Cour d'appel de Rouen, Chambre sociale, 16 novembre 2022, n° 20/02343

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Rouen, ch. soc., 16 nov. 2022, n° 20/02343
Juridiction : Cour d'appel de Rouen
Numéro(s) : 20/02343
Importance : Inédit
Décision précédente : Tribunal judiciaire d'Évreux, 29 avril 2020
Dispositif : Expertise
Date de dernière mise à jour : 4 décembre 2022
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Sur les parties

Texte intégral

N° RG 20/02343 – N° Portalis DBV2-V-B7E-IQRT

COUR D’APPEL DE ROUEN

CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE

ARRET DU 16 NOVEMBRE 2022

DÉCISION DÉFÉRÉE :

Jugement du POLE SOCIAL DU TJ D’EVREUX du 30 Avril 2020

APPELANTE :

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE L’EURE

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me François LEGENDRE, avocat au barreau de ROUEN

INTIMEE :

Société [5]

[Adresse 7]

[Adresse 6]

[Localité 4]

représentée par Me Philippe PACOTTE, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Raphaëlle LEROY, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l’article 945-1 du Code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 05 Octobre 2022 sans opposition des parties devant Madame BIDEAULT, Présidente, magistrat chargé d’instruire l’affaire.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame BIDEAULT, Présidente

Madame ROGER-MINNE, Conseillère

Madame POUGET, Conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

M. CABRELLI, Greffier

DEBATS :

A l’audience publique du 05 Octobre 2022, où l’affaire a été mise en délibéré au 16 Novembre 2022

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé le 16 Novembre 2022, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

signé par Madame BIDEAULT, Présidente et par Mme DUBUC, Greffier.

* * *

EXPOSE DU LITIGE

Mme [D] [T] (la salariée), engagée au sein de la société [5] (la société) en qualité d’assistante qualifiée a déclaré avoir été victime d’un accident du travail le 24 février 2016, en soulevant un carton qui se situait dans une navette.

Le 11 mars 2016, un certificat médical a été établi faisant état d’une tendinite du sus épineux gauche, et d’une épicondylite gauche.

La caisse primaire d’assurance maladie de l’Eure (la caisse) a pris en charge l’accident au titre de la législation sur les risques professionnels par décision du 23 mai 2016.

La société a saisi la commission de recours amiable le 22 juin 2018 d’une demande d’inopposabilité des soins et arrêts de travail prescrits au bénéfice de Mme [T] suite à son accident. La commission a rejeté implicitement la demande.

La société a donc saisi le tribunal des affaires de sécurités sociale en contestation de cette décision.

Par jugement du 30 avril 2020, le tribunal judiciaire d’Evreux, devenu compétent, a :

infirmé la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable de la caisse,

déclaré inopposable à la société la décision de la caisse du 23 mai 2016 de prise en charge de l’accident du 24 février 2016 survenu à Mme [T],

invité la caisse à en tirer toutes les conséquences de droit,

condamné la caisse à payer à la société la somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

condamné la caisse aux dépens nés après le 1er janvier 2019.

La société a interjeté appel par lettre recommandée du 17 juillet 2020 de ce jugement qui lui avait été notifié le 17 juin précédent.

Par conclusions remises le 2 décembre 2020 et soutenues oralement à l’audience, la caisse demande à la cour de :

déclarer recevable et bien fondé son appel,

infirmer le jugement entrepris,

confirmer sa décision en date du 23 mai 2016 de prise en charge de l’accident survenu à Mme [T] le 24 février 2016 au titre de la législation sur les risques professionnels,

'dire que les soins et arrêts de travail et notamment postérieurs consécutifs à cet accident sont imputables à celui-ci,'

débouter la société de l’ensemble de ses demandes,

condamner la société à lui payer une somme de 2 200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Par conclusions remises le 8 février 2021, soutenues oralement à l’audience, la société demande à la cour de :

A titre principal :

confirmer le jugement entrepris,

A titre subsidiaire,

ordonner, avant dire droit, la mise en oeuvre d’une expertise médicale judiciaire sur pièces confiée à tel expert qu’il plaira à la cour de désigner avec pour mission de :

prendre connaissance de l’entier dossier médical de Mme [T] détenu par la caisse,

déterminer exactement les lésions initiales provoquées par l’accident du 24 février 2016,

fixer la durée des arrêts de travail en relation directe avec l’accident du 24 février 2016 et médicalement justifiée en dehors de tout état indépendant,

dire à compter de quelle date les prestations servies ne sont plus en lien direct avec l’accident du 24 février 2016 et médicalement justifiées en dehors de tout état indépendant,

dire s’il existe une pathologie indépendante de l’accident évoluant pour son propre compte,

fixer la date de consolidation des lésions directement imputables à l’événement du 24 février 2016 en dehors de tout état pathologique indépendant (antérieur ou intercurrent),

condamner la caisse au paiement de la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Il est renvoyé aux écritures des parties pour l’exposé détaillé de leurs moyens.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La caisse indique à titre liminaire que la société conteste l’imputabilité des soins et arrêts de travail à l’accident du travail mais ne conteste pas la matérialité de l’accident survenu, qu’en conséquence, le jugement qui a déclaré inopposable à la société la prise en charge de l’accident du travail en estimant la matérialité de l’accident non établie en raison d’une constatation médicale tardive a fait une mauvaise appréciation de la cause dont il était saisi.

La caisse soutient que la présomption d’imputabilité s’applique aux lésions initiales ainsi que postérieurement aux soins, qu’elle ne peut être écartée qu’au cas où il est établi l’existence d’un état pathologique préexistant évoluant pour son propre compte sans lien avec l’accident ou l’existence d’une cause postérieure totalement étrangère à l’accident de travail.

En l’espèce, la caisse observe que le médecin conseil de l’employeur se contente d’affirmer qu’il existe un état pathologique préexistant sans le prouver, que l’ensemble des certificats médicaux établis fait état de la même lésion, qu’il existe une continuité de symptômes et de soins et d’arrêts de travail.

La société conteste le lien de causalité entre l’accident dont a été victime Mme [T] et les lésions et prestations prises en charge par la caisse à compter du 11 mars 2016.

Elle observe que ce n’est que le 11 mars 2016, soit plus de 15 jours après les faits que la salariée est allée consulter son médecin et s’est vue prescrire un arrêt de travail. Elle considère qu’il existe une rupture de symptômes et de soins de plus de 15 jours, que la présomption d’imputabilité énoncée à l’article L 411-1 du code de la sécurité sociale ne s’applique pas.

Sur ce ;

Il résulte des articles 1353 du code civil et L 411-1 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable, que la présomption d’imputabilité au travail des lésions apparues à la suite d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, dès lors qu’un arrêt de travail a été initialement prescrit ou que le certificat médical initial d’accident du travail est assorti d’un arrêt de travail, s’étend pendant toute la durée d’incapacité de travail précédant soit la guérison complète, soit la consolidation de l’état de la victime, et il appartient à l’employeur qui conteste cette présomption d’apporter la preuve contraire.

En l’absence d’arrêt de travail initial, il appartient à l’organisme qui se prévaut du bénéfice de cette présomption de rapporter la preuve de la continuité des symptômes et des soins.

En l’espèce, Mme [T] a été victime d’un accident du travail le 24 février 2016, la société ne remettant pas en cause la matérialité du dit accident.

La salariée n’a consulté son médecin traitant et n’a bénéficié d’un arrêt de travail que le 11 mars 2016, soit 15 jours après l’accident.

Il ressort des pièces produites par la caisse que la pathologie déclarée par la victime et prise en charge par l’organisme est une tendinite du sus épineux gauche ainsi qu’une épicondylite gauche.

La déclaration d’accident du travail du 7 mars 2016, sans arrêt de travail jusqu’au 11 mars 2016, mentionne au titre du siège des lésions l’omoplate gauche.

Le certificat médical initial du 11 mars 2016 précise 'douleurs épaule gauche et coude gauche : tendinite du sus épineux gauche et épicondylite gauche', un arrêt de travail jusqu’au 18 mars 2016 étant prescrit.

Cet arrêt de travail a été renouvelé sans interruption jusqu’au 30 juin 2018, les certificats médicaux produits mentionnant tous 'tendinite sus épineux gauche, épicondylite gauche'.

Le siège des lésions (omoplate et coude gauches) n’a pas varié durant toute la durée de prise en charge de la maladie.

Par les certificats médicaux qu’elle fournit, la caisse établit ainsi la continuité des symptômes et des soins, de sorte qu’elle est fondée à se prévaloir de la présomption d’imputabilité prévue par le texte susvisé.

La société invoque une durée anormalement longue de l’arrêt de travail, l’existence d’un état antérieur évoluant pour son propre compte et produit deux rapports médicaux du docteur [W] qu’elle a mandaté.

Celui-ci considère que les avis médicaux qu’il a pu consulter, bien documentés, mettent en évidence l’existence d’un état antérieur à type de tendinopathie chronique de l’épaule gauche et/ou cervicarthrose. Il considère que la précision du diagnostic établi dès la première consultation qui a suivi l’accident par le docteur [N], à l’occasion de la délivrance du certificat médical initial, indique sans la moindre ambiguïté que ce praticien disposait de documents d’imagerie du membre supérieur gauche permettant en particulier de mettre en évidence une tendinopathie chronique supra-épineux gauche dont le diagnostic ne peut en aucun cas être exclusivement clinique.

Il considère que l’accident du travail du 24 février 2016 a simplement été responsable d’une activation traumatique d’un état antérieur intéressant l’épaule et le coude gauches.

Il considère que la date de consolidation des lésions accidentelles dont Mme [T] a été victime le 24 février 2016 aurait dû être prononcée au plus tard le 24 mars 2016 au regard des différents référentiels relatifs à la longueur des arrêts de travail en traumatologie.

Compte tenu de cet avis, la cour s’estime insuffisamment éclairée et ordonne une mesure d’expertise.

PAR CES MOTIFS

Avant dire droit,

Ordonne une expertise médicale sur pièces et désigne à cet effet le docteur [L] [E], [Adresse 2], avec pour mission de :

— se faire communiquer par le praticien-conseil de la caisse d’assurance maladie de l’Eure l’entier dossier médical de Mme [D] [T],

— dire si les arrêts de travail prescrits à Mme [D] [T] à compter du 11 mars 2016 et qui se sont prolongés jusqu’au 30 juin 2018 ont, en totalité ou en partie, pour origine une cause totalement étrangère à l’accident du travail survenu le 24 février 2016,

— dans l’hypothèse où une partie seulement des arrêts de travail serait imputable à l’accident, préciser laquelle,

— dire s’il existait une pathologie antérieure évoluant pour son propre compte,

— apporter toutes précisions utiles,

Fixe à 800 euros la provision à valoir sur les honoraires de l’expert que la société [5] devra consigner auprès de la régie dans le mois du présent arrêt,

Dit que l’expert devra adresser un pré rapport aux parties en leur laissant un délai suffisant pour présenter leurs observations,

Dit que l’expert devra déposer son rapport au greffe de la cour d’appel, chambre sociale et de la sécurité sociale, deux mois après avoir reçu du greffe l’avis du versement de la consignation,

Dit qu’en cas d’empêchement de l’expert, il sera pourvu à son remplacement par simple ordonnance sur requête,

Désigne Mme [R] [I] pour suivre les opérations d’expertise,

Réserve les demandes,

Renvoie l’affaire à l’audience du 11 avril 2023 à 14 h 00,

Dit que la notification du présent arrêt vaudra convocation des parties à l’audience.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE

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Cour d'appel de Rouen, Chambre sociale, 16 novembre 2022, n° 20/02343