Cour d'appel de Rouen, Chambre sociale, 19 mai 2021, n° 18/01033

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Rouen, ch. soc., 19 mai 2021, n° 18/01033
Juridiction : Cour d'appel de Rouen
Numéro(s) : 18/01033
Décision précédente : Tribunal des affaires de sécurité sociale d'Évreux, 7 février 2018
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

N° RG 18/01033 – N° Portalis DBV2-V-B7C-HY6V

COUR D’APPEL DE ROUEN

CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE

ARRET DU 19 MAI 2021

DÉCISION

DÉFÉRÉE :

Jugement du TRIBUNAL DES AFFAIRES DE SECURITE SOCIALE D’EVREUX du 08 Février 2018

APPELANTE :

Société […]

[…]

[…]

représentée par Me Virginie DE COUESSIN, avocat au barreau de ROUEN substituée par Me Marie CAMAIL, avocat au barreau de ROUEN

INTIMEE :

URSSAF HAUTE NORMANDIE

[…]

[…]

[…]

représentée par Mme Z A munie d’un pouvoir

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du Code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 16 Mars 2021 sans opposition des parties devant Madame de SURIREY, Conseillère, magistrat chargé d’instruire l’affaire.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur POUPET, Président

Madame ROGER-MINNE, Conseillère

Madame de SURIREY, Conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

B C

DEBATS :

A l’audience publique du 16 Mars 2021, où l’affaire a été mise en délibéré au 19 Mai 2021

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé le 19 Mai 2021, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

signé par Monsieur POUPET, Président et par M. C, Greffier.

* * *

L’Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales de Haute Normandie (l’Urssaf) a procédé à un contrôle d’assiettes au sein de la société ATTE (la société), au titre de la période du 1er avril 2012 au 31 décembre 2014.

La lettre d’observations, envoyée à la société le 30 septembre 2015, faisait état de dix-sept chefs de redressement. La société en a contesté onze, lesquels ont été maintenus par l’inspecteur de l’Urssaf.

Cette dernière a notifié à la société une mise en demeure le 24 décembre 2015 pour avoir paiement de la somme de 126 301 euros, soit 114 788 euros à titre de cotisations et 11 513 euros à titre de majorations de retard.

La société a contesté onze des dix-sept chefs de redressement devant la commission de recours amiable (la CRA) de l’organisme.

Le 26 avril 2016, à défaut de réponse, elle a poursuivi sa contestation devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de l’Eure.

La CRA, lors de sa séance du 1er juillet 2016, a finalement rejeté le recours de la société et maintenu intégralement les redressements contestés.

Le 8 septembre 2016, la société a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de l’Eure d’une contestation de cette décision.

Par jugement du 8 février 2018, le tribunal a :

— ordonné la jonction des procédures inscrites sous les numéros 21600416 et 21600808, l’affaire portant désormais le seul numéro 21600416,

— confirmé les onze chefs de redressement contestés et la position de la CRA lors de sa séance du 1er juillet 2016,

— constaté que les autres chefs de redressement n’avaient pas été contestés,

— condamné la société à payer à l’Urssaf Haute Normandie la somme restant due de 104 842 euros en ce compris 11 170 euros de majorations de retard,

— dit n’y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— ordonné l’exécution provisoire.

La société a relevé appel du jugement le 9 mars 2018.

Par conclusions remises le 25 février 2020, soutenues oralement à l’audience, auxquelles il est reporté pour l’exposé détaillé de ses moyens, elle demande à la cour de :

— la déclarer recevable et bien fondée en son appel,

— réformer le jugement dont appel et en conséquence,

• annuler les redressements de l’Urssaf contestés dans le cadre de ses écritures lesquels se décomposent en 104 842 euros en cotisations et 11 170 euros en majoration de retard,

• ordonner le remboursement de ces sommes à son profit,

— condamner l’Urssaf à lui régler une somme de 1 000 euros au titre l’article 700 du code de procédure civile pour ses frais irrépétibles.

Par conclusions remises le 20 juillet 2020, soutenues oralement à l’audience, auxquelles il est reporté pour l’exposé détaillé de ses moyens, l’Urssaf demande à la cour de :

— débouter la société de ses demandes,

— confirmer le jugement déféré.

EXPOSE DES MOTIFS :

I- Sur le bien fondé des redressements :

1/ Sur la part patronale relative au régime de prévoyance complémentaire assujetti à la CSG/CRDS et sur l’augmentation progressive de la cotisation vieillesse plafonnée à compter du 1er novembre 2012 :

C’est en vain que la société soutient que la lettre d’observations est incomplète en ce qu’elle ne comporte pas le détail des calculs présentés à l’inspectrice dès lors qu’il est constant qu’aucune disposition n’impose à l’Urssaf de retranscrire dans sa lettre d’observations le détail des calculs effectués par le cotisant et qu’aucun élément du dossier ne permet de penser que de tels éléments lui aient été transmis.

C’est donc par de justes motifs que le tribunal, après avoir constaté que la lettre d’observations était régulière et que la société se contentait d’affirmer que ses calculs étaient corrects sans apporter aucun justificatif à l’appui de ses allégations, a jugé que le redressement était bien fondé de ces chefs.

Il y a donc lieu à confirmation du jugement sur ces deux points.

2/ Sur les acomptes, avances, prêts et sommes diverses non récupérées :

La cour approuve les premiers juges en ce qu’ils ont dit que les sommes versées à tort aux salariés, passées en comptabilité sous les intitulés « charges diverses » ou « salaires négatifs », constituaient des avantages en espèces car versées à l’occasion du travail au sens de l’article L. 242 -1 du code de

la sécurité sociale de sorte qu’elles étaient soumises à cotisations.

Le jugement sera également confirmé de ce chef.

3/ Sur l’assiette minimum des cotisations – majorations pour heures supplémentaires :

C’est à juste titre que le tribunal a rejeté la contestation de ce chef de redressement aux motifs que l’accord mis en place au sein de l’entreprise utilisatrice selon lequel « les heures de travail effectuées au-delà de 35 heures par semaine, dans la limite de la modulation qui a été retenue, ne sont pas considérées comme des heures supplémentaires si elles sont compensées au cours de la période d’annualisation », ne s’appliquait pas aux salariés de la société Alternative travail temporaire qui restent payés par cette dernière et ne sont pas concernés par la modulation du temps de travail qui est incompatible avec la rédaction des contrats de mission ainsi qu’avec la nature même du travail en intérim.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

4/ Sur la réduction Fillon – heures de compensation :

La société ne contredit pas utilement devant la cour le raisonnement de l’Urssaf, retenu par le tribunal, selon lequel les salariés n’effectuaient pas des heures d’équivalence, réservées à un certain nombre de professions, mais des heures de compensation.

Il y a donc lieu de valider le redressement de ce chef et de confirmer le jugement.

5/ Sur la réduction Fillon – heures de route :

L’Urssaf n’a pas inclus dans le calcul du SMIC pris en compte dans le coefficient de la réduction Fillon les heures de route payées aux salariés travaillant sur chantiers pour le client SNAD au motif qu’elles ne correspondent pas à du temps de travail effectif.

L’appelante le conteste au motif que dès lors que les salariés sont véhiculés par l’entreprise des agences jusqu’au lieu d’intervention, ces trajets intervenant entre entre deux lieux de travail, revêtent un caractère inhabituel et doivent donc être considérés comme du temps de travail effectif.

L’article L. 3121-4 du code du travail dispose que le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d’exécution du contrat de travail n’est pas un temps de travail effectif.

Le siège de l’entreprise ne constitue qu’un lieu de rattachement administratif au sein duquel les salariés intérimaires n’exerçaient pas leur emploi de sorte qu’il ne peut être considéré que les heures de route constituaient un trajet entre deux lieux de travail. De plus, la société ne démontre pas que ce temps de route dépassait en durée le temps normal de déplacement entre le domicile et le lieu de travail habituel. Enfin, ni la société Alternative travail temporaire, ni l’entreprise utilisatrice ne considèrent ces heures de route comme du temps de travail effectif puisque, bien qu’étant au-delà des 35 heures hebdomadaires, celles-ci n’étaient soumises à aucune majoration.

C’est donc à juste titre que le tribunal des affaires de sécurité sociale a validé le redressement opéré par l’Urssaf.

6/ Sur les frais professionnels – déduction forfaitaire spécifique :

En application de l’article 9 de l’arrêté du 20 décembre 2002 modifié par l’arrêté du 25 juillet 2005, les professions, prévues à l’article 5 de l’annexe IV du code général des impôts dans sa rédaction en vigueur au 31 décembre 2000, qui comportent des frais dont le montant est notoirement supérieur à

celui résultant du dispositif prévu aux articles précédents peuvent bénéficier d’une déduction forfaitaire spécifique. Cette déduction est, dans la limite de 7 600 euros par année civile, calculée selon les taux prévus à l’article 5 de l’annexe IV du code précité.

L’employeur peut opter pour la déduction forfaitaire spécifique lorsqu’une convention ou un accord collectif du travail l’a explicitement prévu ou lorsque le comité d’entreprise ou les délégués du personnel ont donné leur accord.

A défaut, il appartient à chaque salarié d’accepter ou non cette option. Celle-ci peut alors figurer soit dans le contrat de travail ou un avenant au contrat de travail, soit faire l’objet d’une procédure mise en oeuvre par l’employeur consistant à informer chaque salarié individuellement par lettre recommandée avec accusé de réception de ce dispositif et de ses conséquences sur la validation de ses droits, accompagné d’un coupon-réponse d’accord ou de refus à retourner par le salarié. Lorsque le travailleur salarié ou assimilé ne répond pas à cette consultation, son silence vaut accord définitif.

L’Urssaf estime qu’à la lecture des contrats de mission de l’entreprise, il n’apparaît pas clairement que les salariés aient accepté le droit d’option puisque celui-ci était mentionné dans un paragraphe regroupant différentes thématiques telles qu’information sur les contrats, délivrance de l’attestation ASSEDIC, abonnement transport et que la déduction forfaitaire spécifique a été appliquée à plusieurs salariés exerçant des professions non visées à l’article 5 de l’annexe IV du code général des impôts.

Les contrats de mission ne sont pas versés aux débats toutefois la société ne conteste pas qu’ils présentent la déduction forfaitaire spécifique, dans un pavé concernant également d’autres dispositions, dans les termes suivants : « Pour les professions prévues à l’article 5 de l’annexe IV du CGI, sauf refus exprimé par écrit de l’intérimaire, la déduction forfaitaire pour frais professionnels sera appliquée ». Cette rédaction ne permettait pas d’informer clairement les salariés sur le dispositif et ses conséquences, ni de s’assurer de leur accord ainsi que l’a jugé le tribunal.

De plus, dans la liste des professions concernées se trouvent notamment les ouvriers du bâtiment visés à l’article 1er du décret du 17 novembre 1936, à l’exclusion de ceux qui travaillent en usine ou en atelier. Or, en l’espèce, la société a appliqué l’option à des dessinateurs, un extrudeur en usine, des ponçeurs en usine et des man’uvres horticoles, professions qui ne figurent pas dans la liste.

7/ Sur les frais professionnels – sédentaires ETT :

Conformément à l’article 3 de l’arrêté du 20 décembre 2002, le salarié est considéré en situation de petits déplacements lorsqu’il est en déplacement professionnel ou empêché de regagner sa résidence ou son lieu habituel de travail pour prendre ses repas.

C’est à juste titre que le tribunal a considéré que M. X étant en mission depuis plus de trois mois à Sotteville-lès-Rouen, cet endroit constituait son lieu de travail habituel de sorte que, peu important qu’il n’ait pas le temps de rentrer chez lui pour déjeuner, il y avait lieu de réintégrer les primes de panier qui lui était payées dans le calcul des cotisations.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

8/ Sur les frais professionnels non justifiés – petits et grands déplacements :

La société ne produit pas de justificatifs suffisants concernant le domicile de M. Y, permettant de juger de la pertinence des déductions relatives aux frais professionnels pour grands déplacements, si bien qu’il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu’il a rejeté sa contestation de ce chef de redressement.

9/ Sur les frais professionnels – limite d’exonération grands déplacements :

La société indique qu’elle conteste ce point pour les mêmes raisons qu’évoquées au point précédent sans plus d’explications.

Elle ne contredit donc pas utilement l’Urssaf qui, après avoir constaté que la société avait exonéré de charges des indemnités de grands déplacements à hauteur des montants majorés prévus pour les déplacements à Paris et dans les départements des Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis et Val-de-Marne alors que les chantiers en cause n’étaient pas situés dans ces départements, a réintégré la fraction excédant la limite d’exonération prévue pour les déplacements situés dans les autres départements de la France métropolitaine.

Le jugement sera par conséquent également confirmé de ce chef.

10/ Sur le versement transport :

En application des articles L. 2333- 64 et L. 2531-2 du code général des collectivités territoriales, sont assujetties au versement transport les personnes physiques ou morales publiques ou privées, employant plus de neuf salariés dont le lieu de travail est situé soit sur le territoire des communes, soit dans le ressort des communautés urbaines, districts et syndicats de collectivités locales ayant institué un versement destiné au transport.

Les employeurs qui, en raison de l’accroissement de leurs effectifs, atteignent ou dépassent pour la première fois l’effectif de 10 salariés sont dispensés pendant trois ans du paiement du versement transport, celui-ci est ensuite réduit de 75 %, 50 % et 25 % respectivement chacune des trois années suivant la dernière année de dispense.

Les entreprises qui emploient 10 salariés ou plus dès leur création, ne peuvent bénéficier du dispositif d’assujettissement progressif au versement transport, l’objectif du dispositif étant de favoriser les entreprises qui créent des emplois en atténuant l’effet du franchissement du seuil de neuf salariés.

L’assujettissement au versement transport s’apprécie au regard de l’effectif présent sur chacune des zones d’autorité organisatrice des transports urbains.

En l’espèce, l’entreprise a été créée le 18 novembre 2009 sous l’enseigne Maïa, avec une activité d’entretien de maisons et travaux ménagers, petits travaux de jardinage, un siège social à Saint-Étienne du Rouvray. Elle a été modifiée le 30 décembre 2011 pour s’appeler Alternative travail temporaire Évreux, commune où son siège social a été transféré, avec une activité d’entreprise de travail temporaire. Le 1er janvier 2012, un établissement secondaire a été créé à Saumur. Ces deux nouveaux établissements (Evreux et Saumur) n’avaient pas de salariés permanents. Les embauches de salariés intérimaires en grand nombre ont commencé la première semaine d’avril 2012 (135 salariés).

La société soutient que pour un établissement créé en cours d’année, l’effectif doit être apprécié à sa date de création, que les établissements de Saumur et d’Évreux, au moment de leur création n’avaient aucun salarié, que le seuil de neuf salariés a été dépassé en cours d’année et que par conséquent ils étaient dispensés de versement pendant trois ans soit pour 2012, 2013 et 2014 puis bénéficiaient d’un abattement progressif du taux de versement pendant les trois années suivantes.

L’Urssaf a considéré que compte tenu de l’existence de l’ancien siège à Saint-Étienne du Rouvray, l’effectif dans le périmètre de l’autorité organisatrice des transports urbains de Rouen avait augmenté et que l’activité pouvait bénéficier des dispositions relatives à l’assujettissement progressif au 1er janvier 2013 mais qu’en revanche, l’activité dans les zones de transport d’Évreux et de Saumur avait

débuté en avril 2012 avec un effectif immédiatement supérieur à neuf salariés de sorte qu’elle ne pouvait bénéficier de ce dispositif. Cette conclusion est conforme tant à la lettre qu’à l’esprit des textes.

Le jugement qui a validé le redressement de ce chef sera confirmé.

II- Sur la demande reconventionnelle :

Cette demande ne peut qu’être rejetée compte tenu de l’issue du procès.

III- Sur les demandes accessoires :

La société, qui perd le procès, doit en supporter les dépens et sera déboutée de sa demande présentée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

Confirme le jugement,

Y ajoutant,

Déboute la société alternative travail temporaire de sa demande présentée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

La condamne aux dépens.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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