Cour d'appel de Versailles, 12e chambre, 25 juin 2019, n° 18/03928

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 12e ch., 25 juin 2019, n° 18/03928
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro(s) : 18/03928
Décision précédente : Tribunal de commerce de Nanterre, 21 mai 2018
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Texte intégral

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

DP

Code nac : 56C

12e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 25 JUIN 2019

N° RG 18/03928 – N° Portalis DBV3-V-B7C-SNSE

AFFAIRE :

Société MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES venant aux droits de la société COVEA RISKS

C/

Z X

Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 22 Mai 2018 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° Chambre :

N° Section :

N° RG :

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Isabelle DELORME-MUNIGLIA

Me Martine DUPUIS

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT CINQ JUIN DEUX MILLE DIX NEUF,

La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Société MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES venant aux droits de la société COVEA RISKS

[…]

[…]

Représentant : Me Isabelle DELORME-MUNIGLIA de la SCP COURTAIGNE AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 52 – N° du dossier 020261 – Représentant : Me F GLASER de la SELAS SELAS VALSAMIDIS AMSALLEM JONATH FLAICHER et ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : J010

SA MMA IARD venant aux droits de la Société COVEA RISKS

[…]

[…]

Représentant : Me Isabelle DELORME-MUNIGLIA de la SCP COURTAIGNE AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 52 – N° du dossier 020261 – Représentant : Me F GLASER de la SELAS SELAS VALSAMIDIS AMSALLEM JONATH FLAICHER et ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : J010

SARL 2FREMOND CONSEIL inscrite au RCS de VERSAILLES sous le n° 485 064 810, agissant poursuites et diligences de son Gérant en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[…]

[…]

Représentant : Me Isabelle DELORME-MUNIGLIA de la SCP COURTAIGNE AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 52 – N° du dossier 020261 – Représentant : Me F GLASER de la SELAS SELAS VALSAMIDIS AMSALLEM JONATH FLAICHER et ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : J010

APPELANTES

****************

Monsieur Z X

[…]

[…]

Représentant : Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Postulant,

avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 – N° du dossier 1859979

Représentant : Me Julie DEGENEVE, Plaidant, avocat au barreau de LYON

INTIME

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 786 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 21 Mai 2019 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur B C, Magistrat honoraire chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Thérèse ANDRIEU, Président,

Madame Florence SOULMAGNON, Conseiller,

Monsieur B C, Magistrat honoraire,

Greffier, lors des débats : Monsieur Alexandre GAVACHE,

EXPOSÉ DU LITIGE

La société 2Fremond Conseil, conseil en gestion, assurée en responsabilité civile professionnelle par la société

Covea Risks ,(« Covea » aux droits de laquelle vient la société MMA IARD et la société MMA IARD

Assurances Mutuelles, ci-après « MMA » ), a accepté le 22 février 2008, une collaboration avec la société Lynx

Finances, basée au Luxembourg, pour le démarchage des produits que celle-ci a conçus pour l’investissement

outre-mer dans le cadre du dispositif de défiscalisation dit Girardin, en contrepartie d’un rémunération

calculée en pourcentage du montant de l’investissement.

Début 2008, la société 2Fremond Conseil a ainsi soumis à M. X, un dossier de présentation des sociétés

en participation conçu par la société Dom Tom Défiscalisation (« DTD ») sur la base duquel moyennant un

apport, il pouvait obtenir une réduction d’impôt en application du dispositif fiscal Girardin Industriel.

Le 25 février 2008 puis le 29 avril 2009, M. X a ainsi souscrit auprès de la société DTD un mandat de

recherche d’investissement par l’intermédiaire de la société 2Fremond Conseil.

M. X s’est ensuite engagé à acquérir des parts de sociétés en participation (SEP), dénommées

« Dom-Tom », ( à hauteur de 14492.80 euros pour 2008 et 39 000 euros pour 2009) dans le cadre d’une

convention d’exploitation en commun et ses avenants. Ces SEP avaient pour objet, d’une part, l’acquisition

auprès de la société Lynx Industries de panneaux photovoltaïques ainsi que leur installation dans des stations

de production d’électricité dans les départements et territoires d’outre-mer devant être revendues à l’opérateur

EDF dans les conditions de l’article 199 du code général des impôts, le tout, financé à 60 % par un

crédit-fournisseur de la société Lynx Industrie Caraïbes, d’autre part, la location pour une durée de 5 ans des

biens d’équipements industriels acquis, immobilisés et confiés à des sociétés d’exploitation, dénommées

SOLAR, filiales de la société Lynx Industries

Le 23 novembre 2011, l’administration fiscale a notifié à M. X une proposition de rectification portant

sur les années 2008 et 2009. Elle a considéré que les investissements réalisés par M. X dans les

DOM-TOM ayant donné lieu à réduction d’impôt, ne répondaient pas aux conditions légales pour en

bénéficier. Selon elle leurs prix de revient, non justifiés, étaient sans corrélation avec le montant de

l’investissement total allégué. Ces investissements, en incapacité de fonctionner de manière autonome, n’ont

revêtu aucun intérêt économique environnemental pour la Martinique.

L’administration fiscale a donc opéré un rappel, sur les réductions d’impôts déclarées, de 24'000 € pour l’année

2008 et de 59 699 € pour l’année 2009, conduisant à l’émission de deux rôles d’impôt complémentaires en

avril 2013 respectivement de 20'184 € au titre de l’année 2008 et 69'535 € au titre de l’année 2009, soit un

montant total de 89 719 euros.

Le 5 avril 2013, M. X a mis en cause la responsabilité de la société 2Fremond Conseil et lui a réclamé,

en vain la somme de 120'742 € pour le préjudice subi comprenant la perte de l’investissement et le

redressement fiscal.

Le 13 décembre 2013, M. X a fait assigner devant le tribunal de commerce de Nanterre la société

2Fremond Conseil et la société Covéa Risks (aux droits de laquelle sont venus les sociétés MMA) en

réparation du préjudice qu’il estimait avoir subi.

PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Par jugement du 22 mai 2018, le tribunal de commerce de Nanterre a :

— dit que les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles avaient qualité pour intervenir à

l’instance,

— dit n’y avoir lieu à surseoir à statuer,

— dit que la SARL 2Fremond Conseil était intervenue en qualité de conseil en financier ;

— dit que la SARL 2Fremond Conseil avait commis une faute en ayant manqué à ses obligations

d’informations, de conseil et de mise en garde ;

— condamné in solidum la SARL2Fremond Conseil, MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles a

payé la somme de 73 609 euros à Monsieur Z X avec intérêts au taux légal à compter du 5 février

2013, la somme de 15 000 euros restant à la charge de la société2Fremond Conseil au titre de la franchise de

sa police d’assurance,

— condamné in solidum la SARL2Fremond Conseil, MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles à

payer à Monsieur Z X la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 ainsi que des dépens.

Vu l’appel interjeté le 4 juin 2018 par les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles

(collectivement « MMA »), celles-ci venant aux droits de la société Covéa Risks et par la société 2Fremond

Conseil (« 2Fremond ») du jugement, à l’exception du rejet de leur demande de sursis à statuer,

Vu les dernières conclusions notifiées 25 mars 2019 par lesquelles les sociétés SA MMA IARD et MMA

IARD Assurances Mutuelles chacune venant aux droits de la société Covéa Risks et la société 2Fremond

demandent à la cour de :

Vu l’article 1147 (ancien) du code civil,

Vu l’article L.112-6 du code des assurances,

— réformer le jugement entrepris du 22 mai 2018 en ce que la responsabilité de la société SARL2Fremond

Conseil a été retenue et la garantie des sociétés MMA mobilisée ;

Et statuant à nouveau,

— constater que la société 2Fremond Conseil n’a commis aucune faute à l’égard de M. X;

— constater que les préjudices allégués ne sont pas établis ;

— constater l’absence de lien de causalité entre la prétendue faute et les préjudices allégués

En conséquence,

— dire et juger que la responsabilité de la société 2Fremond Conseil n’est pas engagée ;

— dire et juger que la garantie des sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles ne trouve pas à

s’appliquer ;

— débouter Monsieur X de l’intégralité de ses demandes, fins et prétentions ;

— confirmer le jugement entrepris pour le surplus ;

A titre subsidiaire, en cas de confirmation du jugement entrepris,

— réduire à de justes proportions le montant de l’indemnisation accordée à Monsieur X ;

— dire et juger que la franchise de 15.000 euros restant à la charge de la société 2Fremond Conseil sera déduite

du montant de la condamnation éventuellement prononcée à l’encontre des sociétés MMA, dans le cas où la

Cour devrait retenir la responsabilité de l’assuré ;

En tout état de cause,

— condamner M. X à payer à la société 2Fremond Conseil et aux sociétés MMA IARD et MMA IARD

Assurances Mutuelles la somme de 8.000 € en application des dispositions de l’article 700 du code de

procédure civile,

— condamner M. X aux entiers dépens de l’instance, dont distraction au profit de Maître Isabelle

Delorme-Muniglia, Avocat au Barreau de Versailles, en application des dispositions de l’article 699 du Code

de procédure civile.

Vu les dernières conclusions notifiées le 5 novembre 2018 par lesquelles, M. X demande à la cour de :

Vu les dispositions des articles 1134, 1135 et 1147 du code civil,

Vu les dispositions des articles L 341-3 et suivants du code monétaire et financier,

— confirmer le jugement du tribunal de commerce de Nanterre en toutes ses dispositions,

y ajoutant,

— condamner solidairement les sociétés 2Fremond, MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles aux

sommes suivantes :

—  19 763 euros en réparation du préjudice moral ;

—  100 euros de cotisation à l’ADIGIP ;

—  5 000 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu’aux entiers dépens

d’instance.

— dire que les dépens pourront être directement recouvrés par la SELARL LEXAVOUE PARIS-

VERSAILLES, conformément à l’article 699 du Code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 28 mars 2019.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l’article 455 du

code de procédure civile, renvoie aux conclusions déposées par les parties et au jugement dont appel.

MOTIFS DE LA DÉCISION

À titre liminaire, la cour, tenue par le seul dispositif des conclusions, rappelle qu’il n’y a pas lieu de statuer sur

les demandes des parties tendant à «donner acte », « constater », « dire et juger », dans la mesure où elles ne

constituent pas des prétentions au sens de l’article 4 du code de procédure civile.

M. X recherche la responsabilité de la société 2Fremond, tant en sa qualité de conseil en investissement

financier qui est une activité réglementée soumise aux dispositions du code monétaire et financier, qu’en sa

qualité de conseil en gestion de patrimoine qui est une activité non réglementée mais n’en reste pas moins

soumise à certaines obligations, notamment d’information et de conseil.

1- sur la qualité de conseil en investissements financiers de la société 2Fremond

La société 2Fremond affirme être intervenue en qualité de conseil en gestion de patrimoine et non en qualité

de conseil en investissements financiers (ci-après CIF) contrairement à ce qu’a jugé le tribunal, de sorte que

l’on ne peut lui reprocher de manquements au titre de ce statut.

M. X sollicite la confirmation du jugement en ce qu’il a reconnu à la société 2Fremond la qualité de

CIF.

Sur ce

En application de l’article L.541-1 I du code monétaire et financier, modifié par l’ordonnance n° 2007-544 du

12 avril 2007 et l’ ordonnance n°2007-1490 du 18 octobre 2007, applicable au présent litige, ' I. – Les

conseillers en investissements financiers sont les personnes exerçant à titre de profession habituelle les

activités suivantes :…4° Le conseil portant sur la réalisation d’opérations sur biens divers définis à l’article

L. 550-1".

Aux termes de l’article L550-1 alinéa 1 du code monétaire et financier, modifié par la loi n°2003-706 du 1

août 2003 et applicable au présent litige: ' est soumise aux dispositions des articles L. 550-2, L. 550-3, L.

550-4, L. 550-5 et L. 573-8 :

1. Toute personne qui, directement ou indirectement, par voie de publicité ou de démarchage, propose à titre

habituel à des tiers de souscrire des rentes viagères ou d’acquérir des droits sur des biens mobiliers ou

immobiliers lorsque les acquéreurs n’en assurent pas eux-mêmes la gestion ou lorsque le contrat offre une

faculté de reprise ou d’échange et la revalorisation du capital investi ;

2. Toute personne qui recueille des fonds à cette fin ;

3. Toute personne chargée de la gestion desdits biens'.

Ainsi, aux termes de l’article L. 541-1 I 4° du code monétaire et financier, sont, notamment, considérés

comme conseillers en investissements financiers les personnes exerçant, à titre de profession habituelle, le

conseil portant sur la réalisation d’opérations conduisant à l’acquisition de parts sociales de société sans que

l’investisseur en assure la gestion.

Des conventions passées entre M. X et la société DTD, partie prenante au montage de l’opération,

(notamment le « Dossier de présentation DTD » du 29 avril 2009, et ses trois annexes) proposées à M.

X, la cour constate que si en sa qualité d’associé des SEP, M. X était titulaire d’un droit à une

fraction de l’actif à partager, celui-ci était subordonné à la constitution d’une masse indivise destinée à

l’acquisition du matériel de production d’électricité avec pour objet le bénéfice d’une réduction d’impôt et

déterminée d’après le réemploi de l’investissement de chaque associé sans pouvoir de gestion de ceux-ci.

Il se déduit des termes de ces conventions que l’opération poursuivait l’acquisition de droits sur des biens

mobiliers au sens de l’article L. 550 I. 1° du code monétaire et financier de sorte que la société 2Fremond a agi

en qualité de conseiller en investissement financier (CIF).

C’est donc à bon droit que les premiers juges ont retenu que la prestation offerte par la société 2Fremond

entrait dans le champ d’application du conseil en investissements financiers et que cette dernière avait agi en

cette qualité, de sorte que les dispositions du code monétaire et financier lui sont applicables.

3 – sur le manquement de la société 2Fremond à son obligation de conseil et d’information

M. X soutient que la société 2Fremond a commis des manquements, tant en sa qualité de conseil en

investissements financiers, qu’en sa qualité de conseiller en gestion de patrimoine.

Il sollicite la confirmation du jugement en ce qu’il a dit que la société 2Fremond avait manqué à son obligation

d’information, de conseil et de mise en garde en sa qualité de CIF. Il soutient que la société 2Fremond a

manqué à cette obligation au regard des règlements de l’AMF, du code monétaire et financier, en présentant

un produit faussement sécurisé et trompeur. Il fait valoir qu’elle a manqué à son obligation de prudence

générale en qualité de conseil en gestion de patrimoine.

Pour écarter tout manquement à ses obligations d’information et de conseil, la société 2Fremond soutient, avec

ses assureurs, qu’elle a agi en qualité de conseil en gestion de patrimoine et non en qualité de CIF. Elle fait

valoir s’être assurée de la fiabilité du produit « DTD » et de sa conformité à la réglementation qui lui est

applicable. Elle ne peut être tenue responsable de l’échec des opérations de défiscalisation litigieuses, résultant

des manquements de la société DTD, liés au comportement délictueux de l’un des acteurs de l’opération.

Sur ce,

Il résulte du règlement général (le Réglement) de l’Autorité des Marchés Financiers (AMF) que le conseiller

en investissements financiers est soumis à des règles de bonne conduite qui lui imposent notamment – en

application de l’article 325-4 du Règlement – de soumettre à son client une lettre de mission en double

exemplaire, rédigée conformément à un modèle type, devant comporter des indications sur la nature et les

modalités de la prestation. L’article 325-5 du Règlement dispose que toutes les informations, y compris à

caractère promotionnel, émises par un conseiller en investissements financiers, présentent un caractère exact,

clair et non trompeur.

Il résulte enfin de l’article 325-7 du Règlement que le conseil au client est formalisé dans un rapport écrit

justifiant les différentes propositions, leurs avantages et les risques qu’elles comportent. Ces propositions se

fondent sur : l’appréciation de la situation financière du client et son expérience en matière financière ; les

objectifs du client en matière d’investissements.

M. X fait valoir que la société 2Fremond n’a pas respecté ces règles de bonne conduite, notamment en

ce qu’elle ne lui a remis aucune lettre de mission, ni aucun rapport écrit, ajoutant que les informations fournies

dans le dossier de présentation étaient trompeuses. Il ajoute que la société 2Fremond a manqué à son

obligation de conseil, en ne procédant à aucune vérification personnelle de la fiabilité de l’opération, alors

qu’il existait de nombreux risques parfaitement identifiables. Il reproche enfin à la société 2Fremond de s’être

contentée de commercialiser un produit sans vérifier la réalité des documents établis par le monteur.

La société 2Fremond ne conteste pas l’absence de lettre de mission et de rapport écrit considérant ne pas être

soumise au statut de CIF puisqu’elle a agi en qualité de simple intermédiaire non tenue de s’assurer du bon

déroulement de l’opération mise en oeuvre . Elle affirme s’être assurée du sérieux de l’opération notamment en

ce qu’elle a vérifié la validité et l’éligibilité du programme au dispositif de défiscalisation par le biais de

consultations d’avocats, et celle d’un ancien sous-directeur de l’administration fiscale, ce programme

bénéficiant d’une garantie de risque fiscal proposée par la société Lynx Industrie.

La société 2Fremond soumise au statut de CIF avait l’obligation de remettre à M. X une lettre de

mission ainsi qu’un rapport écrit conformément aux dispositions précitées, ce qu’elle n’a pas fait. Ce

manquement, et notamment l’absence de tout rapport écrit « justifiant les différentes propositions, leurs

avantages et les risques qu’elles comportent », bien que n’entraînant aucune sanction particulière dès lors qu’il

ne s’agit que de règles de bonne conduite, n’en reste pas moins préjudiciable dès lors qu’il empêche notamment

de connaître les conseils précis qui ont pu être donnés par la société 2Fremond.

En outre, le dossier de présentation remis à M. X n’appelait pas précisément l’attention sur les risques

éventuels de l’opération liés à l’appréciation a posteriori de la déductibilité des investissements par

l’administration fiscale, conduisant à une éventuelle remise en cause de l’opération, mais au contraire

mentionnait que "…..l’objectif de DTD, avec les produits financiers industriels qu’elle monte en SEP est le

risque zéro pour les qui désirent bénéficier des avantages fiscaux apportés par la Loi Paul-Girardin

Industrielle….".

Ainsi, il se déduit de ce qui précède que l’information due par la société 2Fremond à M. X n’était pas

claire et était trompeuse sur la condition essentielle au bénéfice de l’avantage fiscal et qu’à défaut de recherche

professionnelle de renseignement sur les conditions d’éligibilité du produit d’investissement, elle ne permettait

pas à M. X d’apprécier les risques que la proposition comportait sur son objectif personnel en matière

d’investissements, en contravention avec les articles 325-5 et 325-7 1° et 2° du Règlement.

Indépendamment de ce premier manquement en qualité de conseil en investissements financiers, , la société

2Fremond ne conteste pas qu’il lui appartenait de s’assurer du sérieux de l’opération en qualité de conseiller en

gestion de patrimoine.

L’obligation pesant sur elle, en cette qualité, doit en effet être analysée en une obligation de prudence qui lui

impose de rechercher et d’accomplir les diligences nécessaires à la vérification du sérieux et de la régularité de

l’opération proposée.

Il convient en premier lieu d’observer que les seuls documents remis par la société 2Fremond à M. X

sont les documents commerciaux établis par la société DTD.

Il résulte des documents produits aux débats que la société 2Fremond s’est fondée sur deux types de

documents pour s’assurer du sérieux de l’opération proposée, à savoir d’une part des consultations d’avocats,

d’autre part une note émanant d’un fonctionnaire du Ministère de l’Economie.

S’agissant des consultations du cabinet d’avocats Acta Antilles, la cour observe en premier lieu qu’elles sont

adressées à la société DTD à sa demande, et visent pour l’essentiel à établir la conformité à la loi Girardin des

documents remis par la société DTD aux investisseurs.

Ces consultations, en ce qu’elles sont rédigées à la demande même de la société qui réalise l’opération de

défiscalisation, ne permettent pas de s’assurer de l’impartialité de leur rédacteur (avocat, et donc défenseur de

son client), et donc du sérieux de l’opération. La société DTD avait en effet un intérêt évident à produire des

consultations validant l’opération proposée, et ne les aurait pas produites si celles-ci avaient fait l’objet de

réserves.

Les appelantes citent dans leurs écritures (p.13/14 des conclusions ) certains extraits de ces consultations , et

notamment la phrase suivante : « après une analyse de l’existant, des textes de loi et de la jurisprudence, le

montage dit « Girardin Industriel » tel que décrit, présente, à mon sens, une cohérence de légalité fiscale ('.).

Le process, tel que présenté, et sous réserve du respect des règles juridiques, comptables et fiscales, remplit

les conditions d’application de la défiscalisation dite « Girardin ».

Le seul fait que l’avocat consulté affirme que l’opération remplit les conditions d’application de la

défiscalisation…. « sous réserve du respect des règles juridiques, comptables et fiscales » (la même expression

figure également dans la consultation du cabinet d’avocats E F G du 8 décembre 2010) démontre

que ce dernier n’a souhaité prendre aucun engagement quant à la validité de cette opération. La société

2Fremond ne peut dès lors soutenir avoir procédé à la vérification du sérieux de l’opération sur le fondement

de telles consultations qui ne sont en réalité que des descriptions sommaires du processus, sans aucune

vérification sur place, notamment de l’achat et de l’installation du matériel, de la solvabilité et de la fiabilité

des exploitants des centrales.

S’agissant de la note à en-tête du Ministère de l’Economie datée du 29 octobre 2009, elle est postérieure au

premier investissement réalisé par M. X, il s’agit d’une simple lettre de courtoisie relative à des dossiers

d’agrément fiscal (dispositif distinct des dossiers litigieux qui ne nécessitent aucun agrément fiscal préalable).

En tout état de cause, ce document ainsi que les lettres des 30 mars et 2 avril 2009 signées de M. Y ne

peuvent, en aucune manière, être considérés comme constituant un justificatif des démarches accomplies par

la société 2Fremond pour s’assurer du sérieux et de la fiabilité de l’opération proposée.

Il apparaît ainsi que les prétendues vérifications opérées par la société 2Fremond reposent en réalité sur des

consultations de cabinets d’avocat qui étaient impropres à attester de la fiabilité et du sérieux de l’opération, et

sur des notes du Ministère de l’économie qui n’ont pas la portée que veut lui accorder la société 2Fremond.

Ces prétendues vérifications doivent dès lors être considérées comme inexistantes.

La cour constate, par ailleurs, que la garantie de bonne fin proposée par la société Lynx Industries ne bénéficie

qu’à la société DTD et non à M. X de sorte que ce dernier ne pouvait l’actionner.

M. X justifie au surplus d’ avis émis par la CIP (Chambre des indépendants du Patrimoine) le 7

septembre 2007 (antérieur aux souscriptions) et 9 avril 2009, ainsi que d’une alerte de la société Axone Invest

du 17 février 2009, destinée à l’ensemble des conseils en gestion de patrimoine (avec la réfutation de la société

Lynx Finances du 23 février 2009) , qui mettaient en garde les professionnels du patrimoine contre les dangers

des investissements « Loi Girardin » et préconisaient un certain nombre de contrôles. M. X reproche à

la société 2Fremond de ne pas avoir tenu compte de ces avis, et de ne pas avoir procédé aux contrôles

préconisés.

La société 2Fremond affirme que ces alertes n’avaient pas de valeur contraignante et qu’elles ne s’imposaient

pas à elle dès lors qu’elle n’est pas membre de la CIP.

S’il est exact que la société 2Fremond n’est pas membre de la CIP, de sorte que les alertes émises par cette

dernière ne s’imposaient pas à elle, en revanche il est plus surprenant qu’elle n’ait pas eu connaissance du

courriel circulaire adressé par la société Axone Invest, destiné à l’ensemble des conseillers en gestion de

patrimoine, statut qu’elle revendique. Il n’en reste pas moins que celles-ci démontrent que les opérations de

défiscalisation, particulièrement pour les centrales photovoltaïques, présentaient, à l’époque des souscriptions

de M. X, des risques importants, imposant d’autant plus de vigilance aux professionnels chargés de les

commercialiser.

Ainsi, le 9 avril 2009, la CIP émettait un avis concernant directement les centrales photovoltaïques. Elle

indiquait : « pour toute opération Girardin en photovoltaïque, il faut vérifier la réalité des investissements.

Pour ce faire, vous devez obtenir : un procès-verbal de livraison précisant le lieu précis d’implantation de la

centrale, un constat d’huissier attestant de l’existence de la centrale dûment raccordée au réseau EDF. Le

constat attestant de la présence de matériel sur place, mais non raccordé au réseau ne constitue pas une preuve

de l’investissement dûment exploité, comme l’exige la loi Girardin ('). Nous vous recommandons de faire

preuve de la plus grande vigilance dans le montage de ces opérations ('.). »

En effet, depuis une décision du Conseil d’Etat du 4 juin 2008, l’année de réalisation de l’investissement

prévue par l’article 199 undecies B du code général des impôts était interprétée comme correspondant à la date

à laquelle l’investissement pouvait faire l’objet d’une exploitation effective. Il appartenait ainsi aux conseillers

en gestion de patrimoine de veiller tant sur la réalité des investissements que sur leur exploitation effective, les

obligeant à s’assurer de l’effectivité de l’installation et de son exploitation.

En l’espèce, il n’est justifié d’aucun procès-verbal de livraison ou constat d’huissier qui aurait permis à la

société 2Fremond de s’assurer de l’existence de la centrale photovoltaïque et de son raccordement effectif au

réseau EDF.

S’il est exact que l’avis de la CIP n’avait aucun caractère contraignant en ce sens qu’aucune sanction n’était

prévue pour les conseillers ne le respectant pas, force est toutefois de constater que ces recommandations

élémentaires appelaient ainsi à une vigilance accrue, la décision du Conseil d’Etat ne pouvant être ignorée d’un

conseil en gestion de patrimoine normalement diligent proposant des produits de défiscalisation concernés par

cet arrêt.

Il apparaît ainsi que les seuls contrôles opérés par la société 2Fremond (cabinets d’avocat et notes du Ministère

de l’Economie) se sont avérés particulièrement inconsistants et inefficaces, ce qui suffit à démontrer qu’elle n’a

pas accompli les diligences nécessaires à la vérification du sérieux et de la régularité de l’opération proposée à

M. X.

La cour relève également que la « recommandation » de M. Y, adressée à la société Lynx Industries, le 2

avril 2009, ne peut se comprendre comme une validation par les services de l’Etat de l’opération de

défiscalisation mais seulement comme une information selon laquelle l’attention de l’administration fiscale n’a

pas été appelée sur la régularité du produit « DTD ». La lettre de M. Y du 29 octobre 2009 adressée à cette

même société ne fait que relever le sérieux de celle-ci dans le cadre, différent, d’une demande d’agrément. En

outre, la société 2FRemond ne peut se prévaloir de ces lettres adressées le 2 avril et le 29 octobre 2009 pour

l’exercice 2008.

La décision des premiers juges sera confirmée en ce qu’ils ont retenu le manquement de la société 2Fremond à

son obligation d’information, de conseil et de mise en garde à l’égard de M. X D sa

responsabilité de sorte qu’elle est tenue de réparer le préjudice éventuellement subi par ce dernier.

Le jugement sera confirmé sur ce point

4 – sur le préjudice

Les premiers juges ont fixé le préjudice subi par M. X pour les années 2008 et 2009 à la somme de 73

609 euros, soit 58 589 euros correspondant à la perte de chance (évaluée à 70%) d’obtenir la réduction d’impôt

espérée, outre 15 020 euros au titre des majorations et intérêts de retards acquittés, refusant l’indemnisation au

titre du préjudice moral et les frais de cotisation à une association (ADIGIP).

Le tribunal a, en outre, accepté de faire application de la franchise invoquée par les assureurs à hauteur de

15.000 euros.

M. X fait valoir l’existence d’un lien de causalité entre la faute de la société2Fremond et le préjudice

qu’il a subi. Il sollicite la confirmation du jugement en ce qu’il a reconnu l’existence d’un préjudice au titre

d’une perte de chance qu’il a fixée à 73 609 euros. Il sollicite l’infirmation du jugement en ce qu’il a exclu de

l’indemnisation le préjudice moral et certains frais.

Pour s’opposer à la demande de réparation, la société 2Fremond conteste le lien de causalité, fait valoir que le

paiement de l’impôt ne constitue pas un préjudice indemnisable, que M. X, constitué partie civile dans

l’instance ayant donné lieu au jugement du 24 février 2017 rendu par le tribunal de grande instance de Paris,

confirmé par la cour d’appel le 7 mai 2018, notamment sur le principe et le montant des dommages et intérêts

accordés, ne saurait être indemnisé deux fois, que le préjudice ne constitue qu’une perte de chance à le

supposer établi, que ni le préjudice, ni les frais réclamés ne sont justifiés, qu’en l’absence de faute de la société

2Fremond, les demandes à l’encontre des sociétés MMA doivent être rejetées, que, le cas échéant, la franchise

de 15'000 euros est opposable à M. X conformément à ce qu’a jugé le tribunal.

Sur ce,

L’article 1147 ancien du code civil stipule que le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de

dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution,

toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée,

encore qu’il n’y ait aucune mauvaise soit sa part.

La réparation du préjudice suppose qu’un lien de causalité soit établi entre la faute et le dommage.

Il a été démontré que la société 2Fremond avait manqué à son obligation de conseil. Ainsi que le fait observer

M. X, une information et un conseil pertinents de la société 2Fremond l’auraient conduit à ne pas

souscrire à ces investissements, ce qui suffit à caractériser le lien de causalité entre les manquements et le

préjudice.

Il est de principe constant qu’aucun préjudice ne peut découler du paiement auquel le contribuable était

légalement tenu et que le paiement de l’impôt mis à sa charge à la suite d’un redressement fiscal ne constitue

pas un dommage indemnisable. Il en va différemment lorsqu’il est établi que, dûment informé par son conseil,

le client contribuable n’aurait pas été exposé au paiement de l’impôt rappelé ou aurait acquitté un impôt

moindre, que tel est le cas en l’espèce.

La demande de M. X a, en effet, pour objet la réduction de l’impôt correspondant aux investissements

dont il a été privé en raison des manquements de la société 2Fremond et qu’il aurait pu réaliser sur d’autres

produits de défiscalisation, et non le montant de l’impôt calculé sur la base de ses revenus soumis à l’impôt, de

sorte que le préjudice revendiqué à ce titre par M. X est indemnisable.

Ce n’est en fait que la perte de chance de pouvoir bénéficier d’une réduction de cet impôt qui constitue le

préjudice indemnisable.

Cette perte de chance peut être évaluée à 70% de l’avantage fiscal escompté ainsi que les premiers juges l’ont

justement évaluée conduisant à retenir la somme de 73 609 euros qui sera confirmée.

La reconnaissance de la responsabilité de la société 2Fremond ainsi que sa garantie par ses assureurs est

indépendante de celle, personnelle, du monteur de l’instrument de défiscalisation, (M. Sordes) de sorte

qu’aucun obstacle de droit ne s’oppose pour M. X à voir les deux condamnés, à charge pour lui de

dénoncer loyalement à chacune des parties les sommes qu’il a pu recevoir d’elles, tout litige sur ce point

relevant de la compétence du juge de l’exécution.

M. X ne caractérise pas le préjudice moral qu’il allègue, et ne produit aucun élément à l’appui de sa

demande en réparation de ce préjudice, de sorte qu’elle sera rejetée. Le jugement sera dès lors confirmé de ce

chef.

Par ailleurs, les frais réclamés ne sont pas distincts de ceux que M. X a pu exposer sur le fondement de

l’article 700 du code de procédure civile, en sorte qu’ils doivent être rejetés. Le jugement sera également

confirmé sur ce point.

Il a été démontré que la responsabilité civile professionnelle de la société 2Fremond était engagée, de sorte

que les sociétés MMA ne peuvent échapper à leur garantie.

Il convient donc de confirmer le jugement en ce qu’il a condamné solidairement la société 2Fremond et ses

assureurs au paiement de la somme de 73 609 euros au profit de M. X

Il résulte de l’article L. 112-6 du code des assurances que l’assureur peut opposer au porteur de la police ou au

tiers qui en invoque le bénéfice les exceptions opposables au souscripteur originaire. Il convient donc de faire

application de la franchise à hauteur de 15.000 euros, de sorte que la condamnation des assureurs est

prononcée dans la limite de la franchise.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile :

Le jugement déféré sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et à l’indemnité de procédure.

La société 2Fremond et les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles seront condamnées

aux dépens d’appel in solidum.

La société 2Fremond et les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles seront condamnées, in

solidum, à la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement rendu la 22 mai 2018 par le tribunal de commerce de Nanterre du 22 mai 2018 en

toutes ses dispositions,

Rejette toutes autres demandes,

Y ajoutant,

Condamne in solidum la société 2Fremond et les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles

à payer à M. Z X la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne in solidum la société 2Fremond et les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles

aux dépens d’appel, avec droit de recouvrement direct, par application de l’article 699 du code de procédure

civile.

prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été

préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure

civile.

signé par Madame Thérèse ANDRIEU, Président et par Monsieur GAVACHE, greffier, auquel la minute de

la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,

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Cour d'appel de Versailles, 12e chambre, 25 juin 2019, n° 18/03928