Cour d'appel de Toulouse, 13 juin 2014, n° 12/03750

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Toulouse, 13 juin 2014, n° 12/03750
Juridiction : Cour d'appel de Toulouse
Numéro(s) : 12/03750
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Toulouse, 27 juin 2012, N° 10/3412

Texte intégral

13/06/2014

ARRÊT N°

N° RG : 12/03750

XXX

Décision déférée du 28 Juin 2012 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de TOULOUSE (10/3412)

XXX

SAS KELLY SERVICES

C/

I X

REFORMATION

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

4e Chambre Section 2 – Chambre sociale

***

ARRÊT DU TREIZE JUIN DEUX MILLE QUATORZE

***

APPELANTE

SAS KELLY SERVICES

XXX

XXX

représentée par Me HOGAN LOVELLS de la SCP HOGAN LOVELLS, avocat au barreau de PARIS substituée par Me ABITBOL, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE

Madame I X

XXX

XXX

représentée par la SCP MATHEU RIVIERE-SACAZE ET ASSOCIES, avocat au barreau de TOULOUSE substituée par Me Nathalie CLAIR, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l’article 945.1 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 18 Avril 2014, en audience publique, devant C. LATRABE, président chargé d’instruire l’affaire, les parties ne s’y étant pas opposées. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

C. LATRABE, président

C. PESSO, conseiller

F. CROISILLE-CABROL, vice-président placé

Greffier, lors des débats : C. NEULAT

ARRET :

— CONTRADICTOIRE

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxieme alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile

— signé par C. LATRABE, président, et par C. NEULAT, greffier de chambre.

EXPOSE DU LITIGE

Suivant contrat de travail à durée indéterminée en date du XXX, Madame I X a été embauchée par la société Kelly Services en qualité de chef d’agence , niveau 5, coefficient 350 catégorie cadre, sous le régime des accords collectifs nationaux des entreprises de travail temporaire personnels permanents .

Madame X percevait, en dernier lieu, un salaire mensuel brut de 3 013 euros.

Selon un courrier remis en main propre le 29 juillet 2010, la société Kelly a convoqué Madame X à un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement.

L’entretien préalable a eu lieu le 6 août 2010.

Par courrier recommandé avec accusé de réception du 20 août 2010 la salariée a été licenciée pour cause réelle et sérieuse dans les termes suivants :

' Nous faisons suite à notre entretien du 6 août 2010 au cours duquel nous vous avons exposé les raisons qui nous amenaient à envisager votre licenciement pour cause réelle et sérieuse.

Les explications que vous nous avez fournies à cette occasion ne s’étant pas révélées satisfaisantes, nous sommes au regret de vous licencier pour motif personnel.

Nous vous exposons ci-dessous les raisons de ce licenciement.

Depuis le XXX, vous êtes Responsable de notre agence de Toulouse rattachée à la région Sud et Ouest.

En cette qualité, il vous appartient de recruter, former, diriger et motiver vos collaborateurs, de suivre chacun d’entre eux et de l’aider à atteindre des objectifs, à se développer d’un point de vue professionnel et à s’épanouir dans un climat de collaboration constructif et positif Vous devez gérer votre équipe avec intégrité et respect des collaborateurs, en phase avec les valeurs de notre entreprise.

Depuis 2009, nous avons été alertés à diverses reprises par plusieurs de vos collaborateurs faisant état d’un comportement managérial déplacé et d’une attitude non éthique de votre part.

Ainsi, l’une de vos chargées de recrutement au sein de l’agence de Toulouse, a sollicité en juillet 2009 une rupture conventionnelle de son contrat de travail en expliquant sa décision par l’ambiance dégradée sur l’agence de Toulouse et ses mauvaises conditions de travail liées à votre attitude déstabilisante et dénigrante vis-à-vis des collaborateurs. Dans un courrier particlièrement détaillé en date du 30 octobre 2009, elle a directement mis en cause votre management, vous reprochant le climat délétère que vous faisiez régner à l’agence de Toulouse, les consignes contradictoires, l’absence de suivi des collaborateurs et plus gravement le dénigrement, les remarques vexatoires ou humiliantes dont certaines avaient trait à la vie privée, vos sautes d’humeur et le climat de suspicion et de division que vous entreteniez.

Votre Directeur régional, E B, a organisé un entretien avec vous le 12 novembre 2009 pour vous faire part de la lettre de votre collègue, recueillir vos explications et vous alerter sur la nécessité de changer votre comportement vis-à-vis de vos collaborateurs. Cet entretien a fait l’objet d’un écrit daté du 17 novembre 2009 dans lequel votre supérieur vous a invitée à travailler votre communication avec votre équipe afin d’éviter que de telles situations se reproduisent et proposé un suivi pour définir les erreurs à ne plus commettre. Pour seule réponse, vous avez qualifié la lettre de votre ancienne collaboratrice de diffamation et considéré que l’incident était clos.

Compte tenu de ce premier incident dont vous vous avons fait part en parfaite transparence et de notre insistance sur la nécessité qui s’ensuivait de rectifier votre comportement, nous avons été particulièrement surpris et déçus de recevoir de nouvelles plaintes de la part de vos collaborateurs.

D’autres faits sont en effet survenus et d’autres plaintes de vos collaborateurs nous sont parvenues, notamment :

L’arrêt maladie d’une autre Chargée de recrutement, depuis juin 2010 ;

Une lettre d’une Attachée commerciale, s’exprimant sur son malaise au travail au quotidien, nous indiquant qu’elle ne pouvait travailler correctement dans des conditions de stress et de remarques permanentes de votre part. Plus particulièrement, celle-ci s’est plaint de votre « comportement manipulateur », de vos « réflexions quotidiennes dégradantes » et de vos agissements «favorisant » le conflit entre les membres de l’équipe".

Cette situation grave nous a conduit à diligenter une enquête menée par Aude Athanassopoulos, Directrice des ressources humaines.

Aude Athanassopoulos s’est ainsi rendue à Toulouse le 29 juillet 2010. Après avoir notamment entendu l’une de vos Chargées de recrutement pendant plus de 2 heures, elle s’est entretenue avec les autres membres de votre équipe présents, ainsi qu’avec une de vos anciennes Chargées de recrutement.

Chaque fois, il nous a été fait part de vos remontrances, remarques désobligeantes régulières, sautes d’humeur, de votre attitude changeante, tantôt chaleureuse, tantôt hautaine, voire méprisante, des remarques sur la tenue vestimentaire ou sur la vie privée, du climat de suspicion et de l’ambiance intenable qui en résultaient. Par ailleurs, vos critiques ouvertes vis à vis de E B, votre supérieur hiérarchique, ont été portées à notre connaissance, de même que les consignes contradictoires concernant la gestion des dossiers et, plus grave encore, les instructions données à vos collaborateurs de ne pas répondre au téléphone de l’agence Kelly Santé qui partage les mêmes locaux que votre agence……'

Contestant ce licenciement, Madame .X a saisi, le 1° décembre 2010, le conseil des Prud’hommes de Toulouse .

Suivant jugement en date du 28 juin 2012, cette juridiction a considéré que le licenciement ne reposait sur aucune cause réelle et sérieuse et a condamné l’employeur a verser à Madame .X les sommes suivantes :

—  30 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,

—  1 500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile .

La société Kelly Services a relevé appel de cette décision dans des conditions de forme et de délai qui n’apparaissent pas critiquables.

Reprenant à l’audience ses conclusions déposées au greffe le 8 octobre 2013, auxquelles il convient de se référer pour l’exposé de ses moyens, la société Kelly Services Interim demande à la Cour d’infirmer le jugement, de dire que le licenciement de Madame X repose sur une cause réelle et sérieuse, de rejeter l’ensemble de ses demandes et de la condamner à lui verser la somme de 1500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Réitérant à l’audience ses conclusions déposées au greffe le 26 décembre 2013, auxquelles il convient, également, de se référer pour l’exposé de ses moyens, Madame I X demande à la Cour de confirmer le jugement déféré en sa disposition relative à l’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement et, sur appel incident, elle demande que les dommages et intérêts à elle alloués par le premier juge soient portés à la somme de 60 000 € .

Elle sollicite, en outre, le versement de la somme de 4 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

Tout licenciement doit être fondé sur une cause à la fois réelle, c’est à dire établie, objective et exacte et sérieuse, c’est à dire rendant impossible la continuation du travail sans dommages pour l’entreprise, le juge formant sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, étant ajouté que le doute profite au salarié

Au cas présent, la société appelante, aux termes de la lettre de licenciement qui fixe le périmètre du litige, soutient que le licenciement dont Madame X a fait l’objet se justifie en raison du comportement inacceptable adopté par cette dernière à l’encontre de ses collaboratrices, du fait qu’elle favorisait ses propres clients au détriment de ceux de ses collaboratrices, qu’elle désorganisait délibérément le fonctionnement de l’agence et qu’elle critiquait son supérieur hiérarchique devant le personnel.

Il est, donc, reproché principalement à Madame .X d’avoir eu un comportement manipulateur, vexatoire et méprisant à l’égard de ses collaborateurs, cette attitude ayant déstabilisé le personnel, créé un climat de suspicion et de division au sein de l’agence et engendré de mauvaises conditions de travail .

Le second reproche est relatif aux critiques ' ouvertes’ émises par la salariée à l’égard de M. B, son supérieur hiérarchique.

Le dernier grief concerne les instructions données à ses collaborateurs de ne pas répondre au téléphone de l’agence Kelly Santé qui partage les mêmes locaux que l’agence dirigée par l’intimée .

A l’appui du premier grief relatif au comportement de Madame X, l’employeur produit principalement, aux débats, un courriel du 30 octobre 2009 que lui a adressé Madame G Y laquelle un an avant le licenciement de l’intimée, avait obtenu le bénéfice d’une rupture conventionnelle de son contrat de travail.

Dans ce courriel, cette dernière énumère, en termes généraux et non circonstanciés, les défauts et travers qu’elle prête à Madame X, faisant état notamment à cet égard de 'la tenue de propos discriminatoires de cette dernière à l’égard de certains intérimaires', de la tenue de ' propos non appropriés sur la vie privée et les choix de ses collaboratrices', de 'la déformration des propos de ses collaboratrices', de la divulgation d’informations d’ordre privé recueillis lors d’entretiens personnels, de 'manipulations diverses et de sarcasmes à répétition', de mises à l’écart injustifiées, du dénigrement du travail des autres, de directives contradictoires, de réprimandes illégitimes, d’humeur changeante et d’accusations mensongères et ce, sans toutefois fournir le moindre élément objectif matériellement vérifiable de nature à permettre de dater les faits en cause ou encore leur teneur exacte.

.Il convient, en outre, de souligner à la suite du premier juge, que la rédactrice de ce mail commence son courrier ainsi : »Comme convenu vous trouverez en pièce jointe … ».

Une telle introduction ne permet pas d’exclure une certaine connivence entre l’employeur et Madame Y et ne permet pas de garantir la totale impartialié de cette dernière et ce, alors au surplus que les allégations reproduites par Madame Y ne sont pas signées et ne sont pas rédigées dans les formes prescrites à l’article 202 du code de procédure civile.

Au surplus, nonobstant la multiplicité des accusations ainsi portées à l’encontre de Madame X, dont l’employeur a eu connaissance un an avant le licenciement de celle-ci, il ne peut être que relevé qu’aucune sanction disciplinaire n’a été à l’époque notifiée à Madame X.

La société appelante verse, également, à la procédure une lettre non établie aux formes de droit que lui a adressée, le 30 juin 2010, Madame C B, attachée commerciale au sein de l’agence Kelly, dans laquelle celle ci procède, de la même manière que Madame Y à un inventaire des défauts et travers qu’elle considère comme inhérents à la personne de l’intimée : un comportement manipulateur, des réflexions dégradantes et porteuses de conflits, des préférences injustifiées, un manque de communication, des abus de pouvoir, l’humiliation des nouveaux arrivants, le manque d’écoute et finalement, le harcèlement moral dont la rédactrice prétend avoir été la victime de la part de Madame X, étant observé que ce faisant, Madame B ne précise aucun des faits révélés qui demeurent non circonstanciés et non datés.

Les mêmes observations que précédemment peuvent être faites en ce qui concerne le mail particulièrement succint adressé par Madame A Marty à l’employeur, le 1° août 2010 par lequel cette salariée indique que son arrêt maladie pour dépression est en lien avec ses conditions de travail au sein de l’agence et au comportement de Madame X à son égard .

La société Kelly Services fait aussi état d’une enquête diligentée par la directrice des ressources humaines qui serait défavorable à la salariée mais dont elle n’en produit ni le compte rendu ni les conclusions .

Dès lors, les simples affirmations tirées de cette enquête par l’employeur ne peuvent avoir la moindre force probante .

Les autres reproches développés dans la lettre de licenciement à l’encontre de l’intimée : le favoritisme au bénéfice de ses propres clients, la désorganisation délibérée de l’agence et les critiques formulées contre son supérieur hiérarchique se fondent sur les deux courriels et la lettre simple sus-évoqués lesquels ainsi qu’il a déjà été vu ne permettent pas d’établir la réalité des griefs invoqués par l’employeur dans sa lettre de licenciement .

Par ailleurs, il est avéré que l’intimée a travaillé pendant douze années au sein de l’entreprise sans jamais faire l’objet d’une procédure disciplinaire et qu’en 2008, à l’occasion de ses dix ans d’ancienneté, la direction lui a remis un certificat de réussite indiquant « Merci pour votre engagement et dévouement . Vous contribuez beaucoup au succès de notre entreprise .»

En conséquence, il convient de considérer que le licenciement de Madame X est dénué de cause réelle et sérieuse.

La décision déférée sera, donc, confirmée de ce chef .

L’absence de cause réelle et sérieuse ouvre droit au bénéfice de la salariée à une indemnité.

Suite à ce licenciement, Madame X a subi incontestablement un préjudice qui, au regard des circonstances de l’espèce et notamment de son âge, de son temps de présence dans l’entreprise et de la période de chômage qui a suivi la rupture du contrat de travail jusqu’à son retour à un emploi en 2011 doit être réparé par l’allocation d’une somme de 35 000 euros

* *

*

Compte tenu des circonstances de l’espèce, il serait inéquitable de laisser à la charge de l’intimée la totalité des sommes par elle exposées pour faire valoir ses droits .

La société appelante devra, donc, lui verser la somme de 2 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Les dépens de l’appel seront mis à la charge de la société Kelly Services qui succombe pour l’essentiel, laquelle sera, par voie de conséquence, déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

LA COUR :

Infirme la décision déférée seulement sur le montant des dommages intérêts allouées à Madame I X,

Et statuant à nouveau :

Condamne la société Kelly Services à payer à Madame I X la sommme de 35 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Confirme la décision déférée en toutes ses autres dispositions,

Et y ajoutant :

Condamne la société Kelly Services à verser à Madame I X la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Condamne la société Kelly Services aux dépens de l’appel.

Le présent arrêt a été signé par Mme C. LATRABE, président et par Mme C. NEULAT, greffier.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

C. NEULAT C. LATRABE .

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