Cour d'appel de Versailles, 13e chambre, 10 décembre 2019, n° 18/07956

  • Caisse d'épargne·
  • Cession de créance·
  • Sociétés·
  • Énergie·
  • Marchés publics·
  • Facture·
  • Distribution·
  • Monétaire et financier·
  • Paiement direct·
  • Prévoyance

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 13e ch., 10 déc. 2019, n° 18/07956
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro(s) : 18/07956
Décision précédente : Tribunal de commerce de Pontoise, 4 octobre 2018, N° 2017F00355
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 38A

13e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 10 DÉCEMBRE 2019

N° RG 18/07956 – N° Portalis DBV3-V-B7C-SZK3

AFFAIRE :

SA CAISSE EPARGNE ET DE PRÉVOYANCE AUVERGNE ET DU LIMOUSIN

C/

SASU EIFFAGE ENERGIE SYSTEMES – TRANSPORT & DISTRIBUTION

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 05 Octobre 2018 par le Tribunal de Commerce de PONTOISE

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : 2017F00355

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 10.12.2019

à :

Me François PETIT

Me Aude ALEXANDRE LE ROUX

TC de PONTOISE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX DÉCEMBRE DEUX MILLE DIX NEUF,

La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

SA CAISSE EPARGNE ET DE PRÉVOYANCE AUVERGNE ET DU LIMOUSIN

N° SIRET : 382 74 2 0 13

[…]

[…]

Représentée par Maître François PETIT de la SCP PETIT MARCOT HOUILLON ET ASSOCIES, avocat postulant au barreau de VAL D’OISE, vestiaire : 100 – N° du dossier 1700820 et par Maître Isabelle NOACHOVITCH, avocat plaidant au barreau de l’ESSONNE

APPELANTE

****************

SASU EIFFAGE ENERGIE SYSTÈMES – TRANSPORT & DISTRIBUTION agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège.

N° SIRET : 309 122 810

[…]

[…]

Représentée par Maître Aude ALEXANDRE LE ROUX, avocat postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 701 – N° du dossier 18270 et par Maître Samïne RERDJI, avocat plaidant au barreau de LILLE

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 786 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 22 Octobre 2019 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Marie-Andrée BAUMANN, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Sophie VALAY-BRIERE, Présidente,

Madame Marie-Andrée BAUMANN, Conseiller,

Madame Delphine BONNET, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie PASQUIER-HANNEQUIN,

La société T.B.C.O bâtiments (la société TBCO) a ouvert dans les livres de la Caisse d’épargne et de

prévoyance d’Auvergne et du Limousin (la Caisse d’épargne) un compte courant Dailly n° 080002801619 ; elles ont signé une convention-cadre de cession de créances professionnelles le 31 août 2010.

Le 6 mai 2016, la société TBCO a cédé à la Caisse d’épargne une créance de 61 556 euros qu’elle détenait à l’égard de la société Eiffage énergie selon facture du 26 avril 2016, la créance cédée étant à échéance du 31 juillet 2016.

Par lettre recommandée du 6 mai 2016 avec avis de réception, la Caisse d’épargne a informé la société Eiffage de cette cession de créance ; celle-ci n’a pas retourné l’acte d’acceptation de cession de créance joint au courrier.

Le tribunal de commerce d’Evry, par jugement du 11 mai 2016, a prononcé le redressement judiciaire de la société TBCO ; la Caisse d’épargne a déclaré sa créance au mandataire judiciaire par lettre recommandée du 21 juillet 2016 avec avis de réception signé le 25 juillet suivant.

Faute de paiement à l’échéance du 31 juillet 2016, la Caisse d’épargne a mis en demeure la société Eiffage énergie de payer la somme de 61 556 euros par lettre recommandée du 22 septembre 2016 avec avis de réception. Cette mise en demeure est restée sans effet.

Par jugement du 5 octobre 2018, le tribunal de commerce de Pontoise, saisi par assignation de la Caisse d’épargne du 22 mai 2017, a :

— débouté cette dernière de sa demande principale,

— l’a condamnée à payer à la société Eiffage énergie transport et distribution la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— a débouté la Caisse d’épargne de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration du 23 novembre 2018, la Caisse d’épargne a relevé appel de ce jugement.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe et notifiées par RPVA le 25 juin 2019, la Caisse d’épargne demande à la cour de :

* infirmer le jugement dont appel,

* condamner la société Eiffage énergie systèmes-transport & distribution (la société Eiffage) à lui payer la somme de 61 556 euros avec intérêts légaux à compter de l’assignation du 22 mai 2017 jusqu’au parfait paiement,

* condamner la société Eiffage à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

* débouter la société Eiffage des fins de ses conclusions et la condamner aux dépens.

Dans ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 18 avril 2019, la société Eiffage demande à la cour de :

* dire que compte tenu de la cession préalable à Oséo, la Caisse d’épargne n’a pas la qualité de créancier,

* dire que la cession de créance invoquée lui est inopposable,

* confirmer en tous points le jugement du 5 octobre 2018,

Y ajoutant,

* condamner la Caisse d’épargne à lui payer la somme de 3 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

* condamner la Caisse d’épargne aux dépens.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 19 septembre 2019.

Pour un exposé plus détaillé des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie à leurs écritures, conformément à l’article 455 du code de procédure civile.

SUR CE,

La Caisse d’épargne soutient que contrairement à ce qu’ont jugé les premiers juges, la société TBCO qui est une entreprise privée lui a cédé une facture et que c’est par erreur qu’elle lui a transmis un formulaire intitulé 'acte de cession de créances professionnelles résultant d’un marché public’ alors qu’il s’agissait d’un marché privé, la créance cédée ne résultant que du contrat passé entre les sociétés TBCO et Eiffage énergie. Elle souligne que l’acte unique ayant été conclu entre les sociétés Eiffage énergie et RTE, la société TBCO n’avait ni à le notifier ni à respecter les articles R.313-17 et R.313-18 du code monétaire et financier ni à adresser sa notification de cession de créance entre les mains du comptable assignataire, le document fondant sa créance indiquant la cession d’une facture dont elle est devenue propriétaire le 6 mai 2016 et non d’un marché public. Elle ajoute encore que la société Eiffage qui a bien eu connaissance de la cession de créance ainsi que l’établit l’avis de réception, ne s’y est pas opposée et que le fait qu’elle n’ait pas retourné l’acte d’acceptation de la cession et que cette facture ait été réglée à une autre société par le maître de l’ouvrage en vertu d’un paiement direct est sans incidence sur son droit à réclamer le paiement de cette créance qui lui a été cédée.

La société Eiffage fait valoir que la société TBCO à laquelle elle a sous-traité certains travaux aux termes d’un contrat du 23 février 2016, lui a adressé le 26 avril 2016 une facture ayant les mêmes références et un montant identique à celle dont se prévaut la Caisse d’épargne, en lui demandant d’en effectuer le règlement à Oséo et qu’en vertu du paiement direct prévu à l’article 6.1 du contrat de sous-traitance, le maître de l’ouvrage, la société RTE, a réglé cette facture par chèque du 30 juin 2016 au factor Oséo BPI France financement, conformément à la mention portée par la société TBCO.

Elle soutient en premier lieu que cette dernière n’a pu céder à la Caisse d’épargne, le 9 mai (sic) 2016, une créance qu’elle avait déjà cédée à Oséo et sur laquelle elle ne disposait plus d’aucun droit, comme l’a rappelé la Cour de cassation.

Elle fait valoir ensuite que la créance revendiquée par la Caisse d’épargne résultait d’un marché public commandé par la société RTE dont une partie du lot avait été sous-traité à la société TBCO et qu’en matière de cession de créance de marché public, il existe des règles particulières précisées aux articles R.313-17 et R.313-18 du code monétaire et financier que la Caisse d’épargne n’a pas respectées alors même qu’elle n’ignorait rien de la nature du marché en cause puisque l’acte de cession de créance que l’appelante communique en fait mention ; que la Caisse d’épargne n’a ainsi ni adressé la notification de l’acte de cession de créance entre les mains du comptable assignataire ni joint l’exemplaire unique du marché. Elle en conclut que cette notification lui est inopposable et sollicite la confirmation du jugement de ce chef, l’intimée ajoutant au surplus qu’il n’est nullement établi qu’elle ait elle-même reçu la demande d’acceptation de la cession de créance et la mise en demeure que la Caisse d’épargne prétend lui avoir adressées.

Il ressort des pièces versées aux débats que :

— la société TBCO était le sous-traitant de la société Eiffage aux termes d’un contrat signé le 23 février 2016 pour des travaux effectués sur le chantier dénommé Poste Chesnoy (situé à La Celle sur Seine 77670) et bénéficiait d’un paiement direct du maître d’ouvrage, la SA RTE EDF transport, en application de l’article 6 du contrat et de la loi 75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance, celui-ci l’ayant agréée selon acte spécial du 17 février 2017 ;

— le 26 avril 2016, la société TBCO a établi au nom de la société Eiffage une facture référencée 16AVR32 d’un montant de 61 556 euros ;

— la société TBCO a cédé cette créance le 6 mai 2016 à la Caisse d’épargne selon acte de cession signé par la société et la banque et mentionnant expressément cette facture, sa référence et sa date d’échéance ; cet acte a été établi sur un imprimé de la Caisse d’épargne dénommé 'acte de cession de créances professionnelles résultant d’un marché public articles L.313-23 à L.313-34 du code monétaire et financier’ ;

— par lettre recommandée datée du 6 mai 2016 et dont l’avis de réception a été signé le 8 ou le 10 mai 2016, la date n’étant pas davantage lisible, la Caisse d’épargne a informé la société Eiffage, débitrice de la facture, de la cession de créance et lui a demandé de s’engager à la payer directement en lui retournant, au plus tard sous huitaine, l’acte d’acception de cession de créance dûment complété et signé ; par le même courrier elle lui a demandé de l’aviser le cas échéant, dans les plus brefs délais, de son refus de souscrire cet engagement et de lui expliquer les motifs en lui rappelant que la présente lettre valait notification de cession créance et qu’il lui était demandé, conformément aux dispositions de l’article L.313-28 du code monétaire et financier, de cesser à compter de cette notification tout paiement à la société TBCO ; la société Eiffage n’a apporté aucune réponse à ce courrier ;

— la société TBCO a également apposé, sur la même facture établie au nom d’Eiffage que celle invoquée par la Caisse d’épargne, la mention dactylographiée suivante ' Merci d’effectuer votre règlement à Oséo', les références de la banque et du compte à créditer étant également mentionnées ;

— 

la société RTE a réglé cette facture à Oséo devenue Bpifrance financement, par chèque du 30 juin

2016.

S’il n’est pas discuté par la Caisse d’épargne que la société Eiffage était titulaire d’un marché public à l’égard de la société RTE, l’appelante observe cependant justement que la créance qui lui a été cédée est née entre deux sociétés privées, la société TBCO et la société Eiffage conformément au contrat de sous-traitance conclu entre elles ; le paiement direct de la société sous-traitante par la société RTE qui l’a agréée et qui est titulaire du marché public n’est qu’une modalité de paiement de cette créance qui reste une créance de droit privé, aucune conséquence juridique ne pouvant être tirée du fait que l’acte de cession a été régularisé, par erreur, sur un imprimé relatif à une créance résultant d’un marché public.

Par conséquent, la Caisse d’épargne n’avait ni à notifier la cession de créance entre les mains du comptable assignataire conformément aux dispositions de l’article R.313-17 du code monétaire et financier, ni à accompagner cette notification de l’exemplaire unique du marché.

La cession de créance ne peut donc, pour ce motif, être jugée inopposable à la société Eiffage.

Conformément aux dispositions de l’article L313-27 du code monétaire et financier, dans sa rédaction applicable lors de la cession de créance litigieuse, 'la cession ou le nantissement prend effet entre les parties et devient opposable aux tiers à la date apposée sur le bordereau lors de sa remise, quelle que soit la date de naissance, d’échéance ou d’exigibilité des créances, sans qu’il soit besoin

d’autre formalité, et ce quelle que soit la loi applicable aux créances et la loi du pays de résidence des débiteurs.

À compter de cette date, le client de l’établissement de crédit ou de la société de financement bénéficiaire du bordereau ne peut, sans l’accord de cet établissement ou de cette société, modifier l’étendue des droits attachés aux créances représentées par ce bordereau.'

La société Eiffage qui indique avoir reçu le 26 avril 2016 la facture de la société TBCO à régler entre les mains d’Oséo et qui soutient que cette cession de créance était antérieure à celle opérée au bénéfice de la Caisse d’épargne, ne communique cependant aucun autre élément que cette facture pour justifier des conditions dans lesquelles la créance que la société TBCO détenait à son égard a effectivement fait l’objet de cette cession à Oséo, la seule date portée sur la facture ne démontrant pas que cette créance ait été cédée le même jour .

Dans ces conditions, la société Eiffage ne peut valablement opposer à la Caisse d’épargne que la cession de créance effectuée au bénéfice d’Oséo devenue Bpifrance financement serait antérieure à celle dont a bénéficié l’appelante.

Contrairement à ce que l’intimée prétend, il est suffisamment démontré par l’avis de réception signé le 8 ou le 10 mai 2016 et portant le tampon du 'service courrier campus Saint Christophe’ que la société Eiffage a reçu la demande d’acceptation de la cession de créance que la Caisse d’épargne lui a adressée au 10 avenue de l’entreprise à Cergy Pontoise qui est l’adresse figurant sur le contrat de sous-traitance signé par l’intimée et celle de son siège social d’après ses conclusions. Il n’est pas démontré que 'le service courrier’ n’aurait pas été habilité à recevoir le courrier destiné à la société intimée. Dès lors que la société Eiffage a eu connaissance de la cession de créance à laquelle elle ne s’est au demeurant pas opposée, le paiement de la facture entre les mains de Bpifrance n’est pas libératoire.

Il convient par conséquent, infirmant le jugement, d’accueillir la demande de la Caisse d’épargne et de condamner la société Eiffage à lui régler la somme de 61 556 euros qui portera intérêt au taux légal à compter de l’assignation du 22 mai 2017.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire

Infirme le jugement du 5 octobre 2018 en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Condamne la société Eiffage énergies systèmes-transports & distribution à payer à la Caisse d’épargne et de prévoyance d’Auvergne et du Limousin la somme de 61 556 euros avec intérêt au taux légal à compter de l’assignation du 22 mai 2017,

Condamne la société Eiffage énergies systèmes-transports & distribution à payer à la Caisse d’épargne et de prévoyance d’Auvergne et du Limousin la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Déboute la société Eiffage énergies systèmes-transports & distribution de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Eiffage énergies systèmes-transports & distribution aux dépens de première instance et d’appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Sophie VALAY-BRIERE, Présidente et par Madame Sylvie PASQUIER-HANNEQUIN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, La présidente,

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel de Versailles, 13e chambre, 10 décembre 2019, n° 18/07956