Cour d'appel de Versailles, 12e chambre section 2, 15 mars 2016, n° 14/04886

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 12e ch. sect. 2, 15 mars 2016, n° 14/04886
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro(s) : 14/04886
Importance : Inédit
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Nanterre, 14 mai 2014, N° 12/04510
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Date de dernière mise à jour : 1 novembre 2022
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Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

AP

Code nac : 30F

12e chambre section 2

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 15 MARS 2016

R.G. N° 14/04886

AFFAIRE :

SCI [Adresse 2]

C/

SNC LE REPAIRE DE BACCHUS

Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 15 Mai 2014 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

N° Chambre : 08

N° Section :

N° RG : 12/04510

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

— Me Véronique BUQUET-ROUSSEL

— Me Patrick FLORENTIN

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUINZE MARS DEUX MILLE SEIZE,

La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

SCI [Adresse 2]

N° SIRET : 522 635 952

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentant : Me Véronique BUQUET-ROUSSEL de la SCP BUQUET-ROUSSEL-DE CARFORT, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 462 – N° du dossier 18014

Représentant : Me Gina MARUANI de la SCP JACQUIN – MARUANI ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0428

APPELANTE

****************

SNC LE REPAIRE DE BACCHUS

N° SIRET : 513 23 5 2 67

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentant : Me Patrick FLORENTIN, Postulant, avocat au barreau de VAL D’OISE, vestiaire : 105 – N° du dossier 076914

Représentant : Me Nathalie MORENO GOURLAY, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C2381

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 786 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 02 Février 2016 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Alain PALAU, Président chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Alain PALAU, Président,

Monsieur Denis ARDISSON, Conseiller,

Monsieur François LEPLAT, Conseiller,

Greffier F.F., lors des débats : Monsieur James BOUTEMY,

Par acte sous seing privé du 30 novembre 1993, Madame [D] -aux droits de laquelle se trouve la SCI [Adresse 2] dont la gérante est Madame [B]- a donné à bail, en renouvellement, à la société Vins Fins de la Madeleine- aux droits de laquelle se trouve la société Le Repaire de Bacchus- un local commercial situé [Adresse 2].

Le bail a été consenti pour une durée de 9 ans à compter du 1er juillet 1993.

Le local est désigné ainsi :

« Au rez de chaussée, une boutique avec façade sur rue de 5,70 m, deux vitrines et porte vitrée  ».

Une salle en prolongement, avec fenêtre.

Un caveau en sous-sol avec accès par l’escalier en bois partant de la boutique, un monte charge électrique, un WC et un lave-main.

L’activité autorisée est celle de « Commerce de vins, spiritueux, liqueurs, boissons à emporter, à l’exclusion de tout autre ».

Le bail stipule que le preneur sera « personnellement responsable de toutes prescriptions administratives ou légales s’appliquant à son activité ».

Par acte sous seing privé du 2 avril 2007, le bail a été renouvelé pour une durée de 9 ans à compter du 1 er avril 2003.

Madame [B], gérante de la SCI, est également gérante de la société exploitant l’hôtel contigu.

Par acte extra judiciaire du 19 septembre 2011, la bailleresse a délivré un congé à effet au 1er avril 2012 avec refus de renouvellement et offre de paiement d’une indemnité d’éviction à laquelle le preneur pourrait prétendre le cas échéant.

Par acte du 30 mars 2012, la société Le Repaire de Bacchus a fait assigner la SCI [Adresse 2] devant le tribunal de grande instance de Nanterre afin que soit fixé le montant des indemnités d’éviction et d’occupation.

Par jugement du 15 mai 2014, ledit tribunal a jugé que la société avait droit à une indemnité d’éviction et a ordonné une expertise pour lui permettre de fixer le montant des indemnités d’occupation et d’éviction.

Il a sursis à statuer sur les demandes.

Par déclaration du 26 juin 2014, la SCI [Adresse 2] a interjeté appel.

Dans ses dernières écritures en date du 26 novembre 2015, la SCI [Adresse 2] conclut à l’irrecevabilité et au rejet des demandes de la société Le Repaire de Bacchus et donc à l’infirmation du jugement.

Elle demande que soit validé son congé avec refus de renouvellement, qu’il soit jugé que la société Le Repaire de Bacchus n’a pas droit au versement d’une indemnité d’éviction et que soit prononcée son expulsion et celle de tout occupant de son chef.

Elle sollicite le paiement d’une indemnité d’occupation de 49.000 euros hors taxes et hors charges par an, indexée conformément au bail.

Elle demande qu’elle porte intérêts conformément aux stipulations du bail et que ceux-ci soient capitalisés.

Subsidiairement, elle réclame la fixation de l’indemnité d’éviction à la somme de 107.894 euros hors taxes et hors charges dont à déduire le montant correspondant aux ventes réalisées lors des dégustations non autorisées par le bail.

Plus subsidiairement, elle demande que le jugement soit confirmé mais que la mission de l’expert soit limitée à la détermination de l’indemnité d’occupation.

Elle réclame le paiement d’une somme de 6.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

La société reconnaît avoir offert le paiement d’une indemnité d’éviction mais déclare avoir constaté que, dans son assignation, la société locataire prétendait qu’existait dans la boutique « un salon de dégustation unique » et que « toutes les dégustations journaliste/Vip sont en effet organisées dans ce seul salon ». Elle observe que sur son site Facebook, la société fait état d’un salon de dégustation dans une autre boutique ce qui démontre que le local loué n’est pas l’unique salon de dégustation.

Elle soutient que l’activité de « salon de dégustation » est interdite par les clauses du bail précisant la destination de celui-ci. Elle fait état d’une activité occasionnelle de bar à vins non autorisée par le bail.

Elle indique que Maître [Y], huissier de justice, a constaté le 11 décembre 2012 la présence d’un « salon de dégustation » qui est « séparé de la surface de vente par un rideau de tissus » et qui « se trouve au même niveau que la surface de vente et dans son prolongement ». Elle rappelle que le bailleur n’est pas privé de ses droits s’il constate après la délivrance du congé une infraction aux clauses du bail.

Elle soutient que le rapport de Monsieur [G] établi en 2005 qui fait état d’une « arrière-boutique de 23 m²' à usage occasionnel de salon de dégustation de vins et de réunion sur le thème du vin » ne lui est pas opposable aux motifs qu’il a été établi entre Madame [D] et la société Alma, deux parties étrangères au présent litige, que Madame [B] a acquis les murs en 2010 et que l’intimée ne justifie pas qu’elle en a eu connaissance.

Elle ajoute que ce rapport fait état de dégustations occasionnelles et non de prestations de restauration facturées et d’organisations de soirées festives en dehors des horaires d’ouverture de la boutique. Elle estime que l’intimée entretient la confusion entre des dégustations occasionnelles, le plus souvent gratuites, organisées par des cavistes dans le cadre de leur activité et des soirées festives avec repas, payantes et tardives.

Elle relève enfin que son gérant, Monsieur [S], a reconnu « organiser des dégustations le samedi pour faire découvrir ses produits à ses clients et naturellement les inciter à acheter ». Elle souligne que la licence autorisant uniquement à vendre a été accordée non à Monsieur [S] mais à Monsieur [Z] et affirme que les dégustations n’ont pas lieu uniquement le samedi.

Elle en conclut que la société exerce, et le reconnaît, une activité de dégustation sur place en contravention avec la clause, stricte, du bail.

Elle ajoute qu’elle reconnaît également organiser dans la boutique des cours de formation en 'nologie ce qui constitue une activité distincte de celle de caviste et interdite par la clause du bail.

Elle rappelle qu’elle peut invoquer une violation de la clause de destination même pour des motifs postérieurs au congé et souligne que toute infraction à la destination prévue au bail fait perdre le bénéfice du statut résultant des articles L 145-1 et suivants du code de commerce.

Elle soutient qu’il s’agit d’une infraction irréversible aux clauses et conditions du bail qui, ne s’agissant pas en l’espèce de la mise en jeu de la clause résolutoire, peut être invoquée sans mise en demeure préalable. Elle se prévaut d’arrêts.

Elle affirme qu’il ne s’agit pas de dégustations gratuites occasionnelles mais de dégustations régulières et payantes pour des montants de 100 à 150 euros par personne ainsi qu’il résulte d’attestations, de factures, de photographies et de la carte des mets proposée à la clientèle de la boutique litigieuse. Elle souligne qu’elles se déroulent après la fermeture de la boutique jusqu’à minuit ou plus tard et que tout client peut venir. Elle en infère à une activité de restauration non déclarée et exercée sans la licence requise par les articles L 3331-1 et L 3332-1-1 du code de la santé publique.

Elle fait valoir que Maître [Y] n’a fait que retranscrire les déclarations de Monsieur [S] et rappelle que l’huissier n’a pas à vérifier la qualité déclarée de son interlocuteur ou l’exactitude de ses déclarations. Elle invoque une reconnaissance spontanée donc irrévocable et irréversible de dispositions contraires à l’ordre public de la santé publique et du bail ce qui la dispense de délivrer une mise en demeure avant de refuser le paiement d’une indemnité d’éviction.

Elle observe que l’intimée reconnait désormais cette infraction en la minimisant. Elle estime que l’importance des « dégustations » excède les usages de cavistes et que ce qui est proposé à la clientèle s’apparente davantage à des petits repas servis et facturés pour un prix conséquent.

En ce qui concerne la charte du syndicat des cavistes invoquée, elle relève que celle-ci ne peut suppléer les clauses et conditions du bail et affirme qu’elle ne prévoit que des dégustations au sens propre du terme.

Elle rappelle la destination limitée du bail qui exclut toute autre activité que celle expressément autorisée.

Elle excipe d’un rapport de détective du 17 septembre 2014 permettant de constater les faits et s’estime fondée à rapporter par détective les preuves nécessaires sans faire montre de déloyauté.

Elle s’étonne que Monsieur [C] ait tenu la boutique en dehors de ses heures d’ouverture s’il n’avait pas de lien commercial ou amical avec la société et déclare qu’il était payé par elle. Elle affirme non prouvé le dysfonctionnement de la carte bancaire, déclare normal de demander une facture, non conforme d’ailleurs, et soutient que ce rapport démontre qu’un vrai repas a été servi, au surplus un mercredi et non un samedi. Elle ajoute que les produits servis sont les mêmes que ceux vendus dans le bar à vin de la rue Daguerre. Elle considère qu’il contredit les affirmations de Monsieur [C].

Elle précise que, depuis le rapport du détective, aucun bruit nocturne n’est signalé.

Elle ajoute qu’un bail du 16 février 1988 ne permettait que la vente de boissons à emporter ce qui démontre la commue intention des parties d’exclure tout consommation sur place, le locataire n’ayant pas manqué, sinon, de solliciter une activité complémentaire.

Elle conteste que Madame [B] se soit rendue en 1987 à une dégustation et que la photographie produite soit la sienne.

Elle soutient que la configuration des locaux- la présence de tables et banquettes et de verres- attestée par les photographies et les constats d’huissier démontre que cette pratique était usuelle. Elle s’étonne que la société ait aménagé un tel salon bar sinon pour l’utiliser à cette double activité non autorisée.

Elle conteste les assertions prêtées à Madame [B] dans l’attestation de Monsieur [T], non conforme à l’article 202 du code de procédure civile, et souligne que la SCI n’a acquis les murs qu’en juin 2010 et que madame [B] n’était pas, alors, propriétaire de l’hôtel voisin. Elle ajoute que Monsieur [T] a, dans deux attestations, précisé avoir eu la charge de la boutique à deux périodes différentes.

Elle réfute l’attestation de Monsieur [J], non conforme, qui relate des faits ne concernant pas la boutique et qui fait état d’assortiments plus limités qu’en réalité.

En ce qui concerne l’article L 3329-2 du code de la santé publique relatif aux « open 'bars », elle relève que son 3ème alinéa renvoie à l’article 1587 du code civil sur la nécessité de goûter et affirme que la société n’a pas justifié que ses dégustations aient été suivies de vente et qu’aucune dégustation n’a été faite dans le cadre de foires aux vins, en contravention avec l’article L 3322-9 alinéa 3.

Elle ajoute l’heure tardive de ces dégustations qui ne correspond pas aux horaires d’un caviste traditionnel et à ceux affichés sur la boutique et qui ont causé des nuisances sonores. Elle excipe d’un procès-verbal dressé par Maître [X], huissier de justice, le mardi 22 juillet 2014. Elle soutient que ce procès-verbal démontre que les personnes présentes sur le trottoir avaient un lien avec la boutique de l’intimée et précise qu’il ne pouvait être produit en première instance, l’ordonnance de clôture étant intervenue le 5 décembre 2013.

Elle souligne la difficulté à faire intervenir, de nuit, un huissier.

Elle affirme que ces nuisances nocturnes sont récurrentes et ont entraîné des plaintes des clients de l’hôtel. Elle conteste que leurs attestations aient donné lieu à réduction de prix.

Elle fait donc valoir un nouveau manquement de la société aux clauses du bail qui prohibent toute nuisance sonore envers le voisinage.

Elle soutient que l’exercice d’une activité non autorisée constitue un manquement suffisant pour justifier la perte du droit à indemnité d’éviction.

Subsidiairement, elle estime à la somme de 84.500 euros l’indemnité principale d’éviction et, donc, à 107.894 euros l’indemnité totale dont à déduire le montant des ventes réalisées.

Elle rappelle que l’indemnité d’occupation doit, s’agissant d’une indemnité due en raison d’infractions aux clauses du bail, correspondre à la valeur locative de marché. Elle évalue celle-ci à 49.000 euros.

Dans ses dernières écritures portant le numéro 4 en date du 9 novembre 2015, la Sas Le Repaire de Bacchus conclut à la confirmation du jugement.

Elle réclame le paiement d’une somme de 6.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

La société rappelle qu’un premier bail des locaux a été consenti en 1979 et qu’à la suite d’un litige portant sur le montant du loyer, le juge des loyers commerciaux a nommé, le 20 juillet 2005, Monsieur [G] dont le rapport fait état d’une salle pouvant être utilisée pour des dégustations.

Elle relève que la bailleresse a rétracté son offre de paiement d’une indemnité d’éviction en cours de procédure et fait état de nuisances sonores en cause d’appel.

Elle cite [Établissement 1] 145-14 et L 145-28 du code de commerce et les termes du jugement.

Elle soutient que le motif invoqué est inopposable en l’absence de signification et de mise en demeure préalable.

Elle relève que le constat des faits reprochés est postérieur au congé et même à l’expiration du bail.

Elle fait valoir que doit être respectée la procédure prévue à l’article L 145-17 du code de commerce soit une mise en demeure par acte extra judiciaire précisant le motif et l’invitant à faire cesser l’infraction dans un délai d’un mois.

Elle relève qu’aucune mise en demeure n’a visé les nuisances sonores.

Elle critique le constat d’huissier qui ne démontre pas que les personnes présentes sur le trottoir proviennent de la boutique et les attestations produites qui émanent de salariés de l’hôtel alors même qu’aucun procès-verbal de la police municipale n’est produit. Elle réfute l’attestation de Monsieur [O], client de l’hôtel, qui indique que la directrice de l’hôtel lui a dit que les bruits provenaient de la boutique et qu’il a bénéficié d’une remise commerciale.

Elle fait valoir, en tout état de cause, qu’une mise en demeure était nécessaire, cite des arrêts et estime que ceux produits par l’appelante confirment cette nécessité. Elle ajoute que les motifs invoqués devant le tribunal doivent être ceux visés dans le congé.

Elle considère que l’absence d’évocation de ces motifs lors de la signification du congé et la reconnaissance dans celui-ci du droit à indemnité d’éviction interdisent au bailleur de s’en prévaloir.

Sur le fond, elle soutient, en ce qui concerne la licence, que l’article L 3332-1 du code de la santé publique n’exige pas une licence de débit de boissons à consommer sur place en cas de dégustation et de détention d’une licence pour vendre à emporter les produits correspondant aux échantillons dégustés. Elle déclare que tel est le cas étant précisé que Monsieur [S] est le responsable salarié de la boutique et non le gérant et que Monsieur [Z] est le dirigeant de la SAS. Elle se fonde sur les déclarations de Monsieur [S] et affirme que l’appelante ne démontre pas que le bar de dégustation serait un lieu de consommations sur place habituelles et facturées.

Elle affirme que la loi du 21 juillet 2009 a, dans le cadre de la fin des « open bar », rappelé le principe de l’autorisation des dégustations pour les cavistes conformément à l’article 1587 du code civil. Elle souligne que la détention d’une licence IV n’est pas nécessaire.

Elle conteste toute facturation de restauration et relève que les dégustations ne transforment pas les grandes surfaces qui y procèdent à l’occasion de foire aux vins en restaurant.

Elle considère donc que ces dégustations entrent dans le cadre légal et qu’elles sont le prolongement du métier de caviste ainsi qu’il ressort d’attestations du président du syndicat des cavistes professionnels.

En ce qui concerne la fourniture de fromage et de charcuterie durant ces dégustations, elle soutient que cette activité est implicitement incluse dans la destination du bail sans donc qu’il soit nécessaire de l’adjoindre.

Elle réfute les attestations de Monsieur [W], fils de Madame [B], et de ses camarades, contraires à la facture produite et contredites par celle de Monsieur [C], qui n’est plus au service de la société.

Elle fait valoir qu’en tout état de cause, la consommation de fromage et de charcuterie est nécessaire à la dégustation des vins durant les conseils d''nologie et ne peut être assimilée à de la restauration.

Elle prétend donc, reprenant la charte du syndicat des cavistes, que la dégustation entre dans le cadre naturel du commerce de vins ainsi que les formations en 'nologie.

Elle invoque également la commune intention des parties, le rapport [G] faisant état de l’aménagement de la salle et de l’utilisation d’une partie de celle-ci pour des dégustations. Elle en conclut que Madame [D], signataire du bail cédé, a accepté ces dégustations dans cette salle. Elle affirme que Madame [B] a en achetant le slieux été informée de ce rapport.

Elle réfute toute assimilation avec l’établissement de la rue Daguerre qui est un bar à vins bénéficiant d’une licence IV.

Elle conteste le rapport du détective 'auquel elle oppose l’attestation de Monsieur [C]- qui n’a pas précisé que la carte bancaire ne fonctionnait pas et pas indiqué que le libellé de la facture a été demandé par lui et qui ne démontre nullement un détournement de la destination des lieux loués.

L’intimée soutient que le manquement reproché n’est pas irréversible ce qui nécessite une mise en demeure pour l’opposer. Elle définit l’infraction irréversible comme une infraction d’une certaine gravité, instantanée et consomme sans réparation possible tels le viol, les violences. Elle souligne que la mise en demeure ne produirait alors aucun effet pour limiter le préjudice et conteste que ce soit le cas.

Elle ajoute que l’infraction ne serait pas suffisamment grave, le juge appréciant souverainement la gravité du manquement.

La société revendique donc son droit au maintien dans les lieux et la fixation d’une indemnité d’éviction.

Elle réclame la désignation d’un expert.

Elle évalue l’indemnité principale d’éviction à la somme de 709.300 euros et les indemnités accessoires à celle de 281.552 euros.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 24 novembre 2015.

********************

Considérant que le bailleur peut rétracter son offre d’indemnité d’éviction si survient, ou est porté à sa connaissance, postérieurement à la signification du refus de renouvellement avec offre d’indemnité, un motif grave et légitime de refus de renouvellement ;

Considérant que la SCI est donc en droit d’invoquer des manquements de la société locataire dont elle a eu connaissance après son offre de paiement d’une indemnité d’éviction ;

Mais considérant qu’en application de l’article L 145-17 du code de commerce, le bailleur doit, si le motif invoqué résulte de l’inexécution d’une obligation, mettre en demeure le preneur de faire cesser celle-ci ;

Considérant qu’une telle mise en demeure n’est pas nécessaire lorsque l’infraction est instantanée ou irréversible soit lorsqu’elle n’est pas régularisable ;

Considérant qu’en l’espèce, il est fait grief au preneur de ne pas respecter la destination du bail et de ne pas disposer de la licence prescrite par le code de la santé publique pour exercer cette activité contraire à cette destination ;

Considérant que de tels manquements peuvent être, s’ils sont exacts, régularisés ; qu’une mise en demeure préalable est donc nécessaire ;

Considérant que la SCI n’a pas délivré une telle mise en demeure ; qu’elle ne peut donc invoquer une violation par le preneur des clauses du bail ou des dispositions légales justifiant le refus de paiement d’une indemnité d’éviction ;

Considérant que la société locataire a, en conséquence, droit au paiement d’une indemnité d’éviction et est tenue au paiement d’une indemnité d’occupation ;

Considérant que la cour ne dispose pas des éléments lui permettant de déterminer le montant de ces indemnités ;

Considérant qu’une expertise est donc nécessaire ;

Considérant que le jugement sera dès lors confirmé en toutes ses dispositions y compris celles sur la charge de la consignation des frais d’expertise;

Considérant que la SCI [Adresse 2] devra payer à la SAS Le Repaire de Bacchus la somme de 3.000 euros au titre de ses frais irrépétibles exposés en cause d’appel ;

PAR CES MOTIFS

Contradictoirement,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement prononcé le 15 mai 2014 par le tribunal de grande instance de Nanterre,

Y ajoutant

Condamne la SCI [Adresse 2] à payer à la SAS Le Repaire de Bacchus la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Rejette les demandes plus amples ou contraires,

Condamne la SCI aux dépens d’appel,

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur Alain PALAU, Président et par Monsieur BOUTEMY, Faisant Fonction de Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier f.f., Le président,

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