Cour d'appel de Toulouse, 1ere chambre section 1, 23 décembre 2019, n° 17/04848

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Toulouse, 1re ch. sect. 1, 23 déc. 2019, n° 17/04848
Juridiction : Cour d'appel de Toulouse
Numéro(s) : 17/04848
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Toulouse, 5 juillet 2017, N° 15/04499
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

23/12/2019

ARRÊT N°599

N° RG 17/04848 – N° Portalis DBVI-V-B7B-L4FV

AA/CD

Décision déférée du 06 Juillet 2017 – Tribunal de Grande Instance de TOULOUSE ( 15/04499)

Mme X

C D-B

C/

E F Y

CPAM DE L’AUDE

INFIRMATION

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

1re Chambre Section 1

***

ARRÊT DU VINGT TROIS DECEMBRE DEUX MILLE DIX NEUF

***

APPELANTE

Madame C D-B

[…]

[…]

Représentée par Me Raymond LABRY, avocat postulant au barreau de TOULOUSE et par Me C a r o l e G O U R L I N – A B D E L D J E L I L d e l a S E L A R L C A B I N E T D ' A V O C A T S

GOURLIN-ABDELDJELIL GRANGE TRILL, avocat plaidant au barreau de CARCASSONNE

INTIMES

Monsieur E F Y

[…]

[…]

Représenté par Me Georges DAUMAS de la SCP DAUMAS GEORGES, avocat au barreau de TOULOUSE

CPAM DE L’AUDE

[…]

[…]

sans avocat constitué

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 08 Octobre 2019, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant A. ARRIUDARRE, vice président placé chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

S. BLUME, président

J-H. DESFONTAINE, conseiller

A. ARRIUDARRE, vice président placé

Greffier, lors des débats : J. BARBANCE-DURAND

ARRET :

— réputé contradictoire

— prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

— signé par S. BLUME, président, et par C. PREVOT, greffier de chambre

EXPOSE DU LITIGE

Mme D-B, âgée de 61 ans, a décidé de faire procéder à une intervention chirurgicale esthétique au niveau des paupières supérieures et inférieures afin de retirer les poches qui se créaient sous ses yeux.

Elle a contacté pour ce faire le Dr Y, chirurgien esthétique, qui a procédé à l’intervention de blépharoplastie le 27 juin 2011 par acte chirurgical ambulatoire réalisé sous anesthésie locale.

Mme D-B, insatisfaite du résultat, est retournée voir le Dr Y qui lui a proposé une reprise de la blépharoplastie de la paupière inférieure de l’oeil droit sous anesthésie locale.

Un ectropion cicatriciel de la paupière inférieure droite est apparu à la suite de cette intervention réalisée au centre esthétique Carnot le 14 septembre 2012.

Le Dr Y a adressé Mme D-B au Dr Z, ophtalmologiste, en vue d’une reprise chirurgicale qui s’est déroulée les 26 mars et 9 octobre 2013 à la polyclinique du Parc sans succès.

Elle a alors consulté le Dr A, lequel l’a opérée le 3 octobre 2014 en pratiquant un repositionnement du bord libre de la paupière par une canthopexie externe et une tarsorraphie externe a minima sur 3 millimètres. Elle a par la suite été prise en charge par des kinésithérapeutes aux fins de manoeuvres visant à assouplir la cicatrice.

Mme D-B a fait assigner les docteurs Y, Z et A ainsi que la Caisse Primaire d’Assurance Maladie (Cpam) de l’Aude devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Toulouse aux fins de désignation d’un expert, demande à laquelle il a été fait droit par ordonnance en date du 27 mai 2015.

L’expert, le Professeur ARNE, a déposé son rapport le 31 août 2015. Il a conclu que l’origine de la complication consistant en un ectropion n’apparaît pas comme fautive de la part du chirurgien mais est sans doute la conséquence du fait que plusieurs interventions esthétiques avaient déjà été pratiquées sur le visage de Mme D-B et notamment sur ses paupières, modifiant les conditions cicatricielles. Il a ajouté que les tentatives de correction de l’ectropion correspondent à des techniques conformes à ce qui devait être réalisé mais que les résultats ont pu être perturbés par les phénomènes cicatriciels.

Par actes d’huissier de justice en date des 3 et 4 décembre 2015, Mme D-B a fait assigner le Dr Y et la Cpam de l’Aude devant le tribunal de grande instance de Toulouse aux fins de le voir condamner à la réparation de ses préjudices au titre d’un manquement à son obligation d’information et de conseil sur les éventuelles suites opératoires.

Par jugement réputé contradictoire en date du 6 juillet 2017, le tribunal a :

— débouté Mme D-B de ses demandes à l’encontre de M. Y,

— dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ni à exécution provisoire,

— condamné Mme D-B aux dépens comprenant les frais d’expertise.

Pour ce faire, le tribunal a rappelé que Mme D-B ne formulait de griefs que contre la seconde intervention de reprise réalisée le 14 septembre 2012 à l’issue de laquelle l’ectropion est apparu, qu’elle a reçu toutes les informations nécessaires dès la première intervention de même nature réalisée le 27 juin 2011, que si le délai de réflexion de 15 jours entre le devis qui lui a été remis et l’intervention n’a pas été respecté, elle n’a subi aucune perte de chance de ne pas procéder à cette nouvelle intervention puisqu’elle avait déjà subi une intervention identique ainsi que d’autres opérations à visée esthétique et qu’elle a fait réaliser 3 autres interventions à la suite de celle du 14 septembre 2012 pour tenter d’obtenir le résultat escompté.

Mme D-B a interjeté appel à l’encontre de tous les chefs du jugement par déclaration en date du 6 octobre 2017.

DEMANDES DES PARTIES

Dans ses dernières écritures transmises par voie électronique le 5 janvier 2018, Mme D-B, appelante, demande à la cour de :

— juger que le Dr Y a manqué à son obligation d’information ;

— juger que la responsabilité civile du Dr Y est engagée ;

— en conséquence, condamner le Dr Y à lui payer la somme de 15.000 euros au titre de la perte de chance de ne pas procéder à cette intervention ;

— condamner le Dr Y à lui payer la somme de 15.000 euros sur le fondement de l’état d’ignorance dans lequel elle a été plongée de son fait ;

— condamner le Dr Y à lui payer une somme totale de 22.580 euros en réparation des préjudices subis du fait des séquelles résultant de son intervention se décomposant comme suit :

— Dépenses de santé (outre les débours Cpam) : 465 euros

— Dépenses de santé futures : à réserver

— Déficit fonctionnel temporaire (total et partiel) : 115 euros

— Souffrances endurées : 7.000 euros

— AIPP 3 % : 4.000 euros

— Préjudice esthétique permanent : 4.000 euros

— Préjudice d’agrément : 3.000 euros

— Préjudice sexuel : 4.000 euros

— statuer ce que de droit sur le relevé de débours de la Cpam ;

— condamner le Dr Y à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile concernant les frais engagés pour la procédure de première instance ;

— condamner le Dr Y à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile concernant les frais engagés pour la présente procédure en appel ainsi qu’aux entiers dépens d’instance et d’appel.

Elle soutient que le Dr Y a manqué à son obligation de conseil relative à l’opération du 14 septembre 2012, que l’information qui devait lui être délivrée devait être spécifique en raison des différentes opérations de chirurgie esthétique qu’elle avait déjà réalisées et dont il avait connaissance, qu’elle n’a jamais été informée des risques particuliers et prévisibles liés aux précédentes opérations qu’elle avait déjà subies alors que l’expertise a mis en évidence le lien existant entre ces opérations antérieures et la complication survenue, qu’il ne démontre pas l’avoir informée sur ce risque de complication alors que la charge de la preuve pèse sur lui et qu’il n’a pas respecté le délai minimal de 15 jours imposé entre la remise du devis et l’acte de chirurgie esthétique. Elle précise qu’il ne peut pas lui être reproché d’avoir subi plusieurs interventions par la suite afin de faire disparaître l’ectropion alors qu’elle était défigurée et souligne qu’elle n’en aurait pas eu besoin si elle avait été correctement informée.

Elle fait valoir qu’elle doit être indemnisée au titre d’une perte de chance d’échapper aux conséquences de l’opération à hauteur de 15.000 euros alors que le défaut d’information est à l’origine de son préjudice. Elle sollicite également la même somme au titre de l’état d’ignorance dans lequel elle s’est trouvée en raison du défaut d’information alors qu’elle a dû affronter plusieurs interventions à des fins réparatrices, des douleurs et des répercussions sur sa vie personnelle, et notamment une rupture sentimentale, ainsi que la réparation de son préjudice corporel.

Dans ses dernières écritures transmises par voie électronique le 19 février 2018, M. Y, intimé, demande à la cour, au visa des articles L 1111-2 et L 1142-1 du code de la santé publique, de :

— dire qu’aucun manquement ne saurait lui être reproché, ayant parfaitement satisfait à son devoir

d’information ;

— démettre en conséquence Mme D-B des fins de son appel à l’encontre du jugement ;

— confirmer le jugement ;

— condamner Mme D-B à lui payer une indemnité de 2.000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

Il rappelle que Mme D-B a initialement fondé son action sur une faute de sa part qui n’a pas été démontrée par l’expertise avant de lui reprocher un manquement à son obligation d’information alors qu’elle n’a jamais contesté, durant les opérations d’expertise, avoir reçu une information au cours d’un entretien individuel ainsi que des fiches d’informations qu’elle a signées. Il souligne qu’elle l’a consulté en toute connaissance de cause, ayant déjà subi de multiples interventions esthétiques et que la perte de chance de refuser l’intervention en cause n’est pas démontrée.

La Caisse Primaire d’Assurance Maladie de l’Aude, assignée par acte du 23 novembre 2017 remis à personne habilitée, contenant dénonce de la déclaration d’appel et à laquelle l’appelante a signifié ses conclusions, par acte du 18 janvier 2018 signifié à personne habilitée, n’a pas constitué avocat.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 24 septembre 2019.

L’affaire a été examinée à l’audience du 8 octobre 2019.

MOTIFS :

Conformément à l’article L 1111-2 du code de la santé publique, il incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables d’informer son patient, sauf urgence ou impossibilité, sur son état de santé, sur les différentes investigations, traitements ou actions de préventions proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu’ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus ; en cas de litige, il appartient au professionnel de santé de rapporter la preuve par tout moyen que cette information a été délivrée.

Cette obligation d’information imposée à tout professionnel de santé est renforcée pour toute prestation de chirurgie esthétique par l’article L 6322-2 du même code qui dispose que la personne concernée doit être informée par le praticien responsable des conditions de l’intervention, des risques et des éventuelles conséquences et complications. Cette information est accompagnée de la remise d’un devis détaillé. Un délai minimum doit être respecté par le praticien entre la remise de ce devis et l’intervention éventuelle. Pendant cette période, il ne peut être exigé ou obtenu de la personne concernée une contrepartie quelconque ni aucun engagement à l’exception des honoraires afférents aux consultations préalables à l’intervention.

Le défaut d’information sur les risques, éventuelles conséquences et complications d’une opération de chirurgie esthétique ayant fait perdre au patient une chance, en refusant que l’acte soit pratiqué, d’éviter le dommage résultant de la réalisation de l’un de ces risques ouvre droit à réparation à la mesure de la chance perdue, correspondant à une fraction des différents chefs de préjudices corporels subis et ne peut être égale aux atteintes corporelles résultant de l’acte médical.

En outre, le non-respect, par un professionnel de santé, de son devoir d’information sur les risques fréquents ou graves normalement prévisibles que comportait un acte individuel de prévention, de diagnostic ou de soins, auquel il a eu recours fautivement ou non, cause à celui auquel l’information était due, lorsque l’un de ces risques s’est réalisé, un préjudice moral distinct des atteintes corporelles subies résultant d’un défaut de préparation à l’éventualité que ce risque survienne.

Aucune faute n’est ici reprochée au Dr Y, l’expert ayant indiqué que l’origine de

l’ectropion n’était pas fautive de la part du chirurgien mais résultait sans doute de la pratique de plusieurs interventions esthétiques sur le visage de Mme D-B, notamment sur ses paupières, et d’une modification des conditions cicatricielles.

Le Dr Y n’établit pas avoir respecté son obligation d’information concernant l’opération de reprise qu’il a pratiquée sur Mme D-B le 14 septembre 2012. S’il ressort de l’interrogatoire de cette dernière, repris dans le cadre de l’expertise judiciaire, que des fiches d’informations lui ont été délivrées et ont été signées par elle avant la première blépharoplastie pratiquée le 27 juin 2011, sans qu’elles n’aient été produites, puis que de nouvelles fiches d’informations lui ont été remises par le Dr Z avant les opérations postérieures du 26 mars et 9 octobre 2013, aucune fiche ne lui a été délivrée avant l’opération du 14 septembre 2012.

La mention insérée dans le devis du 4 septembre 2012, qui a été remis à Mme D-B puisque seule cette dernière le produit aux débats, selon laquelle 'vous avez été informé à la consultation des modalités, des contraintes, des suites et des complications éventuelles de ce type d’intervention' est trop générale et ne permet pas de considérer qu’elle a reçu une information loyale et complète dans un contexte d’une opération qualifiée de 'reprise' qui intervenait à peine un peu plus d’un an après une précédente blépharoplastie alors que la patiente avait déjà subi 7 opérations de chirurgie esthétique dont la moitié portait sur le visage et devait bénéficier d’une information précise relative aux éventuelles complications pouvant résulter d’une nouvelle intervention à visée esthétique sur son visage, étant par ailleurs observé qu’elle n’a pas signé ce devis et n’a donc pas attesté de l’information qui lui a été délivrée. L’expert a ainsi noté à ce titre qu’il existait un 'état antérieur résultant de multiples interventions de chirurgie esthétique précédentes. Déjà sur les clichés avant l’intervention, on peut noter que la fente palpébrale du côté droit était plus large que du côté gauche (oeil 'rond').'

Le Dr Y n’a pas davantage respecté le délai minimal de 15 jours imposé par les dispositions précitées entre la date de remise du devis le 4 septembre 2012 et la réalisation de l’intervention chirurgicale le 14 septembre 2012, ne permettant pas à Mme D-B de bénéficier d’un délai de réflexion approprié.

Le défaut d’information est donc constitutif d’une faute imputable au Dr Y. Reste à rechercher quels effets aurait pu avoir une information exhaustive sur le consentement de Mme D-B pour déterminer la perte de chance qu’elle a subie.

Le fait que Mme D-B ait subi 7 opérations de chirurgie esthétique avant celle réalisée le 14 septembre 2012 ne suffit pas à considérer qu’elle aurait, même bien informée sur l’intégralité des éventuelles complications pouvant survenir, consenti à réaliser cette nouvelle intervention, de sorte qu’elle n’aurait perdu aucune chance de refuser l’acte chirurgical comme soutenu par le Dr Y, alors que ce nombre d’interventions démontre au contraire qu’elle était particulièrement attentive à son apparence physique et que la potentielle réalisation du risque de complication consistant en l’apparition d’un ectropion était de nature à la dissuader, au moins en partie, de réaliser cette opération de reprise. De la même façon, les trois opérations qu’elle a postérieurement subies ne permettent pas davantage d’affirmer qu’elle aurait, malgré la délivrance d’une information complète et précise, accepté l’opération de reprise, ces nouvelles interventions n’ayant eu pour objectif que de rectifier l’ectropion qui était apparu et ce malgré les inconvénients et risques de cette nouvelle chirurgie qui lui avaient été expliqués par le Dr A.

Ces données doivent conduire à évaluer sa perte de chance d’avoir pu, correctement et totalement informée, raisonnablement refuser cette intervention chirurgicale de reprise à 15 %.

Mme D-B a également subi un préjudice moral, distinct des atteintes corporelles subies résultant d’un défaut de préparation à l’éventualité que le risque d’apparition d’un ectropion survienne alors qu’elle était particulièrement attentive à son apparence physique et que cet ectropion a eu des incidences tant sur sa vie sociale qu’affective selon les attestations produites.

Le jugement ayant débouté Mme D-B de l’ensemble de ses demandes doit donc être infirmé.

Sur l’indemnisation :

Le préjudice moral résultant d’un défaut de préparation subi par Mme D-B doit être fixé à 5.000 euros compte tenu particulièrement de l’isolement dans lequel celle-ci s’est enfermée à la suite de l’apparition de l’ectropion et de la rupture sentimentale qui s’en est suivie.

L’expert a considéré que la consolidation était acquise au 3 avril 2015.

Il a conclu à :

— un déficit fonctionnel total de 5 jours, soit le 14/09/2012, le 26/03/2013, les 9 et 10/10/2013 et le 3/10/2014,

— des souffrances physiques de 1/7 et des souffrances psychiques et morales de 2,5/7,

— un déficit fonctionnel permanent de 3 %,

— un préjudice esthétique de 2,5/7.

Il a précisé qu’il n’y avait pas de préjudice sexuel ni d’impossibilité de réaliser une quelconque activité.

Son rapport constitue une base valable d’évaluation du préjudice corporel subi à déterminer au vu des diverses pièces justificatives produites, de l’âge de la victime (née le […]), de son activité (retraitée) de la date de consolidation, afin d’assurer sa réparation intégrale et en tenant compte, conformément aux articles 29 et 31 de la loi du 5 juillet 1985 applicable quel que soit l’événement dommageable, de ce que le recours subrogatoire des tiers payeurs s’exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu’ils ont pris en charge, à l’exclusion de ceux à caractère personnel sauf s’ils ont effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un tel chef de dommage.

Préjudices patrimoniaux :

temporaires (avant consolidation)

—  Dépenses de santé actuelles 465 euros

Ce poste est constitué des frais d’hospitalisation, frais médicaux et pharmaceutiques, frais de transport, massages, actes de radiologie et divers pris en charge par la Caisse Primaire d’Assurance Maladie, qui n’a pas constitué avocat.

Relève également de ce poste le dépassement d’honoraires relatif aux interventions du Dr Z (395 euros) et du Dr A (70 euros) restés à la charge de Mme D-B pour un montant total de 465 euros.

Eu égard à la limitation du droit à indemnisation de la victime, il n’est réparable par le Dr Y qu’à hauteur de 15 %, soit 69,75 euros.

Préjudices patrimoniaux permanents : néant.

Préjudices extra-patrimoniaux :

temporaires (avant consolidation)

—  Déficit fonctionnel temporaire 115 euros

Ce poste inclut la perte de la qualité de la vie et des joies usuelles de l’existence, le préjudice d’agrément et le préjudice sexuel pendant l’incapacité temporaire.

Il doit être réparé sur la base de 23 euros par jour, comme sollicité, eu égard à la nature des troubles et de la gêne subie soit 115 euros pendant la période d’incapacité totale de 5 jours constituée par les différentes dates des interventions chirurgicales pratiquées, pour la plupart, en ambulatoire.

En application du taux de perte de chance de 15 % fixé, la somme revenant à Mme D-B est de 17,25 euros.

—  Souffrances endurées 4 000 euros

Ce poste prend en considération les souffrances physiques et psychiques et les troubles associés supportés par la victime en raison notamment des incidences de l’ectropion pour Mme D-B qui a généré un fond dépressif relevé par l’expert, traité par son médecin traitant selon attestation établie le 5 décembre 2014 et a nécessité des soins de kinésithérapie pour assouplir les tissus cicatriciels ; évalué à 1/7 au titre des souffrances physiques et 2,5/7 au titre des souffrances psychiques par l’expert, il justifie l’octroi d’une indemnité de 4.000 euros.

La part revenant à Mme D-B, au titre de la perte de chance, est de 600 euros

permanents (après consolidation)

—  Déficit fonctionnel permanent 3 300 euros

Ce poste de dommage vise à indemniser la réduction définitive du potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel résultant de l’atteinte anatomo-physiologique à laquelle s’ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques et notamment le préjudice moral et les troubles dans les conditions d’existence (personnelles, familiales et sociales).

Il est caractérisé par une très discrète opalescence cristallienne du segment antérieur côté droit, une photophobie et la présence d’un ectropion de la paupière inférieure droite, ce qui conduit à un taux de 3 % justifiant une indemnité de 3.300 euros pour une femme âgée de 65 ans à la consolidation.

Eu égard à la limitation du droit à indemnisation de Mme D-B, ce poste de préjudice n’est réparable par le Dr Y qu’à hauteur de 495 euros

—  Préjudice esthétique 3.000 euros

Ce poste de dommage cherche à réparer les atteintes physiques et plus généralement les éléments de nature à altérer l’apparence physique.

Qualifié de 2,5/7 au titre de la présence d’un ectropion sur la paupière inférieure droite, il doit être indemnisé à hauteur de 3 000 euros, la part revenant à Mme D-B étant de 450 euros.

—  Préjudice d’agrément 1.000 euros

Ce poste de dommage vise exclusivement l’impossibilité ou la difficulté pour la victime à poursuivre la pratique d’une activité spécifique sportive ou de loisir. L’expert n’a pas noté d’impossibilité de poursuivre la pratique de la danse pour Mme D-B. Toutefois, il a relevé que cette dernière ne souhaitait plus pratiquer cette activité, y compris en qualité d’enseignante bénévole, pour ne pas avoir à montrer son visage, ce qui est corroboré par les attestations qu’elle produit et justifie l’octroi d’une somme de 1.000 euros, la part revenant à Mme D-B étant de 150 euros.

— Préjudice sexuel /

Ce poste répare les préjudices touchant la sphère sexuelle comprenant le préjudice morphologique (atteintes aux organes sexuels), le préjudice lié à l’acte sexuel lui-même (perte de la libido, de la capacité à réaliser l’acte ou à accéder au plaisir) et l’impossibilité ou difficulté à procréer.

Mme D-B n’allègue aucun préjudice de cet ordre, la rupture sentimentale qu’elle évoque n’entrant pas dans ce poste de préjudice.

Le préjudice corporel global subi par Mme D-B s’établit ainsi à la somme de 11.880 euros, soit, après application du taux de perte de chance de 15 %, une somme de 1.782 euros que M. E-F Y doit être condamné à lui payer à titre de dommages et intérêts, outre intérêts légaux à compter du présent arrêt en application des dispositions de l’article 1153-1 devenu 1231-7 du code civil.

Sur les demandes annexes :

Le Dr Y, partie perdante, doit supporter la charge des dépens de première instance, comprenant les frais d’expertise, et d’appel, les dispositions du jugement relatives aux frais irrépétibles et aux dépens devant être infirmées.

L’équité et les circonstances de la cause commandent qu’il soit condamné à lui verser la somme globale de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile sans pouvoir prétendre au bénéfice de ces dispositions.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Infirme le jugement en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit que M. E-F Y engage sa responsabilité civile à l’égard de Mme C D-B, pour défaut d’information,

Fixe à 15 % la perte de chance subie par celle-ci,

Condamne M. E-F Y à payer à Mme C D-B la somme de :

—  5.000 euros au titre de son préjudice résultant d’un défaut de préparation,

—  1.782 euros en réparation de son préjudice corporel,

—  3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Le déboute de sa propre demande fondée sur ces dispositions,

Condamne M. E-F Y aux dépens de première instance, comprenant les frais d’expertise, et d’appel.

Le greffier Le président

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