoins, en raison du prononcé de la résiliation judiciaire, le contrat de sécurisation professionnelle devient sans cause et l’employeur est alors tenu de payer cette indemnité au salarié, déduction faite des sommes qu’il lui a déjà versées.

Dès lors, alors que la durée du préavis, telle qu’elle résulte de la convention collective nationale du bâtiment applicable est de deux mois, il y a lieu de limiter l’indemnité compensatrice de préavis due à la somme de 4 102,39 euros, outre 410,24 euros au titres des congés payés afférents, M. X n’explicitant pas les raisons le conduisant à réclamer trois mois de préavis.

Par ailleurs, au regard de l’ancienneté et du salaire de M. X, et alors qu’il ne justifie pas de sa situation professionnelle postérieurement au licenciement, il y a lieu conformément à l’article L. 1235-3 du code du travail, dans sa version applicable au litige, de lui allouer la somme de

15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, confirmant le jugement sur l’appréciation du préjudice.

Sur le remboursement des indemnités Pôle emploi

Conformément à l’article L 1235-4 du code du travail, il convient de confirmer le jugement en ce qu’il a ordonné à la société Poujaud de rembourser à Pôle emploi les indemnités chômage versées à M. X du jour de son licenciement au jour de la présente décision, dans la limite de trois mois.

III – Sur la demande de dommages et intérêts pour négligence dans l’envoi du contrat de sécurisation professionnelle

Il ressort des mails échangés entre M. X et la société Poujaud que cette dernière n’a pu envoyer le dossier du contrat de sécurisation professionnelle à Pôle emploi que le 2 mai 2017 en raison des éléments détenus par M. X qu’elle attendait.

Aussi, s’il répond le 4 mai qu’il existe des difficultés quant au contenu envoyé, il n’apporte aucun élément postérieur à cette date et il ne justifie donc pas suffisamment des négligences de la société Poujaud et encore moins du préjudice en résultant .

Il convient en conséquence de confirmer le jugement en ce qu’il l’a débouté de cette demande.

IV – Sur la remise de documents

Il convient d’ordonner à la société Poujaud de remettre à M. X un bulletin de salaire,un certificat de travail et une attestation Pôle emploi dûment rectifiés, sans que les circonstances de la cause justifient de prononcer une astreinte, infirmant sur ce dernier point le jugement.

Au contraire, il n’y a pas lieu à remise d’un solde de tout compte, la présente décision en tenant lieu.

V – Sur les intérêts

Les sommes allouées en première instance et en appel à caractère salarial porteront intérêts au taux légal à compter de la convocation de l’employeur en conciliation et celles à caractère indemnitaire à compter du jugement de première instance pour les dispositions confirmées et du présent arrêt pour les dispositions infirmées.

VI – Sur les dépens et les frais irrépétibles

En qualité de partie succombante, il y a lieu de condamner la société Poujaud aux entiers dépens, y compris ceux de première instance, de la débouter de sa demande formulée en application de l’article 700 du code de procédure civile et de la condamner à payer à M. X la somme de 1 300 euros sur ce même fondement, en plus de la somme allouée en première instance.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant contradictoirement,

Infirme le jugement en ce qu’il a ordonné la remise d’un solde de tout compte, rejeté la demande de résiliation judiciaire présentée par M. X et dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse, débouté M. X de sa demande de rappel de prime d’ancienneté et congés payés afférents mais aussi sur le montant alloué au titre des indemnités de repas et de l’indemnité compensatrice de préavis, sur le point de départ des intérêts et sur le prononcé d’une astreinte pour la remise des documents ;

Statuant à nouveau,

Prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. Y X à la date du 24 mars 2017 ;

Condamne la SAS Poujaud à payer à M. Y X les sommes suivantes :

• rappel d’indemnités de repas : 1 395,90 euros

• rappel de prime d’ancienneté : 873,37 euros

• congés payés afférents : 87,34 euros

• indemnité compensatrice de préavis : 4 102,39 euros

• congés payés afférents : 410,24 euros

Dit que les sommes allouées en première instance et en appel à caractère salarial porteront intérêts au taux légal à compter de la convocation de l’employeur en conciliation et celles à caractère indemnitaire à compter du jugement de première instance pour les dispositions confirmées et du présent arrêt pour les dispositions infirmées ;

Dit n’y avoir lieu à remise d’un solde de tout compte ;

Dit n’y avoir lieu à astreinte pour la remise des documents ;

Confirme le jugement pour le surplus ;

Y ajoutant,

Condamne la SAS Poujaud à payer à M. Y X la somme de 1 300 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Déboute la SAS Poujaud de sa demande formulée en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SAS Poujaud aux entiers dépens.

La greffière La présidente

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Cour d'appel de Rouen, Chambre sociale, 1er octobre 2020, n° 18/00550