Cour d'appel de Versailles, 3e chambre, 16 novembre 2017, n° 15/07201

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 3e ch., 16 nov. 2017, n° 15/07201
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro(s) : 15/07201
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Nanterre, 23 septembre 2015, N° 13/02759
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 50A

3e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 16 NOVEMBRE 2017

R.G. N° 15/07201

AFFAIRE :

Association UNION FEDERALE DES CONSOMMATEURS – QUE Y

C/

SA X GAS & POWER FRANCE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 24 Septembre 2015 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

N° chambre : 07

N° RG : 13/02759

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Franck LAFON

Me Magali ROCHEFORT

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE SEIZE NOVEMBRE DEUX MILLE DIX SEPT,

La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

L’UNION FEDERALE DES CONSOMMATEURS – QUE Y (UFC – QUE Y), association agréée en qualité d’organisation de consommateurs

[…]

[…]

représentée par son Président, Monsieur A B, domicilié en cette qualité audit siège

Représentant : Me Franck LAFON, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 618 – N° du dossier 20150345

Représentant : Me Erkia NASRY, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : G0060

APPELANTE

****************

SA X GAS & POWER FRANCE, anciennement dénommée ALTERGAZ

N° SIRET : 451 225 692

[…]

[…]

agissant par son représentant légal, Monsieur C D, directeur général, domicilié en cette qualité audit siège

Représentant : Me Magali ROCHEFORT, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 566

Représentant : Me Florent PRUNET de l’AARPI JEANTET ET ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : T04

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

L’affaire a été débattue à l’audience publique du 21 Septembre 2017, Madame Véronique BOISSELET, Président, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Madame Véronique BOISSELET, Président,

Madame Françoise BAZET, Conseiller,

Madame Caroline DERNIAUX, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame E F

Par acte du 25 février 2013, l’UFC Que Y a assigné la société X Gas & Power France aux fins d’obtenir la suppression de certaines clauses des conditions générales de vente de gaz naturel pour les clients particuliers (CGV), par elle estimées abusives ou illicites ainsi que des dommages et intérêts en réparation du préjudice causé à l’intérêt collectif des consommateurs.

Par jugement du 24 septembre 2015, le tribunal de grande instance de Nanterre a :

— déclaré non écrits les articles 3.2 et 14.2 alinéas 1 et 2 des conditions générales de vente de gaz naturel pour les clients de X Gas & Power France datées du 1er janvier 2013 et du 16 juin 2014,

— déclaré non écrits les articles 7.9 des conditions générales de vente de gaz naturel pour les clients (ci-dessous CGV) de X Gas & Power France datées du 1er janvier 2013 et l’article 7.10 alinéa 1 des conditions générales de vente de gaz naturel pour les clients de X Gas & Power France datées du 1er janvier 2013 et du 16 juin 2014,

— ordonné la suppression de ces articles dans un délai d’un mois à compter de la signification du présent jugement,

— débouté l’UFC Que Y du surplus de ses demandes, ainsi que de sa demande d’exécution provisoire,

— condamné l’UFC Que Y aux dépens, ainsi qu’à payer à X Gas & Power France la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles.

L’UFC Que Y a interjeté appel du jugement le 19 octobre 2015 et prie la cour en ses dernières écritures du 6 septembre 2017 de :

— confirmer le jugement sur l’illicéité et la suppression des clauses reconnues telles,

— le réformer pour le surplus,

— déclarer abusives et/ou illicites les clauses contenues dans les CGV dans leurs versions du 1er janvier 2013, du 16 juin 2014 et du 2 juillet 2015, en raison de la petitesse de la taille des caractères utilisée et de l’absence de clarté dans leur présentation,

en tout état de cause :

— déclarer abusives et/ou illicites, les clauses suivantes :

* contenues dans les CGV dans leurs versions du 1er janvier 2013, du 16 juin 2014 et du 2 juillet 2015 : articles 3.1, (al. 1 et 3) ; 3.4 ; 4.2 (2e phrase) ; 6.2 (1re phrase) ; 7.1 ; 7.2 (dernière phrase) ; 7.6 (al. 2) ; 7.9 ; 11 (al.3) ; 17 (al. 1 à 6).

* contenues dans les CGV dans leur version du 2 juillet 2015: articles 3.2 ; 14.2 (a. 1 et 2).

— ordonner la suppression des clauses critiquées sous astreinte de 300 euros par clause et par jour de retard à l’expiration d’un délai de 8 jours à compter de la signification de la décision à intervenir,

— juger non écrites les clauses critiquées,

— ordonner aux frais de la société X Gas & Power France la diffusion d’un communiqué judiciaire dans trois quotidiens nationaux au choix de l’UFC Que Y, sans que le coût de chaque insertion puisse être inférieur à 15 000 euros, et dont la teneur sera déterminée par l’UFC Que Y,

— ordonner la publication de la décision au moyen d’un lien figurant sur la page d’accueil du site de X Gas &Power France dans un délai d’un mois à compter de la signification de la décision à intervenir, et qui devra y être accessible pendant un délai de six mois, et ce avec la mention 'communiqué judiciaire’ en rouge, sous contrôle d’un huissier, et à peine d’astreinte de 10 000 euros par jour de retard une fois passé le délai d’un mois à compter de la signification,

— condamner X Gas & Power France à lui payer la somme de 50 000 euros en réparation du préjudice causé à l’intérêt collectif des consommateurs, ainsi qu’à la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens,

— débouter X Gas & Power France de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions de première instance et d’appel.

Par dernières écritures du 28 octobre 2016, X Gas & Power France (ci-après X) prie la cour de :

— confirmer le jugement en ce qu’il a débouté l’UFC de toutes ses demandes tendant à la suppression sous astreinte des articles 3.1 (al. 1 et 3) ; 3.4 ; 4.2 (2e phrase) ; 6.2 (1re phrase) ; 6.4 ; 7.1 ; 7.2 (dernière phrase) ; 7.6 (al. 2) ; 7.9 ; 11 (al.3) ; 17 (al. 1 à 6) des CGV des 1er janvier 2013 et 16 juin 2014, à l’allocation de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé à l’intérêt collectif des consommateurs et à la publication sous astreinte du jugement dans trois journaux nationaux et sur le site internet d’X,

— infirmer le jugement en ce qu’il a :

• dit illicites et déclaré non écrits les articles 3.2 et 14.2 alinéas 1 et 2 des CVG des 1er janvier 2013 et 16 juin 2014,

• dit abusifs et déclaré non écrits l’article 7.9 des CGV datées du 1er janvier 2013 et l’article 7.10 des CGV des 1er janvier 2013 et 16 juin 2014,

• ordonné la suppression des dits articles dans un délai d’un mois.

— débouter l’UFC Que Y de ses demandes, et la condamner à lui verser 75 000 euros au titre de l’article 700 ainsi qu’aux entiers dépens.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 7 septembre 2017.

SUR QUOI, LA COUR

La recevabilité des demandes formées par UFC Que Y n’est pas contestée.

Aux termes de l’article L212-1 du code de la consommation, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer au détriment du non professionnel ou du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

Sur la police de caractère employée :

Il résulte de l’examen des CGV produites qu’elles sont tout à fait lisibles, même si le confort du lecteur pourrait être amélioré par une police d’une taille supérieure. Ce grief manque en fait.

Sur l’article 3.1 Conditions pour la fourniture de gaz naturel :

Cet article est rédigé en ces termes : 'L’engagement d’ X ….est subordonné au respect de la réglementation en vigueur par le Client pour sa propre installation'.

Il est inclus dans les CGV du 1er janvier 2013, 16 juin 2014 et 2 juillet 2015.

UFC Que Y expose que tant la jurisprudence qu’une réponse ministérielle soulignent qu’il n’y a pas lieu d’assimiler non conformité d’une installation et absence de sécurité, et qu’une installation non conforme n’est pas nécessairement dangereuse, en sorte que la clause, en ce qu’elle permet de refuser la fourniture d’énergie si l’installation n’est pas conforme aux normes en vigueur est illicite.

Le tribunal a justement considéré que cette clause n’avait pas pour objet d’imposer au consommateur le respect de normes de conformité auxquelles son installation, à raison de sa date, ne serait pas soumise, et que, par ailleurs le respect de normes de conformité est exigé dans un but de sécurité collective, ce qui ne saurait être assimilé à une obligation disproportionnée.

Cette demande a été justement rejetée.

Sur l’article 3.2 Délai prévisionnel de fourniture :

Il est rédigé en ces termes : '… le délai prévisionnel de fourniture ne pourra dépasser le délai légal de 21 jours conformément à l’article L121-89 du code de la consommation'.

Le tribunal a jugé que ce délai de 21 jours correspondant au délai maximum dans lequel le client peut changer de fournisseur à compter de sa demande, la référence à l’article L121-89 du code de la consommation était trompeuse et entrainait l’illicéité de la clause. Il en a donc ordonné la suppression, tant dans les CGV du 1er janvier 2013 que celles du 16 juin 2014.

X fait valoir que ce délai a simplement été calqué sur le délai légal cité, ce qu’aucun texte ne lui interdit de faire, et qu’il y a lieu d’en déduire le délai de rétractation de 14 jours, ainsi que le 'délai de bascule’ par le GRD de 5 jours vers le nouveau fournisseur. Elle ajoute qu’elle ne réduit pas le droit à réparation du consommateur en cas de retard anormal de fourniture et ne stipule pas non plus une date qui serait purement indicative, en sorte qu’elle n’est pas abusive.

La cour comme le tribunal considère que la rédaction de cet article prête à confusion dans la mesure où le consommateur non averti peut en déduire qu’il existe un délai légal de fourniture d’énergie, ce qui est inexact, et être dissuadé de solliciter réparation du préjudice causé par un délai anormalement long dans sa situation particulière. Le jugement sera donc confirmé sur ce point, sauf à préciser que la suppression de la clause intéressera les CGV du 1er janvier 2013, du 16 juin 2014, et du 2 juillet 2015.

Sur l’article 3.4 Droit de rétractation :

Il est fixé à 7 jours à compter de la signature du contrat dans les CGV du 1er janvier 2012, et porté à 14 jours dans les CGV du 16 juin 2014. A été ajoutée dans les CGV du 2 juillet 2015, une information relative à la faculté de télécharger un bon de rétractation, et de l’envoyer par voie électronique ou postale.

UFC critique le point de départ en ce que, s’agissant d’une vente, le délai doit partir de la date de mise à disposition effective du bien ou du service.

Il est justement observé par X, suivie sur ce point par le tribunal que la fourniture de gaz est une prestation qui s’apparente davantage à une prestation de service, dont les conditions et tarifs sont connus dès signature, pour un bien de qualité constante quel que soit le fournisseur, et qui n’est pas restituable, en sorte que le droit de rétractation est utile dès la signature du contrat. Il est d’ailleurs piquant d’observer que c’est la solution qu’avait retenu l’UFC Que Y dans le contrat qu’elle proposait aux consommateurs intitulé 'Gaz moins cher ensemble'.

Cette demande a été justement rejetée, étant observé que seules étaient critiquées sur ce point les CGV du 1er janvier 2013.

Sur les articles 4.2 et 11 Conditions Standards de Livraison et Responsabilité :

Leurs termes sont en substance les suivants : Le Client est informé qu’X a été mandaté par le GRD (gestionnaire du réseau de distribution) pour représenter, recevoir et répondre à toute demande du Client concernant les conditions standard de livraison et à recueillir certaines demandes de prestations spécifiques du Client…..

…..Conformément aux dispositions de l’article 4, X n’est tenue à aucune obligation relative à la livraison du gaz.

Ces articles sont identiques dans les CGV du 16 juin 2014 et du 2 juillet 2015.

UFC Que Y expose que le fournisseur étant l’interlocuteur unique du consommateur, il est tenu de répondre des obligations du GRD vis-à-vis du consommateur, à charge de se retourner contre le GRD, l’interdépendance entre les deux prestations, et l’unicité du contrat justifiant une responsabilité unique.

Elle ajoute que cette clause a pour effet de faire échec aux droits que le consommateur tire du contrat unique qui lui permet d’avoir un seul interlocuteur, et enfreint les dispositions relatives aux contrats conclus à distance.

La cour ne peut que constater que, ce faisant, UFC Que Y ne propose aucune argumentation nouvelle par rapport à celle qu’elle a développée devant le tribunal de grande instance de Nanterre, et à laquelle il a été répondu de manière pertinente et complète, en des motifs que la cour adopte sans restriction.

Tout au plus sera-t-il ajouté que l’article L224-8, anciennement L121-92 du code de la consommation qui prévoit l’obligation pour le fournisseur de proposer au consommateur un contrat unique portant sur la fourniture et la distribution d’énergie ne prévoit aucunement une responsabilité unique pesant exclusivement sur le fournisseur, puisqu’au contraire il dispose que le contrat reproduit en annexe les clauses réglant les relations entre le fournisseur et le gestionnaire de réseau et notamment les clauses précisant les responsabilités respectives de ces opérateurs.

Le fait que le fournisseur soit désigné par les conditions standard de livraison annexées au contrat comme l’interlocuteur unique du consommateur, et ait ainsi qualité pour traiter toute question portant sur l’acceptation, l’interprétation ou la résiliation des conditions standard de livraison confirme d’ailleurs bien que le fournisseur ne saurait endosser vis-à-vis du consommateur, la responsabilité du distributeur, et n’est qu’un simple interlocuteur, dans le cadre de la gestion courante du contrat. Il est en effet désigné comme mandataire commun du distributeur et du consommateur.

Enfin, les dispositions du contrat acheminement distribution, régissant les relations entre le fournisseur et le gestionnaire de réseau, annexé aux CGV, prévoient très clairement que le distributeur est seul responsable des dommages causés au client en cas de non respect d’une ou plusieurs obligations mises à sa charge aux termes du contrat de livraison directe ou des conditions standard de livraison. Le client dispose d’un droit contractuel direct à l’encontre du distributeur. Il est donc logique que les CGV régissant les relations fournisseur client prévoient expressément que le fournisseur n’aura aucune obligation en ce qui concerne la livraison.

Sur l’article 6.2 Evolution du Prix des offres X :

Cette disposition est similaire dans toutes les CGV examinées et prévoit qu’en cas d’évolution des tarifs réglementés d’accès et d’utilisation des infrastructures gazières ou d’évolution des tarifs réglementés de gaz naturel, les prix des offres X indiqués dans la grille tarifaire adressée au client sont susceptibles d’évolution et que cette évolution s’appliquera de plein droit à tous les contrats y compris ceux en cours d’exécution.

UFC Que Y considère que le terme 'évolution’ permet des variations de prix supérieures au plafond fixé par le pourcentage d’évolution du tarif réglementé de vente, que la clause est encore illicite en ce qu’elle ne prévoit pas de délai de prévenance, et qu’elle laisse supposer au consommateur qu’il ne peut résilier le contrat.

Le tribunal a cependant justement suivi l’argumentation d’X qui faisait valoir qu’il s’agissait bien d’une clause d’indexation, puisque la variation est déterminée par celle des tarifs réglementés, et qu’ainsi n’existait aucune obligation à la charge d’ X de suivre la procédure prévue par l’article L224-10 du code de la consommation.

Cette demande a été justement rejetée.

Sur l’article 6.4 taxes et contributions :

Depuis 2013, cette clause est rédigée comme suit :

'Les taxes comprises dans les prix… sont toutes les taxes… de toute nature applicables conformément à la réglementation en vigueur… Tout ajout, retrait, modification de ces taxes ou de leur taux imposés par la loi ou les règlements seront appliqués automatiquement aux Contrats'.

UFC Que Y fait valoir qu’en ne précisant pas que l’augmentation automatique du prix s’applique uniquement lorsqu’elle est imposée par la loi ou le règlement, et en visant des taxes ou contributions que la loi n’impose pas de répercuter sur le consommateur final, la clause crée manifestement un déséquilibre significatif au détriment du consommateur.

On voit cependant mal comment X pourrait se soustraire à ses obligations fiscales, et s’abstenir de répercuter d’éventuelles modifications fiscales sur le consommateur final, y compris lorsque l’effet sur les tarifs n’est qu’indirect. La cour n’a rien à ajouter à la motivation précise et complète du tribunal sur ce point, étant surtout rappelé que l’article 224-3 -4° précise expressément que les prix sont susceptibles d’évoluer.

Sur l’article 7.1 Choix du client :

Il est conçu en ces termes dans toutes les CGV examinées : Le Client choisit ses échéances de facturation et de paiement : soit la mensualisation avec facture de régularisation annuelle, soit la facturation tous les deux mois avec facture de régularisation semestrielle.

UFC Que Y reproche à cet article d’interdire au consommateur d’opter pour une facturation tous les mois, et ce en contradiction avec la directive 2006/32/CE qui exige que des factures sur la base de la consommation réelle sont établies à des intervalles suffisamment courts pour permettre aux Clients de réguler leur consommation d’énergie.

Néanmoins l’interprétation de la directive à laquelle se livre UFC Que Y n’est nullement fondée, rien dans ce texte n’imposant une facturation mensuelle, étant en outre observé que la même directive, transposée par l’article L.224-11 prévoit également une facturation sur la base de la consommation effective une fois par an seulement, ce qui serait en contradiction manifeste avec l’interprétation proposée.

Sur l’article 7.2 Auto-relevé lors du Changement de Fournisseur :

Cet article est rédigé comme suit : Dans le cas où l’index auto-relevé par le Client est incohérent avec son historique de consommation, l’index auto-relevé ne sera pas pris en compte par le gestionnaire de réseau et le changement de fournisseur s’effectuera sur un index calculé à partir de son historique de consommation.

UFC Que Y expose que cette clause, rédigée à l’identique dans toutes les CGV, est illicite puisqu’elle fait prévaloir un index estimé fondé sur un historique de consommation sur l’index réel transmis par le consommateur, et que la responsabilité du distributeur ne saurait écarter celle du fournisseur.

Il est cependant normal qu’en cas d’incohérence d’un auto-relevé avec l’historique de consommation, prime un index établi à partir de données objectives recueillies par le gestionnaire de réseau, qui est seul chargé des opérations de comptage, que ce soit sur la base d’un historique de consommation ou d’un relevé effectué par ses préposés, et ce dans le but légitime de parvenir à une facturation la plus proche possible de la consommation réelle.

Il est justement observé par le tribunal qu’X ne détient pas un pouvoir discrétionnaire sur ce point, puisqu’elle dépend de l’appréciation du distributeur gestionnaire de réseau, lequel a une responsabilité propre à l’égard du consommateur.

Il est justement rappelé qu’un auto-relevé est bel et bien proposé au consommateur et que l’index est établi sur cette base, sauf incohérence.

Enfin la clause litigieuse n’est pas susceptible de produire les effets décrits par la recommandation 2014-01 de la commission des clauses abusives relative aux contrats de fourniture d’énergie, ainsi que justement relevé par le tribunal.

La demande a été justement rejetée.

Sur l’article 7.6 : Facturation de régularisation :

Selon toutes les CGV examinées : Les relevés permettant la facture de régularisation sont établis par le GRD i) à la suite du relevé fait par lui au vu du compteur du client; ii) à la suite de l’auto-relevé transmis par le client s’il considère qu’il peut le prendre en compte ; iii) s’il n’a pu avoir accès au compteur du client ou s’il a rejeté son auto-relevé, le GRD établit l’index par l’estimation qu’il fait de la consommation. X ne pourra être tenue responsable d’une facture ne correspondant pas à l’auto-relevé établi par le client dans le cas où le GRD rejette l’auto-relevé.

Cet article vise la facture annuelle de régularisation sur la base de la consommation annuelle obligatoire prévue par l’article L.224-11 du code de la consommation. Les moyens de parvenir pour le GRD, à la détermination de cette consommation y sont un relevé effectué par le GRD, à défaut un auto-relevé accepté par le GRD, à défaut une estimation. On voit mal comment pourrait être imposée au GRD l’obligation absolue de se contenter d’un auto-relevé s’il a des raisons de douter de sa fiabilité, ne serait-ce que pour des motifs d’ordre purement matériel, étant observé que l’obligation faite au consommateur de donner accès à son compteur une fois par an n’apparaît pas constituer une charge disproportionnée. Le recours à une estimation est en outre inévitable en l’absence de relevé effectué par le GRD et d’auto-relevé ou en cas de rejet de ce dernier.

Le GRD engageant sa responsabilité au titre d’une estimation erronée, il est légitime que celle d’ X, qui n’est que fournisseur et établit sa facture sur la base d’un index déterminé par le GRD, n’engage pas la sienne.

La demande intéressant celle clause a été justement rejetée.

Sur l’article 7.9 : Pénalités pour défaut de paiement :

Sa rédaction de 2013 est la suivante : 'En cas de non-paiement à l’échéance prévue et après mise en demeure restée infructueuse pendant un délai de 15 jours, X sera en droit de réclamer au Client des intérêts de retard dont le taux est fixé à une fois et demie le taux d’intérêt légal, calculé par jour de retard à compter de la date d’échéance de la créance jusqu’à la date de paiement effectif'.

Le tribunal a considéré que cette clause n’était pas illicite comme non contraire aux dispositions de droit positif, qui n’imposent pas la réciprocité des clauses pénales. En revanche, il l’a déclarée abusive, puisqu’elle laisse le fournisseur non sanctionné lorsqu’il ne respecte pas son obligation de remboursement en cas de trop perçu.

UFC Que Y expose que cette disposition est abusive en ce qu’elle instaure une clause pénale sanctionnant le manquement du consommateur à son obligation principale, sans réciprocité vis-à-vis du fournisseur, qui n’est pas sanctionnable au titre du non respect de son obligation de fourniture du gaz.

La disparité dans la situation respective des parties doit être replacée dans le contexte de l’ensemble de leurs relations contractuelles pour apprécier si elle constitue ou non un avantage excessif au profit d’X.

Il doit à ce propos être rappelé que le consommateur entre, par un seul contrat, dans deux relations contractuelles, l’une avec le fournisseur d’énergie, qui la lui vend, et l’autre avec le gestionnaire de réseau de distribution, chargé, dans le cadre d’une mission de service public, d’acheminer l’énergie chez tout usager et de veiller à la qualité et à la sécurité des approvisionnements, le fournisseur bénéficiant d’un mandat confié par le gestionnaire, afin que le client n’ait qu’un seul interlocuteur.

Dès lors l’instauration d’une clause pénale sanctionnant l’inexécution par le fournisseur de sa prestation de vente, ou son retard se conçoit difficilement, puisqu’il ne maîtrise pas l’acheminement de l’énergie chez son client.

La spécificité de tels contrats ressort d’ailleurs de leur place dans le code de la consommation. Ainsi, le législateur a estimé nécessaire, après avoir édicté des conditions générales de formation des contrats, contenant notamment la prohibition des clauses abusives, de réglementer de manière spécifique certains contrats particuliers, tels que les contrats de fourniture d’électricité et de gaz, de services de communication électronique, de prestations de soins médicaux, de voyages à forfait etc.

L’appréciation de l’existence de clauses abusives doit donc s’exercer compte tenu de cette spécificité.

La fourniture d’énergie met en oeuvre des moyens techniques qui sont sans commune mesure avec les contraintes, y compris économiques, qui pèsent sur un simple particulier, dans la gestion de ses obligations à l’égard de son fournisseur d’énergie.

L’article L224-3-12° du code de la consommation, créé par l’ordonnance du 14 mars 2016, qui prescrit l’information précontractuelle du consommateur sur les conditions de la responsabilité contractuelle du fournisseur et du gestionnaire du réseau, a valeur législative, et n’impose pas la réciprocité des éventuelles clauses pénales insérées au contrat.

Ces considérations conduisent à estimer que l’absence de réciprocité des clauses pénales garantissant les obligations des parties ne revêt aucun caractère abusif, et le tribunal sera approuvé sur ce point.

En ce qui concerne l’absence de pénalités prévues contre X en cas de retard de remboursement d’un trop perçu, il résulte de l’examen des CGV de 2014 qu’ainsi que l’indique X, les CGV de 2014 et 2015 prévoient sous le n° 7.9.2 une pénalité de retard pour le fournisseur, en cas de retard de remboursement d’un trop perçu. Il n’est cependant pas soutenu que ces CGV se seraient substituées à celles du 1er janvier 2013 selon la procédure prévue par l’article L.224-10 du code de la consommation, et le jugement sera confirmé sur le caractère abusif de l’article 7.9 des CGV du 1er janvier 2013 pour ce motif et sur la suppression de cette disposition des contrats en cours.

Sur l’article 7.10 Dépôt de garantie :

Il était conçu en ces termes dans les CGV 2013 : 'En cas de paiement par chèque, le Client s’engage à verser à X, à la conclusion du contrat, un dépôt de garantie d’un montant de 250 euros TTC, quelle que soit l’option tarifaire choisie.'.

Cette clause a été modifiée en 2014 comme suit :

'X se réserve la faculté de réclamer le versement d’un dépôt de garantie, quel que soit le mode de paiement retenu par le Client, au premier incident de paiement constaté dans l’exécution du Contrat'.

Elle a finalement été totalement supprimée dans les CGV du 2 juillet 2015.

Le tribunal a justement relevé que, dans sa version 2013, la clause était abusive en ce que le dépôt de garantie, d’un montant relativement élevé, pouvait avoir pour effet de dissuader le consommateur d’opter pour un paiement par chèque, créant ainsi un déséquilibre à son détriment, à raison du principe de liberté du choix du moyen de paiement. Sa suppression sera confirmée faute de justification que les CGV de 2013 ne seraient plus applicables à des contrats en cours d’exécution.

Le tribunal a également à bon droit estimé que la formulé adoptée en 2014 était également abusive, en ce qu’elle exposait le consommateur à verser un dépôt de garantie, dont le montant n’était pas fixé, en cas d’incident de paiement, alors que ce dernier pouvait être justifié par un motif légitime ou un cas de force majeure. La suppression de cette clause des contrats en cours sera ainsi confirmée.

Sur l’article 14.2 Résiliation pour faute :

Il est conçu en ces termes, dans toutes les CGV examinées : En cas de manquement par les Parties à l’une quelconque des obligations du contrat, celui-ci sera résilié de plein droit :

— par X deux mois (30 jours en cas de non paiement) après l’envoi d’une mise en demeure contenant indication de l’intention d’user du bénéfice de la présente clause restée infructueuse, par lettre recommandée avec accusé de réception.

Le tribunal, suivant sur ce point les observations d’UFC Que Y, a estimé illicite cette clause, en ce qu’elle instaure un délai total jusqu’à interruption de la fourniture d’énergie légèrement inférieur aux dispositions réglementaires impératives de l’article 1er du décret 2008-780 eu 13 août 2008, soit 45 jours au lieu de 49.

X fait valoir que les dispositions querellées ne contreviennent en rien aux dispositions légales puisque la résiliation n’intervient que 30 jours après la mise en demeure, au lieu de 20 jours prévus dans le décret précité, et que sa pratique est en réalité beaucoup plus favorable au consommateur, puisqu’elle envoie deux courriers de relance avant mise en demeure préalable à l’interruption de la fourniture d’énergie.

Ainsi que l’a observé le tribunal, le caractère abusif d’une clause doit être déterminé in abstracto et non par rapport à une pratique. Le jugement sera donc confirmé en ce que cette clause a été déclarée abusive et sa suppression justement ordonnée, puisqu’elle permet à X d’interrompre la fourniture d’énergie dans un délai inférieur à celui fixé par l’article 1er du décret 2008-780 du 13 août 2008 relatif à la procédure d’impayés des factures d’électricité et de gaz.

La suppression sera également ordonnée dans les CGV du 2 juillet 2015.

Sur l’article 17 Documents contractuels :

Il est conçu en substance en ces termes dans les CGV examinées : Le contrat est constitué des documents suivants :

(i) le 'contrat de fourniture de gaz naturel’ (conditions particulières de vente),

(ii) les présentes conditions générales de vente,

(iii) les conditions standard de livraison,

(iiii) la grille tarifaire.

En cas de divergence ou de contradiction entre les dispositions d’un ou plusieurs documents contractuels, les documents ayant le numéro d’ordre (ci-dessus) le moins élevé prévaudront.

En cas de contradiction entre deux documents de même rang le plus récent prévaudra.

De manière générale, les dispositions d’un ou plusieurs documents contractuels s’interpréteront, en cas de doute, dans le sens le plus favorable au consommateur…

UFC Que Y expose que le consommateur est mis dans l’ignorance des prix qui seront demandés par le GRD et que la hiérarchie des dispositions contractuelles est contraire à la règle selon laquelle lorsque des clauses sont contradictoires, c’est la clause la plus favorable qui doit être retenue. Dans la mesure où il est ainsi possible de faire prévaloir les conditions générales du fournisseur sur les conditions standard de livraison du GRD, elle permet de restreindre l’obligation pour le professionnel de respecter les engagements pris par ses préposés ou ses mandataires.

Cette argumentation est identique à celle qui a été soumise aux premiers juges qui y ont répondu de manière pertinente et complète, en des motifs que la cour adopte sans restriction. Il sera seulement observé que le principe d’une interprétation, en cas de doute, dans le sens le plus favorable au consommateur est rappelé dans cet article.

Les demandes concernant cette disposition ont été justement rejetées.

Sur les autres demandes :

Sur l’astreinte :

Il ne peut qu’être constaté qu’X a laissé se constituer une superposition de CGV, sans jamais utiliser la procédure légale lui permettant de faire bénéficier ses clients les plus anciens des améliorations qu’elle apportait au fil du temps à ses CGV. La suppression des clauses illicites ou abusives sera donc ordonnée sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par clause passé le délai de trois mois après signification du présent arrêt.

Sur les demandes de publication :

Au regard du faible nombre des clauses à modifier, les publications sollicitées par UFC Que Y apparaissent disproportionnées, et ont été justement refusées par le tribunal, dont le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur la demande de dommages et intérêts :

L’atteinte à l’intérêt collectif des consommateurs sera justement réparé, eu égard au faible nombre des clauses à supprimer et à la gravité relative des manquements relevés, par la somme de 5 000 euros de dommages et intérêts.

Sur les dépens et la demande d’indemnité de procédure :

UFC Que Y triomphant dans une partie de ses demandes, X sera condamnée aux dépens, et contribuera aux frais irrépétibles exposés par la demanderesse initiale et appelante à hauteur de 5 000 euros.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Confirme le jugement déféré en ce que :

— ont été déclarées illicites ou abusives et réputées non écrites les clauses suivantes :

article 3.2 des CGV du 1er janvier 2013 et 16 juin 2014,

article 7.9 des CGV du 1er janvier 2013,

article 7.10 des CGV du 1er janvier 2013 et 16 juin 2014,

article 14.2 des CGV du 1er janvier 2013 et 16 juin 2014.

— leur suppression de tous les contrats en cours a été ordonnée,

— les demandes de publication du jugement ont été rejetées,

Infirmant sur le surplus et y ajoutant,

Déclare illicites ou abusives les clauses suivantes :

article 3.2 des CGV du 2 juillet 2015,

article 14.2 des CGV du 2 juillet 2015,

Ordonne leur suppression,

Dit qu’à défaut de suppression de toutes les clauses ci-dessus énumérées dans le délai de trois mois passé la signification du présent arrêt, sera encourue une astreinte de 50 euros par jour de retard et par clause,

Dit n’y avoir lieu à publication du présent arrêt,

Condamne la société X Gas & Power France à payer à l’association UFC Que Y la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts, et celle de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

La condamne aux dépens de première instance et d’appel, avec recouvrement direct,

Rejette toute autre demande.

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Madame Véronique BOISSELET, Président et par Madame Lise BESSON, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Président,

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Cour d'appel de Versailles, 3e chambre, 16 novembre 2017, n° 15/07201