Cour d'appel de Versailles, 12ème chambre, 26 novembre 2013, n° 12/04148

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 12e ch., 26 nov. 2013, n° 12/04148
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro(s) : 12/04148
Décision précédente : Tribunal de commerce de Nanterre, 24 mai 2012, N° 2007F02291
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Texte intégral

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

IO

Code nac : 39H

12e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 26 NOVEMBRE 2013

R.G. N° 12/04148

AFFAIRE :

SAS E H

C/

SA ALTRAN TECHNOLOGIES

Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 25 Mai 2012 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : 2007F02291

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

la SCP LISSARRAGUE DUPUIS & ASSOCIES,

Me Anne laure DUMEAU

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT SIX NOVEMBRE DEUX MILLE TREIZE,

La cour d’appel de VERSAILLES, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

SAS E H – XXX

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège

XXX

XXX

Ayant pour avocat postulant Me Martine DUPUIS de la SCP LISSARRAGUE DUPUIS & ASSOCIES, avocat au barreau de VERSAILLES

Ayant pour avocat plaidant Me Marie HINDRÉ-GUÉGUEN du PUK DLA PIPER UK LLP, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R235 Ayant pour avocat plaidant Me Fabienne PANNEAU, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R235

SAS E PARIS

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège

XXX

XXX

Ayant pour avocat postulant Me Martine DUPUIS de la SCP LISSARRAGUE DUPUIS & ASSOCIES, avocat au barreau de VERSAILLES

Ayant pour avocat plaidant Me Marie HINDRÉ-GUÉGUEN du PUK DLA PIPER UK LLP, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R235 Ayant pour avocat plaidant Me Fabienne PANNEAU, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R235

SAS E OUEST

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège

XXX

XXX

Ayant pour avocat postulant Me Martine DUPUIS de la SCP LISSARRAGUE DUPUIS & ASSOCIES, avocat au barreau de VERSAILLES

Ayant pour avocat plaidant Me Marie HINDRÉ-GUÉGUEN du PUK DLA PIPER UK LLP, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R235 Ayant pour avocat plaidant Me Fabienne PANNEAU, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R235

SAS E F

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège

2405 route des Dolives-Sophia Antipolis

XXX

Ayant pour avocat postulant Me Martine DUPUIS de la SCP LISSARRAGUE DUPUIS & ASSOCIES, avocat au barreau de VERSAILLES

Ayant pour avocat plaidant Me Marie HINDRÉ-GUÉGUEN du PUK DLA PIPER UK LLP, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R235 Ayant pour avocat plaidant Me Fabienne PANNEAU, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R235

APPELANTES

****************

SA ALTRAN TECHNOLOGIES

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège

XXX

XXX

Ayant pour avocat postulant Me Anne laure DUMEAU, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 628 – N° du dossier 40200

Ayant pour avocat plaidant Me Benjamin VAN GAVER, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 786 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 24 Octobre 2013 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Isabelle ORSINI, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme Dominique ROSENTHAL, Président,

Madame Marie-Claude CALOT, Conseiller,

Madame Isabelle ORSINI, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Natacha BOURGUEIL,

Vu l’appel interjeté le 13 juin 2012 par les sociétés E H, E Paris, E Ouest et E F à l’encontre d’un jugement rendu le 25 mai 2012 par le tribunal de commerce de Nanterre qui a :

— débouté les sociétés E H, E Paris, E Ouest et E F de leur demande en nullité,

— constaté que la société Altran technologies vient aux droits des sociétés Gerpi et Sivan,

— dit que les sociétés E H, E Paris, E Ouest et E F se sont livrées à des pratiques concurrentielles déloyales à l’égard de la société Altran ;

— condamné solidairement les sociétés E H, E Paris, E Ouest et E F à payer à la société Altran une somme de 4,5 millions d’euros à titre de dommages-intérêts;

— débouté la société Altran de toutes ses autres demandes ;

— débouté E de ses demandes reconventionnelles ;

— dit n’y avoir lieu à exécution provisoire ;

— condamné solidairement les sociétés E H, E Paris, E Ouest et E F à payer à la société Altran une somme de 150000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile;

Vu les dernières écritures signifiées le 9 octobre 2013 par lesquelles les sociétés E H, E Paris, E Ouest et E F demandent à la cour de :

— réformer le jugement entrepris en ce qu’il a dit qu’elles se sont livrées à des pratiques concurrentielles déloyales à l’égard de la société Altran Technologies et les a condamnées solidairement à payer à la société Altran Technologies une somme de 4,5 millions d’euros à titre de dommages et intérêts et une somme de 150.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux dépens ;

— confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté la société Altran Technologies de son grief tiré du prétendu détournement de fichiers et documents ;

En conséquence, statuant à nouveau,

— déclarer la société Altran Technologies irrecevable à agir à l’endroit des sociétés E Paris, E Ouest et E F à raison du défaut de qualité passive à agir de ces dernières;

— rejeter dès lors l’ensemble des demandes, fins et prétentions de la société Altran Technologies en ce qu’elles sont dirigées à l’encontre de ces sociétés;

— dire encore la société Altran Technologies irrecevable à former un appel incident sur le montant des condamnations prononcées par le tribunal de commerce de Nanterre et à poursuivre l’infirmation du jugement en ce qu’il l’a déboutée de l’ensemble de ses demandes visant la société Gerpi ;

— rejeter dès lors les demandes de la société Altran Technologies visant à obtenir l’infirmation du jugement entrepris sur le montant des condamnations prononcées et, plus précisément, sur les demandes indemnitaires visant la société Gerpi ;

En tout état de cause, dire et juger la société Altran Technologies, qu’elle vienne aux droits de la société Sivan ou de la société Gerpi, mal fondée dans tous les cas en l’ensemble de ses griefs de concurrence déloyale ;

— juger que la société Altran Technologies ne rapporte pas la preuve d’aucun des griefs de concurrence déloyale qu’elle avance au soutien de ses demandes et la débouter de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

A titre subsidiaire,

Si par impossible la Cour écartait la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité passive à agir des sociétés E Paris, E Ouest et E F, donner acte à ces sociétés de ce qu’elles feraient alors sienne l’argumentation développée par la société E H au soutien de sa démonstration du mal fondé de l’ensemble des demandes formulées par la société Altran Technologies et débouter la société Altran Technologies de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

A titre infiniment subsidiaire,

— dire et juger que la société Altran Technologies ne fait pas la démonstration ni de l’existence ni du quantum des préjudices allégués et encore moins du prétendu lien de causalité et la débouter de ses demandes indemnitaires ;

En tout état de cause,

— condamner la société Altran Technologies au paiement d’une somme de 100.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens d’instance en ce compris les frais de l’expertise judiciaire, dont distraction ;

Vu les dernières écritures signifiées le 3 octobre 2013 aux termes desquelles la société Altran technologies prie la cour de:

— confirmer le jugement en ses dispositions relatives aux fautes retenues à l’encontre des sociétés

E H, E Paris, E Ouest et E F et au préjudice de la société Altran Technologies venant aux droit de la société Sivan ;

— infirmer le jugement en ses dispositions relatives aux rejets des demandes de la société Altran Technologies s’agissant du détournement de fichiers commis à son préjudice;

— infirmer le jugement en ses dispositions relatives aux rejets des demandes de la société Altran Technologies venant aux droits de la société Gerpi ;

Et statuant à nouveau :

— juger que la création de la société E H et des sociétés E Paris et E Ouest et E F s’est accompagnée d’actes de concurrence déloyale commis au détriment de la société Gerpi ;

— juger que les sociétés E H, E Paris, E Ouest et E F ont débauché de manière déloyale les cadres et consultants de la société Gerpi, ont détourné de manière déloyale des clients et des missions au détriment de la société Gerpi, ont détourné de manière déloyale des fichiers et documents propriété des sociétés Sivan, Gerpi et Altran Technologies ;

— juger que les sociétés E H, E Paris, E Ouest et E F doivent être condamnées solidairement à indemniser Altran du préjudice subi par la société Gerpi;

— juger dès lors que les sociétés E H, E Paris, E Ouest et E F doivent être condamnées solidairement à payer à la société Altran Technologies la somme de 594.000 euros en réparation des pertes commerciales et financières directes subies par Gerpi en conséquence de la création déloyale de la société E et des actes de concurrence déloyale commis, la somme de 410.000 euros en réparation des gains manqués par Gerpi et la somme de 100.000 euros en réparation des pertes de chance, des pertes de crédibilité et de notoriété subies par Gerpi ;

— condamner dés lors solidairement les sociétés E H, E Paris, E Ouest et E F au paiement de la somme de 1.104.000 euros au profit de la société Altran technologies et en réparation du préjudice subi par Gerpi ;

— rejeter toutes les demandes, fins et prétentions des appelantes ;

— condamner les sociétés E H, E Paris, E Ouest et E F au paiement de la somme de 320.000 euros au profit de la société Altran technologies au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens;

SUR CE, LA COUR,

Considérant que, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions des parties, il est expressément renvoyé au jugement entrepris ainsi qu’aux écritures des parties; qu’il sera seulement rappelé que :

— le groupe Altran exerce une activité dans le domaine du conseil, de l’organisation de projets à caractère industriel et stratégique et de l’ingénierie en technologies innovantes ; ses effectifs étaient de l’ordre de 16000 à 17000 collaborateurs en 2006 ;

— jusqu’en 2006, le groupe Altran était organisé en filiales parmi lesquelles les sociétés Sivan et Gerpi, filiales à 100%, avec des effectifs de l’ordre de 250 et 130 personnes ; à la suite de la fusion absorption opérée le 29 décembre 2006, la société Altran Technologie ( la société Altran) est venue aux droits de ces deux sociétés;

— la société E H a été créée en septembre 2005 par M X, ancien manager de la société Gerpi dont il avait été licencié en juillet 2005;

— elle a pour objet les activités de services dans le domaine de l’informatique, le développement des technologies et leurs applications ;

— trois filiales régionales détenues à 100% par la société mère ont ensuite été créées : les sociétés E Paris, E Ouest et E F

— estimant, au vu des constatations réalisées à leur demande par un expert informatique, M Y, dans leurs locaux et sur leurs serveurs informatiques les 30 septembre et 15 octobre 2006, que la création de la société E H par d’anciens salariés s’était accompagnée d’actes de concurrence déloyale commis à leur préjudice, tels que le débauchage massif et déloyal de dirigeants et consultants, le détournement de fichiers et de dossiers et le détournement de clients, les sociétés Sivan et Gerpi ont obtenu trois ordonnances sur requête sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile autorisant des opérations de saisie de disques durs et ordinateurs portables, lesquelles ont été réalisées simultanément le 6 décembre 2006 dans différents locaux de la société E H situés à Boulogne Billancourt, Sophia -Antipolis et Rennes ;

— par acte du 3 mai 2007, la société Altran, venue aux droits des sociétés Sivan et Gerpi, a assigné devant le tribunal de commerce de Nanterre la société E H et ses trois filiales, (les sociétés E) ainsi que leurs dirigeants, MM Tremeau, Z, C, Le Rest, et Delorme sollicitant la désignation d’un expert judiciaire et la condamnation des sociétés E au paiement de la somme de 7.874.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par les sociétés Sivan et Gerpi du fait des actes de concurrence déloyale commis et demandant que « soit réservée la condamnation, in solidum, » des personnes physiques au paiement de cette somme ;

— par jugement du 13 mars 2008,le tribunal de commerce a rejeté l’exception d’incompétence soulevée par les sociétés E, rejeté leur demande aux fins d’annulation des constats et ordonné une expertise ;

— par arrêt statuant sur contredit, la cour d’appel de Versailles a renvoyé le litige opposant la société Altran aux personnes physiques devant le tribunal de grande instance de Nanterre, lequel a, par jugement du 7 février 2013, ordonné le sursis à statuer dans l’attente de la présente décision;

— après dépôt du rapport d’expertise, le 26 août 2011, le tribunal de commerce de Nanterre a rendu le jugement entrepris ;

********************

Considérant que le jugement n’est pas contesté en ce qu’il a débouté les sociétés E de leur demande en nullité des opérations de constat et saisies menées le 6 décembre 2006 dans leurs locaux ;

Sur la recevabilité de l’appel incident

Considérant que les sociétés E contestent la recevabilité de l’appel incident formé le 13 novembre 2012 par la société Altran à l’encontre du jugement en ce qu’il a rejeté la demande d’indemnisation au titre du préjudice subi par la société Gerpi ;

Qu’elles soutiennent que la société Altran a acquiescé au jugement rendu par le tribunal de commerce, dès lors qu’elle a, par conclusions du 13 juillet 2012 régularisées devant le tribunal de grance instance de Nanterre, sollicité la condamnation des dirigeants des sociétés E « à garantir la condamnation prononcée par le tribunal de commerce de Nanterre à l’encontre des sociétés pour les actes de concurrence déloyale », sans émettre aucune réserve sur le montant indemnitaire de 4,5 millions d’euros que lui a alloué le tribunal au titre de son préjudice résultant des actes de concurrence déloyale;

Mais considérant qu’il est constant que l’acquiescement à un jugement ne peut résulter que d’actes ou de fait démontrant avec évidence et sans équivoque l’intention de la partie à qui on l’invoque;

Que la demande présentée par la société Altran devant le tribunal de grande instance de Nanterre , qui ne tend qu’à voir les dirigeants des sociétés E garantir la condamnation prononcée contre ces sociétés du chef de la concurrence déloyale commise au préjudice de la seule société Sivan, ne démontre nullement la volonté claire et non équivoque de cette société d’acquiescer au jugement qui l’ a déboutée de sa demande relative aux actes de concurrence déloyale commis au préjudice de la société Gerpi, aux droits de laquelle elle vient ;

Que l’appel incident est recevable ;

Sur la recevabilité de l’action en ce qu’elle est dirigée contre les sociétés E Paris, E Ouest et E F

Considérant que les sociétés E soutiennent que la société Altran est irrecevable à agir à l’encontre des sociétés E Paris, E Ouest et E F à raison de leur défaut de qualité passive à agir , dès lors qu’elles n’avaient pas d’existence légale au moments des faits litigieux prétendument survenus entre septembre 2005 et mai/juin 2006, n’ayant été respectivement créées que les 11 décembre 2006, 26 décembre 2006 et 19 janvier 2007 ;

Mais considérant que la circonstance que les sociétés n’aient été créées que postérieurement aux actes de débauchage ou de détournement de clientèle allégués n’est pas de nature à fonder la fin de non recevoir tirée du défaut de qualité à défendre opposée par ces sociétés; que l’action en concurrence déloyale dirigée contre ces sociétés est recevable, l’incidence de la postériorité de leur création par rapport aux agissements déloyaux allégués relevant de l’appréciation du bien ou mal fondé de ladite action ;

Que la société Altran est recevable en son action en concurrence déloyale à l’encontre des sociétés E Paris, E Ouest et E F ;

Sur les actes de concurrence déloyale allégués

Considérant que la société Altran soutient que la création des sociétés E s’est accompagnée d’actes de concurrence déloyale tels que le débauchage massif et déloyal de dirigeants et consultants des sociétés Sivan et Gerpi, le détournement de leur fichiers et dossiers ainsi que le détournement de clients, missions et parts de marché ;

Qu’elle affirme que la société E H, bien qu’apparaissant officiellement comme ayant été fondée par M X et par la Soparfi Schi et la Soparfi E H, sociétés de participation financières de droit luxembourgeois représentées par MM Beggiato et A, a en réalité été créée par M X, C et Z, ces deux derniers ayant « opéré à visage caché » afin, s’agissant de M Z, ancien directeur général de la société Sivan, de « pouvoir continuer à rester infiltré le plus longtemps possible au sein d’ Altran et de poursuivre la machination de désorganisation, de débauchage et de détournement mise en place »;

Qu’elle soutient qu’au moins 34 salariés des sociétés Sivan et Gerpi, qui pour la plupart travaillaient sur d’importants dossiers, ont été débauchés par les sociétés E, entre le mois juillet 2005 et le mois de mars 2006 , dont 7 « managers-clés »;

Qu’elle explique que M Z, qui deviendra mandataire social puis président du « groupe E » est resté directeur général de la société Sivan jusqu’en mars 2006 afin de libérer de toute contrainte juridique le personnel nécessaire au parfait détournement de la clientèle en levant les clauses de non concurrence figurant dans les contrats ;

Considérant que les sociétés E opposent que le nombre de salariés qui ont rejoint la société E H, sur une période de 10 mois, est marginal au regard du nombre total de salariés de Gerpi et Sivan ayant quitté ces sociétés et du turn-over inhérent aux sociétés intervenant dans ce secteur d’activité et qu’elles n’ont usé d’aucune manoeuvre déloyale pour recruter certains consultants ou managers des sociétés ;

Qu’elles contestent le rôle prêté à M Z qui n’a rejoint la société E H qu’en octobre 2006, plusieurs mois après son licenciement et soutiennent que les clauses de non concurrence qui figuraient dans certains contrats étaient systématiquement levées;

Qu’elles soutiennent que les sociétés Gerpi et Sivan n’ont subi aucune désorganisation, contestent les griefs de détournement de fichiers et de clients ou parts de marché et affirment que la société Altran ne rapporte la preuve d’aucune manoeuvre déloyale ;

Considérant en premier lieu que le grief de débauchage massif invoqué par la société Altran et qui aurait lieu entre septembre 2005 et mai/juin 2006 ne peut concerner les sociétés E F, E Ouest et E Paris qui n’avaient pas alors d’existence légale , n’ayant été créées qu’en décembre 2006 et janvier 2007 et qui n’ont embauché aucun des salariés prétendûment débauchés ;

Considérant ensuite qu’il résulte des pièces versées aux débats que la société E H a été créée le 2 septembre 2005 par M X après son licenciement de la société Gerpi intervenu le 12 juillet 2005 et alors qu’il n’était lié par aucune clause de non concurrence; que les éléments avancés et pièces produites par la société Altran pour appuyer la thèse selon laquelle la présence des Soparfi à côté de M X, au capital de la société E H lors de sa création, aurait eu pour seul objet de dissimuler l’identité de M C et Z, qui en auraient été les véritables co-fondateurs ne sont nullement probants ; que les conditions de constitution de la société E H ne sont pas illicites ; que M C et Z sont entrés au capital de la société en octobre 2006 et sont devenus respectivement directeur général et président de la société les 26 octobre 2006 et 27 décembre 2006 ;qu’aucun élément ne permet d’établir qu’ils auraient occupé une fonction, ou joué un rôle au sein de la société E H avant ces dates;

Qu’ il résulte du rapport d’expertise et des pièces produites que ce sont 28 anciens salariés des sociétés Sivan et Gerpi, soit 21 consultants et 7 managers, qui ont rejoint entre le 1er octobre 2005 et le 20 octobre 2006, la société E H créée par M X, étant précisé que ce chiffre comprend, d’une part, M Z qui a fait l’objet de la part de la société Sivan, le 23 mars 2006,d’un licenciement déclaré sans cause réelle et sérieuse par une décision de justice définitive, et également 3 salariés alors en période d’essai ;

Qu’aucun des salariés ainsi embauchés par les sociétés Gerpi et Sivan n’était lié par une clause de non concurrence au moment de son embauche par la société E H;

Qu’au vu du rapport d’expertise et des pièces produites, il apparaît que le secteur d’activité dans lequel évoluent les sociétés du groupe Altran est caractérisé par une très forte volatilité, le taux de turn-over moyen dans ce secteur étant de l’ordre de 15% entre 2005 et 2008 et atteignant environ 30 % pour les sociétés du groupe Altran, qui ont l’obligation de compenser ces départs par une politique de recrutement active ; qu’ainsi 5000 collaborateurs ont été recrutés dans le groupe en 2006, portant le nombre de salariés à plus de 17000 ;

Que s’agissant des sociétés Sivan et Gerpi, il est établi que 88 salariés ont quitté la société Sivan entre le mois de septembre 2005 et le mois de juin 2006, parmi lesquels seulement 19 ont rejoint la société E H et que, parmi les 33 salariés ayant quitté durant la même période la société Gerpi, seuls 3 ont été recrutés par la société E H ;

Que compte tenu du turn-over rappelé plus haut, le nombre de salariés ayant rejoint la société E H, sur une période dix mois, reste modeste et ne traduit pas à lui seul un débauchage massif, et ce d’autant moins que le départ de salariés des sociétés Sivan et Gerpi durant cette période , y compris de ceux qui occupaient des fonctions managériales, est, pour une part, indiscutablement lié au contexte de crise juridico -financière alors traversée par le groupe Altran ainsi qu’à l’annonce en 2005 de la mise en place d’un vaste plan de restructuration allant d’ailleurs conduire au regroupement de l’ensemble des sociétés du groupe dont les sociétés Gerpi et Sivan et à leur fusion dans une seule et même structure, ainsi qu’en justifient les appelantes par la production de nombreuses pièces;

Qu’en outre, aucune manoeuvre déloyale de débauchage de la part de la société G H n’est caractérisée ; qu’ainsi que le relève l’expert dans son rapport, les consultants et managers qui ont rejoint la société E H n’ ont fait l’objet d’aucune sollicitation particulière de la part de cette société et n’ont fait, pour certains, que répondre aux offres d’emploi publiés sur des sites internet ainsi que cela ressort des lettres de candidature produites et de certaines attestations versées aux débats ; que la société E H s’est principalement adressée aux sites professionnels de recrutement, ainsi que cela ressort des constatations de l’expert , pour rechercher des consultants ; qu’elle justifie au surplus ne pas avoir donné suite à des candidatures spontanées émanant de consultants d’Altran et plus particulièrement de la société Sivan, attitude qui exclut toute volonté de sa part de désorganiser ces sociétés; que l’utilisation par la société E H des fichiers des sociétés Sivan et Gerpi pour recruter leurs salariés n’est pas établie et est écartée par les investigations de l’expert ;

Que l’allégation selon laquelle M Z, alors directeur général de la société Sivan, serait resté « infiltré » en son sein dans le but d’organiser le débauchage déloyal n’est nullement démontrée ; qu’ainsi qu’ il a déjà été vu, celui-ci a fait l’objet d’un licenciement en mars 2006 sans qu’aucun grief de concurrence déloyale ne lui soit reproché ; qu’il n’a en outre pas immédiatement rejoint la société E après son licenciement mais ne la rejointe qu’à l’automne 2006 ; qu’aucun élément ne permet de retenir qu’il aurait facilité le débauchage déloyal des salariés de la société Sivan en levant leur clause de non concurrence ou en les dispensant de préavis alors qu’il est établi que la levée des clauses de non concurrence qui figuraient dans certains contrats était une pratique habituelle, voire systématique, les appelantes produisant de nombreuses lettres de levée de la clause signées par d’autres dirigeants de la société Sivan, en 2005 ou 2006 et au profit de salariés ayant rejoint ou non la société G H, tandis que la société Altran ne produit aucun document dont il résulterait l’application aux salariés démissionnaires des clauses de non concurrence figurant dans leur contrat; que l’explication des appelantes selon laquelle les clauses de non concurrence figurant dans les contrats des sociétés du groupe Altran n’étaient pas rémunérées et étaient donc nulles, n’est, au demeurant, nullement démentie par la société Altran et est confirmée par la production par les appelantes du contrat de travail de M C;

Qu’aucune conséquence ne peut être tirée des quelques dispenses ou réduction de préavis dont ont bénéficié certains salariés lors de leur départ, les sociétés E, soutenant sans être utilement contredites, que ces dispenses concernaient des salariés qui étaient alors en « inter-contrat », c’est à dire affectés à aucune mission, ou qui étaient sur le point de terminer une mission, étant observé que ces dispenses ne concernent qu’un nombre limité de salariés ; que les sociétés E établissent en outre par les pièces qu’elles produisent que d’autres dirigeants que M Z accordaient également de telles dispenses de préavis , tel M B en 2005 ou M D en 2006 ;

Qu’ outre le fait que l’existence de manoeuvres déloyales qui auraient accompagné l’embauche des salariés prétendument débauchés n’est pas établi, aucun élément ne permet de retenir que les départs des salariés, consultants et managers, auraient désorganisé les sociétés Gerpi et Sivan ; qu’il est établi et non contesté que les managers qui ont rejoint la société E H ont tous été remplacés, la société Altran se bornant à affirmer, sans en justifier, que ces remplacements n’ont pas été immédiats ; qu’il n’est pas soutenu que les missions en cours n’aient pas été terminées par les salariés démissionnaires ou leurs remplaçants ;

Qu’il peut être ajouté que contrairement à ce qui est encore allégué, le mode d’organisation de la société E H n’est pas similaire à celui des sociétés Sivan et/ou Gerpi, outre le fait, qu’en tout état de cause, l’organisation de ces deux sociétés ne présente aucune originalité, ni particularité ;

Considérant, s’agissant du détournement et de l’utilisation des fichiers des sociétés Gerpi et Sivan allégués, que si la présence de certaines pièces ou documents appartenant à ces sociétés a été constatée sur les disques durs des ordinateurs de la société E H, ces documents ne contiennent pas d’informations confidentielles ou privilégiées et ne présentent aucun intérêt concurrentiel ; qu’ils n’ont pas été « détournés », leur présence s’expliquant notamment par le fait que les salariés des sociétés Gerpi et Sivan ne disposaient pas d’ordinateurs portables et utilisaient leur ordinateur personnel ; qu’ils n’ont fait l’objet d’aucune utilisation de la part des sociétés E ainsi que cela ressort des expertises; que leur seule présence sur les ordinateurs utilisés au sein de la société E H ne caractérise pas un acte de concurrence déloyale ;

Considérant enfin que la société Altran invoque dans ses écritures un « détournement de clients, missions et parts de marché » en précisant toutefois, dans les développements qu’elle consacre à ce détournement, qu’elle ne prétend pas avoir perdu des clients mais seulement des parts de marché, c’est à dire des missions ; qu’elle cite ainsi certains de ses clients, tels Alcatel, EADS, Nokia, General electric médical systems, ou encore Philips et Nortel, qui ont confié des missions à la société E H ;

Qu’il est constant que le fait que des clients de la société Altran aient confié certaines missions à la société Davdison H ne suffit pas à caractériser des agissements déloyaux de la part de cette société, les clients étant libres de se tourner vers une société concurrente ; que la société Altran n’établit aucun acte déloyal qui aurait permis à la société E H de s’approprier certains de ses clients ou d’obtenir des missions de la part des clients précités, étant observé qu’il est acquis aux débats qu’ il est habituel, dans ce domaine d’activité, qu’une société fasse appel à plusieurs sociétés de H à la fois, sur des missions différentes et que les clients cités par la société Altran sont de grosses sociétés qui ont recours à de nombreuses sociétés de conseils ; que c’est en vain que la société Altran entend prouver le détournement qu’elle invoque par les manoeuvres déloyales de débauchage de salariés et de détournement de fichiers dès lors, qu’ainsi qu’il a été vu, la preuve de ces manoeuvres n’est pas rapportée;

Considérant qu’il résulte de l’ensemble de ces éléments qu’aucun acte de concurrence déloyale au préjudice des sociétés Gerpi et Sivan n’est établi à l’encontre des sociétés E; que la société Altran doit être déboutée de l’ensemble de ses demandes ;

Que le jugement sera infirmé en ce qu’il a dit que les sociétés E H, E Paris, E Ouest et E F se sont livrées à des pratiques concurrentielles déloyales à l’égard de la société Altran et a condamné solidairement ces sociétés à payer à la société Altran une somme de 4,5 millions d’euros à titre de dommages-intérêts, ainsi qu’en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles ;

Qu’il sera fait application de l’article 700 du code de procédure civile au profit des sociétés appelantes, la demande à ce titre de la société Altran, qui succombe, étant rejetée;

PAR CES MOTIFS

Statuant par arrêt contradictoire,

Dit la société Altran technologies recevable en son action dirigée contre les sociétés E Paris, E Ouest et E F,

Dit la société Altran technologies recevable en son appel incident,

Confirme le jugement mais seulement en ce qu’il a débouté les sociétés E H, E Paris, E Ouest et E F de leur demande en nullité, constaté que la société Altran technologies vient aux droits des sociétés Gerpi et Sivan,

L’infirme pour le surplus,

Statuant de nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Déboute la société Altran technologies de son action en concurrence déloyale à l’encontre des sociétés E H, E Paris, E Ouest et E F ;

Condamne la société Altran technologies au paiement de la somme de 100 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et la déboute de sa demande à ce titre;

Condamne la société Altran technologies aux entiers dépens de première instance et d’appel, en ce compris les frais d’expertise, et dit qu’ils pourront être recouvrés selon les dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;

Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant préalablement été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Mme Dominique ROSENTHAL, Président et par M GAVACHE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire .

Le GREFFIER, Le PRÉSIDENT,

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
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Cour d'appel de Versailles, 12ème chambre, 26 novembre 2013, n° 12/04148