Cour d'appel de Rouen, Chambre civile et commerciale, 21 septembre 2023, n° 22/03252

  • Prévoyance·
  • Ad hoc·
  • Sociétés·
  • Concurrence déloyale·
  • Mandataire·
  • Courrier·
  • Client·
  • Dénigrement·
  • Assurances·
  • Cabinet

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CA Rouen, ch. civ. et com., 21 sept. 2023, n° 22/03252
Juridiction : Cour d'appel de Rouen
Numéro(s) : 22/03252
Importance : Inédit
Décision précédente : Tribunal judiciaire d'Évreux, 26 septembre 2022, N° 21/00079
Dispositif : Autre
Date de dernière mise à jour : 29 septembre 2023
Lire la décision sur le site de la juridiction

Texte intégral

N° RG 22/03252 – N° Portalis DBV2-V-B7G-JGBD

Jonction avec N° RG 22/03827

COUR D’APPEL DE ROUEN

CH. CIVILE ET COMMERCIALE

ARRET DU 21 SEPTEMBRE 2023

DÉCISION DÉFÉRÉE :

21/00079

Tribunal judiciaire d’Evreux du 27 septembre 2022

APPELANTES :

S.A.R.L. GROUPE RODIN représentée par son liquidateur judiciaire, la SELARL [F] [U]

[Adresse 2]

[Localité 6]

représentée par Me Marie-ange BEVERAGGI, avocat au barreau d’EURE, et assistée par Me Pierre-alain TOUCHARD, avocat au barreau de PARIS, plaidant

INTIMEES :

Société Anonyme GAN PREVOYANCE

[Adresse 4]

[Localité 3]

représentée par Me Yannick ENAULT de la SELARL YANNICK ENAULT-CHRISTIAN HENRY, avocat au barreau de ROUEN, et assistée par Me Dorothée LOURS de la SCP RAFFIN & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, plaidant

S.E.L.A.R.L. AD HOC AVOCATS

[Adresse 5]

[Localité 3]

représentée par Me Arnaud SABLIERE, avocat au barreau d’EURE

PARTIE INTERVENANTE FORCEE :

Me [U] [F] (SELARL [F] [U]) – Mandataire liquidateur de S.A.R.L GROUPE RODIN

[Adresse 1]

[Localité 7]

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 03 mai 2023 sans opposition des avocats devant M. URBANO, conseiller, rapporteur.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :

Mme FOUCHER-GROS, présidente

M. URBANO, conseiller

Mme MENARD-GOGIBU, conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme RIFFAULT, greffière

DEBATS :

A l’audience publique du 3 mai 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 21 septembre 2023

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 21 septembre 2023, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

signé par Madame FOUCHER-GROS, présidente et par Mme RIFFAULT, greffière

*

* *

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

La SARL Groupe Rodin exerce une activité de courtage en matière d’assurance-vie, de d’épargne, de retraite, de santé et de prévoyance et elle a conclu un contrat avec la compagnie d’assurance Aviva le 20 février 2019 aux termes duquel elle doit distribuer les produits de cette dernière. Pour y procéder et démarcher la clientèle pour le compte d’Aviva, elle fait appel à des mandataires d’intermédiaire d’assurance inscrits à l’ORIAS.

Le 3 juillet 2020, des agents de la S.A. Gan Prévoyance, société intermédiaire en assurance distribuant des produits de la compagnie Groupama Gan Vie, société directement concurrente de la société Aviva, ont adressé deux courriers électroniques à la SARL Groupe Rodin portant à sa connaissance que certains de ses mandataires d’intermédiaire d’assurance commettaient des actes contraires à la loyauté permettant d’obtenir de clients du Gan la résiliation de contrats afin d’en souscrire de nouveaux auprès d’Aviva.

Le 27 novembre 2020, la SARL Groupe Rodin a reçu un courrier recommandé de mise en demeure de Me [R], avocat associé au sein de la SELARL Ad Hoc Avocats, conseil habituel du Gan, qui, reprenant les mêmes accusations précédemment portées, a mis en demeure la SARL Groupe Rodin de cesser ses agissements et l’a invitée à adresser une copie de ce courrier à la société Aviva.

A la suite d’une sommation interpellative délivrée par la SARL Groupe Rodin à Me [R] le 2 décembre 2020, ce dernier a répondu le 3 décembre suivant en lui indiquant qu’il avait d’ores et déjà adressé une copie de son courrier à la société Aviva le 27 novembre 2020 accompagnée d’attestations.

Estimant que la SELARL Ad Hoc Avocats avait porté des accusations mensongères à son égard, qu’elle avait manqué à ses obligations déontologiques et l’avait dénigrée en s’adressant à l’un de ses clients, la SARL Groupe Rodin a mis en demeure la SELARL Ad Hoc Avocats de cesser ses agissements par courrier du 7 décembre 2020.

Par courrier du 11 décembre suivant, Me [R] a indiqué à la SARL Groupe Rodin que « sans valoir reconnaissance de responsabilité », il procédait à une déclaration de sinistre.

Déclarant avoir eu connaissance le 10 décembre 2020 d’un courriel adressé par la S.A. Gan Prévoyance à un client de la SARL Groupe Rodin le mettant en garde contre ses pratiques déloyales, cette dernière a fait assigner la S.A. Gan Prévoyance par acte d’huissier du 8 janvier 2021 devant le juge des référés du tribunal de commerce de Paris qui, par ordonnance du 17 février 2021, a dit n’y avoir lieu à référé, le litige ne pouvant être tranché que par un juge du fond.

Par acte d’huissier du 7 janvier 2021, la SARL Groupe Rodin a fait assigner la S.A. Gan Prévoyance et la SELARL Ad Hoc Avocats devant le tribunal judiciaire d’Evreux en paiement de la somme de 300 000 euros de dommages et intérêts à raison des actes de concurrence déloyale qu’elle leur a imputés.

Par jugement en date du 27 septembre 2022, le tribunal judiciaire d’Evreux a :

— déclaré irrecevable la demande relative à la compétence du tribunal,

— déclaré Gan Prévoyance et le cabinet Ad Hoc Avocats responsables du dommage subi par le Cabinet Rodin,

— fixé le préjudice subi par le Cabinet Rodin à la somme d’un euro,

— condamné Gan Prévoyance et le cabinet Ad Hoc Avocats, in solidum, à payer au Cabinet Rodin, à titre de dommages-intérêts, la somme de 1 euro,

— rejeté la demande de publication du Cabinet Rodin,

— rejeté les demandes Gan Prévoyance de 50 000 euros de dommages-intérêts, publication et injonction de cesser les faits fautifs,

— rejeté la demande indemnitaire de 5 000 euros de Gan Prévoyance,

— condamné Gan Prévoyance et le cabinet Ad Hoc Avocats in solidum à payer au Cabinet Rodin la somme de 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

— débouté Gan Prévoyance et le cabinet Ad Hoc Avocats de leurs demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné Gan Prévoyance et le cabinet Ad Hoc Avocats in solidum aux dépens de l’instance,

— rejeté toutes les demandes autres ou plus amples formées par les parties,

— rappelé que l’exécution provisoire est de droit.

La société Groupe Rodin a interjeté appel partiel de ce jugement par déclaration du 6 octobre 2022.

La société Gan Prévoyance a interjeté appel partiel de ce jugement par déclaration du 29 novembre 2022.

Par jugement du 7 décembre 2022, le tribunal de commerce de Nanterre a prononcé la liquidation judiciaire de la SARL Groupe Rodin et a désigné la SELARL [F] [U] représentée par Me [U] en qualité de liquidateur.

La société Gan Prevoyance a déclaré sa créance le 7 février 2022.

Par ordonnance en date du 19 avril 2023, la jonction des deux appels a été opérée.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 25 avril 2023.

EXPOSE DES PRETENTIONS

Vu les conclusions du 4 avril 2023, auxquelles il est renvoyé pour exposé des prétentions et moyens de la SELARL [F] [U], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Groupe Rodin, qui demande à la cour de :

— juger la SELARL [F] [U], ès qualités, recevable et bien fondé en son appel,

Y faisant droit :

— infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :

— fixé le préjudice de la société Groupe Rodin à 1 euro,

— condamné GAN Prévoyance et le Cabinet Ad Hoc Avocats, in solidum, à payer à la société Groupe Rodin à titre de dommages et intérêts, la somme de 1 euro,

— rejeté la demande de publication de la société Groupe Rodin,

— rejeté toutes demandes autres ou plus amples formées par la société Groupe Rodin,

Statuant à nouveau :

— condamner solidairement la société GAN Prévoyance et la SELARL Ad Hoc Avocats à payer la somme de 300 000 euros au titre des préjudices causés par leurs agissements,

— condamner la société Gan Prévoyance à :

— publier l’arrêt à intervenir à ses frais, dans trois journaux au choix de Gan Prévoyance, sans que le prix de chacune de ces publications ne puisse être inférieur à 3 500 euros, et ce, dans un délai de quinze jours à compter de la signification à intervenir et ce, sous astreinte liquide et exigible de 1 500 euros par jour de retard,

— publier à ses frais, l’intégralité du dispositif de l’arrêt à intervenir en première page d’accueil du site Internet ayant pour adresse http://www.ganprevoyance.fr, ainsi que de sa version mobile, pour une durée qui ne saurait être inférieure à 6 mois, et ce, dans un délai de 48 heures suivant la signification de l’arrêt à intervenir, sous astreinte liquide et exigible de 2 000 euros par jour de retard, selon les modalités suivantes : la publication devra être effectuée sur la partie supérieure de la page d’accueil du site internet de façon visible et, en toute hypothèse, au-dessus de la ligne de flottaison, sans mention ajoutée, et en police de caractères Arial de taille 14, droits, de couleur noire sur fond blanc, dans un encadré de 468 x 210 pixels, en dehors de tout encart publicitaire, le texte devant être précédé du titre « publication judiciaire », en lettres capitales et en police de caractères Arial de taille 16,

— débouter la société Gan Prévoyance de son appel incident,

— condamner la société Gan Prévoyance et la SELARL Ad Hoc Avocats, solidairement, à payer la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner la société Gan Prévoyance et la SELARL Ad Hoc Avocats aux entiers dépens.

Vu les conclusions du 24 avril 2023, auxquelles il est renvoyé pour exposé des prétentions et moyens de la société Gan Prévoyance qui demande à la cour de :

— recevoir la société Gan Prévoyance en son appel incident,

— infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire d’Evreux le 27 septembre 2022 en ce qu’il a déclaré la société Gan Prévoyance responsable du dommage subi par la société Groupe Rodin, et en ce qu’il a rejeté les demandes reconventionnelles de la société Gan Prévoyance (demande de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts, demande de 5 000 euros pour procédure abusive, demande de publication et d’injonction de cesser les faits fautifs), ainsi qu’en ce que la société Gan Prévoyance a été condamnée in solidum avec le Cabinet Ad Hoc Avocats à régler à la société Groupe Rodin une somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau,

— juger que la société Gan Prévoyance n’a commis aucun acte de concurrence déloyale à l’encontre de la société Groupe Rodin,

— débouter par conséquent la société Groupe Rodin de l’intégralité de ses demandes,

Très subsidiairement,

— confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire d’Evreux le 27 septembre 2022 en ce qu’il a condamné la société Gan Prévoyance à payer à la société Groupe Rodin, in solidum avec le Cabinet Ad Hoc Avocats, une somme de 1 euro à titre de dommages et intérêts,

Reconventionnellement,

— ordonner à la société Groupe Rodin de cesser ses agissements déloyaux, et de faire cesser les agissements déloyaux de ses mandataires, et ce à l’égard tant des clients de la société Gan Prévoyance que de la société Gan Prévoyance, sous astreinte de

5 000 euros par infraction constatée,

— condamner la société Groupe Rodin à régler à la société Gan Prévoyance une somme de 50 000 euros, sauf à parfaire, à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices subis (perte de clientèle ' perte de commissions – préjudice d’image) et fixer la créance indemnitaire de la société Gan Prévoyance au passif de la liquidation judiciaire de la société Groupe Rodin à la somme de 50 000 euros,

— condamner la société Groupe Rodin à régler à la société Gan Prévoyance une somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, sans préjudice des dispositions de l’article 32-1 du Code de procédure civile dont la Cour pourrait choisir de faire application et fixer la créance indemnitaire de la société Gan Prévoyance de la liquidation judiciaire de la société Groupe Rodin à la somme de

5 000 euros,

— ordonner la publication du dispositif du jugement à intervenir en première page d’accueil du site internet du Groupe Rodin (« https://grouperodin.fr/ ») pour une durée de 6 mois, dans un délai de 15 jours à compter de la signification de la décision, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard, aux frais de la société Groupe Rodin,

— ordonner la publication du dispositif de la décision à intervenir dans le journal l’argus de l’assurance, (dans ses versions électroniques et papier).dans un délai de 15 jours à compter de la signification du jugement, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard, aux frais de la société Groupe Rodin,

— condamner la société Groupe Rodin à régler à la société Gan Prévoyance une somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et fixer cette créance au passif de la liquidation judiciaire de la société Groupe Rodin à la somme de 10 000 euros.

Vu les conclusions du 30 mars 2023, auxquelles il est renvoyé pour exposé des prétentions et moyens de la société Ad Hoc Avocats qui demande à la cour de :

— déclarer la société Groupe Rodin mal fondé en son appel et l’en débouter,

— déclarer la société Ad Hoc Avocats recevable et bien fondée en son appel incident,

Y faisant droit,

— infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a déclaré la société Ad Hoc Avocats responsable du dommage subi par la société Groupe Rodin et l’a condamné in solidum avec la société Gan Prévoyance à lui payer une somme d’un euro à titre de dommages et intérêts, outre 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Et statuant à nouveau,

— débouter la société Groupe Rodin de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

— condamner la société Groupe Rodin à payer à la société Ad Hoc Avocats une somme de 7 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et fixer cette créance au passif de la liquidation judiciaire de cette société,

— condamner la société Groupe Rodin aux entiers dépens dont distraction au profit de Juristes-Conseils Sablière conformément à l’article 699 du code de procédure civile pour ceux dont elle aurait fait l’avance sans avoir reçu provision.

MOTIFS DE LA DECISION

Au préalable, il y a lieu de constater qu’aucune des parties n’a interjeté appel de la disposition du jugement ayant déclaré irrecevable la demande relative à la compétence du tribunal.

Sur l’action en concurrence déloyale intentée par la SARL Groupe Rodin :

Exposé des moyens

La SARL Groupe Rodin soutient que :

— la S.A. Gan Prévoyance est mandataire d’assurance, distribue les produits de la compagnie Groupama Gan Vie et est concurrente directe de la SARL Groupe Rodin qui distribue ceux de la société Aviva ;

— les sociétés Aviva et Groupama Gan Vie sont également concurrentes ;

— dès lors que ce sont les services fournis par la SARL Groupe Rodin qui sont critiqués, seules les règles en matière de dénigrement sont applicables à l’exclusion de celles de la diffamation ;

— les écrits de Me [R] sont outranciers et n’ont été établis que sur les éléments fournis par sa cliente ;

— en agissant pour le compte et sur instruction de sa cliente, Me [R] ne poursuivait que l’intérêt personnel de sa cliente et non l’intérêt général ;

— la S.A. Gan Prévoyance et la SELARL Ad Hoc Avocats ont voulu nuire à la SARL Groupe Rodin en portant à la connaissance de la société Aviva des accusations malveillantes, mensongères et n’ayant fait l’objet d’aucune décision de justice, renforcées par le fait qu’elles émanaient d’un avocat ;

— constitue également un dénigrement le courrier adressé par la S.A. Gan Prévoyance à l’un des clients de la SARL Groupe Rodin ;

— la société Aviva avait réalisé un audit auprès de la SARL Groupe Rodin qui avait donné lieu à un avenant du 6 novembre 2020 accordant un délai de 12 mois à cette dernière pour remédier aux difficultés qui avaient été constatées et c’est à la suite du courrier qui lui a été adressé par la S.A. Gan Prévoyance que la société Aviva a rompu ses relations avec la SARL Groupe Rodin le 28 janvier 2021 alors qu’Aviva représentait 95% de la clientèle de la SARL Groupe Rodin ;

— au même moment, la société MACSF a également dénigré la SARL Groupe Rodin et celle-ci a eu gain de cause devant le tribunal de commerce de Nanterre

— le placement en liquidation judiciaire de la SARL Groupe Rodin rend d’autant plus nécessaire le recours à une réparation incluant la publication de la condamnation des intimées.

La S.A. Gan Prévoyance soutient que :

— elle n’est pas la concurrente d’Aviva dès lors qu’elle est mandataire d’assurance et qu’elle distribue des produits d’assurance pour le compte de la société Groupama Gan Vie de sorte qu’aucun détournement de clientèle ne peut lui être imputé ;

— elle a appris que des mandataires d’intermédiaire d’assurance exerçant pour le compte de la SARL Groupe Rodin avaient appelé de manière répétée des clients du Gan en se faisant notamment passer pour des agents de la CARPIMKO leur demandant de transférer les contrats souscrits auprès du Gan sur un PER souscrit auprès d’Aviva ;

— elle a adressé un courrier électronique à la SARL Groupe Rodin le 3 juillet 2020 lui demandant de faire cesser ces agissements ce que la SARL Groupe Rodin n’a pas fait et la note de cette dernière rappelant les obligations déontologiques des mandataires d’intermédiaire d’assurance n’est datée que du 4 janvier 2021 alors que les faits ont été dénoncés le 3 juillet précédent ;

— les pratiques déloyales s’étant amplifiées, la SELARL Ad Hoc Avocats a été contrainte de mettre la SARL Groupe Rodin en demeure par courrier du 27 novembre 2020 qui a été adressé en copie le même jour à Aviva ;

— les faits dénoncés par la S.A. Gan Prévoyance reposent sur de nombreuses attestations régulières de clients versées aux débats ;

— la mise en demeure ne constitue pas un dénigrement fautif ;

— certains clients ainsi démarchés ont souscrit un contrat auprès d’Aviva aux lieu et place du contrat initialement souscrit auprès du Gan Prévoyance et c’est effectivement la SARL Groupe Rodin qui a détourné la clientèle de la S.A. Gan Prévoyance ;

— l’envoi en copie du courrier de mise en demeure à Aviva a constitué une simple information de cette dernière afin qu’elle sache dans quelles circonstances elle avait pu contracter avec de nouveaux clients ;

— le courrier électronique qui a été adressé à un client de la S.A. Gan Prévoyance était à l’origine exclusivement destiné aux seuls conseillers du Gan et ne peut constituer un acte de concurrence déloyale ;

— le courrier circulaire de mise en garde qui a été adressé aux clients du Gan ne mentionne pas la SARL Groupe Rodin ;

— le litige ayant opposé la SARL Groupe Rodin à la MACSF ne peut être transposé à la présente affaire ;

— la SARL Groupe Rodin ne rapporte pas la preuve d’un préjudice et d’une perte de clientèle ni celle d’un lien causal avec la rupture du contrat le liant à Aviva et sa liquidation judiciaire ;

— alors que devant le premier juge, l’ordonnance de clôture avait été rendue le 13 juin 2022, la SARL Groupe Rodin n’a jamais indiqué que la société Aviva avait rompu ses relations avec elle le 28 janvier 2021 et dans les faits, cette rupture est le résultat de l’audit qu’Aviva avait mené antérieurement au courrier du 27 novembre 2020 ;

— la somme de 300 000 euros réclamée par la SARL Groupe Rodin n’est pas justifiée alors que lors de l’ouverture de la procédure de liquidation judiciaire, son chiffre d’affaires s’élevait à 18 449 557 euros ;

— c’est la SARL Groupe Rodin qui s’est livrée à une concurrence déloyale ayant motivé l’audit d’Aviva et ses errements se sont poursuivis tout au long de l’année 2021 et au cours de l’année 2022 ;

— la SARL Groupe Rodin a fait pression sur certains témoins afin qu’ils annulent leur attestation ;

La SELARL Ad Hoc Avocats soutient que :

— elle a été saisie par sa cliente, la S.A. Gan Prévoyance, des actes de concurrence déloyale commis par la SARL Groupe Rodin et elle l’a mise en demeure de cesser ses agissements par courrier du 27 novembre 2020 adressé en copie à Aviva, mandant de la SARL Groupe Rodin ;

— les faits dénoncés dans la mise en demeure sont fondés sur de nombreuses attestations régulières et l’ont été de façon mesurée ;

— la SARL Groupe Rodin étant le courtier d’Aviva, les faits reprochés à la première étaient susceptibles d’engager la responsabilité de la seconde de sorte que l’envoi à celle-ci d’une copie du courrier de mise en demeure n’a pas été fautif ;

— malgré un premier courrier électronique en juillet 2020 puis la mise en demeure du 27 novembre 2020, les agissements de la SARL Groupe Rodin ont perduré ;

— d’autres courtiers et d’autres clients ont averti la SARL Groupe Rodin ;

— Aviva a tiré les conséquences du comportement de la SARL Groupe Rodin dont elle avait eu connaissance à la suite de multiples réclamations qu’elle avait reçues puisqu’elle avait diligenté un audit ;

— la SARL Groupe Rodin ne justifie d’aucun préjudice ni dans son principe ni dans son montant ;

— rien ne démontre que la société Aviva a rompu ses relations avec la SARL Groupe Rodin à la suite du courrier de mise en demeure alors qu’il est manifeste que d’autres dénonciations étaient parvenues à l’assureur ;

Réponse de la cour :

Aux termes de l’article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

Constitue un dénigrement, même en l’absence d’une situation de concurrence directe et effective entre les personnes concernées, la divulgation, par l’une, d’une information, même exacte, de nature à jeter le discrédit sur un produit ou un service commercialisé par l’autre, sur l’activité de celle-ci, sur ses qualités professionnelles ou l’utilité de son travail, à moins que l’information en cause ne se rapporte à un sujet d’intérêt général et repose sur une base factuelle suffisante qui doit s’apprécier au regard de la gravité des allégations en cause, et sous réserve qu’elle soit exprimée avec une certaine mesure.

Par courrier du 27 novembre 2020, Me [R], avocat associé de la SELARL Ad Hoc Avocats agissant pour le compte de sa cliente, la S.A. Gan Prévoyance, a mis en demeure la SARL Groupe Rodin dans les termes suivants :

« MISE EN DEMEURE

Monsieur,

La Société GAN PREVOYANCE, donc je suis le Conseil, porte à ma connaissance les faits suivants.

1/ Par courriels des 1er et 03 juillet 2020, GAN PREVOYANCE vous a alerté sur certaines pratiques commerciales de vos mandataires.

Par courriel en réponse du 06 juillet 2020, vous lui avez affirmé que le GROUPE RODIN était « extrêmement stricte et vigilante concernant la qualité et l’exactitude des informations communiquées aux clients et prospects par les mandataires indépendants auxquels elle a recours ».

2/ Or, il s’avère que les faits dénoncés par ma cliente sont bien réels et ont été relatés par les personnes ayant été approchées par vos mandataires.

Ainsi:

' Mme [P] [G], infirmière libérale, contactée fin août 2020, par M. [WV] [V] (Groupe Rodin) qui lui a indiqué que son plan d’épargne retraite (PER) souscrit chez GAN PREVOYANCE n’était plus « dans le cadre fiscal », et ayant consécutivement obtenu d’elle la réduction de son contrat GAN PREVOYANCE et la souscription d’un nouveau contrat auprès de AVIVA, dont vous êtes mandataire

' Mme [I] [O], infirmière libérale, contactée début juillet 2020, par « une personne du GROUPE RODIN » lui ayant affirmé que ses contrats GAN PREVOYANCE n’étaient plus à jour selon la loi PACTE et qu’elle devait lui transférer ses informations personnelles afin de bénéficier d’un contrat PER « en conformité avec la réglementation »

' Mme [K] [N], infirmière libérale, contactée deux fois, début octobre 2020, par M. [WV] [AD], se présentant comme « Conseiller du GROUPE RODIN », lui ayant indiqué que son contrat retraite GAN PREVOYANCE la mettait en risque puisque, son argent étant investi en bourse, elle risquait de tout perdre et que ledit contrat n’était donc pas, « correct ».

Ce faisant, M. [WV] [AD] l’a persuadée de procéder, en ligne, à la résiliation de son contrat GAN PREVOYANCE.

Bien plus, M. [WV] [AD] se présente donc comme mandataire d’intermédiaire d’assurance du GROUPE RODIN et se prévaut d’un numéro d’immatriculation ORlAS (l7 001 565) qui avait été attribué à un Monsieur [H] [AD], radié depuis le 28 août 2020, sachant que M. [WV] [AD] n’a jamais été Immatriculé auprès de l’ORIAS. (Cf. documents joints)

Il n’est donc absolument pas habilité à présenter et faire souscrire des produits d’assurance.

' Mme [CG] [ZK], infirmière libérale, contactée courant novembre 2020 par M. [L] [W], « travaillant pour le GROUPE RODIN » , lui ayant affirmé que si elle souscrivait directement auprès du siège de GAN PREVOYANCE, ses cotisations prévoyance seraient plus faibles et que sa conseillère actuelle ne pouvait pas lui faire bénéficier de cet avantage, précisant que lui le pouvait, car il avait, « directement accès au siège du GAN » ,

Mme [ZK] précise d’ailleurs que lorsqu’elle lui a demandé de préciser son identité, M. [W] s’est montré agressif .

' Mme [A] [PY], infirmière libérale, contactée courant octobre 2020 par une personne se présentant du « GROUPE RODIN » et prétendument dépêché par la CARPIMKO, lui ayant indiqué que son assurance retraite ne serait plus en conformité/caduque car celle-ci était, « sous la loi Madelin » et que maintenant il fallait être « sous la loi PACTE »

Ce faisant, cette personne lui fait souscrire une assurance retraite AVIVA, en remplacement de celle souscrite auprès de GAN PREVOYANCE, lui disant que l’argent versé auprès de GAN PREVOYANCE l’était à fond perdu et que au contraire, elle lui garantissait l00% des sommes investies.

Puis, cette personne l’a littéralement harcelée (plusieurs courriels par jours et plusieurs jours d’affilés) afin de finaliser le contrat

' Mme [E] [LF], infirmière libérale, contactée fin octobre 2020 par une personne se présentant comme étant « membre de GAN », lui soutenant qu’elle n’avait pas souscrit de PER et que le contrat Madelin n’existant plus, elle devait rapidement en ouvrir un avec elle.

Lors de leur seconde conversation téléphonique, début novembre 2020, cette personne a reconnu être, « membre de RODIN », lui affirmant avoir accès à sa comptabilité et lui disant que son comptable n’avait pas fait le nécessaire « au niveau de la défiscalisation ».

3/ D’autres clients de GAN PREVOYANCE ont été démarchés par des personnes qui, si elles ne sont pas présentées comme mandataires du Groupe RODIN, ont utilisé le même script que ceux précités, permettant de considérer qu’ils sont également vos mandataires.

Ainsi:

' Mme [C] [X], infirmière libérale, contactée, début juillet 2020, par une personne se présentant comme « responsable de la communication concernant la modification de la loi Madelin » qui lui a expliqué que son contrat de retraite était à risque car GAN PREVOYANCE investissait l’argent versé en bourse, précisant qu’elle représentait AVIVA qui était la « mieux placée » des assurances en ce domaine

' M. [NI] [Z], infirmier libéral, contacté début novembre 2020, par une personne se présentant comme « commercial/expert »lui expliquant, en des termes dénigrants, que sa conseillère GAN PREVOYANCE n’avait pas bien fait son travail en lui proposant des produits inadaptés, à savoir des produits « loi Madelin » et non pas « PACTE ».

Les attestations des différentes personnes citées sont jointes en annexe de mon courrier, sachant que ma cliente m’indique continuer à recevoir de nouvelles plaintes et donc d’autres attestations allant dans le même sens.

4/ En conséquence, le comportement de vos mandataires, tel que relevé par GAN PREVOYANCE, et dont vous êtes responsable en votre qualité de mandant, est susceptible de constituer des pratiques condamnables, non seulement au titre des dispositions régissant les actes de concurrence déloyale, mais également de la réglementation applicable aux Intermédiaires d’assurance, voire des dispositions pénales, comme l’a évoqué ma cliente aux termes de son courriel précité.

Aussi, à défaut de cesser de tels agissements, je vous informe que GAN PREVOYANCE m’a d’ores et déjà donné pour instruction de porter cette affaire sur le plan judiciaire et de prendre toute mesure propre à assurer la sauvegarde de ses droits.

Vous devez de ce fait considérer la présente comme une mise en demeure, de nature à faire courir tout délai, intérêts et autres conséquences que la loi, particulièrement les dispositions de l’article 1344-2 du Code Civil, et les Tribunaux attachent aux mises en demeure.

Conformément aux usages de ma profession, je vous engage à remettre la présente à votre Conseil habituel pour tout entretien qu’il pourrait souhaiter.

Pour la bonne forme, je vous invite adresser copie de la présence à AVIVA afin qu’elle en connaisse. »

A la suite d’une sommation interpellative qui lui a été délivrée le 2 décembre 2020, Me [R] a indiqué que le courrier du 27 novembre 2020 avait été adressé le même jour en copie à la société AVIVA.

En remettant en copie à la société AVIVA le courrier rappelé littéralement ci-dessus, la SELARL Ad Hoc Avocats lui a effectivement divulgué une information de nature à jeter le discrédit sur l’activité de démarchage opérée dans son intérêt par les mandataires d’intermédiaire d’assurance 'uvrant pour la SARL Groupe Rodin et il importe peu à cet égard que les éléments qui aient ainsi été portés à la connaissance de la société AVIVA aient pu être exacts.

Il appartient dès lors à la SELARL Ad Hoc Avocats de démontrer que cette divulgation s’est rapportée à un sujet d’intérêt général, a reposé sur une base factuelle suffisante et a été exprimée avec une certaine mesure.

La SELARL Ad Hoc Avocats et la S.A. Gan Prévoyance versent aux débats des attestations émanant de Mmes [G], [LF], [N], [ZK], [D], [M], [B], [T], [S], [Y], [J] et [O], toutes signataires de contrats de retraite et de prévoyance conclus avec le Gan, aux termes desquelles elles affirment :

— pour certaines, avoir été démarchées téléphoniquement par des personnes du Groupe Rodin ayant initialement indiqué qu’elles étaient mandatées soit par l’Etat, soit par la Région, soit par la CARPIMKO soit qu’elles étaient partenaires du Gan, pour faire le point avec elles sur leurs contrats de retraite et de prévoyance dont elles connaissaient la teneur ;

— pour d’autres, avoir été démarchées téléphoniquement par des personnes du Groupe Rodin leur ayant soutenu que les contrats qu’elles avaient souscrits avec le Gan étaient devenus fiscalement inadaptés ou étaient obsolètes depuis l’entrée en vigueur de la loi PACTE ou présentaient des risques dès lors que les fonds avaient été investis en bourse par le Gan ; avoir été démarchées afin qu’elles mettent fin au contrat qui les liait au Gan pour en souscrire un nouveau au profit de la société Aviva.

Une partie de ces attestations a été annexée au courrier du 27 novembre 2020. Les faits rapportés par la SELARL Ad Hoc Avocats reposant sur de nombreux témoignages de clients du Gan mentionnant directement des agents de la SARL Groupe Rodin dont les identités ont été parfois indiquées, il s’ensuit que la divulgation de l’information à la société Aviva a reposé sur une base factuelle suffisante.

Par ailleurs, les propos employés par Me [R] dans son courrier de mise en demeure du 27 novembre 2020 n’excèdent pas la mesure habituelle d’un courrier d’avocat et le fait qu’il ait été convaincu des faits qu’il y a rapporté en n’utilisant pas le conditionnel et qu’il ait qualifié ces faits de « pratiques condamnables » susceptibles de recevoir des qualifications pénales ne constituent pas des outrances.

En revanche, dès lors que la SELARL Ad Hoc Avocats a immédiatement remis en copie à la société Aviva le courrier de mise en demeure qu’elle venait d’adresser à la SARL Groupe Rodin en n’accordant à cette dernière aucun délai pour vérifier la réalité des faits allégués et pour y mettre éventuellement un terme, la SELARL Ad Hoc Avocats a manifestement cherché à faire pression sur la SARL Groupe Rodin en s’adressant à son client principal et en attirant défavorablement l’attention de celui-ci sur l’activité de la SARL Groupe Rodin.

Par ailleurs, si la S.A. Gan Prévoyance et la SELARL Ad Hoc Avocats soutiennent que la divulgation de l’information à la société Aviva par la SELARL Ad Hoc Avocats a été motivée par le souci « de l’informer des agissements de son distributeur, qui sont, en tout état de cause, également de nature à porter atteinte à sa réputation auprès du public » (conclusions de la S.A. Gan Prévoyance) ou par celui de l’aviser « des pratiques douteuses employées par son cocontractant » alors que « les agissements de la société GROUPE RODIN étaient susceptibles d’engager également la responsabilité de la société AVIVA » (conclusions de la SELARL Ad Hoc Avocats), ni la S.A. Gan Prévoyance ni la SELARL Ad Hoc Avocats ne justifient que la divulgation de l’information à la société Aviva se rapportait à un sujet d’intérêt général alors que, dans les faits, elle avait pour but de faire cesser ce qu’elles estimaient être une concurrence déloyale dont elles considéraient que le Gan était la victime et recherchaient dès lors la satisfaction d’un intérêt particulier.

Le fait d’adresser en copie immédiatement à la société Aviva le courrier de mise en demeure qui venait d’être adressé à la SARL Groupe Rodin a constitué un dénigrement fautif de cette dernière par la SELARL Ad Hoc Avocats.

Il n’est ni justifié ni même allégué par la société Gan Prévoyance que la SELARL Ad Hoc Avocats a adressé de sa propre initiative une copie de la mise en demeure de la société Aviva, sans instruction préalable de son mandant. Elle soutient au contraire qu’ « il était (') légitime que la société Aviva soit informé d’un mode opératoire (') condamnable ». Il en résulte qu’elle doit répondre du fait de dénigrement.

La S.A. Gan Prévoyance et la SARL Groupe Rodin exerce toutes les deux l’activité d’intermédiaires d’assurance et son directement concurrentes pour procéder à des placements de contrats pour leurs clients respectifs. S’il n’est pas démontré que la SELARL Ad Hoc Avocat et la société Gan Prévoyance ont eu l’intention de détourner à leur profit la clientèle d’AVIVA, le fait pour la S.A. Gan Prévoyance d’avoir dénigré la SARL Groupe Rodin auprès de son client, la société Aviva, constitue un acte de concurrence déloyale.

Quant au courrier électronique adressé par la S.A. Gan Prévoyance à l’un de ses clients intitulé « Arnaque Rodin Assurances à lire attentivement », la cour constate que la pièce produite par la SARL Groupe Rodin comporte des occultations notamment sur les expéditeurs et les destinataires et que le message original était destiné à une communication exclusivement interne au Gan. Faute de pouvoir déterminer dans quelles circonstances ce message interne a pu se retrouver dans la boîte de courrier électronique de la SARL Groupe Rodin, la cour ne peut considérer que cet écrit constitue un second dénigrement de cette dernière.

Dès lors qu’un acte de concurrence déloyale a été perpétré, sa victime subit nécessairement un préjudice soit matériel soit seulement moral.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a déclaré Gan Prévoyance et le cabinet Ad Hoc Avocats responsables du dommage subi par le Cabinet Rodin.

La SARL Groupe Rodin affirme avoir perdu la clientèle de la société Aviva qui constituait 95% de son activité à la suite de son dénigrement par la S.A. Gan Prévoyance et par la SELARL Ad Hoc Avocats et que du fait de cette perte, elle a été placée en liquidation judiciaire.

Outre le fait que la rupture des relations entre la société Aviva et la SARL Groupe Rodin est intervenue le 28 janvier 2021 et n’a fait l’objet d’aucune observation devant le premier juge ayant statué le 27 septembre 2022, la cour constate, à l’examen de la lettre du 28 janvier 2021 de la société AVIVA, que cette rupture est survenue « à la suite de la réception de réclamations de plusieurs assurés et courtiers » ayant entraîné un audit de la part de la société Aviva qui a été réalisé du 8 au 10 septembre 2020 et « qu’en dépit des observations formulées par nos compagnies [Aviva], celles-ci ont à nouveau été destinataires de réclamations émanant de courtiers ou d’assurés ».

Ainsi, le 27 novembre 2020, la société Aviva avait déjà été avisée par des tiers de l’existence de réclamations émanant d’assurés et de courtiers sur l’activité de la SARL Groupe Rodin et ces réclamations avaient donné lieu à un audit réalisé antérieurement au 27 novembre 2020, la rupture étant motivée par de nouvelles « réclamations émanant de courtiers ou d’assurés ». Dès lors que la société Gan Prévoyance ou la SELARL Ad Hoc ne sont pas expressément désignées dans la lettre de rupture, le lien causal entre le dénigrement litigieux et la rupture des relations entre la SARL Groupe Rodin et la société AVIVA n’est pas démontré.

Par ailleurs, la SARL Groupe Rodin n’allègue ni ne justifie avoir subi de perte de commission et ne verse aux débats aucun élément comptable permettant de déterminer une quelconque perte matérielle en lien direct avec le dénigrement du 27 novembre 2020.

C’est dès lors pertinemment que le premier juge a fixé le préjudice subi par le Cabinet Rodin à la somme d’un euro, correspondant au seul préjudice moral subi par ce dernier et a condamné GAN Prévoyance et le Cabinet Ad Hoc Avocats, in solidum, à payer à la société Groupe Rodin à titre de dommages et intérêts, la somme de 1 euro.

Faute par la SARL Groupe Rodin de démontrer que son dénigrement a généré une quelconque publicité et a été connu d’une autre personne que la société Aviva et alors, en outre, que sa liquidation judiciaire et son absence d’activité rendent la mesure sans objet, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de publication du Cabinet Rodin.

Sur l’action en concurrence déloyale intentée par la S.A. Gan Prévoyance :

Exposé des moyens :

La S.A. Gan Prévoyance soutient que :

— la SARL Groupe Rodin a diligenté une procédure en concurrence déloyale contre la MACSF et elle n’a pas déféré à la sommation de communiquer la décision rendue que lui a fait délivrer la S.A. Gan Prévoyance, l’instance s’étant achevée par un désistement ;

— les agissements de la SARL Groupe Rodin ayant entraîné une perte de clientèle et de commissions, la S.A. Gan Prévoyance est en droit d’obtenir l’indemnisation de ce manque à gagner et du préjudice d’image qu’elle a subi étant précisé qu’elle a déclaré sa créance auprès du liquidateur le 7 février 2023 ;

— des actes de concurrence déloyale ayant été perpétrés, la SARL Groupe Rodin a abuse de son droit d’ester en justice en faisant assigner à deux reprises sa victime.

La SELARL Ad Hoc Avocats n’a émis aucune observation sur cette demande reconventionnelle.

La SARL Groupe Rodin soutient que :

— ses mandataires d’intermédiaire d’assurance sont indépendants à son égard, elle leur a rappelé leurs obligations déontologiques, la S.A. Gan Prévoyance produit peu d’attestations au regard du nombre de ses clients; une affaire similaire a déjà été jugée par le tribunal de commerce de Nanterre qui a lui donné gain de cause;

— la S.A. Gan Prévoyance ne démontre pas les agissements déloyaux qu’elle impute à la S.A. Gan Prévoyance et l’intégralité des attestations produites ne comporte pas l’indication que leurs auteurs sont clients de la S.A. Gan Prévoyance et qu’ils ont un intérêt commun avec cette dernière de sorte qu’elles sont irrecevables ;

— la SARL Groupe Rodin étant en liquidation judiciaire, la demande tendant à ce qu’elle cesse ses agissements est devenue sans objet ;

— rien ne démontre qu’un seul contrat Gan ait été rompu à la suite des prétendues man’uvres imputées à la SARL Groupe Rodin et la demande de dommages et intérêts formée par la S.A. Gan Prévoyance est infondée.

Réponse de la cour :

La S.A. Gan Prévoyance verse aux débat de nombreuses attestations déjà mentionnées ci-dessus aux termes desquelles ses clients ont été démarchés téléphoniquement par des personnes se déclarant membres du Groupe Rodin qui ont cherché, en se prévalant de fausses qualité et en dénigrant les contrats qu’ils avaient souscrits auprès du Gan, à faire souscrire des contrats de prévoyance ou de retraire auprès de la société Aviva.

Toutefois, à supposer qu’au jour de leurs démarchages, les démarcheurs aient effectivement été des mandataires d’intermédiaire d’assurance liés par un contrat avec la SARL Groupe Rodin, ce qui n’est pas établi en l’état des pièces produites de part et d’autre, la S.A. Gan Prévoyance devrait démontrer que le dol commis par ces mandataires, est de nature à entraîner la responsabilité de leur mandant, la SARL Groupe Rodin. Sur ce point, étant rappelé que le mandataire dispose d’une indépendance à l’égard de son mandant, seule une faute personnelle de celui-ci peut entrainer sa responsabilité dans l’hypothèse d’un dol du mandataire.

La S.A. Gan Prévoyance ne rapportant la preuve d’aucune faute personnelle de la SARL Groupe Rodin en lien avec le préjudice qu’elle allègue et se bornant à faire état des agissements des mandataires d’intermédiaire d’assurance 'uvrant dans l’intérêt de la SARL Groupe Rodin, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a rejeté les demandes Gan Prévoyance de 50 000 euros de dommages et intérêts, publication et injonction de cesser les faits fautifs.

La SARL Groupe Rodin ayant eu gain de cause, sa demande ne peut être qualifiée d’abusive et le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a rejeté la demande indemnitaire de 5 000 euros de Gan Prévoyance.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire et dans les limites de l’appel ;

Confirme le jugement du tribunal judiciaire d’Evreux du 27 septembre 2022 en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant :

Condamne solidairement la S.A. Gan Prévoyance et la SELARL Ad Hoc Avocats aux dépens d’appel ;

Déboute chacune des parties de leurs demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile.

La greffière, La présidente,

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires

Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code civil
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel de Rouen, Chambre civile et commerciale, 21 septembre 2023, n° 22/03252