Cour d'appel de Toulouse, 2ème chambre, 28 février 2018, n° 16/03611

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Chronologie de l’affaire

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Cabinet Neu-Janicki · 1er juillet 2018

La clause mettant à la charge du preneur les travaux relevant de l'article 606 du code civil sans les détailler n'est pas valide. En l'espèce, le bail met à la charge du preneur les travaux prévus par l'article 606 du code civil sans préciser la liste des travaux susceptibles de lui incomber. La clause rédigée en des termes généraux et qui n'énumère pas la liste des grosses réparations incombant au preneur ne peut recevoir application. En effet, le bailleur ne peut se décharger totalement de son obligation de délivrance et il lui incombe, nonobstant toute clause contraire, de procéder …

 
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Sur la décision

Référence :
CA Toulouse, 2e ch., 28 févr. 2018, n° 16/03611
Juridiction : Cour d'appel de Toulouse
Numéro(s) : 16/03611
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Montauban, 6 juillet 2016, N° 16/00459
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

.

28/02/2018

ARRÊT N°71

N° RG: 16/03611

FP/CD

Décision déférée du 07 Juillet 2016 – Tribunal de Grande Instance de MONTAUBAN – 16/00459

M. X

A B

C/

C D

[…]

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

2e chambre

***

ARRÊT DU VINGT HUIT FEVRIER DEUX MILLE DIX HUIT

***

APPELANT

Monsieur A B

[…]

[…]

Représenté par Me Alexandre DELORD, avocat au barreau de TARN-ET-GARONNE

INTIMEE

Madame C D

[…]

[…]

Représentée par Me Jean A DECHARME de l’ASSOCIATION PLAINECASSAGNE – MOREL – NAUGES, avocat au barreau de TARN-ET-GARONNE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 30 Janvier 2018, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant F. PENAVAYRE, M. Y, conseiller, chargés du rapport. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

F. PENAVAYRE, président

M. Y, conseiller

S. TRUCHE, conseiller

Greffier, lors des débats : J. H-I

ARRET :

— contradictoire

— prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

— signé par F. PENAVAYRE, président, et par J. H- I, greffier de chambre.

EXPOSE DU LITIGE

Suivant acte notarié en date du 1er mars 2006, Monsieur E B a donné à bail commercial à Monsieur A B des locaux à usage mixte de commerce et d’habitation situés […] à Lafrançaise pour une durée de neuf ans à compter du 1er mars 2006, à usage de café, débit de tabac, théâtre, spectacle, dancing et brasserie à l’enseigne «Le Duplex», moyennant un loyer mensuel de 920 € hors-taxes.

Madame C D s’est portée acquéreur de l’immeuble par acte notarié du 11 mai 2015.

Par lettre recommandée du 19 août 2015, le preneur a mis en demeure le bailleur de procéder à la sécurisation des locaux affectés par une prolifération des termites sur une poutre maîtresse de l’immeuble.

C D a fait réaliser des travaux courant décembre 2015 et janvier 2016 pour un total de 5 273,60 euros, puis, par lettre du 26 février 2016, a mis le preneur en demeure de lui rembourser les sommes ainsi exposées, conformément aux stipulations contractuelles qui mettent à sa charge les grosses réparations prévues par l’article 606 du Code civil.

Par acte d’huissier du 12 avril 2016, le preneur a donné congé au bailleur avec effet au 31 octobre 2016 et cessé de régler les loyers au motif qu’il lui était impossible d’utiliser les locaux donnés à bail conformément à leur destination.

Il s’est réinstallé au 15 rue Lafon à Lafrançaise en cours de préavis.

Suite à l’assignation délivrée par C D le 20 mai 2016, le tribunal de grande instance de Montauban a, par jugement du 7 juillet 2016 :

— rejeté la demande de résiliation judiciaire du bail

— dit que le congé donné par le preneur prendra effet au 31 décembre 2016

— dit que le preneur est tenu jusqu’à cette date au paiement des loyers et charges et l’a condamné au paiement des échéances échues et à échoir

— condamné A B à payer à C D la somme de 5 273,60 euros en remboursement des travaux réalisés, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 26 février 2016

— ordonné la capitalisation des intérêts de retard

— débouté le locataire de ses demandes indemnitaires

— condamné A B à payer à C D la somme de 2 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile et mis à sa charge les entiers dépens de l’instance avec distraction au profit de son conseil, Me Decharme.

A B a interjeté appel total de cette décision le 20 juillet 2016.

Aux termes de ses conclusions notifiées le 12 juin 2017, A B demande à la cour de réformer la décision en toutes ses dispositions et en conséquence, à titre principal :

— de dire que la rupture du contrat de bail est aux torts du propriétaire

— de condamner C D à lui verser la somme de 30 000 € à titre de dommages-intérêts,

— en tout état de cause, de débouter l’intimée de sa demande relative des travaux engagés à hauteur de 5 273,60 euros et de lui allouer la somme de 1 500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

À titre subsidiaire, si la cour ne fait pas droit à sa demande de résiliation du bail aux torts de la bailleresse, il demande de la condamner à lui verser une indemnité correspondant au montant des loyers pour la période d’août 2015 (date de la lettre de mise en demeure) à décembre 2015 (date de la fin des travaux engagés par la propriétaire) à hauteur de 5 742,94 euros et de dire que cette somme viendra en compensation avec les loyers d’avril, mai et juin 2016 qui sont impayés.

Il soutient pour l’essentiel que la rupture du bail est imputable au bailleur qui a manqué à ses obligations légales puisque la sécurité des lieux donnés à bail était gravement compromise par les désordres affectant l’immeuble et qu’à tout le moins, il ne pouvait assurer l’exploitation normale de la partie commerciale recevant du public ni utiliser en toute sécurité, la partie habitation du local.

Il explique que les travaux mis en 'uvre par la propriétaire en décembre 2015 et janvier 2016 étaient insuffisants pour rendre les lieux loués conformes à l’usage auquel ils sont destinés ainsi qu’il résulte du rapport SOCOTEC du 11 janvier 2016 et du constat d’huissier du 13 avril 2016, et qu’il a été contraint de cesser partiellement son activité en arrêtant les animations et les spectacles organisés à l’intérieur de l’établissement, son assureur, la compagnie MUDETAF, menaçant de suspendre sa garantie.

Il réclame une somme de 30 000 € en réparation du préjudice subi du fait de la perte des investissements réalisés depuis son entrée dans les lieux par le comportement fautif du bailleur.

En tout état de cause, il s’oppose à la prise en charge des travaux réclamés dès lors que la clause

contractuelle mettant à sa charge les grosses réparations de l’article 606 doit s’interpréter de façon restrictive et ne peut, du fait de son caractère général, avoir pour effet de lui faire supporter les travaux de sécurisation de l’immeuble.

C D a conclu le 23 juin 2017 à la confirmation du jugement en toutes ses dispositions et au rejet des demandes adverses. Elle sollicite la somme de 5 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi que la condamnation de l’appelant aux entiers dépens de l’instance avec distraction au profit de son conseil.

Elle demande de dire que le congé délivré par le preneur produira effet au 31 décembre 2016, de constater que le preneur n’a jamais sollicité la résiliation judiciaire du bail et s’est contenté de donner congé sans payer les loyers, qu’au regard de l’obligation de loyauté qui lui incombe, il ne peut lui faire reproche de n’avoir pas exécuté les travaux pour des désordres qu’elle ignorait puisqu’il s’est abstenu de lui signaler ceux qui sont survenus depuis son entrée dans les lieux.

La bailleresse prétend que le preneur n’a, contrairement à ce qu’il affirme, jamais cessé l’exploitation de son commerce et qu’en tout état de cause, il doit être débouté de sa demande de résiliation du bail aux torts du propriétaire ainsi que de sa demande de dommages et intérêts.

En ce qui concerne le remboursement des travaux, elle considère que ces travaux incombent au preneur conformément à la clause contractuelle qui met à la charge du preneur toutes les réparations y compris les grosses réparations de l’article 606 du Code civil dès lors qu’ils ne constituent pas une réfection totale de l’immeuble, qu’ils n’ont pas été rendus nécessaires par un vice caché affectant la structure de l’immeuble ni un manquement de sa part à son obligation de délivrance.

Il y a lieu de se reporter expressément aux conclusions susvisées pour plus ample informé sur les faits de la cause, moyens et prétentions des parties, conformément à l’article 455 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture est en date du 15 janvier 2018.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la rupture des relations contractuelles :

Au cours de la tacite prolongation, le preneur à bail commercial peut mettre fin au contrat à tout moment en donnant congé dans les conditions et délais prévus par l’article L 145-9 du code de commerce.

Il peut également solliciter la résiliation judiciaire du bail pour manquement du cocontractant à ses obligations, dans les conditions du droit commun. Dans ce cas, le bail prend fin à la date à laquelle la résiliation est prononcée, un préavis n’est pas nécessaire et le locataire sortant peut réclamer l’indemnisation des préjudices occasionnés par les manquements qu’il impute au bailleur.

A B a donné congé, par acte extra-judiciaire du 12 avril 2016, conformément au statut des baux commerciaux avec un délai de préavis de six mois. Toutefois il a ajouté la mention suivante : «par les présentes, le preneur dénonce le bail aux torts exclusifs du bailleur avec un préavis de six mois sans que ce dernier ne puisse exiger dans ce délai le paiement d’aucun loyer du fait du caractère inutilisable des locaux, suite aux manquements et négligences graves dont il a fait preuve».

Cette mention ne peut produire aucun effet faute pour lui d’avoir saisi la juridiction compétente pour obtenir la résiliation judiciaire du bail ou la suspension du paiement des loyers.

Par contre le congé délivré par le preneur à bail commercial a produit son plein effet et le contrat liant les parties a pris fin à l’issue du délai de préavis, pour le dernier jour du trimestre civil suivant.

En cause d’appel A B ne peut demander de requalifier la rupture du contrat en résiliation judiciaire imputable au bailleur puisque le contrat a pris fin par l’effet du congé depuis le

31 décembre 2016.

Faute pour lui d’avoir agi sur le fondement du droit commun, il ne peut non plus solliciter de dédommagement pour les investissements réalisés dans les locaux depuis sa prise de possession lesquels demeurent acquis au bailleur en vertu des clauses contractuelles.

En conséquence, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a dit qu’il était tenu d’exécuter ses engagements contractuels jusqu’à l’issue du préavis.

Sur le manquement du bailleur à son obligation de délivrance :

Pour s’opposer au paiement des sommes qui lui sont réclamées au titre des loyers impayés, le preneur soulève l’exception d’inexécution en faisant valoir que le bailleur n’a pas satisfait à son obligation de lui assurer une jouissance paisible des lieux entre le mois d’août 2015, date à laquelle il lui a signifié une mise en demeure d’exécuter les travaux, et le mois de décembre 2015.

Il demande de condamner le bailleur à lui payer la somme de 5 742,94 euros et d’opérer une compensation avec les loyers d’avril, mai et juin 2016 qui sont impayés.

Il sera observé qu’après avoir été mise en demeure par lettre recommandée du 19 août 2015 d’exécuter des travaux sur la poutre maîtresse de la cave soutenant le plancher du bar et avoir été sommée par la mairie de Lafrançaise le 5 novembre 2015 de les réaliser dans un délai de deux mois sous peine d’ouverture d’une procédure d’arrêté de péril imminent, la bailleresse a fait procéder à des réparations courant décembre 2015 et janvier 2016.

Ces travaux ont consisté à mettre en place des pièges anti-termites, à réaliser un sommier en béton armé au sous-sol et à installer une poutre IPE et des cales pour sécuriser le plancher affecté par les termites.

Bien que l’expert mandaté par la commune, Monsieur Z qui est intervenu le 24 novembre 2015 et l’entreprise de travaux «Charpente d’antan» se soient accordés pour considérer qu’il n’y avait pas nécessité d’une intervention immédiate et que l’activité commerciale du café pouvait être maintenue, sous réserve que l’exploitant surveille l’apparition de fissures dans le carrelage, le preneur a fait intervenir la société de contrôle technique SOCOTEC qui a procédé à des investigations plus poussées et a établi un rapport le 11 janvier 2016 qui est alarmant.

En effet, la société SOCOTEC indique :

— que le plancher bas du rez-de-chaussée est largement sous dimensionné au regard de l’exploitation de l’établissement et que les risques d’effondrement sont possibles dans le cas d’un chargement extrême du plancher (plus de deux personnes au mètre carré)

— qu’il est urgent de prévoir un renforcement généralisé du plancher bas, les travaux réalisés étant inopérants car les portiques métalliques sont à peine calés sous le plancher existant

— que les caractéristiques du plancher bas du premier étage sont en totale inadéquation avec l’usage prévu car il est trop fragile pour un logement ou tout autre activité

— que les éléments de structure de la mezzanine ainsi que les panneaux en bois massif de la charpente de couverture présentent des désordres importants nécessitant leur dépose et la mise en 'uvre d’un renforcement adapté

— que l’établissement ne présente pas des garanties requises en matière de solidité et de sécurité incendie au regard de la réglementation en vigueur.

Le 13 avril 2016, le preneur a fait intervenir un huissier de justice pour constater que le plafond du bureau situé à l’étage s’était partiellement effondré et que le reste menaçait ruine.

Enfin la compagnie Mudetaf a enjoint à son assuré, Monsieur A B, de limiter ses

activités à la vente de tabac et de ne plus proposer d’animations (soirées sportives…).

Dès lors il y a lieu d’en conclure que malgré la réalisation des travaux par le bailleur, le preneur ne pouvait jouir des locaux conformément à leur destination puisqu’il ne pouvait effectuer aucune animation en soirée ni recevoir des groupes et que son assureur menaçait de ne plus le garantir.

Compte tenu des attestations produites aux débats qui révèlent que seule l’activité de vente de tabacs et de bar en extérieur subsistait, il y a lieu de fixer son préjudice à 50 % du montant du loyer dont il est redevable pour une période de cinq mois, cette somme étant à compenser avec les sommes qu’il reste devoir au titre des loyers impayés.

Sur les travaux de l’article 606 du Code civil :

Le bail met à la charge du preneur les travaux prévus par l’article 606 du Code civil sans préciser la liste des travaux susceptibles de lui incomber.

La clause rédigée en des termes généraux et qui n’énumère pas la liste des grosses réparations incombant au preneur ne peut recevoir application.

En effet le bailleur ne peut se décharger totalement de son obligation de délivrance et il lui incombe, nonobstant toute clause contraire, de procéder aux travaux rendus nécessaires par les vices affectant la structure de l’immeuble donné à bail.

En l’espèce il ne peut être sérieusement contesté que les travaux réalisés par la bailleresse sont insuffisants pour assurer la solidité et la pérennité de l’immeuble qui est en l’état impropre tant à un usage d’établissement recevant du public qu’à un logement d’habitation.

Dès lors les travaux de réfection partielle réalisés courant décembre 2015 et janvier 2016 ne peuvent être mis à la charge du preneur en vertu des clauses contractuelles alors que le bailleur n’a pas satisfait à son obligation de mettre à sa disposition un local conforme à sa destination et aux activités autorisées par le bail.

En conséquence il y a lieu de débouter C D de ses réclamations et d’infirmer le jugement de première instance de ce chef.

Sur les autres demandes :

Compte tenu des circonstances de l’espèce, il n’apparaît pas inéquitable de laisser à la charge des parties les frais irrépétibles qu’elles ont exposés pour assurer leur représentation en justice.

Les dépens seront partagés par moitié entre les parties.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Infirme partiellement le jugement du tribunal de Grande instance de Montauban en date du 7 juillet 2016 sur la prise en charge des travaux de réfection et la dispense de loyers,

Et statuant à nouveau des chefs réformés,

Déboute C D de sa demande tendant à voir condamner Monsieur A B à lui rembourser la somme de 5 273,60 euros au titre des travaux qu’elle a fait réaliser courant décembre 2015 et janvier 2016,

Dispense Monsieur A B du paiement de la moitié des loyers dont il est redevable pour une durée de cinq mois, en raison de l’impossibilité d’exploiter les lieux conformément à leur destination,

Dit que ces sommes seront à compenser avec le montant des loyers dont il reste redevable,

Confirme le jugement pour le surplus,

Déboute les parties de leurs demandes contraires ou plus amples,

Dit n’y avoir lieu application de l’article 700 du code de procédure civile,

Partage par moitié les dépens avec distraction au profit des avocats constitués.

Le greffier Le président

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