Cour d'appel de Versailles, 1re chambre 1re section, 15 décembre 2016, n° 14/05942

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 1re ch. 1re sect., 15 déc. 2016, n° 14/05942
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro(s) : 14/05942
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Nanterre, 9 juillet 2014, N° 13/10248
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 63B

1re chambre 1re section

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 15 DECEMBRE 2016

R.G. N° 14/05942

AFFAIRE :

XXX

C/

Marie-Christine Y-Z

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 10 Juillet 2014 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

N° Chambre : 01

N° Section :

N° RG : 13/10248

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à:

Me Khadija BENBANI, avocat au barreau des HAUTS-DE-SEINE

Me Bertrand ROL de l’AARPI JRF AVOCATS, avocat au barreau de VERSAILLES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUINZE DECEMBRE DEUX MILLE SEIZE, La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

XXX

inscrite au RCS de Nanterre sous le numéro 323 903 971

XXX

XXX

prise en la personne de ses représentants légaux

Représentant : Me Khadija BENBANI, avocat postulant et plaidant au barreau des HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 307

APPELANTE

****************

Maître Marie-Christine Y-Z

né le XXX à XXX

XXX

XXX

Représentant : Me Bertrand ROL de l’AARPI JRF AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617 – N° du dossier 20140647 -

Représentant : Me Vincent CANU, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E0869

INTIME

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 786 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 03 Novembre 2016, les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Anne LELIEVRE, Conseiller, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Alain PALAU, Président

Madame Anne LELIEVRE, Conseiller,

Madame Nathalie LAUER, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie RENOULT,

Vu le jugement rendu le 10 juillet 2014 rendu par le tribunal de grande instance de Nanterre qui a : – condamné Me Y-Z à payer à la société Instal’info une indemnité de 10.000 € en réparation de son préjudice,

— condamné Me Y-Z à payer à la société Instal’info une indemnité de 4.000 € au titre des frais exposés et non compris dans les dépens,

— condamné Me Y-Z aux dépens ;

Vu l’appel de cette décision relevé le 30 juillet 2014 par la SARL Instal’info qui, dans ses dernières conclusions notifiées le 3 octobre 2016, demande à la cour de :

— infirmer le jugement de première instance seulement en ce qui concerne le montant de l’indemnité allouée en réparation du préjudice subi,

— condamner Me Y-Z à lui payer une indemnité de 130.000 € en réparation de son préjudice,

— confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions non contraires aux présentes,

— condamner Me Y-Z à lui verser la somme de 9.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Vu les dernières conclusions notifiées le 5 octobre 2016, par lesquelles Me Y-Z, intimée, demande à la cour de :

— infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

— débouter la société Instal’info de l’ensemble de ses demandes,

— condamner la société Instal’info à lui payer la somme de 10.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner la société instal’info aux entiers dépens ;

SUR CE

Considérant que par acte sous seing privé du 24 août 1988, la SCI de Montcharente a donné à bail commercial à la société Instal’info un local situé XXX sis à la XXX, aux fins d’exercice de l’activité d’installation, vente et dépannage de tous matériels informatiques ;

Que la société Instal’info, placée en redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 29 septembre 2005, a bénéficié d’un plan de continuation de l’entreprise pour une durée de 5 ans par jugement du 24 novembre 2005 ; Qu’à la suite de la délivrance par son bailleur, le 27 février 2006, d’un congé avec refus de renouvellement de bail commercial sans paiement d’indemnité d’éviction pour le 31 août 2006, la société Instal’info a saisi Me Dupuis de la défense de ses intérêts ; que ce dernier ayant fait valoir ses droits à la retraite, Me Y-Z a été nommée administrateur de son cabinet à compter du 1er janvier 2007 ;

Que le délai de contestation du congé ayant expiré le 31 août 2008, la SCI de Montcharente a fait assigner la société Instal’info le 23 septembre 2008 afin de voir ordonner son expulsion et sa condamnation au paiement des arriérés locatifs ;

Que par jugement du 2 février 2012, confirmé par arrêt de la cour d’appel de Versailles du 18 juin 2013, le tribunal de grande instance de Nanterre a ordonné l’expulsion de la société Instal’Info ;

Qu’estimant que Me Y-Z avais commis une faute en ne lui conseillant pas d’engager une action en contestation du congé dans le délai biennal légal ce qui a eu pour conséquence de lui avoir fait perdre son droit au bail et toute indemnité d’éviction, la sarl Instal’info l’a assignée devant le tribunal de grande instance de Nanterre par acte du 28 août 2013, sur le fondement des dispositions de l’article 1147 du code civil en réparation de son préjudice ;

Sur la faute

Considérant que l’appelante fait valoir que pendant les deux ans suivant la date d’effet du congé, Me Dupuis et ensuite Me Y-Z, n’ont effectué aucune diligence visant à la contestation du congé et à une demande d’indemnité d’éviction et ne l’ont pas davantage conseillée ou alertée sur la nécessité d’introduire une telle action avant l’expiration du délai biennal de prescription courant à compter du 31 août 2006 ; qu’elle avait rejeté la proposition de transaction du bailleur dès le 29 novembre 2006,soit une année et demie avant l’expiration du délai de contestation du congé et qu’en dépit de ce refus, aucune diligence n’a été accomplie ; que Me Y- Z ne fournit aucune preuve de l’exécution de son obligation de conseil ;

Que l’intimée réplique que le gérant de la société Instal’info ne s’est manifesté auprès d’elle qu’après avoir reçu l’assignation sur laquelle elle s’est constituée devant le tribunal de grande instance de Nanterre, postérieurement à l’expiration du délai de prescription biennale ; que les correspondances produites démontrent que Me Dupuis a accompli son obligation de conseil, contrairement à ce qu’a jugé le tribunal, en informant la société Instal’info à plusieurs reprises de la nécessité d’engager une action en contestation du congé et sollicité ses instructions à ce titre, sans jamais avoir reçu mandat en ce sens et qu’il en va de même en ce qui la concerne ;

Considérant qu’il appartient à l’avocat de prouver qu’il a rempli son obligation de conseil ; que Me Y-Z a repris l’administration du cabinet de Me Dupuis à compter du 1er janvier 2007 ; qu’elle a donc, contrairement à ce qu’elle soutient, été saisie des intérêts de la sarl Instal’info, avant l’expiration du délai biennal ouvert pour diligenter une action en contestation du congé litigieux et/ou en obtention d’une indemnité d’éviction ; que les premiers juges ont, à juste titre, considéré au vu des pièces produites, que Me Y-Z reprenant l’administration du cabinet de Me Dupuis , ne justifiait pas de l’exécution de son devoir de conseil par cette dernière, les copies de courriers prétendument adressés à la sarl Instal’info ne revêtant pas un caractère suffisamment probatoire de l’information effective de cette dernière, de sorte que celle-ci n’a pu faire un choix éclairé de ne pas donner mandat à son avocat d’engager une action en contestation du congé litigieux ; qu’en effet les pièces produites, présentées comme des copies de courriers prétendument envoyés à M. X, gérant de la sarl Instal’info, mentionnant certes la nécessité d’introduire une instance en contestation du bail, ne comporte ni signature, ni l’en-tête de son expéditeur ; que surtout, il n’est pas justifié de l’envoi d’au moins l’un d’entre eux par lettre recommandée, avant l’expiration du délai ouvert, ni donc de l’information effective de la cliente ;

Que Me Y-Z, saisie en temps utile, le 1er janvier 2007, soit un an et demi avant l’expiration du délai biennal ouvert pour engager une telle action, ne justifie pas davantage avoir personnellement prodigué ce conseil et n’est pas fondée à soutenir que la voie transactionnelle était privilégiée, dès lors que la demande amiable d’indemnité présentée par le gérant de la sarl Instal’info n’avait pas abouti , ce dont elle avait connaissance par le dossier repris de Me Dupuis ;

Sur le préjudice et le lien de causalité

Considérant que l’appelante fait valoir que le défaut de conseil et de diligences de Me Y -Z est à l’origine de la perte pour elle de l’indemnité d’éviction à laquelle elle aurait pu prétendre ; que s’agissant du quantum de ce préjudice, elle souligne que le bailleur avait proposé, avant l’expiration du délai de contestation, une indemnité d’éviction de 50.000 € qui aurait été réduite à l’issue de l’expiration de ce délai à la somme de 10. 000 € ; que son préjudice comprend selon elle, la perte certaine d’un fonds de commerce exploité depuis longtemps, proche d’une ligne de tramway à proximité de grands ensembles immobiliers commerciaux et professionnels, tous indices indicatifs de la valeur du fonds de commerce en question ; que ne disposant pas de la trésorerie nécessaire au financement de nouveaux locaux lui permettant de se maintenir dans sa zone de prédilection, elle a rencontré des difficultés à trouver de nouveaux locaux à louer sans droits d’entrée ; qu’elle a été contrainte d’acquérir un droit au bail, et d’exposer des frais de réinstallation qu’elle chiffre à la somme de 60 510,16 € ; qu’elle fait également état d’une perte de chiffre d’affaires d’un montant de 12 83,15 € ; qu’ elle sollicite, en conséquence, une indemnisation à hauteur de 130.000 €, comprenant l’estimation de la valeur marchande de l’ancien fonds et ses frais de réinstallation ;

Considérant que l’intimé réplique que le préjudice allégué n’est justifié ni en son principe ni en son quantum ; que le préjudice doit être direct et Z alors que la société Instal’info ne fait qu’affirmer avoir été confrontée à de graves difficultés, sans produire de pièces justificatives ; que son préjudice n’est pas établi et qu’ il ressort des éléments du dossier et de l’attitude de l’appelante que celle-ci ne voulait pas engager de procédure ; qu’en outre, la sarl Instal’info faisait face à des difficultés depuis 2005 et que le congé sans indemnité d’éviction se justifiait par les graves désordres affectant la structure du bâtiment abritant des locaux commerciaux ; que ces éléments dépréciaient fortement la valeur du fonds de commerce ; qu’enfin, celui-ci a pu être transféré et se trouve à 500 mètres de son ancienne adresse, de sorte qu’Instal’info n’est pas fondée à se plaindre d’une perte de clientèle ; Considérant s’agissant du lien de causalité avec le préjudice allégué que le défaut de son exécution de conseil par Me Y-Z a eu pour conséquence de faire perdre à la sarl Instal’info une chance d’introduire une action en contestation du congé et en obtention d’une indemnité d’éviction ; qu’il n’est pas valablement soutenu que le gérant de la sarl Instal’info n’avait pas l’intention d’intenter une action, ce qui ne saurait se déduire des pourparlers en vue d’une transaction qui n’a pas abouti, alors que faute d’un conseil en ce sens, il n’a pu faire un choix éclairé, ce d’autant moins que l’action ouverte se prescrivait à bref délai et qu’il n’est pas démontré que son attention a été spécialement attirée sur ce point précis ;

Que la perte de chance pour la sarl Instal’info d’obtenir une indemnité d’éviction se mesure à la probabilité de succès qu’aurait remportée une telle action si elle avait été intentée ;

Que le motif du refus de renouvellement par le bailleur visé au congé délivré le 27 février 2006 se fondait sur ' les graves désordres affectant la structure du bâtiment et sa toiture, qui appelleraient des travaux de réparation disproportionnés à la valeur de l’immeuble et non susceptibles de corriger de manière satisfaisante et durable les faiblesses de la construction existante', contraignant la société à ' procéder à la démolition de l’immeuble et à sa reconstruction’ ;

Considérant selon 145-14 du code de commerce, que le bailleur peut refuser le renouvellement du bail mais doit, dans ce cas une indemnité d’éviction égale au préjudice causé par le défaut de renouvellement ; que dans cette hypothèse, l’indemnité comprend notamment la valeur marchande du fonds de commerce, déterminée suivant les usages de la profession, augmentée éventuellement des frais normaux de déménagement et de réinstallation, ainsi que des frais et droits de mutation à payer pour un fonds de même valeur, sauf dans le cas où le propriétaire fait la preuve que le préjudice est moindre ;

Que selon les dispositions de l’article 145-17 du code susvisé, le bailleur n’est tenu au paiement d’aucune indemnité s’il est établi que l’immeuble doit être totalement ou partiellement démoli comme étant en état d’insalubrité reconnue par l’autorité administrative ou s’il est établi qu’il ne peut plus être occupé sans danger en raison de son état ;

Considérant que cette cour, saisie de la demande d’expulsion de la sarl Instal’info, a dans son arrêt du 18 juin 2013, confirmé le jugement faisant droit à cette demande, en retenant que l’inexactitude du motif invoqué au congé sous le visa de l’article L145-17 du code de commerce, si elle était établie, aurait eu pour conséquence de donner droit à la société Instal’info à une indemnité d’éviction mais aurait été sans effet sur le congé valablement donné ;

Que la règle étant l’allocation d’une indemnité d’éviction, il incombe à l’intimée de démontrer que les conditions exonératoires d’une telle indemnité étaient réunies ;

Que cependant, pas plus devant la cour que devant les premiers juges, Me Y-Z ne justifie de l’exactitude du motif invoqué du congé rappelé ci-dessus, en établissant que l’immeuble présentait effectivement de graves désordres affectant la structure du bâtiment et sa toiture, devant conduire à sa démolition ;

Que par conséquent, si une action en contestation du congé aux fins d’obtention d’une indemnité avait été intentée, ce que la sarl Instal’info aurait très probablement choisi de faire si elle avait reçu un conseil efficace en ce sens, ses chances de succès auraient été particulièrement importantes ;

Considérant qu’il résulte des pièces produites aux débats que la sarl Instal’info bénéficiait d’un bail ancien puisque datant de 1988 au moyen duquel elle exploitait un commerce et des services spécialisés au titre duquel elle avait eu le temps de se constituer une clientèle ;

Qu’elle a perdu la valeur de son droit au bail, qu’elle a été contrainte de s’éloigner de sa clientèle et a dû exposer des frais de déménagement et de réinstallation, ainsi que des frais et des droits de mutation de son siège social, pour retrouver des locaux de même nature et d’une superficie similaire, lui permettant de poursuivre son activité commerciale ;

Que l’ensemble des pièces produites justifient de réparer la perte de chance d’obtention d’une indemnité d’éviction par des dommages et intérêts à hauteur de 25.000 € ;

Que par conséquent, le jugement entrepris sera seulement infirmé sur le quantum des dommages et intérêts alloués à la sarl Instal’info ;

Qu’il sera confirmé en toutes ses autres dispositions ;

Considérant que Me Y-Z, partie perdante, sera condamnée aux dépens d’appel, ainsi qu’à payer à la sarl Instal’info la somme de 1.500 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement et contradictoirement,

Infirme le jugement sur le montant de l’indemnité allouée à la sarl Instal’info ,

Statuant à nouveau,

Condamne Me Y-Z à payer à la SARL Instal info la somme de 25.000 € en réparation de son préjudice,

Confirme le jugement en ses autres dispositions,

Y ajoutant,

Condamne Me Y-Z à payer à la sarl Instal’info la somme de 1.500 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Rejette toutes autres demandes plus amples ou contraires des parties,

Condamne Me Y-Z aux dépens d’appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile .

— prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Monsieur Alain PALAU, Président et par Madame RENOULT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,

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