Cour d'appel de Rouen, Chambre sociale, 1er décembre 2021, n° 18/05190

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Rouen, ch. soc., 1er déc. 2021, n° 18/05190
Juridiction : Cour d'appel de Rouen
Numéro(s) : 18/05190
Décision précédente : Tribunal des affaires de sécurité sociale de Rouen, 18 novembre 2018
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

N° RG 18/05190 – N° Portalis DBV2-V-B7C-IBI7

COUR D’APPEL DE ROUEN

CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE

ARRET DU 01 DECEMBRE 2021

DÉCISION

DÉFÉRÉE :

Jugement du TRIBUNAL DES AFFAIRES DE SECURITE SOCIALE DE ROUEN du 19 Novembre 2018

APPELANTE :

URSSAF HAUTE NORMANDIE

[…]

[…]

[…]

représentée par Mme X Y munie d’un pouvoir

INTIMES :

Société mutualiste MAE

[…]

[…]

représentée par Me Z SICSIC, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Corinne BUHOT, avocat au barreau de ROUEN

Comité social et économique de l’UES MAE- MUTUELLE MAE

[…]

[…]

représenté par Me Corinne BUHOT, avocat au barreau de ROUEN

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du Code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 20 Octobre 2021 sans opposition des parties devant Madame ROGER-MINNE, Conseillère, magistrat chargé d’instruire l’affaire.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur POUPET, Président

Madame ROGER-MINNE, Conseillère

Madame POUGET, Conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Z A

DEBATS :

A l’audience publique du 20 Octobre 2021, où l’affaire a été mise en délibéré au 01 Décembre 2021

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé le 01 Décembre 2021, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

signé par Monsieur POUPET, Président et par M. A, Greffier.

* * *

Une unité économique et sociale a été reconnue, par accord de 1994, entre la Mutuelle assurance de l’éducation et l’Union des mutuelles accidents élèves. Le 25 février 2009 cette dernière a prononcé sa dissolution et transféré son portefeuille au profit de la MAE, créée le même jour. La MAE s’est alors substituée à l’Union des mutuelles accidents élèves dans le cadre de l’UES, désormais constituée entre elle et la Mutuelle assurance de l’éducation.

Courant 2013, la MAE (la mutuelle) a fait l’objet d’un contrôle comptable d’assiette opéré par l’Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales de Haute Normandie (l’URSSAF) pour la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2012.

Une lettre d’observations lui a été notifiée le 3 mai 2013, portant sur un montant de redressement global de 96 087 euros en cotisations et 11 749 euros au titre des majorations de redressement.

Le comité d’entreprise de l’UES MAE-Mutuelle MAE (le comité d’entreprise) et la mutuelle ont contesté le chef de redressement relatif à la participation du premier aux chèques-vacances. L’inspecteur du recouvrement a maintenu ce chef de redressement au motif que les conditions d’attribution des chèques-vacances, déterminées par le comité d’entreprise, étaient doublement discriminatoires en ce que le montant accordé était différent en fonction de la catégorie professionnelle du salarié (cadre ou non-cadre) et subissait une minoration en fonction de la durée du travail.

L’URSSAF a mis en demeure la mutuelle de payer la somme totale de 108 236 euros.

Le comité d’entreprise et la mutuelle ont saisi la commission de recours amiable, laquelle a rejeté leur recours le 30 novembre 2016.

La mutuelle et le comité d’entreprise ont poursuivi leur contestation devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Rouen.

Par jugement du 19 novembre 2018, le tribunal a :

— joint les deux procédures,

— déclaré le recours du comité d’entreprise recevable en la forme,

— déclaré les recours de la mutuelle et du comité d’entreprise bien fondés,

— infirmé la décision rendue par la commission de recours amiable,

— annulé le redressement en cause,

— déchargé la mutuelle des contributions et cotisations sociales réclamées pour un montant de 74 950 euros en principal et de 13 033 euros en majorations de retard,

— condamné l’Urssaf à payer à la mutuelle et au comité d’entreprise chacun la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions remises le 20 avril 2021, reprises oralement à l’audience, l’URSSAF, qui a relevé appel du jugement, demande à la cour de :

— l’infirmer,

— valider le redressement à hauteur de 74 950 euros en cotisations,

— condamner la mutuelle au paiement de la somme de 87 912 euros, soit 74 950 euros en cotisations et 9 126 euros en majorations de retard,

— condamner la mutuelle aux dépens.

Elle fait valoir que les activités sociales et culturelles, dont font partie les aides aux vacances attribuées par les comités d’entreprise sous forme de chèques-vacances, sans intervention de l’employeur, devaient bénéficier, conformément à l’instruction ministérielle du 17 avril 1985, à l’ensemble du personnel sans discrimination, c’est-à-dire sans distinction tenant à la personne, à la catégorie professionnelle, au rang social ou à l’affiliation syndicale du salarié ; que la lettre collective publiée le 12 avril 2016 par l’ACOSS a précisé que le ministère reconnaissait la possibilité de moduler le montant des chèques-vacances selon la catégorie professionnelle, la tranche de rémunération ou encore le coefficient hiérarchique des salariés sans que cela remette en cause le bénéfice du régime social favorable dont ils bénéficiaient. Elle en déduit que l’attribution des chèques-vacances selon l’appartenance à la catégorie des cadres ou des non-cadres n’est donc plus de nature à remettre en cause le bénéfice des exonérations sociales mais que tel n’est pas le cas du recours à un critère lié à la durée du travail qui conduit à requalifier l’aide du comité d’entreprise en complément de rémunération, ayant pour conséquence la réintégration dans l’assiette des cotisations sociales. Elle considère en effet que la modulation du montant des chèques-vacances qui repose sur un critère professionnel, comme la durée du temps de travail ou son temps de présence, sans tenir compte de la situation familiale du salarié ou de ses ressources, lui fait perdre son caractère d’activité sociale et culturelle.

Par conclusions remises le 14 octobre 2021, reprises oralement à l’audience, le comité social et économique de l’UES MAE-Mutuelle-MAE (le comité économique et social), venant aux droits du comité d’entreprise demande à la cour de :

— débouter l’URSSAF de ses demandes,

— confirmer le jugement en ce qu’il a infirmé la décision de la commission de recours amiable, annulé le redressement en cause, déchargé la Mutuelle MAE des contributions et cotisations sociales réclamées pour un montant de 74 950 euros en principal et de 13 033 euros en majorations de retard, condamné l’URSSAF à régler à l’ancien comité d’entreprise, aux droits duquel il vient, une somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— y ajoutant, condamner l’URSSAF aux dépens et à lui régler une somme de 2 500 euros pour les frais en cause d’appel.

Il fait valoir qu’aucun salarié n’a jamais été exclu du bénéfice des chèque-vacances et que si le montant attribué est modulé pour les personnes travaillant dans le cadre d’un temps partiel d’une durée très faible, il n’est pas calculé au prorata de leur temps de travail. Il indique, par exemple, qu’un salarié non-cadre travaillant quelques heures par semaine bénéficie d’un chèques-vacances de 100 euros alors qu’un salarié non-cadre employé à temps plein reçoit un chèque de 250 euros, cette pratique ayant été décidée par souci d’équité, les salariés à temps partiel cumulant différents emplois dans lesquels ils pouvaient en effet cumuler les mêmes avantages. Il soutient avoir consulté les préconisations de l’URSSAF qui n’interdisent pas une telle pratique et insistent sur le fait que le montant des chèques-vacances est fixé par le comité d’entreprise en fonction de critères qu’il détermine seul et librement. Il se prévaut d’une décision implicite de l’URSSAF en sa faveur en indiquant que les avantages consentis par lui ont été examinés par un inspecteur de l’organisme social lors des contrôles de 2006 et 2011 et qu’à l’époque il distinguait déjà selon la catégorie professionnelle du salarié. Il considère qu’il s’est pérennisé sans changement de personnalité morale, de sorte que si le contrôle litigieux est le premier de la MAE, ce n’est pas le premier de son comité d’entreprise. Il soutient en outre que, sur la même question, l’URSSAF a formulé une observation pour l’avenir adressée à la Mutuelle assurance de l’éducation, le 25 juin 2013, adoptant ainsi vis-à-vis du même comité d’entreprise deux positions différentes.

Il fait par ailleurs valoir qu’aucun texte ne mentionne ni ne précise ce qu’il convient d’entendre par discrimination ; que si la loi impose une égalité de traitement entre les salariés à temps complet et les salariés à temps partiel, elle prévoit que les droits des seconds sont appréciés proportionnellement à leur durée de travail et qu’une différence de traitement est possible si elle repose sur des critères objectifs et pertinents.

Par conclusions remises le 20 octobre 2021, soutenues oralement à l’audience, la mutuelle demande à la cour de :

— débouter l’URSSAF de ses demandes,

— confirmer le jugement en ce qu’il a infirmé la décision de la commission de recours amiable, annulé le redressement, l’a déchargée des contributions et cotisations sociales et condamné l’URSSAF à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— y ajoutant, condamner l’URSSAF aux dépens et à lui payer la somme de 2 500 euros pour les frais engagés en cause d’appel.

Elle reprend, pour l’essentiel, l’argumentation du comité économique et social.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur l’accord implicite :

En application de l’article R. 243-59 dernier alinéa du code de la sécurité sociale, dans sa version antérieure au décret n°2016-941 du 8 juillet 2016, l’absence d’observations vaut accord tacite concernant les pratiques ayant donné lieu à vérification, dès lors que l’organisme de recouvrement a

eu les moyens de se prononcer en toute connaissance de cause. Le redressement ne peut porter sur des éléments qui, ayant fait l’objet d’un précédent contrôle dans la même entreprise ou le même établissement, n’ont pas donné lieu à observations de la part de cet organisme.

Cela implique que les situations entre les deux contrôles soient identiques.

Or, en l’espèce, à l’époque des redressements de 2006 et 2011 la question de la minoration du montant des chèques-vacances attribués à des salariés à temps partiel ne se posait pas. Il en résulte, qu’en l’absence de situations identiques entre les contrôles évoqués, les intimés ne peuvent se prévaloir de l’existence d’un accord implicite de l’URSSAF.

Sur le bien fondé du redressement :

En application de l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable aux périodes contrôlées, pour le calcul des cotisations des assurances sociales, des accidents du travail et des allocations familiales, sont considérés comme rémunérations toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l’occasion du travail.

Il en résulte que toute somme ou avantage en nature versé à un salarié est soumis à cotisations sauf si une exonération est expressément prévue.

Si l’URSSAF indique, notamment dans sa documentation destinée au comité d’entreprise, que l’aide aux vacances attribuée sous forme de chèques-vacances par celui-ci, en fonction de critères qu’il détermine librement, sans intervention de l’employeur, est exonérée de cotisations et contributions sociales, encore faut-il que cette aide ne soit pas attribuée de manière discriminatoire et à l’occasion du travail, sous peine d’entrer dans l’assiette de calcul des cotisations et contributions sociales.

Il y a donc lieu de rechercher si le montant des chèques-vacances alloués en l’espèce est modulé en fonction du travail des salariés, ce qui leur donnerait le caractère d’une rémunération ou selon des critères sociaux, ce qui leur conserverait un caractère de prestations relevant des activités sociales et culturelles du comité, définies comme toute activité non obligatoire légalement, quelle que soit sa dénomination, exercée principalement au bénéfice de l’ensemble du personnel de l’entreprise, en vue d’améliorer ses conditions collectives d’emploi, de travail et de vie au sein de l’entreprise.

Or, en attribuant un montant différent selon que le salarié travaille moins de 40 %, de 40 à 59 %, de 60 à 79 % ou au moins 80 % de la durée légale du travail, le comité d’entreprise s’est fondé sur un critère relatif au travail des salariés et non sur des critères sociaux, quand bien même il lui paraissait plus équitable, vis-à-vis des salariés travaillant à temps plein, de retenir ces modalités.

Les intimés ne sauraient utilement invoquer l’existence d’observations pour l’avenir adressées à la Mutuelle assurance de l’éducation, le 25 juin 2013, dès lors qu’il appartient à l’URSSAF de décider des suites qu’elle entend réserver à une pratique qui ne lui paraît pas conforme à des dispositions légales ou réglementaires.

Les intimés ne peuvent davantage déduire de l’absence d’observations de l’URSSAF, lors des contrôles de 2006 et 2011, sur le caractère discriminatoire de la pratique du comité d’entreprise consistant à allouer des montants différents selon la catégorie professionnelle des salariés, que le présent redressement est nul, d’autant que des éléments de réponse concernant la notion de discrimination sont apportés notamment lors des questions/réponses devant l’Assemblée nationale.

Le jugement doit dès lors être infirmé et il sera fait droit aux demandes de l’URSSAF.

Les intimés qui perdent le procès seront déboutés de leur demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile. La MAE sera par ailleurs condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS :

Statuant dans les limites de l’appel :

Infirme le jugement ;

Statuant à nouveau :

Valide le redressement concernant les chèques-vacances pour un montant de 74'950 euros en cotisations ;

Condamne la MAE à payer à l’URSSAF la somme de 87'912 euros, dont 9 126 euros en majorations de retard ;

Déboute les intimés de leur demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la MAE aux dépens de première instance et d’appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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