Cour d'appel de Versailles, 1ère chambre 1ère section, 28 octobre 2010, n° 09/07233

  • Monaco·
  • Éditeur·
  • Édition·
  • Automobile·
  • Sociétés·
  • Cession·
  • Droits d'auteur·
  • Prix·
  • Droit de reproduction·
  • Auteur

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 1re ch. 1re sect., 28 oct. 2010, n° 09/07233
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro(s) : 09/07233
Décision précédente : Tribunal de commerce de Nanterre, 28 juin 2007, N° 04/F01358
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 79A

1re chambre

1re section

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 28 OCTOBRE 2010

R.G. N° 09/07233

AFFAIRE :

XXX

C/

SOCIETE MAEGHT EDITEUR

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 29 Juin 2007 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° chambre : 2

N° Section :

N° RG : 04/F01358

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

— Me BINOCHE

— SCP LISSARRAGUE DUPUIS BOCCON GIBOD

— Me RICARD

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE VINGT HUIT OCTOBRE DEUX MILLE DIX,

La cour d’appel de VERSAILLES, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

XXX

société par actions simplifiée ayant son siège social XXX – XXX agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

représentée par Me Jean-Pierre BINOCHE – N° du dossier 07/618

rep/assistant : Me Sophie BOUCHARD (avocat au barreau de DIJON)

APPELANTE

****************

SOCIETE MAEGHT EDITEUR

société par actions simplifiée ayant son siège XXX prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

représentée par la SCP LISSARRAGUE DUPUIS BOCCON GIBOD – N° du dossier 0744750

rep/assistant : Me ANDRE (avocat au barreau de PARIS)

XXX

société de droit monégasque ayant son siège XXX prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

représentée par Me Claire RICARD – N° du dossier 270689

Rep/assistant : la SCP SMILEVITCH, MILCHIOR représentée par Me MILCHIOR (avocat au barreau de PARIS)

INTIMEES

****************

Composition de la cour :

L’affaire a été débattue à l’audience publique du 30 Septembre 2010, Madame Bernadette WALLON, président, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Madame Bernadette WALLON, président,

Madame Evelyne LOUYS, conseiller,

Madame Dominique LONNE, conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie RENOULT

Entre 1933 et 1948, C Y, artiste peintre connu sous le pseudonyme de G H , a réalisé des affiches publicitaires pour la société de droit monégasque Automobile Club de Monaco (qui sera ci-après désignée ACM) pour le grand prix de Monaco.

C Y est décédé le XXX.

A partir de 1982, la société Maeght Editeur a réédité avec l’accord de l’Automobile Club de Monaco les affiches des grands prix de Monaco dont celles réalisées par C Y.

Par contrat de cession de droits d’auteur conclu le 29 avril 2002, enregistré le 1er juillet 2002 à XXX, bordereau 560/3, T-A Z agissant en qualité de tuteur de Mme E Z veuve Y a cédé à la société Editions Clouet 'les droits patrimoniaux de reproduction de l’ensemble des affiches publicitaires réalisées de son vivant par M. C Y et plus spécialement les trois affiches annexées au présent contrat et dénommées :

— Motobécane

XXX

— Yacco-Rallye Monte-Carlo 1959".

Il est stipulé :

— que 'la cession des droits patrimoniaux de reproduction englobe les droits d’exploitation et de représentation en direct ou par l’intermédiaire de concessionnaires',

— que l’exclusivité sur tous pays est concédée pour les droits cédés,

— que la cession des droits d’exploitation confère le droit de reproduire l’oeuvre en question sur tous supports et notamment : support papier (affiches et cartes postales tous formats) ; support métal (plaques et cartes métal tous formats), panneaux décoratifs, CD Rom, DVD, internet,

— que la cession des droits d’auteur, de reproduction, d’exploitation et de représentation est conclu pour une durée de cinq ans à compter du 1er janvier 2002, reconductible par tacite reconduction d’année en année, moyennant une redevance de 8% sur le chiffre d’affaires hors taxes réalisé à partir des affiches publicitaires concédées et plus spécialement les trois affiches annexées à l’acte.

Par lettre recommandée du 24 juillet 2003 à laquelle était joint ce contrat de cession, la société Editions Clouet a mis en demeure la société Maeght Editeur de retirer de son catalogue 2002 douze affiches signées K H reproduites en pages 6,11,12 et 13 de ce catalogue en violation de ses droits d’exclusivité.

Par assignation du 11 mars 2004, la société Editions Clouet a assigné la société Maeght Editeur devant le tribunal de commerce de Nanterre en contrefaçon de droits d’auteur.

La société Maeght Editeur a opposé qu’elle détenait les droits de reproduction exclusifs sur les affiches litigieuses et elle a assigné en intervention forcée l’Automobile Club de Monaco afin qu’il puisse fournir toutes explications sur les droits de reproduction exclusifs sur les affiches anciennes du Grand Prix de Monaco qu’il a conférés à la société Maeght Editeur.

Par jugement du 29 juin 2007, le tribunal de commerce de Nanterre a :

— joint les instances,

— dit prescrite l’action engagée par la société Editions Clouet à l’encontre de la société Maeght Editeur,

— débouté la société Maeght Editeur de ses demandes reconventionnelles, tendant à ce que la société Editions Clouet soit condamnée sous astreinte à cesser la commercialisation et la reproduction des affiches, calendriers, cartes postales afférentes aux anciens Grands Prix de Monaco et Monte-Carlo (le tribunal a considéré que l’ACM n’était pas propriétaire des droits patrimoniaux sur les affiches réalisées par G H et n’avait donc pas pu les transmettre à la société Maeght Editeur),

— débouté la société Maeght Editeur et l’ Automobile Club de Monaco de leurs demandes en dommages- intérêts,

— condamné la société Editions Clouet à payer à la société Maeght Editeur la somme de 2.500 € et à l’ Automobile club de Monaco la somme de 5.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné la société Editions Clouet aux entiers dépens,

— reçu les parties en leurs demandes plus amples ou contraires, les dit mal fondées et les en déboutées en toutes fins qu’elles comportent.

Appelante, la société Editions Clouet, aux termes de ses conclusions signifiées le 28 juillet 2010 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens, demande à la cour de :

* confirmer le jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 29 juin 2007 en ce qu’il a validé le contrat de cession de droits d’auteur du 29 avril 2002 détenu par la société Editions Clouet,

le réformant,

* dire n’y avoir lieu à déclarer prescrite l’action en contrefaçon,

* constater que la société Maeght Editeur s’est rendue coupable de contrefaçon pour la période non prescrite du 11 mars 2001 au 31 décembre 2007,

* constater que l’Automobile Club de Monaco ne détient aucun droit d’auteur sur les affiches en question au titre soit d’une oeuvre de commande soit d’une oeuvre collective,

* faire interdiction à la société Maeght Editeur et à l’Automobile Club de Monaco de reproduire et de diffuser les affiches en cause,

* condamner solidairement la société Maeght Editeur et l’Automobile Club de Monaco à retirer du marché tous les produits contrefaisants dans un délai de trente jours à compter de la signification de l’arrêt à intervenir, sous astreinte de 2.000 € par infraction constatée,

* condamner solidairement la société Maeght Editeur et l’Automobile Club de Monaco à détruire leur stock de produits contrefaisants, sous contrôle d’huissier et à leurs frais, dans le mois de la signification de l’arrêt à intervenir,

* condamner solidairement la société Maeght Editeur et l’Automobile Club de Monaco à payer à la société Editions Clouet une somme de 40.000 €, sauf à parfaire, pour le préjudice commercial subi du fait des actes de contrefaçon,

* condamner solidairement la société Maeght Editeur et l’Automobile Club de Monaco à supporter les frais de publication par extrait de l’arrêt à intervenir, à l’initiative de la société Editions Clouet dans un quotidien, un hebdomadaire et un mensuel, pour un montant total ne pouvant dépasser 7.500 €,

* condamner solidairement la société Maeght Editeur et l’ Automobile Club de Monaco à payer à la société Editions Clouet une somme de 7.000¿ en remboursement de leurs frais irrépétibles, au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

* condamner solidairement la société Maeght Editeur et l’ Automobile Club de Monaco en tous les dépens d’instance et d’appel, avec application de l’article 699 du code de procédure civile au profit de Maître Binoche.

Vu les conclusions de la société Maeght Editeur en date du 30 juin 2010, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses moyens et par lesquelles elle demande à la cour de :

— déclarer recevable et mal fondé l’appel interjeté par la société Editions Clouet, l’en débouter,

— confirmer la décision entreprise, en ce qu’elle a dit prescrite l’action intentée par la société Editions Clouet, et l’a condamnée au paiement de sommes au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— réformer le jugement entrepris en ce qu’il a dit que l’Automobile Club de Monaco n’était pas propriétaire des droits patrimoniaux sur les affiches réalisées par G H et n’a donc pu les transmettre à la société Maeght Editeur,

statuant à nouveau de ce chef,

— déclarer irrecevables, à tout le moins mal fondées, les demandes de la société Editions Clouet, l’en débouter ,

— dire que l’ Automobile Club de Monaco détenait les droits sur les affiches en cause et pouvait librement les céder à la société Maeght Editeur,

en tout état de cause, ajoutant à la décision entreprise,

— condamner la société Editions Clouet à porter et payer à la concluante la somme de 7.000 € par application de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner la société Editions Clouet en tous les dépens avec application de l’article 699 du code de procédure civile au profit de la SCP Lissarague Dupuis Boccon Gibod.

Vu les dernières conclusions de l’Automobile Club de Monaco, société de droit monégasque, en date du 30 août 2010, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens et par lesquels il demande à la cour de :

— réformer le jugement entrepris en ce qu’il a :

' débouté l’Automobile Club de Monaco quant à sa demande concernant les droits qu’il détient sur les affiches en cause et le transfert de ces droits,

' débouté la société Automobile Club de Monaco quant à sa demande de condamnation de la société Editions Clouet pour procédure abusive,

— dire que l’Automobile Club de Monaco avait des droits sur les affiches en cause et pouvait par conséquent transférer ses droits,

subsidiairement,

— dire l’Automobile Club de Monaco est co-titulaire des droits d’auteur sur les affiches crées à l’occasion du grand prix de Monaco de 1934, 1935 et 1937 et détenait à ce titre la moitié des droits d’auteur sur celles-ci,

— dire en conséquence que la société Editions Clouet est irrecevable et, à tout le moins, mal fondée à agir contre la société Maeght Editeur,

— dire que la société Editions Clouet a engagé une procédure manifestement abusive,

— débouter la société Editions Clouet de toutes ses demandes, et ce en raison de leur caractère irrecevable et/ou non fondé,

— condamner la société Editions Clouet à payer la somme de 20.000¿ à l’Automobile Club de Monaco pour procédure abusive,

— condamner la société Editions Clouet au paiement de la somme de 14.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de la procédure de première instance et de la procédure d’appel conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 9 septembre 2010.

MOTIFS DE LA DECISION

Dans ses dernières conclusions, la société Editions Clouet reproche à la société Maeght Editeur d’avoir commercialisé et reproduit dans son catalogue 2002, en pages 11, 12 et 13, huit affiches de K H, à savoir :

page 11 :

* Automobile Club de France Grand prix 1926

* Shell

page 12 :

* 5e grand prix automobile de Monaco 1933

* 6e grand prix automobile de Monaco 1934

* 7e grand prix automobile de Monaco 1935

page 13

* grand prix de Monaco 1936

* grand prix de Monaco 1937

* grand prix de Monaco 1948

La société Maeght Editeur oppose une cession des droits d’exploitation qui lui a été consentie en 1982 par l’Automobile Club de Monaco pour 6 des 8 affiches, à savoir celles ayant pour sujet les courses automobiles à Monaco en 1933, 1934, 1935, 1936, 1937, 1948.

L’application de la loi française n’est pas contestée par les parties.

Sur la recevabilité de l’action en contrefaçon de la société Editions Clouet

La société Maeght Editeur soulève, sur le fondement de l’article 2270-1 du code civil la prescription de l’action de la société Editions Clouet.

Mais la contrefaçon de droit d’auteur est une infraction continue, chaque usage qualifié d’illicite ( l’édition de chaque catalogue et la vente des affiches proposées ) constituant un acte distinct de contrefaçon .

Cette utilisation par la société Maeght ayant perduré au moins jusqu’en 2007, la prescription n’est pas acquise, étant relevé que, par lettre du 20 décembre 2005, l’ACM a confirmé à la société Editions Maeght son intention de réviser voire de mettre fin à leur accord concernant la reproduction des affiches du Grand prix de Monaco à compter du 31 décembre 2006 pour lui permettre d’écouler ses stocks et par ailleurs que la société Editions Clouet conclut que la société Maeght Editeur a retiré les affiches litigieuses de son catalogue 2008.

Le jugement entrepris doit être réformé sur ce point.

A l’acte de cession des droits d’auteur du 24 avril 2002 conclu entre la société Editions Clouet et T-A Z en qualité de tuteur de Mme E Z veuve Y, étaient joints :

— une attestation d’hérédité en date du 1er octobre 2001, établi par Maître Dreux, notaire associé à Laval, aux termes de laquelle le notaire attestait qu’il résultait des actes reçus en son étude en 1972 que M. C Y laissait comme légataire Mme E P Z veuve de M. I Y,

— le jugement du 05 octobre 2000 du tribunal d’instance de Colombes désignant T-A Z en qualité de tuteur de Mme E Z veuve Y.

Il est justifié que T-A Z a été autorisé à signer le contrat de cession de droits d’auteur selon proposition des Editions Clouet en date du 29 avril 2002, par ordonnance du juge des tutelles de Colombes en date du 06 juin 2002.

La société Maeght Editeur et l’ACM remettent en cause la recevabilité des demandes de la société Editions Clouet, en soutenant également que Mme Z n’était que légataire, et qu’elle ne détenait aucun droit de suite sur l’oeuvre de M. C Y, l’ACM ajoutant qu’il n’est pas fourni d’inventaire et qu’il n’est pas prouvé que les oeuvres, objet de la présente procédure, étaient incluses dans le legs fait par X à Mme Z.

Mais une lettre de Maître Dreux, notaire associé, membre de l’office notarial Dreux-Tetu-Collenotaire à Laval (53) indique que :

— par acte du 12 juillet 1972, a été déposé au rang des minutes de son étude, le testament olographe de M. C Y en date du 17 juillet 1967 aux termes duquel est instituée 'comme seule héritière’ (propre terme du testament) Mme E Z, veuve de M. I Y, belle-soeur de M. C Y,

— par acte du 08 août 1972, a été déposé au rang des minutes de cette étude la grosse délivrée par le secrétaire greffier du tribunal de grande instance de Paris d’une ordonnance rendue par M. Davaia, juge, pour le président dudit tribunal, le 19 juillet 1972, aux termes de laquelle Mme Z veuve de M. I Y a été envoyée 'en possession du legs universel fait par le testament olographe sus daté pour jouir, faire et disposer de tout le contenu dudit legs universel, à compter du jour du décès aux charges de droit',

— aucune autre disposition n’a été prise par Mme Z veuve I Y par acte de son étude.

Aucune preuve d’une renonciation à ces droits n’est rapportée.

La société Editions Clouet ne se prévaut pas du droit de suite invoqué, qui permet de reconnaître aux auteurs d’oeuvres originales graphiques et plastiques le droit de percevoir un pourcentage du prix de toute vente de l’oeuvre après la première cession opérée par eux-mêmes ou leurs ayants-droit lorsqu’un professionnel du marché de l’art intervient en tant que vendeur, acheteur ou intermédiaire.

L’ACM soutient également que le contrat de cession du 29 avril 2002 est un contrat à durée déterminée, renouvelable par tacite reconduction, et non un contrat pour l’ensemble de la durée du droit d’auteur, qu’il s’apparente donc à un contrat de concession et qu’en qualité de simple concessionnaire la société Editions Clouet est irrecevable à agir en contrefaçon, en ajoutant que cette cession ne s’est limitée qu’aux trois affiches expressément visées par ce contrat, affiches qui ne font pas l’objet du présent litige.

Mais les articles 3 et 5 du contrat de cession de droits d’auteur du 29 avril 2002 visent bien en tout état de cause la cession des droits patrimoniaux de reproduction, sur tous supports, de l’ensemble des affiches publicitaires réalisées de son vivant par X, même s’il cite 'notamment ' trois affiches.

Non seulement il en résulte une véritable cession des prérogatives de l’auteur en matière de monopole d’exploitation et non une simple autorisation de leur usage mais en outre, le contrat de cession du 29 avril 2002 ne fait que prévoir les limites édictées par l’article L 131-3 du code de la propriété intellectuelle quant au lieu (sur tous pays en l’espèce) et quant à la durée.

L’article 10 du contrat de cession délègue à la société Editions Clouet le droit de poursuivre seule et à ses frais tout contrefacteur portant atteinte aux droits d’auteur cédés. En outre, il n’est pas contesté que la société Editions Clouet exploite commercialement des affiches, des cartes et calendriers reproduisant les différents grands prix de Monaco et de Monte-Carlo en sorte que l’ACM ne peut pas lui opposer utilement que nul ne plaide par procureur.

Les moyens d’irrecevabilité des demandes de la société Editions Clouet doivent être rejetés.

Sur la titularité des droits

La société Maeght Editeur soutient qu’elle est détentrice des droits de reproduction exclusifs sur les affiches des Grands prix de Monaco, droits qui lui ont été transmis par l’ACM.

Si la société Maeght Editeur a reçu de l’ACM de Monaco, par lettre du 08 mars 1982, confirmée par lettre du 20 mars 1998, l’autorisation de reproduire les affiches litigieuses, le point litigieux opposant les parties demeure celui de déterminer si l’ACM s’était vu céder par X, dit G H, les droits de reproduction exclusifs sur les affiches du Grand prix de Monaco et si elle a donc pu les transmettre à la société Maeght Editeur.

Pour fonder la titularité des droits patrimoniaux auxquels elles prétendent, les intimés soutiennent en premier lieu que les six affiches litigieuses constituent des oeuvres de collaboration, des salariés de l’ACM, Mrs Noghes et Dureste, ayant effectivement assuré un travail créatif, leur apport ne se limitant pas à de simples idées mais incluant des activités de direction et de création.

L’existence d’une oeuvre de collaboration exige que les personnes physiques aient participé à la création de l’oeuvre.

G H répondait à des commandes de l’ACM qui faisait appel à lui pour créer chaque année l’affiche utilisée pour la promotion des grand prix automobiles de Monaco.

Il résulte des courriers échangés entre K H et M. Noghes, commissaire général, ou M. Dureste (étant relevé qu’aucun courrier n’émane de ce dernier mais seuls deux courriers lui sont adressés par K H) qu’il s’agit de simples suggestions ou demandes de modifications de détails, faites à K H, tenant par exemple au type d’automobile à mettre en avant ou à des éléments du paysage de la principauté de Monaco à mettre en valeur plus particulièrement selon les années (palmiers, rocher de Monaco, palais du Prince et jardins), lesquelles ne dépassaient pas les exigences normales d’un commanditaire et ont laissé entière la manifestation de la personnalité de l’artiste et son style particulier.

Dans une lettre du 17 juin 1930, l’ACM écrivait ainsi à X, au début de leurs relations, dans des termes qui sont significatifs du contenu et du ton des correspondances ultérieures : 'Veuillez noter que nous ne vous imposons aucun sujet. A titre d’indication nous aimerions bien opposer un paysage hivernal à la Riviera ensoleillée. Si cette opposition est difficile à réaliser et que vous préfériez ne faire qu’un paysage, il vaudrait mieux qu’il représente la côte d’Azur et plus spécialement Monte-Carlo ou le Rocher de Monaco mais, je vous le répète, nous n’avons aucune idée arrêtée et s’il vous convient de ne pas faire de fond et de donner un caractère nettement moderne à votre croquis, il n’aura que plus de chance d’être accepté'.

En second lieu, l’ACM conclut (cette argumentation étant reprise par la société Maeght Editeur) :

— qu’il a acquis les droits d’auteur sur les affiches litigieuses au titre d’un contrat de commande de publicité le liant à X,

— que les commandes ayant été passées auprès de X antérieurement à la loi du 11 mars 1957, il y a lieu de se référer à la jurisprudence rendue sous l’empire de la loi du 19-24 juillet 1793,

— que cette jurisprudence, applicable aux contrats de commande, avait consacré une cession implicite des droits patrimoniaux de l’auteur au profit du commanditaire, avant d’être précisée par l’article L 132-31 du CPI,

— qu’au surplus, même si la loi de 1957 était applicable, la cession peut être déduite du comportement de l’auteur lorsqu’il sait dès l’origine que les dessins ne lui étaient commandés que pour être reproduits,

— qu’il y a donc nécessairement cession implicite du droit de reproduire les dessins pour la partie de ces droits qui n’appartenaient pas originellement à l’époque de la création à l’ACM ou pour la totalité de ceux-ci,

— que les courriers produits aux débats attestent sans équivoque de la volonté de X de céder à l’ACM son droit de reproduction et la globalité de ses droits sur les affiches en cause, de façon illimitée dans le temps et l’espace, nonobstant la clause type imprimée sur certaines de ses lettres,

— que la facturation comportait nécessairement cession du droit de reproduction et était la preuve expresse et écrite de la volonté du cessionnaire,

— que la réédition des affiches, bien qu’elle n’ait pas été expressément prévue à l’époque, était nécessairement incluse dans le champ des droits contractuellement cédés.

La loi du 11 mars 1957 n’ étant pas applicable rétroactivement, l’article 1er de la loi des 19-24 juillet 1793 disposait que les auteurs avaient 'le droit exclusif de vendre’ leurs ouvrages ou 'd’en céder la propriété en tout ou partie'. La cession était donc explicitement assimilée à une vente qui emportait, en l’absence de toute limitation dans l’acte, la cession au profit de l’éditeur de tous les modes d’exploitation.

En l’absence de contrat écrit établi entre G H et l’ACM, il y a lieu de se référer aux courriers échangés entre eux .

Il en résulte :

— que ces courriers ne concernent que le contenu et le calendrier du projet de l’affiche alors en cours de réalisation par X en vue de tel ou tel grand prix automobile de Monaco précis, ainsi que le degré de satisfaction de l’ACM,

— que dans un courrier du 1er février 1934, le commissaire sportif de l’ACM écrit à X 'je vous rappelle que vous nous avez promis la livraison sous huitaine et je compte sur vous pour surveiller de très près les lithographies et le tirage afin que ce travail constitue une référence aussi bien pour vous que pour les Etablissements Max Courteau',

— que K H assurait le suivi de l’impression des affiches chez ce graveur-imprimeur,

— qu’à deux reprises (lettres des 21 janvier et 19 février 1937), il a utilisé pour sa correspondance avec l’ACM un papier à en tête de cet imprimeur, contenant cette réserve 'nos dessins originaux, compositions et clichés restent notre propriété exclusive, l’ACA lui répondant à l’adresse des établissements Max Courtau (lettre du 29 janvier 1935),

— que les termes d’ une lettre du 20 février 1936, dans laquelle K H indiquait à l’ACM qu’il n’éditait plus aux établissements Courteau, confirment qu’il assurait la réalisation technique des affiches en étroite collaboration avec son imprimeur puisque s’agissant du tirage, il précise : '… j’ai des intérêts chez un autre éditeur et je pourrais le cas échéant m’intéresser au tirage. Je vous ferais évidemment les meilleurs prix mais pour cette raison, si comme vous me le dites vous désirez le faire vous-même, je vous en laisserai libre à condition toutefois de me faire connaître l’éditeur. Toutefois, j’attire votre attention qu’en ce cas je n’aurai pas le contrôle pour la mise sur pierre et donc sa reproduction',

— qu’il en est de même au vu du courrier non daté de K H figurant en pièce 18 de l’ACM, dans lequel il indique :' je me tiens toujours à votre disposition pour l’édition de cette affiche, un nouvel accord que j’ai conclu avec un éditeur me permettant des conditions intéressantes et une réalisation impeccable'.

Il ne résulte pas des courriers versés aux débats que X ait entendu céder à l’ACM la pleine et entière propriété des droits d’exploitation, au delà des seules création et réalisation ponctuelle du projet d’affiche en cours, ni qu’il était convenu avec l’ACM de rééditions futures, les échanges contenus dans ces courriers n’évoquant aucune contrepartie financière qu’aurait nécessairement impliqué une telle cession des droits d’exploitation d’une oeuvre publicitaire et aucune facturation n’étant par ailleurs produite par l’ACM.

La société Clouet faisant valoir que la loi du 11 mars 1957 n’a fait que formaliser une évolution antérieure favorable aux droits d’auteur, qu’en cette matière la cession implicite n’existait pas et que la reproduction est soumise à autorisation, il convient de rappeler que la loi du 09 avril 1910, en vigueur au moment des commandes passées auprès de X, avait déjà introduit le principe que 'l’aliénation d’une oeuvre d’art n’entraîne pas, à moins de convention contraire, l’aliénation du droit de reproduction'.

Il était donc admis, avant même la loi de 1957, le principe de la distinction entre le droit de reproduction de l’oeuvre et la propriété de son support matériel et le fait que la reproduction de l’oeuvre ne pouvait donc être licite que si l’auteur ou ses ayants-droit avaient donné préalablement et expressément leur accord.

Rien ne permet de déduire des pièces versées aux débats que le comportement de X a impliqué un abandon des droits pour une réédition ultérieure.

L’AMC n’apporte pas la preuve qu’elle a eu l’autorisation de l’auteur de reproduire les affiches anciennes créées par K H.

L’ACM ne démontrant pas qu’elle détenait les droits patrimoniaux sur les affiches réalisées par G H, elle n’a pas pu valablement les transmettre à la société Maeght Editeur.

L’ACM n’a pas qualité pour invoquer subsidiairement la nullité du contrat de cession du 29 avril 2002 (et notamment de son article 10) alors qu’il n’est pas partie à ce contrat et n’est pas titulaire des droits de reproduction qu’il revendique s’agissant des affiches créées de son vivant par X, ayant pour sujet les courses automobiles à Monaco en 1933-1934-1935-1936-1937-1948.

La société Maeght Editeur s’étant rendue coupable de contrefaçon en reproduisant sans autorisation les affiches créées par G H, il y a lieu de prononcer les mesures d’interdiction selon les modalités précisées au dispositif du présent arrêt.

En outre, contrefacteur, elle ne peut pas contester la validité du contrat de cession qui lui est opposé et dont elle invoque la nullité au motif qu’il ne respecte pas les exigences de l’article L 131-3 du code de la propriété intellectuelle en ne définissant pas précisément les droits cédés.

Il n’y a pas lieu de faire droit à la mesure de publication demandée.

La société Editions Clouet sollicite le paiement d 'une somme de 40.000 € en réparation de son préjudice commercial.

Mais elle ne verse pas la moindre pièce pour en justifier. Elle doit donc être déboutée de cette demande.

S’agissant de l’ACM, s’il a transmis des droits qu’il ne détenait pas, en revanche, il n’est pas établi qu’il a lui-même commis des actes de contrefaçon, en sorte qu’aucune condamnation de ce chef ne peut être prononcée à son encontre.

Il y a lieu cependant de le débouter de sa demande en dommages-intérêts pour procédure abusive.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

INFIRME le jugement entrepris sauf en ce qu’il a débouté la société Maeght Editeur de ses demandes reconventionnelles et l’Automobile Club de Monaco de sa demande en dommages-intérêts pour procédure abusive,

STATUANT À NOUVEAU, et Y AJOUTANT,

REJETTE le moyen tiré de la prescription,

DIT que l’action en contrefaçon de la société Editions Clouet est recevable,

DIT que la société Maeght Editeur a commis des actes de contrefaçon au préjudice de la société Editions Clouet,

FAIT interdiction à la société Maeght Editeur de reproduire et de diffuser les huit affiches incriminées figurant dans son catalogue 2002, en pages 11, 12 et 13, huit affiches de K H, à savoir :

page 11 :

* Automobile Club de France Grand prix 1926,

* Shell,

page 12 :

* 5e grand prix automobile de Monaco 1933,

* 6e grand prix automobile de Monaco 1934,

* 7e grand prix automobile de Monaco 1935,

page 13

* grand prix de Monaco 1936,

* grand prix de Monaco 1937,

* grand prix de Monaco 1948.

CONDAMNE la société Maeght Editeur à retirer du marché tous les produits contrefaisants, se trouvant entre ses mains ou son contrôle, dans un délai de trente jours à compter de la signification du présent arrêt, sous astreinte provisoire de 50 € par infraction constatée, et à détruire son stock de produits contrefaisants, par devant huissier dans le mois de la signification du présent arrêt,

DIT qu’il n’y a pas lieu à des mesures de publication,

DÉBOUTE la société Editions Clouet de ses demandes accessoires d’interdiction en ce qu’elles sont dirigées à l’encontre de l’Automobile Club de Monaco ainsi que de sa demande en dommages-intérêts au titre du préjudice commercial invoqué,

CONDAMNE in solidum la société Maeght Editeur et l’Automobile Club de Monaco à payer à la société Editions Clouet une somme de 4.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE in solidum la société Maeght Editeur et l’ Automobile Club de Monaco aux dépens de première instance et d’appel, avec application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile au profit de Maître Binoche, Avoué.

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Madame Bernadette WALLON, président et par Madame RENOULT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER, Le PRESIDENT,

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel de Versailles, 1ère chambre 1ère section, 28 octobre 2010, n° 09/07233