CA Toulouse du 24 novembre 2010 n° 04/04357 , ch. 02 sect. 01

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Toulouse, ch. 02 sect. 01, 24 nov. 2010, n° 04/04357
Juridiction : Cour d'appel de Toulouse
Numéro(s) : 04/04357
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Toulouse, 17 mai 2004, N° 04/226
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

24/11/2010


ARRÊT N° 469

N°RG: 04/04357

GC/AT

Décision déférée du 18 Mai 2004 – Tribunal de Grande Instance de TOULOUSE – 04/226

M. C.

Antoine L.

Maria Del Pilar B. épouse L.

représentés par la SCP MALET

C/

SNC DES CENTRES D’OC ET D’OIL, VENANT AUX DROITS DE LA SCI ORENGAL

représentée par la SCP DESSART SOREL DESSART

Réformation

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

2e Chambre Section 1

***


ARRÊT DU VINGT QUATRE NOVEMBRE DEUX MILLE DIX

***

APPELANT ( E/S)

Monsieur Antoine L.

XXX

XXX

Madame Maria Del Pilar B. épouse L.

XXX

XXX

représentés par la SCP MALET, avoués à la Cour

assistés de Me Jacques LEVY, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIME ( E/S)

SNC DES CENTRES D’OC et D’OIL,

venant aux droits de la SCI ORENGAL

21, avenue Kléber

75116 PARIS – CEDEX 16

représentée par la SCP DESSART SOREL DESSART, avoués à la Cour

assistée de la SCP SIMON GUEROT JOLLY, avocats au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

Après audition du rapport, l’affaire a été débattue le 14 Octobre 2010 en audience publique, devant la Cour composée de :

G. COUSTEAUX, président

A. ROGER, conseiller

V. SALMERON, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : A. THOMAS


ARRET :

— contradictoire

— prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

— signé par G. COUSTEAUX, président, et par A. THOMAS, greffier de chambre.

FAITS et PROCEDURE

Par acte du 11 décembre 1990 et avenant du 26 décembre 1991, la société PROMORENS, puis la SNC LA MARQUAYSSONNE, puis la SCI ORENGAL par cession du 31 janvier 1996 – aux droits desquelles vient la SNC des CENTRES D’OC ET D’OIL – ont donné à bail commercial aux époux L. – B. HERNANDEZ, pour une durée de neuf ans à compter du 17 avril 1991, la

boutique n° 11 de la galerie marchande du centre LECLERC de SAINT ORENS DE GAMEVILLE , d’une superficie de 59,10 m² moyennant un loyer annuel hors taxe de 82.740 francs, sans droit d’entrée, le local loué étant destiné à l’exploitation d’un pressing.

Le 3 août 1999, M. et Mme L. ont signé avec M. S. un projet de cession du fonds pour le prix de 304 898 euros.

Le 31 août 1999, la SCI ORENGAL faisait valoir qu’elle n’avait pas l’intention d’exercer son droit de préférence, ni de renouveler le bail, qu’elle ne donnait pas son agrément à la cession et qu’elle réitérait son intention de demander en fin de bail une majoration substantielle du montant du loyer.

Le 24 septembre 1999, la SCI ORENGAL faisait notifier par huissier un congé pour l’échéance du bail, soit le 17 avril 2000.

Le 4 janvier 2000, la SCI ORENGAL a saisi le tribunal de grande instance de Toulouse en validation du congé délivré le 24 septembre 1999 avec refus de renouvellement et paiement d’une indemnité d’éviction.

Le 21 janvier 2000, M. et Mme L. saisissaient la même juridiction en paiement d’une indemnité d’éviction à fixer à dire d’expert.

Par ordonnance du 7 juillet 2000, le juge de la mise en état ordonnait une mesure d’instruction dont le rapport était déposé le 6 novembre 2001.

Par un jugement du 18 mai 2004, le tribunal de grande instance de Toulouse a :

fixé l’indemnité d’éviction due aux époux L. à la somme de 94.518,39 € et condamné la SCI ORENGAL à payer aux époux L. cette somme avec intérêts au taux légal à compter du 21 janvier 2000,

fixé l’indemnité d’occupation à compter du 18 avril 2000 à la somme de 12.337, 70 € ,

condamné la SCI ORENGAL à payer aux époux L. la somme de 1.200 € en application de l’article 700 du nouveau code de procédure civile et à supporter les dépens.

Le 29 septembre 2004, les époux L. ont relevé appel de ce jugement dont ils sollicitent la réformation par conclusions du 13 janvier 2006 en demandant à la cour de fixer l’indemnité d’éviction à la somme de 304.898,03 € comprenant l’indemnité de déménagement, de remploi et de trouble commercial, de débouter la bailleresse de sa demande d’augmentation de l’indemnité d’occupation et de la condamner à leur payer la somme de 6.000 € sur le fondement de l’article 700 du nouveau code de procédure civile.

Le 18 octobre 2005, la société DES CENTRES D’OC ET D’OIL, venant aux droits de la SCI ORENGAL, a sollicité la confirmation du jugement entrepris en ce qu’il a fixé l’indemnité d’éviction à la somme de 94.518,39 € , mais relève appel incident pour voir fixer l’indemnité d’occupation à la somme annuelle de 24.231 € .

Par arrêt du 22 mars 2007, la cour d’appel a ordonné une contre expertise, observation étant faite que le nouvel expert devant aussi recevoir mission de déterminer la valeur locative du local loué depuis le 17 avril 2000, en tenant compte de la situation précaire des locataires, le bénéfice escompté par les époux L. quant à l’indemnité d’éviction est susceptible d’être absorbé par l’indemnité d’occupation.

La mission suivante a été confiée au nouvel expert :

— se rendre sur les lieux (pressing exploité par les époux L. dans la galerie marchande du CENTRE LECLERC de SAINT ORENS DE GAMEVILLE), entendre les parties et tous sachants, se faire remettre tous documents utiles, visiter et décrire le local loué

— procéder à toute investigations à l’effet de fournir à la cour tous éléments d’appréciation utiles pour déterminer l’indemnité d’éviction due aux locataires à la suite du refus de renouvellement du

bail par la bailleresse en donnant son avis sur le caractère transférable ou non du fonds de commerce et en proposant des évaluations distinctes en fonction de la possibilité de transfert et en fonction de l’impossibilité de transfert

— fournir à la cour tous éléments d’appréciation utiles pour déterminer le montant de l’indemnité d’occupation due par les locataires à compter de la date d’effet du congé en donnant son avis sur l’application et la fixation d’un éventuel abattement pour précarité.

L’expert a déposé son rapport daté du 18 mars 2009 et déposé le 18 février 2009 selon le tampon apposé à la cour d’appel. Il conclut que l’indemnité d’éviction lui parait pouvoir être estimée comme suit :

indemnité principale 118 000 € ou 98 000 € si l’on se base sur la valeur du fonds de commerce,

indemnité de remploi mémoire ou 11 760 € sur la base de la perte du fonds de commerce,

préjudice commercial 2 100 € ,

frais de personnel et de licenciement de la salariée – à parfaire : 5 700 € ,

frais administratifs et de publicité mémoire,

frais de déménagement et de réinstallation 2 000 € , Soit ensemble : 127 800 € arrondis à : 128 000 € .

Pour la valeur de l’indemnité d’occupation, il l’estime, en valeur au 1er avril 2000, à la somme globale annuelle hors taxes et hors charges de 11 300 € .

M. et Mme L. ont déposé leurs dernières écritures le 2 juin 2010.

La SNC des CENTRES d’OC et d’OIL a déposé ses dernières écritures le 28 mai 2010.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 29 juin 2010.

PRETENTIONS DES PARTIES

Dans leurs dernières écritures, M. et Mme L. concluent à l’infirmation de la décision de première instance.

A titre principal ils demandent à la cour de :

condamner la SNC des CENTRES d’OC et d’OIL à leur payer la somme de 304.898 € à titre d’indemnité d’éviction principale et la somme de 67.228.93 € à titre d’indemnité d’éviction accessoire. Soit la somme globale de 372 126,93 € majorée au taux d’intérêt légal à compter du 21 janvier 2000,

ne pas faire droit à la demande de l’expert de déspécialisation du bail. A titre subsidiaire, dans l’hypothèse où la cour évaluerait l’indemnité d’éviction principale à une somme inférieure au prix de cession fixé dans l’acte de cession du 19 juillet 1999 soit 304.898 € , ils demandent à la cour de :

dire et juger que le refus d’agrément opposé par la SCI ORENGAL à la cession de fonds de commerce conclue entre les époux L. et Monsieur S. n’est fondé sur aucun juste motif, de sorte qu’il constitue un abus de droit,

condamner en conséquence la SNC des CENTRES d’OC et d’OIL (succédant à la société ORENGAL) à payer aux époux L. à titre de dommages et intérêts la somme de 304.898 € ,

Très subsidiairement, ils demandent à la cour de :

une somme égale à la différence entre le prix de cession conclu entre les époux L. et Monsieur S. et l’indemnité d’éviction principale fixée par la cour et due aux époux L. ,

condamner la SNC des CENTRES d’OC et d’OIL à leur payer à titre de dommages et intérêts,

condamner, en outre, la SNC des CENTRES d’OC et d’OIL à payer les indemnités suivantes : – Indemnité d’éviction accessoire: 67 228,93 euros détaillée comme suit :

* indemnité de remploi: 36.587.76 euros,

* préjudice commercial: 2.100 €

* frais de personnel et charges sur salaires: 5 970 € avec réévaluation au taux actuel du SMIC,

* frais de déménagement et de réinstallation : 20 571 ,20 €

* frais administratifs et de publicité: 2.000 € ,

en conséquence, condamner la SNC des CENTRES d’OC et d’OIL au paiement de la somme de 372 126,93 € au titre de l’indemnité d’éviction principale et accessoire à M. et Mme L. ,

condamner la SNC des CENTRES d’OC et d’OIL à verser la somme de 40.000 € à M. et Mme L. à titre de dommages et intérêts,

Par ailleurs, ils demandent que :

si la cour estimait devoir désigner un séquestre, dire et juger que ce dernier ne saurait être partie au procès et qu’en conséquence, la SCP SIMON GUEROT JOLLY ne saurait remplir cette fonction et désigner en conséquence tel séquestre qu’il appartiendra,

débouter la SNC des CENTRES d’OC et d’OIL de sa demande d’augmentation de l’indemnité d’occupation.

Ils sollicitent enfin la condamnation de la SNC des CENTRES d’OC et d’OIL au paiement de la somme de 20 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

M. et Mme L. soutiennent que n’ayant pas pu vendre aux consorts S. leur fonds pour un montant de 304 898 euros du fait du congé donné par le bailleur, cette somme correspond à la réelle valeur marchande du fonds de commerce mentionnée dans l’article L 145-14 du code de commerce sur l’indemnité d’éviction, au moment du congé. Ils font ensuite valoir que le refus d’agrément est abusif dans la mesure où il ne peut intervenir que pour des motifs graves et légitimes relatifs à la personne et à la capacité financière de l’acquéreur qui en l’espèce était parfaitement solvable. De même, le bailleur ne pouvait pas refuser l’agrément en raison de sa volonté d’obtenir un loyer plus élevé. Ce refus abusif doit être sanctionné par des dommages et intérêts.

Les appelants contestent l’estimation de l’expert judiciaire à hauteur de 118 000 euros en lui reprochant de ne pas avoir pris en compte l’offre d’achat des époux S. . Ils contestent ses conclusions sur le caractère pas sérieux de l’offre faite par M. S. qui aurait prévu un financement à 100% par un emprunt sans apport personnel alors que peu de temps après le refus, il a acheté une agence d’assurances avec le même plan de financement.

Ils indiquent qu’ils n’ont jamais demandé la déspécialisation de leur bail et que l’expert ne peut pas le faire.

Sur les indemnités accessoires, concernant l’indemnité de remploi, ils la calculent en prenant pour base les 304 898 euros multipliés par 12% correspondant au taux proposé par l’expert. Ils font valoir que la loi Fillon du 21 août 2003 permet le cumul de la pension de retraite avec une activité professionnelle. Cette indemnité leur est donc due car rien ne s’oppose à leur réinstallation dans d’autres locaux.

Concernant le préjudice commercial, ils retiennent le chiffre proposé par l’expert.

Concernant les frais de personnel et charges sur salaires, ils font valoir que les calculs de l’expert sont sous évalués. Ils demandent 5 970 euros au lieu de 5 700 euros.

Concernant les frais de déménagement et de réinstallation, ils soutiennent que l’expert judiciaire les a fortement minorés, proposant la somme de 2 000 euros alors que selon un devis réactualisé en 2009 ils atteignent 20 571,20 euros.

Concernant les frais de publicité, ils les chiffrent à 2 000 euros dans la mesure où ils peuvent continuer à travailler.

Sur l’indemnité d’occupation, ils estiment que la valeur locative retenue par l’expert est justifiée, les données prenant en compte la configuration et la taille des locaux étudiés ainsi que leur emplacement au sein de la galerie marchande. Ils soutiennent également que le coefficient de précarité de 15% retenu par l’expert n’est pas excessif. Ils ajoutent que le transfert inhabituel du paiement de taxe foncière du bailleur au preneur justifie une diminution de la valeur locative.

La SNC des CENTRES d’OC et d’OIL conclut à l’homologation du rapport d’expertise sur le montant de l’indemnité principale qu’il a déterminé et demande à la cour de n’allouer aux preneurs qu’une partie des indemnités accessoires qu’il a chiffrées. Elle conclut à l’infirmation de la décision de première instance sur le montant de l’indemnité d’occupation due par les preneurs en demandant qu’elle soit fixée à un montant très supérieur à celui retenu par les premiers juges et par l’expert judiciaire.

La SNC des CENTRES d’OC et d’OIL demande à la cour de :

valider le congé avec refus de renouvellement délivré aux époux L. le 24 septembre 1999 et constater qu’il a mis fin au bail le 17 avril 2000,

juger que les époux L. devront remettre les lieux au bailleur conformément aux dispositions de l’article 145-29 du code de commerce,

désigner la SCP SIMON GUEROT JOLLY, ou toute autre personne qu’il lui plaira, en qualité de séquestre prévu par t’article L 145-29 du code de commerce, à l’effet de recevoir l’indemnité d’éviction due aux époux L. et de la leur verser dans les conditions définies par les articles L 145-29 et suivants du code de commerce,

fixer le montant de l’indemnité d’éviction due aux preneurs de la façon suivante :

Indemnité principale 118 000 € ,

Frais de personnel et charges sur salaires : 4 707 € ,

Frais de déménagement 2 000 € ,

fixer l’indemnité d’occupation à la somme annuelle de 20 685 € , payable et indexée comme le loyer prévu par le bail et majorée de la TVA, des charges et de la quote part d’impôts fonciers mises par le bail à la charge des preneurs,

condamner les époux L. au paiement de cette indemnité. Enfin, elle sollicite la condamnation de M. et Mme L. à lui payer la somme de 10 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

L’intimée expose tout d’abord que la valeur du fonds de commerce ne peut pas être fixée à 304 898 euros, correspondant au prix offert dans le projet d’acquisition par M. S. , ce projet n’étant ni viable ni sérieux au regard du niveau d’activité de la blanchisserie . Ils ajoutent qu’au surplus, ce projet est trop ancien, datant d’août 1999 alors que l’évaluation doit être faite à la date la plus proche de l’éviction.

Elle s’oppose ensuite au paiement de l’indemnité de remploi en soutenant que Mme L. qui exploite le fonds va faire valoir ses droits à la retraite. Le même raisonnement est tenu pour l’indemnité pour trouble commercial en l’absence de réinstallation, ainsi que pour les frais administratifs et de publicité liés au déménagement et pour les frais de déménagement et de réinstallation, sauf à limiter ces derniers à la somme de 2 000 euros proposée par l’expert. Elle réduit

les frais de personnel et les charges sur salaires à la somme de 4 707 euros en faisant valoir que les appelants ne produisent pas un décompte de leur expert comptable mais un attestation sur les revenus de l’exploitante et que les congés payés ne sont pas dus à cause de l’éviction mais constituent des droits acquis même en l’absence d’éviction.

Elle conteste avoir commis une faute qui justifierait l’allocation de dommages et intérêts dans la mesure où elle a refusé d’accepter de renouveler le bail aux conditions financières antérieures, ce qui était son droit le plus absolu.

Elle juge la demande de dommages et intérêts à hauteur de 40 000 euros tardive et fantaisiste.

Sur l’indemnité d’occupation, l’intimée fait valoir que c’est la valeur locative au moment de la détermination de l’indemnité d’occupation qui sert de base à son calcul et non le loyer contractuel. Elle estime que la valeur locative estimée par l’expert judiciaire désigné par la cour d’appel est sous estimée en prenant pour référence trois seules valeurs locatives, dont deux ne sont pas pertinentes, abattues de 15% pour la destination spécifique de pressing et de 15% pour précarité. Elle conteste les deux abattements et fait valoir que la taxe foncière est toujours à la charge des preneurs dans les galeries marchandes .


MOTIFS de la DECISION

L’indemnité d’éviction

Selon le premier alinéa de l’article L 145-14 du code de commerce, le bailleur peut refuser le renouvellement du bail. Toutefois, le bailleur doit, sauf exceptions prévues aux articles L 145-17 et suivants, payer au locataire évincé une indemnité dite d’éviction égale au préjudice causé par le défaut de renouvellement.

Par acte du 11 décembre 1990 et avenant du 26 décembre 1991, la société PROMORENS a donné à bail commercial pour une durée de 9 ans à M. et Mme L. à compter du 17 avril 1991 une boutique située dans la galerie marchande du centre Leclerc à Saint Orens, d’une superficie de 59,10 m2, sans droit d’entrée, le local loué étant destiné à l’exploitation d’un pressing .

Le 24 septembre 1999, la SCI ORENGAL, venant aux droits de la société PROMORENS faisait notifier par huissier un congé pour l’échéance du bail, soit le 17 avril 2000.

A l’expiration de la période de neuf ans, le bailleur a le droit, sans avoir à en justifier, de refuser le renouvellement du bail, à charge pour lui de verser une indemnité d’éviction principale et des indemnités accessoires.

Il convient dès lors de constater que le bail liant les parties a pris fin le 17avril 2000.

Selon le second alinéa de l’article L 145-14 du code de commerce, l’indemnité d’éviction comprend notamment la valeur marchande du fonds de commerce, déterminée suivant les usages de la profession, augmentée éventuellement des frais normaux de déménagement et de réinstallation, ainsi que des frais et droits de mutation à payer pour un fonds de même valeur, sauf dans le cas où le propriétaire fait la preuve que le préjudice est moindre.

Comme l’a jugé le tribunal de grande instance, l’activité du commerce exploité par M. et Mme L. étant directement liée à la chalandise de la galerie marchande, il convient de les indemniser de la perte totale du fonds de commerce.

L’indemnité principale

Lorsque l’éviction n’est pas encore réalisée, comme en l’espèce, la valeur des éléments du fonds de commerce doit être appréciée à la date à laquelle les juges statuent, la consistance du fonds de commerce à évaluer s’appréciant à la date du refus du renouvellement.

La valeur marchande peut correspondre à un prix d’acquisition à la condition que la mutation ait été

très récente.

En l’espèce, M. et Mme L. invoquent l’offre d’acquisition formulée par M. S. en 1999. Son ancienneté ne permet pas déjà de la retenir. De plus, il ressort des deux rapports d’expertise judiciaire que cette offre ne correspondait aucunement à la réalité du secteur professionnel concerné (Rapport Mme P. en page 24 – Rapport M. N. en page 24). Dès lors, la somme de 2 millions de francs, objet du projet de transaction, ne peut être prise comme base de calcul de l’indemnité d’éviction.

La jurisprudence retient que la valeur du fonds de commerce comporte en toute hypothèse un élément plancher qui est celui de la valeur du droit au bail, de telle sorte qu’il peut y avoir une valeur de fonds, même en présence d’une entreprise déficitaire, la valeur du fonds étant alors réduite à celle du droit au bail.

En l’espèce, le second expert judiciaire a évalué la valeur du droit au bail à 118 000 euros en prenant pour base la somme de 2 000 euros le m2. Pour obtenir ce résultat, il a analysé des cessions et résiliations intervenues dans la galerie marchande depuis que la SNC des CENTRES d’OC et d’OIL en est propriétaire et il a tenu compte de la diversité des références communiquées, et de l’emplacement du local concerné mais aussi de sa surface réduite.

Le jugement entrepris sera infirmé sur le montant de l’indemnité principale d’éviction qui sera fixée à 118 000 euros. Cette somme portera intérêt au taux légal à compter de l’acte introductif de l’instance par M. et Mme L. en date du 21 janvier 2000.

D’une part, M. et Mme L. doivent remettre les lieux au bailleur en application de l’article L 145-29 du code de commerce.

D’autre part, il convient d’ordonner la consignation de l’indemnité d’éviction majorée des intérêts au taux légal, entre les mains du service séquestre de l’Ordre des avocats de la cour d’appel de Toulouse afin que son versement intervienne dans les conditions prévues au même article du code de commerce.

Les indemnités accessoires

L’indemnité de remploi est destinée à couvrir le locataire évincé des frais liés à l’acquisition d’un fonds de même valeur. Le second expert propose de retenir un pourcentage de 12 % en tenant compte du montant moyen des honoraires des spécialistes immobiliers commerciaux pour la recherche de fonds de commerce du même type. Cette indemnité sera donc fixée à 14 000 euros.

L’indemnité pour trouble commercial est destinée à compenser l’absence d’activité pendant le temps nécessaire au transfert du fonds. Le second expert propose comme base de calcul les trois mois du dernier bénéfice soit 2 100 euros. Il convient de fixer le montant de ce préjudice calculé selon la méthode habituelle à cette somme.

L’indemnité de déménagement et de réinstallation est proposée par le second expert à hauteur de 2 000 euros alors que M. et Mme L. ont produit plusieurs devis dans le cadre des deux mesures d’instruction. Compte tenu du montant mentionné sur ces différents documents, une somme de 15 000 euros sera arrêtée de ce chef.

Les frais administratifs et de publicité liés au déménagement seront fixés à 1 500 euros.

Cependant, au 24 novembre 2010, date de la présente décision, M. L. est âgé de près de 72 ans et son épouse de 67 ans.

Même si la charge de la preuve de l’absence de réinstallation incombe au propriétaire, l’âge des preneurs conduit à prévoir la consignation des indemnités relatives à la réinstallation (préjudice commercial, réemploi, déménagement et réinstallation ainsi que frais administratifs et de publicité) et le déblocage des fonds sur justificatifs, le séquestre désigné étant le service séquestre de l’Ordre des avocats de la cour d’appel de Toulouse.

Enfin, concernant les frais de personnel et charges sur salaires, comme le soutient l’intimée, les indemnités compensatrices de congés payés ne sont pas dues, dès lors qu’il ne s’agit nullement d’indemnités résultant du licenciement, mais de sommes dues au salarié au titre de l’exécution du contrat de travail. En conséquence, seules seront prises en compte l’indemnité de préavis d’un montant de 1698,78 euros et l’indemnité de licenciement d’un montant de 3 421,80 euros selon le décompte détaillé produit par M. et Mme L. , qui a pris comme hypothèse de calcul une date de licenciement, non actualisée, au 31 mars 2009, soit un montant total de 5 120,58 euros.

Les dommages et intérêts

D’une part, M. et Mme L. soutiennent que le refus d’agrément par la SNC des CENTRES d’OC et d’OIL de la cession du fonds de commerce qui, selon eux, correspondait à la valeur marchande devant être prise en compte pour la fixation de l’indemnité d’éviction, est abusif et justifie que la différence entre la somme allouée au titre de l’indemnité d’éviction et le montant de l’offre qui a échoué leur soit octroyée à titre de dommages et intérêts.

Les clauses du bail signé par les parties prévoyaient que le preneur devait obtenir l’agrément du bailleur pour la cession de son fonds de commerce. La validité d’une telle clause n’est pas contestée par M. et Mme L. . Il n’est pas non plus contesté que la SNC des CENTRES d’OC et d’OIL a refusé de donner son accord pour la cession envisagée à M. S. .

Il résulte de la lettre du 31 août 1999 par laquelle la SNC des CENTRES d’OC et d’OIL a exprimé qu’elle n’envisageait pas de donner son agrément que son analyse économique de l’opération telle que prévue par M. S. , rejoint celle des deux experts judiciaires. Le refus d’agrément n’apparaît pas discrétionnaire mais motivé par la crainte d’une défaillance du cessionnaire compte tenu du prix envisagé et des possibilités financières pouvant être dégagées par le chiffre d’affaires. De plus, le projet d’acte de cession transmis à la SNC des CENTRES d’OC et d’OIL mentionnait un maintien des conditions du bail alors que l’on approchait du terme des neuf années et de la possibilité pour le bailleur de refuser le renouvellement avec offre de paiement d’une indemnité d’éviction, ce que la SNC des CENTRES d’OC et d’OIL a d’ailleurs formalisé par acte d’huissier du 24 septembre 1999, comme la possibilité lui en était légalement offerte.

Aucun abus n’étant dès lors caractérisé vis-à- vis de la SNC des CENTRES d’OC et d’OIL qui n’a fait qu’user de ses droits, la demande de dommages et intérêts doit être rejetée.

D’autre part, M. et Mme L. sollicitent la condamnation de la SNC des CENTRES d’OC et d’OIL à leur verser la somme de 40 000 euros à titre de dommages et intérêts. Comme l’a jugé le tribunal de grande instance, M. et Mme L. , étant commerçants, ne pouvaient ignorer qu’en signant un bail commercial, ils étaient soumis à l’aléa d’un congé avec refus de renouvellement au terme de la période de neuf années. Ils doivent donc être déboutés de leur demande de dommages et intérêts.

Le jugement sera en conséquence confirmé sur ces chefs de demande.

L’indemnité d’occupation

L’article L 145-28 du code de commerce dispose que l’indemnité d’occupation que doit verser le preneur est déterminée non seulement conformément aux dispositions de la section concernant le loyer des baux commerciaux mais aussi compte tenu de tous éléments d’appréciation. Il convient de se placer au moment de la fin du bail.

Comme elle indemnise le bailleur de l’impossibilité de pouvoir utiliser les lieux, elle ne saurait se fonder sur le seul mode de calcul contractuel.

Il convient de prendre en compte la valeur locative moyenne dans la galerie marchande, ce qu’a fait l’expert en la calculant à partir de trois valeurs, soit 265 euros, et d’y appliquer les deux abattements proposés par le technicien : 15% pour la précarité, compte tenu de la durée de la situation, et 15% en raison de la monoactivité de pressing. Il résulte de ses calculs que l’indemnité d’occupation doit être fixée à 11 300 euros par an hors charges et taxes.

Cette somme doit cependant être indexée compte tenu de la durée écoulée depuis la fin du bail et majorée, comme le demande la SNC des CENTRES d’OC et d’OIL , de la TVA, des charges et de la quote part d’impôts fonciers mise à la charge des preneurs dans le bail, en page 7 et 16, qui les liait et qui faisait la loi des parties.

Il est à relever que selon un tableau récapitulatif des baux dressé par la SNC des CENTRES d’OC et d’OIL, le montant du loyer d’un second commerce de pressing situé dans la même galerie marchande, d’une superficie de 80 m2 , atteignait 193,08 euros le m2, à compter du 4 novembre 1998, ce qui rapporté à la superficie du commerce litigieux donne 11 411 euros, soit un montant quasi équivalent à celui retenu sans procéder aux abattements dont l’intimée conteste l’application.

Les dépens

M. et Mme L. n’obtenant pas satisfaction en cause d’appel, ils seront condamnés aux dépens d’appel.


PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement du tribunal de grande instance sauf en ce qui concerne le rejet des demandes de dommages et intérêts présentées par M. et Mme L. et la condamnation de la SNC des CENTRES d’OC et d’OIL au paiement d’une indemnité pour frais irrépétibles et aux dépens,

Et statuant sur les chefs infirmés,

Constate que le bail liant les parties a pris fin le 17 avril 2000,

Dit que M. et Mme L. doivent remettre les lieux au bailleur en application de l’article L 145-29 du code de commerce,

Condamne la SNC des CENTRES d’OC et d’OIL à payer à M. et Mme L. la somme de 118 000 euros à titre d’indemnité principale d’éviction avec intérêts au taux légal depuis le 21 janvier 2000,

Ordonne la consignation de l’indemnité d’éviction, majorée des intérêts au taux légal, entre les mains du service séquestre de l’Ordre des avocats de la cour d’appel de Toulouse,

Dit que cette indemnité majorée sera versée à M. et Mme L. en application de l’article L 145-29 du code de commerce,

Condamne la SNC des CENTRES d’OC et d’OIL à verser à M. et Mme L. la somme de 5 120,58 euros au titre de l’indemnité de préavis et de l’indemnité de licenciement,

Fixe à 2 100 euros le montant du préjudice commercial,

Fixe à 14 000 euros l’indemnité de remploi,

Fixe à 15 000 euros les frais de déménagement et de réinstallation,

Fixe à 1 500 euros les frais administratifs et de publicité.

Ordonne la consignation par la SNC des CENTRES d’OC et d’OIL des quatre sommes ainsi fixées entre les mains du service séquestre de l’Ordre des avocats de la cour d’appel de Toulouse pendant un délai d’une année à compter du présent arrêt avec autorisation de déblocage, dans les limites précisées, au vu de tous les justificatifs de frais effectivement déboursés et obligation de restituer la partie non utilisée à la la SNC des CENTRES d’OC et d’OIL ,

Condamne M. et Mme L. à payer à la SNC des CENTRES d’OC et d’OIL une indemnité d’occupation de 11 300 euros par an à compter du 18 avril 2000, indexée compte tenu de la durée écoulée depuis la fin du bail et majorée de la TVA, des charges ainsi que de la quote part d’impôts fonciers mise à la charge des preneurs dans le bail qui les liait,

Vu l’article 700 du code de procédure civile,

Rejette les demandes des parties sur ce fondement,

Condamne M. et Mme L. aux dépens d’appel,

Autorise les avoués de la cause à recouvrer directement les dépens d’appel dont ils auraient fait l’avance sans avoir reçu de provision conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Le greffier, Le président,

.



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CA Toulouse du 24 novembre 2010 n° 04/04357 , ch. 02 sect. 01