Cour d'appel de Versailles, 12ème chambre section 2, 27 octobre 2011, n° 10/04733

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Chronologie de l’affaire

Commentaires2

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Nathalie Pétrignet · CMS Bureau Francis Lefebvre · 26 novembre 2013

I. Champ d'application du texte L'article L. 442-6, I 5° du Code de commerce interdit à tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, sous peine de voir sa responsabilité engagée, « de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels ». Ce texte qui sanctionne la rupture brutale d'une relation commerciale établie ne donne …

 

CMS · 15 novembre 2013

I. Champ d'application du texte L'article L. 442-6, I 5° du Code de commerce interdit à tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, sous peine de voir sa responsabilité engagée, « de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels ». Ce texte qui sanctionne la rupture brutale d'une relation commerciale établie ne donne …

 
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Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 12e ch. sect. 2, 27 oct. 2011, n° 10/04733
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro(s) : 10/04733
Décision précédente : Tribunal de commerce de Nanterre, Chambre : 8, 25 mai 2010, N° 2009F1134
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

12e chambre section 2

XXX

ARRET N° Code nac :39A

contradictoire

DU 27 OCTOBRE 2011

R.G. N° 10/04733

AFFAIRE :

X G

C/

S.A.S. TOYOTA FRANCE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 26 Mai 2010 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° Chambre : 8

N° Section :

N° RG : 2009F1134

Expéditions exécutoires

Expéditions

délivrées le :

à :

Me Claire RICARD (2)

SCP JULLIEN LECHARNY ROL FERTIER

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT SEPT OCTOBRE DEUX MILLE ONZE,

La cour d’appel de VERSAILLES, a rendu l’arrêt suivant, après prorogation, dans l’affaire entre :

Monsieur X G demeurant XXX

S.A.R.L. HOLDING G RCS VERSAILLES 453 971 228 ayant son siège XXX, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.

représentés par Me Claire RICARD, avoué – N° du dossier 2010377

Rep/assistant : Me SARDA substituant Me Bertrand BIETTE , avocat au barreau de PARIS (A.702).

Maître B Z DE Y, mandataire judiciaire, pris en sa qualité de liquidateur de la Société G COMMUNICATION demeurant 57/XXX

représenté par Me Claire RICARD, avoué – N° du dossier 2010377

Rep/assistant : Me Philippe SARDA, avocat au barreau de PARIS (A.702) substituant Me BIETTE.

APPELANTS

****************

S.A.S. TOYOTA FRANCE, RCS NANTERRE 712 034 040 ayant son siège XXX, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège.

représentée par la SCP JULLIEN LECHARNY ROL FERTIER, avoués – N° du dossier 20100819

Rep/assistant : la SELAS ARNAUD CLAUDE & ASSOCIE, avocats au barreau de PARIS.

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 786 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 27 Juin 2011 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Anne BEAUVOIS, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Albert MARON, Président,

Madame Marion BRYLINSKI, conseiller,

Madame Anne BEAUVOIS, Conseiller, (rédacteur)

Greffier, lors des débats : Madame Marie-Thérèse GENISSEL,

Délibéré du 13 Octobre 2011, prorogé au 27 Octobre 2011, après avis aux avoués le 13 Octobre 2011

FAITS ET PROCÉDURE

La société E Communication est une agence de communication créée en 1989 par Monsieur X E.

La société Holding E est l’unique associée de la société E Communication.

La société E Communication est le principal actif détenu par la société Holding E, constituant à la fois l’essentiel de son patrimoine et sa seule source de revenus.

A partir de 2002/2003, la société E Communication a développé des relations commerciales avec la société Toyota, notamment pour la communication visant la fidélisation de la clientèle, avec la création et la mise en place de la « Lettre du Club », magazine publié trois à 4 fois par an.

Fin 2005, la société E Communication a été mise en compétition avec d’autres agences pour les prestations relatives à la fidélisation client et a emporté l’appel d’offres.

Le 17 novembre 2008, la société Toyota a adressé un mail à la société E Communication pour l’informer de ce qu’elle procédait à un appel d’offres et lui a adressé, ainsi qu’aux autres agences mises en compétition, le cahier des charges de l’appel d’offres pour le programme de fidélisation clients « Club Toyota ». Ce mail a été confirmé par un courrier du 18 novembre.

Les propositions devaient être déposées et exposées les 18 et 19 décembre 2008.

La société E Communication n’a pas été retenue, ce dont elle a été informée par téléphone le 24 décembre et par courrier le 26 décembre 2008.

Par courriers des 6 et 26 janvier 2009, la société E Communication a dénoncé cette rupture brutale des relations commerciales.

C’est dans ces circonstances que par acte d’huissier en date du 25 février 2009, la société E Communication a assigné devant le tribunal de commerce de Nanterre la société Toyota France pour la voir condamner à lui payer la somme de 548.800 € au titre du préjudice lié à l’absence de préavis, 129.285 € à titre de dommages intérêts en réparation de son préjudice causé par le caractère déloyal de la rupture brutale, 85.023,72 € au titre des licenciements provoqués par la rupture brutale.

La liquidation judiciaire de la société E Communication a été prononcée par jugement rendu le 27 octobre 2009 et Me Z de Y désigné en qualité de liquidateur.

M. X E et la société Holding E sont intervenus volontairement à la procédure devant le tribunal de commerce de Nanterre.

Par jugement rendu le 26 mai 2010, le tribunal a débouté la société E Communication ( ci-après l’agence E), M. X E et la société Holding E (ci-après HDF) de l’ensemble de leurs demandes, condamné solidairement Maître Z de Y pris en qualité de mandataire judiciaire de la société E Communication, M. X E et la société Holding E à payer à la société Toyota France (ci-après société Toyota) la somme de 1500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, déboutant la société Toyota France pour le surplus, ordonné l’exécution provisoire du présent jugement, condamné solidairement Maître de Y ès qualités, M. X E et la S.A.R.L. Holding E aux entiers dépens.

Maître Z de Y agissant en qualité de mandataire judiciaire de la société E Communication, M. X E et la S.A.R.L. Holding E ont relevé appel de ce jugement.

Par dernières conclusions signifiées le 6 avril 2011, Me Z de Y ès qualités demande à la cour de réformer le jugement rendu le 26 mai 2010 par le tribunal de commerce de Nanterre dans toutes ses dispositions, et statuant à nouveau de condamner la société Toyota France à lui payer :

au titre du préjudice lié à l’absence de préavis, la somme de 548.800 €, soit l’équivalent d’une année de marge brute moyenne,

129.285 € à titre de dommages intérêts en réparation de son préjudice causé par le caractère déloyal de la rupture brutale,

118.740,96 € au titre des licenciements provoqués par la rupture brutale,

35.880 € au titre de la commande d’impression de pochettes annulée,

7.500,00 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions signifiées le 4 mai 2011, M. X E et la société Holding E demandent à la cour de :

— confirmer le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Nanterre en date du 26 mai 2010 en ce qu’il a déclaré recevable et bien fondé leur intervention volontaire ;

— dire qu’ils ont subi un préjudice distinct de celui de la société E Communication, du fait du refus fautif par la société Toyota France d’indemniser cette dernière, refus ayant entraîné la perte de la société E Communication et sa liquidation judiciaire ;

— condamner la société Toyota France à verser, à titre de dommages-intérêts :

La somme de 1.097.310 euros à la société Holding E, en réparation de la perte de sa filiale E Communication ;

La somme de 200.000 euros à Monsieur X E, en réparation du préjudice moral qu’il a subi ;

3.588 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions signifiées le 27 mai 2011, la société Toyota France demande à la cour de confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Nanterre le 26 mai 2010 sauf en ce qu’il a déclaré recevables les demandes de la société Holding E et Monsieur E, statuant à nouveau, déclarer irrecevables les demandes de la société Holding E et Monsieur E, de condamner Maître B Z de Y ès qualités, la société Holding E et Monsieur E au paiement de la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La procédure a été clôturée par une ordonnance du conseiller de la mise en état en date du 9 juin 2011.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie aux dernières conclusions signifiées conformément à l’article 455 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR :

Sur la demande de la société E Communication à l’égard de la société Toyota au titre de la rupture brutale de la relation commerciale établie

Me Z de Y ès qualités soutient en substance à l’appui de sa demande qu’il existait une relation commerciale établie entre l’agence de communication E et la société Toyota depuis 2003, que la rupture des relations étaient imprévisibles à court comme à moyen terme, que ce n’est que le 17 novembre 2008 que l’agence E a été informée du recours à un nouvel appel d’offres et que l’annonce de ce qu’elle n’était pas retenue est intervenue le 24 décembre, soit moins de cinq semaines plus tard, qu’elle a été victime d’une rupture brutale et sans préavis de la relation commerciale établie puisque dès le mois de janvier 2009, son chiffre d’affaires a été réduit de plus de 90%.

Me Z de Y ès qualités conteste le caractère prétendument prévisible de la rupture alors que la société Toyota lui avait manifesté son entière satisfaction. Il rappelle que l’état de dépendance économique à l’égard de la société Toyota est une circonstance aggravante et proteste des efforts faits par l’agence E pour trouver d’autres clients.

En réponse, la société Toyota soutient qu’il n’y a pas eu de rupture brutale de la relation commerciale établie rappelant que le but de l’appel d’offres n’était pas de mettre un terme à la relation mais de moderniser le produit et de tester la concurrence, car elle considérait que l’agence E manquait à se renouveler et que l’organisation d’appels d’offres à échéance régulière est une règle tendant à se généraliser.

Elle soutient que la procédure d’appel d’offres a eu lieu dans un contexte de besoin de renouveau et de modernisation des prestations dont l’agence E avait la charge et qu’elle facturait au surplus largement au-dessus du prix du marché.

La relation commerciale s’est poursuivie puisque l’appel d’offres ne portait pas sur l’ensemble des prestations confiées à cette dernière qui a continué à réaliser des prestations pour elle.

Le tribunal a parfaitement considéré que l’arrêt des relations contractuelles était prévisible eu égard à un certain nombre d’indices concordants.

La société Toyota fait valoir que la brutalité de la rupture ne se déduit que de l’absence de notification écrite et en l’espèce, le préavis a commencé le 17 novembre 2008, date de la notification écrite de l’appel d’offres. La rupture n’a pas eu de caractère soudain et violent et en ce sens ne peut être qualifiée de brutale.

C’est à bon droit que le tribunal a estimé que le préavis accordé était suffisant au regard de la durée de la relation commerciale.

*

Il résulte de l’article L. 442-6 I 5° du code de commerce que sauf dans le cas où l’autre partie n’exécute pas ses engagements ou celui de la force majeure, le fait de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée des relations commerciales, engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice en résultant.

Me Z de Y ès qualités estime que la société Toyota a engagé sa responsabilité envers l’agence E en mettant fin sans préavis écrit fin 2008 à une relation commerciale établie depuis 2003.

La notion de relation commerciale suppose démontré le caractère suffisamment prolongé, régulier, significatif, et stable du courant d’affaires existant entre les partenaires commerciaux pour laisser augurer au prestataire que cette relation a vocation à durer.

Le recours à un appel d’offres ne suffit pas à exclure par principe l’existence d’une relation commerciale établie au sens de l’article suscité sauf s’il peut être déduit de certaines circonstances ou événements entourant ou marquant cette relation commerciale, la précarité annoncée de la situation qui ne permet pas à la partie qui se prétend victime de la rupture d’avoir une croyance légitime dans sa pérennité.

En l’espèce, il est acquis aux débats qu’à compter de 2003, l’agence E s’est vu confier par la société Toyota la conception et la réalisation d’un support de communication intitulé « la Lettre du Club », qu’en décembre 2005, la société Toyota, pour l’exécution de prestations dites de « Print » destinées à la fidélisation de sa clientèle et en particulier du support « la Lettre du Club », a consulté quatre agences de communication et que l’agence E a été choisie.

Au vu des pièces versées aux débats concernant cette consultation, en l’absence de tout cahier des charges produit, il est établi que l’agence E a répondu à la consultation organisée en chiffrant ses prestations sur la base d’une « Lettre du Club » de 16 pages, à raison de 3 ou 4 numéros par an, comprenant la conception, la réalisation, l’impression, l’envoi et l’affranchissement de 180.000 brochures par numéro.

Il est donc établi d’une part que la relation commerciale a été initiée sans recours à une procédure d’appel d’offres et d’autre part que si fin 2005, la société Toyota a choisi l’agence E après avoir consulté trois autres agences de communication, rien n’a indiqué à l’agence E que la relation ainsi poursuivie était à durée déterminée.

En particulier, aucune des pièces produites ne prouve que la société Toyota aurait fait part à l’agence E de son intention de procéder de façon systématique et régulière à un appel d’offres pour les prestations qu’elle lui avait confiées.

De la même façon, si la société Toyota soutient que l’organisation d’appels d’offres à échéance régulière est une règle tendant à se généraliser dans la plupart des groupes de dimension internationale, tous les deux ou trois ans, elle n’établit pas un usage professionnel indiscutable connue de l’agence E dont celle-ci aurait dû tirer les conséquences sur la précarité de sa situation.

Dès lors et contrairement à ce que prétend la société Toyota, compte tenu du volume d’affaires qui s’est développé entre les parties à compter de 2003, du renouvellement de la confiance marquée par la société Toyota envers l’agence E par le choix opéré après mise en concurrence en 2006, de la poursuite de la relation à durée indéterminée et sans annonce du recours régulier à la procédure d’appel d’offres, la participation de l’agence E à cette mise en concurrence ne suffit pas à justifier que la relation commerciale se serait à cette date installée dans la précarité.

En conséquence, il y a lieu de considérer qu’il existait bien une relation commerciale établie entre les parties en novembre 2008 au sens de l’article L. 442-6 I 5° du code de commerce et que l’agence E pouvait raisonnablement augurer de la pérennité de cette relation commerciale.

La circonstance que la société Toyota n’ait pas adressé le bon de commande de la Lettre n°19 « comme à l’habitude » plusieurs mois à l’avance – ladite date habituelle ne résultant d’aucune pièce produite – alors que pendant la même période les parties ont continué à travailler ensemble sans modification des termes de leurs accords n’est pas de nature à justifier de la prétendue précarité de la relation.

Au demeurant, cet argument, qui n’invoque pas l’existence d’un préavis écrit mais conduit à mettre à la charge du cocontractant à qui est imposé la rupture d’une relation commerciale établie de la déduire de prémices, est contraire aux exigences de l’article L. 442-6, I, 5° du code de commerce et, partant, inopérant.

La société Toyota prétend également qu’elle aurait fait observer à l’agence E qu’elle n’était pas totalement satisfaite de ses prestations.

Outre que la société Toyota n’a pas rompu la relation à raison d’une inexécution fautive par l’agence E de ses engagements et qu’elle n’invoque pas être dispensée de tout préavis à raison de tels manquements, ce qui rend l’argument inopérant, la société Toyota ne prouve pas avoir informé son partenaire commercial de son prétendu mécontentement sur la qualité de ses prestations ou le montant de sa facturation, les pièces versées aux débats (cf. pièces 19 à 25) par l’agence E démentent formellement cette allégation.

Ce que sanctionne l’article L. 442-6 I 5° du code de commerce, c’est la brutalité de la rupture en l’absence de préavis écrit et non la rupture en elle-même.

Selon une jurisprudence constante, seule une notification expresse et sans équivoque de la volonté de mettre un terme à la relation commerciale constitue un préavis écrit au sens de l’article précité.

La société Toyota prétend qu’un préavis écrit est intervenu dès lors qu’elle a notifié le 17 novembre 2008 son intention de recourir à un appel d’offres et que cette date constitue le point de départ du délai de préavis.

Le simple message électronique adressé le 17 novembre 2008 lequel informe certes l’agence E du recours à une procédure d’appel d’offres afin d’optimiser tous les supports de communication Club Toyota dès le 1er avril 2009, devant répondre à un cahier des charges précis, tout en lui précisant qu’elle est interrogée en tant que partenaire actuel sur le dossier et qu’elle dispose de beaucoup de données sur le programme de fidélisation de la société Toyota, ne formalise pas le caractère inéluctable et univoque d’une rupture des relations commerciales et ne saurait constituer un préavis écrit au sens des dispositions législatives précitées.

Ce n’est que le 26 décembre 2008, que la société Toyota a informé l’agence E de ce qu’elle n’avait pas été retenue pour les prestations énumérées au cahier des charges, manifestant sans équivoque son intention de rompre, au moins relativement à ces prestations, la relation commerciale établie.

Les éléments versés aux débats par l’agence E démontrent qu’immédiatement, dès janvier 2009 et donc sans attendre le 1er avril 2009, et ce malgré même les termes du cahier des charges et du courrier assurant l’agence E de ce que la décision prise ne remettait pas en cause les autres dossiers gérés pour Toyota, notamment les supports de communication en concessions et supports NOVS, la société Toyota a confié à la nouvelle agence de communication choisie la conception et la réalisation de la Lettre n°19 et a annulé certaines des commandes passées concernant des pochettes destinées aux concessions demandant un avoir partiel.

Il résulte de l’ensemble de ces éléments que la société Toyota a donc rompu brutalement, au moins partiellement, quelques prestations ayant été maintenues durant le premier trimestre 2009, la relation commerciale avec l’agence E.

Le préavis doit s’apprécier au regard de la durée des relations commerciales et étant destiné à permettre au cocontractant de remédier à la désorganisation qui a résulté de la cessation de la relation commerciale existante et de rechercher de nouveaux partenaires et débouchés commerciaux, l’auteur de la rupture qui connaît l’état de dépendance économique dans lequel se trouve son partenaire vis-à-vis de lui doit en tenir compte.

Or, les chiffres donnés par l’agence E qui sont certifiés par son expert-comptable démontrent que la part du chiffre d’affaires réalisé avec la société Toyota n’a cessé de s’accroître au cours de la relation commerciale représentant un peu moins de 30 % sur l’exercice 2003/2004 atteignant 87 % sur le dernier exercice 2008/2009.

La société Toyota ne pouvait ignorer cette dépendance alors qu’elle savait, compte tenu de l’étroitesse de la relation commerciale, que l’agence E était une petite structure au regard des autres agences de communication avec laquelle elle l’a mise en concurrence et que l’ensemble des salariés de l’agence travaillait sur ses commandes, n’étant nullement démontré que l’agence E se serait volontairement mise en situation de dépendre uniquement de la société Toyota et n’aurait pas chercher à trouver de nouvelles activités.

En considération de la durée de la relation commerciale et de ces éléments, la société Toyota aurait dû accorder un préavis d’un an à l’agence E, ce qu’elle était au demeurant parfaitement en mesure de faire, puisque comme le relève à juste titre celle-ci, la société Toyota a nécessairement dû commencer à travailler sur la mise au point du cahier des charges quelques mois avant le 17 novembre 2008 et qu’elle aurait donc pu l’informer, dès la décision prise de recourir à une mise en compétition de plusieurs agences, de la cessation de la relation commerciale établie entre elles, à la date du 1er avril 2009 suivant.

Me Z de Y ès qualités sollicite la somme de 548.800 € correspondant à l’équivalent d’une année de marge brute moyenne, s’appuyant sur les chiffres déterminés et certifiés par l’expert-comptable, les chiffres d’affaires réalisés avec la société Toyota étant présentés hors frais d’affranchissement.

La société Toyota conteste ces montants en produisant un tableau dont elle est l’auteur, dont elle ne précise pas à partir de quels éléments elle l’a établi et qui n’est pas authentifié par son expert-comptable ou son commissaire aux comptes.

Le préjudice subi est celui de la perte de la marge brute pendant la durée du préavis que la société Toyota aurait dû accorder à l’agence E.

La société Toyota ne justifie pas qu’elle aurait confié à l’agence E de nouvelles prestations autres que celles soumises à l’appel d’offres, hormis les deux commandes enregistrées après la rupture dont l’agence E fait état.

Au vu de l’ensemble des éléments dont la cour dispose, tenant compte des quelques prestations accomplies par l’agence E, postérieurement à la rupture, qui lui ont été payées, il sera fait droit à la demande de Me Z de Y ès qualités à hauteur de 486.800 € au titre de la rupture brutale de la relation commerciale.

La société Toyota sera condamnée à payer Me Z de Y ès qualités cette somme à titre de dommages-intérêts.

Sur les autres demandes de Me Z de Y ès qualités

Me Z de Y ès qualités sollicite la réparation du préjudice subi à raison du caractère déloyal de la rupture en faisant valoir que le fait d’avoir participer à une compétition tronquée a causé à l’agence E un double préjudice, qu’elle a en effet investi des moyens en pure perte et surtout qu’elle a perdu une chance de remporter la compétition.

Cependant, l’appelant manque à établir qu’il résulterait des circonstances que la société Toyota aurait organisé une compétition tronquée dans laquelle l’agence E n’avait aucune chance de remporter la compétition.

En effet, il n’est pas justifié que le jury de la compétition était composé pour que l’agence E soit éliminée, qu’en particulier y aurait participé un intervenant extérieur notoirement en conflit avec l’agence E et que l’offre faite par l’agence E n’aurait pas été sérieusement étudiée.

Le dirigeant de l’agence E a d’ailleurs écrit un message à M. A, président de la société Toyota, le 23 décembre 2008 dans lequel il indique que la présentation de son agence dans le cadre de l’appel d’offre a été très bien accueillie, qu’il a été félicité pour l’excellence du travail fourni et qu’il lui a été confié que sa proposition était l’une des deux meilleures.

La circonstance qu’une agence plus importante ait été choisie à l’issue de l’appel d’offres ne démontre pas que cette procédure a été menée de façon déloyale.

La déloyauté alléguée ne résulte pas plus de la durée impartie aux agences en compétition pour répondre à l’appel d’offres car l’agence E qui travaillait déjà avec la société Toyota depuis plusieurs années était certainement la mieux placée pour connaître les exigences de celle-ci et à même d’y répondre dans le délai relativement court imparti.

Enfin, il ne peut être tirée aucune conséquence quant à la loyauté de l’appel d’offres du fait que la commande de la Lettre n°19 n’a pas été envoyée.

Il n’est pas ainsi démontré que la société Toyota avait dès avant la procédure d’appel d’offres et avant même avoir pris connaissance de sa proposition décidé de ne pas la retenir.

Me Z de Y ès qualités sollicite également l’indemnisation du préjudice lié aux conséquences de l’absence de préavis, correspondant au montant des cinq licenciements qui ont été directement causés par la soudaineté de la rupture et l’absence de préavis.

Cependant, les lettres de licenciement économique produites démontrent que le motif économique invoqué à l’appui de ces licenciements, dont le premier a été prononcé le 15 décembre 2008, est la réduction de l’activité de la société consécutive à une baisse significative du chiffre d’affaires au cours de l’année 2007, se poursuivant sur l’année 2008, cette baisse d’activité couplée à un contexte économique des plus moroses laissant entrevoir d’importantes difficultés économiques pour l’année à venir.

N’est pas invoquée au titre du motif économique la perte du client Toyota.

Par ailleurs, ce motif établit que les difficultés économiques connues par l’agence E remontaient à 2007 et s’étaient prolongées toute l’année 2008 de sorte qu’il n’est pas possible d’imputer directement les licenciements prononcés au défaut de préavis accordé par la société Toyota.

Me Z de Y ès qualités se plaint également de l’annulation abusive d’une commande d’impression de pochettes en cours d’exécution début février 2009 qui a contraint l’agence E à consentir un avoir de 35.880 € HT dont il demande le paiement.

Néanmoins, cet avoir sollicité par la société Toyota a été consenti volontairement par l’agence E, ce qui laisse supposer qu’elle a accepté l’annulation de commande.

En outre, il n’est pas prétendu pour cette partie de la commande qu’elle était déjà exécutée ou en cours d’exécution au moment de son annulation. Le manque à gagner en résultant entre donc dans le préjudice réparé par l’indemnisation de l’absence de préavis couvrant la période postérieure à la rupture pendant laquelle la prestation aurait dû être réalisée et payée, générant ainsi du chiffre d’affaires et de la marge.

Me Z de Y ès qualités sera donc débouté de toutes ces demandes.

Sur les interventions volontaires de M. E et de la société Holding E

A titre liminaire, la société Toyota conclut à l’irrecevabilité des interventions volontaires de M. E et de la société HDF en faisant valoir qu’ils n’ont pas qualité à agir faute de justifier d’un préjudice personnel distinct de celui de l’agence E.

M. E et la société HDF répliquent qu’ils sollicitent respectivement la réparation de son préjudice moral et celui résultant de la perte de sa filiale et qu’ils ont donc qualité et intérêt à agir.

L’intervention principale lorsqu’elle élève une prétention au profit de celui qui la forme est recevable si son auteur a le droit d’agir relativement à cette prétention.

En l’espèce, M. E sollicite l’indemnisation de son préjudice moral résultant de l’attitude de la société Toyota et la société HDF l’indemnisation de la perte de son actif principal, l’agence E, perte générée selon elle par l’attitude fautive de la société Toyota qui a ruiné toute perspective de poursuite de l’activité de l’agence.

Ils sont dès lors recevables à agir dès lors qu’ils se prévalent d’un droit propre et d’un préjudice distinct de ceux subis par l’agence E.

Sur les demandes de M. E et de la société Holding E

S’agissant du préjudice moral particulier invoqué par M. E, il résulte des éléments au dossier que la situation de l’agence E était difficile dès 2007 puisqu’elle avait perdu plusieurs de ses principaux clients en 2006, qu’elle connaissait déjà des difficultés économiques, que les licenciements auxquels il a été procédé ne résultent pas directement de la rupture brutale de la relation commerciale avec la société Toyota mais de ces difficultés persistantes et de la conjoncture morose, qu’il n’est pas possible en conséquence d’imputer la liquidation judiciaire, au vu des éléments versés aux débats, à l’absence de préavis consenti par la société Toyota.

Il n’est pas prétendu que la société Toyota aurait donné une publicité particulière à la rupture de la relation commerciale avec l’agence E qui aurait pu affecter la réputation personnelle de son fondateur, M. E et la publicité qui a accompagné la procédure de liquidation judiciaire ne lui est pas imputable.

M. E ne démontre pas en conséquence un préjudice moral personnel en lien avec le comportement fautif de la société Toyota à l’égard de l’agence E.

S’agissant de la société HDF, la perte de ses investissements dans la l’agence E et de son principal actif résultent de la liquidation judiciaire et il n’est pas démontré que le préjudice économique de la société HDF soit en lien avec le comportement fautif de la société Toyota.

Les intervenants volontaires seront déboutés de leurs demandes.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

Les dépens de l’instance principale tant en première instance qu’en appel seront à la charge de la société Toyota.

L’équité commande de la condamner à payer à Me Z de Y ès qualités une indemnité de 7.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Les dépens des interventions volontaires seront à la charge des intervenants mais l’équité s’oppose à les condamner en cause d’appel sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, en sus de la condamnation prononcée par le premier juge.

PAR CES MOTIFS

Statuant en audience publique et par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu’il a débouté Me Z de Y agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société E Communication de sa demande au titre de la rupture brutale de la relation commerciale établie et sauf en ce qu’il l’a condamné aux dépens et à payer une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Statuant à nouveau des chefs du jugement infirmés,

Condamne la société Toyota France à payer à Me Z de Y ès qualités la somme de 486.800 € à titre de dommages-intérêts pour rupture brutale de la relation commerciale.

Condamne la société Toyota France aux dépens de l’instance engagée devant le tribunal de commerce de Nanterre par la société E Communication, reprise par Me Z de Y ès qualités après liquidation judiciaire de la société E Communication.

Condamne M. X E et la société Holding E aux dépens de leurs interventions volontaires.

Accorde aux avoués à la cause qui peuvent y prétendre, le droit de recouvrement direct conforme aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Condamne la société Toyota France à payer à la société E Communication une indemnité de 7.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Déboute la société Toyota France, M. X E et la société Holding E de leur demande au même titre.

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Madame Marion BRYLINSKI, Conseiller en remplacement du Président empêché, et par Madame GENISSEL, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER, LE CONSEILLER

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Textes cités dans la décision

  1. Code de commerce
  2. Code de procédure civile
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Cour d'appel de Versailles, 12ème chambre section 2, 27 octobre 2011, n° 10/04733