Cour d'appel de Versailles, 15ème chambre, 12 janvier 2011, n° 09/03286
Chronologie de l’affaire
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Sur la décision
Référence : | CA Versailles, 15e ch., 12 janv. 2011, n° 09/03286 |
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Juridiction : | Cour d'appel de Versailles |
Numéro(s) : | 09/03286 |
Décision précédente : | Conseil de prud'hommes de Nanterre, 25 juin 2009, N° 07/02433 |
Dispositif : | Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours |
Sur les parties
- Président : Jean-Michel LIMOUJOUX, président
- Avocat(s) :
- Parties :
Texte intégral
COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80C
15e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 12 JANVIER 2011
R.G. N° 09/03286
AFFAIRE :
C/
D E
Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 26 Juin 2009 par le Conseil de prud’hommes – Formation de départage de NANTERRE
Section : Activités diverses
N° RG : 07/02433
Copies exécutoires délivrées à :
Copies certifiées conformes délivrées à :
D E
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DOUZE JANVIER DEUX MILLE ONZE,
La cour d’appel de VERSAILLES, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
XXX
XXX
représentée par Me Frédéric LECLERCQ, avocat au barreau de PARIS
APPELANTE
****************
Madame D E
XXX
XXX
comparant en personne, assistée de M. F G (Délégué syndical ouvrier)
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 17 Novembre 2010, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Monsieur Jean-Michel LIMOUJOUX, Président chargé(e) d’instruire l’affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composé(e) de :
Monsieur Jean-Michel LIMOUJOUX, Président,
Madame Marie-Claude CALOT, Conseiller,
Madame Nicole BURKEL, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Monsieur B-Louis LANE,
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Madame D E a été engagée par la compagnie d’électronique et de piezo électricité (C.E.P.E.) dénommée aujourd’hui RAKON suivant contrat à durée indéterminée à compter du 2 mai 1974 en qualité d’ouvrière spécialisée.
La relation de travail était régie par la convention collective de la métallurgie de la région parisienne.
Sa rémunération brute mensuelle était en dernier lieu de 1.567,75 €.
Madame D E occupe un poste d’opératrice quartz et est affectée au service résonateurs, secteur recyclage des lames.
Madame D E a toujours exercé des mandats de représentant du personnel au sein de la société notamment : déléguée syndicale, déléguée du personnel, membre du comité d’entreprise. Elle dispose à ce titre de 50 heures de délégation par mois.
Par courrier du 26 février 2007, dont copie était envoyé à l’inspection du travail, Madame D E écrivait à son employeur qu’elle ne pouvait signer un accord sur les salaires dans les conditions actuelles. Elle précisait : 'la discrimination contre moi-même et contre mon syndicat étant évidente’ et la définissait comme :
— discrimination syndicale (exclusion)
— discrimination évolution (sans travail)
— discrimination salariale, indiquant qu’elle n’avait jamais bénéficié 'd’augmentation personnelle en 33 ans’ et que son salaire était inférieur au salaire moyen de sa catégorie professionnelle
C’est donc dans ces circonstances qu’elle devait saisir le Conseil des Prud’hommes de NANTERRE par acte du 24 juillet 2007.
Par jugement contradictoirement prononcé le 4 mai 2009 le Conseil des Prud’hommes de NANTERRE a considéré qu’il y avait en l’espèce, effectivement, discrimination syndicale et a condamné la société RAKON à payer à Madame D E les sommes suivantes :
3.213,17 € à titre de rappel de salaire pour les années 2003, 2004, 2005, 2006 et 2007
321,31 € au titre des congés payés y afférents
1.100,00 € à titre de prime de contrainte pour les années 2005, 2006 et 2007 avec intérêts au taux légal à compter du 24 juillet 2007
10.527,00 € en réparation de la discrimination syndicale, avec intérêts au taux légal à compter du 26 juillet 2009
1.200,00 € sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile
Par conclusions écrites remises au greffe et soutenues oralement à l’audience la société RAKON a formulé les demandes suivantes :
Infirmer en toutes ses dispositions le jugement du Conseil des Prud’hommes de NANTERRE du 26 juin 2009 ;
En conséquence,
Constater que la société RAKON a fait une parfaite application des dispositions de l’accord d’entreprise ;
Constater que le poste de travail de Madame D E 'recyclage de lames’ n’est pas un poste qui justifie l’attribution de la prime de poste des postes dits à contrainte ;
Constater dès lors que Madame D E n’a fait l’objet d’aucune discrimination salariale ;
Dire et juger qu’il n’y a pas discrimination syndicale ;
Rejeter toutes les demandes de Madame D E
Condamner Madame D E à verser à la société RAKON la somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;
Condamner Madame D E aux entiers dépens.
En réplique la salarié a fait conclure et soutenir oralement la confirmation du jugement déféré et a formulé les demandes suivantes :
3.213,17 € à titre de rappel de salaire sur les années 2003, 2004, 2005, 2006, 2007 suivant accord d’entreprise
321,31 € à titre de congés payés sur l’ensemble des rappels
1.100,00 € à titre du paiement d’une prime de poste sur les années 2005, 2006, 2007
110,00 € à titre de congés payés afférents
10.527,00 € à titre de dommages et intérêts pour discrimination salariale
1.200,00 € au titre des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile
Dit que les condamnations porteront intérêts au taux légal
Ordonne l’exécution provisoire de la décision
Y ajouter :
Ordonne que la décision du Conseil concernant la remise en état des salaires soit applicable aux années 2008, 2009, 2010, soit :
1.371,49 € à titre de rappel de salaire sur les années 2008, 2009, 2010 suivant accord d’entreprise
137,15 € à titre de congés payés sur l’ensemble des rappels
Rappel de prime de poste :
400, 00 € pour l’année 2008
400,00 € pour l’année 2009
160, 00 € pour l’année 2010
96,00 € congés payés sur l’ensemble des rappels (10%)
Ordonner la délivrance des documents légaux conformes à la décision intervenue.
Mettre les entiers dépens y compris les éventuels frais et émoluments d’huissiers inhérents conformément à l’article 695 du Code de Procédure Civile à la charge de la SAS RAKON France.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Considérant qu’en application de l’article 1134-1 du Code du Travail il appartient au salarié qui se prétend lésé par une mesure discriminatoire de soumettre au juge les éléments de faits susceptibles de caractériser une atteinte au principe d’égalité de traitement et il incombe à l’employeur qui conteste le prétendu caractère discriminatoire d’établir que la disparité de situation constatée est justifiée par des éléments objectifs étranger à toute discrimination ;
Considérant que, dans le cas présent un accord sur les modalités d’exercice du droit syndical a été conclu au sein de la société le 22 mars 1991, que ces dispositions ont été prorogées le 30 mars 1993 ;
Que cet accord prévoit dans son article 19 intitulé : 'modalités d’application de l’accord S.A. THOMSON concernant l’évolution de carrière des représentants du personnel : 'Les augmentations résultant de l’application de l’accord, pour les représentants disposant de plus de 900 Heures par an d’heures de délégation seront applicables au 1er janvier de l’année considérée.
Il sera appliqué la moyenne des augmentations constatées pour la catégorie (convention collective) de l’intéressé’ ;
Considérant que l’égalité de salaire suppose un travail identique ou de valeur égale ;
Que Madame D E exerçait les fonctions 'd’opératrice quartz’ qu’il s’ensuit que les comparaisons doivent être effectuées entre le salaire de cette dernière et le salaire moyen de sa catégorie professionnelle soit celle des opératrices, que seule une comparaison avec les salaires des opérateurs de son atelier qui ont un coefficient identique, une même qualification, et une ancienneté comparable aux siens, peut être faite ;
Que l’employeur a produit des tableaux précis et les justificatifs correspondant pour les années 2002 à 2009 auxquels la Cour se réfère expressément, dont il ressort que la salariée à chaque année bénéficié de l’augmentation générale collective de salaire, d’une augmentation individuelle au mérite et d’une prime, au minimum dans le respect des 'augmentations moyennes de sa catégorie professionnelle’ conformément à l’accord susvisé ;
Que l’employeur a démontré par conséquent que Madame D E a bien bénéficié du pourcentage moyen d’augmentations de la catégorie et, en réalité, plus que ce taux minimum conventionnel de référence ;
Que le jugement entrepris sera infirmé de ce chef et Madame D E débouté de ses demandes de rappel de salaires ;
Sur l’attribution de la prime de contrainte
Considérant qu’un accord d’entreprise sur les négociations salariales 2005 stipule qu’une 'prime spécifique dite de contrainte d’un montant de 30 € par mois (…) sera accordée aux personnes travaillant dans ces zones’ que les zones concernées sont les suivantes :
sciage (environnement : huiles de coupe)
XXX
salle blanche (tenue vestimentaire)
XXX
Que Madame D E a réclamé le bénéfice de cette prime de contrainte pour les années 2005, 2006, 2007, 2008, 2009, 2010 (4 mois) ;
Considérant cependant qu’il résulte du constat d’huissier versé au débat que Madame D E a déclaré s’occuper uniquement du 'recyclage des résonateurs défectueux', que les lames une fois nettoyées par l’opération chimique était remise à sa disposition pour tri visuel et de fréquence, que Madame D E à son poste de travail n’utilisait aucun produit chimique, que le poste 'robot soude’ se trouvait en face du poste de Madame D E au bout du couloir à environ une quinzaine de mètres ; que Madame Y a déclaré à l’huissier en parlant de Madame D E : 'elle exerce la profession d’opératrice quartz et procède au contrôle des fréquences et visuels des lames neuves avant et après leur usinage par le 'robot soude’ ;
Que d’autre part une attestation régulière Monsieur Z A a déclaré que 'Mme X avait obtenu la prime de contrainte parce qu’elle avait accepté de partager son temps de travail entre le robot soude et le polissage, ce dernier étant un poste qui bénéficiait de cette prime’ ; que par ailleurs B C a également attesté que Mme X lui avait exposé peu de temps après la mise en place des primes, que 'son poste visuel de travail, une ligne d’usinage de quartz par un procédé chimique (robot soude) ne faisait pas partie des postes à contrainte’ ;
Qu’en revanche elle était amenée à travailler pour une partie de son temps sur un poste d’usinage par un procédé mécanique (polissage) faisant partie des postes éligibles à une prime ;
Qu’il résulte enfin des procès verbaux du CHSCT que le fait de donner ou non une prime de contrainte au poste robot soude était régulièrement évoqué, que le médecin du travail et l’ergonome avaient conclu que 'ce n’était pas un poste à contrainte’ ;
Qu’il suit de ces constatations que le poste de Madame D E de 'recyclage de lames’ n’appartient pas à la catégorie des postes dits à contrainte visé par l’accord ci-avant rappelé conclu avec les organisations syndicales le 7 février 2005 ;
Que dès lors la société n’était pas tenu de verser une prime de contrainte à Madame D E ;
Considérant qu’il s’ensuit que Madame D E a évolué au même titre que tous les autres salariés placés dans une situation identique, que l’employeur a justifié des éléments prétendument discriminatoires évoqués par cette dernière, qu’il est par ailleurs établi par celui-ci que Madame D E a bénéficié au même titre que les autres salariés de l’entreprise de formation professionnelle continue :
— formation IP atelier le 10 juin 2003
— formation internet, messagerie, téléphonie, le 5 juillet 2005
— formation initiale outlook le 24 février 2010
Que dès lors les demandes de Madame D E ne sont pas suffisamment justifiées ;
Considérant qu’il n’est pas contraire à l’équité de laisser à la charge des parties les frais qu’elles ont dû exposer ;
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Statuant publiquement par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
— Reçoit l’appel de la SAS RAKON France ;
— Infirmant le jugement entrepris ;
— Dit qu’il n’y a pas eu discrimination syndicale ;
— Déboute Madame D E de ses demandes ;
— Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;
— Condamne Madame D E aux dépens éventuels.
Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l’article 450 du code de procédure civile
et signé par Monsieur Jean-Michel LIMOUJOUX, Président et par Monsieur B-Louis LANE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat.
Le GREFFIER, Le PRÉSIDENT,
Textes cités dans la décision