Cour d'appel de Versailles, 12e chambre, 29 janvier 2019, n° 17/01550

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 12e ch., 29 janv. 2019, n° 17/01550
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro(s) : 17/01550
Décision précédente : Tribunal de commerce de Pontoise, 20 septembre 2016, N° 2012F00696
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Texte intégral

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

VM

Code nac : 55B

12e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 29 JANVIER 2019

N° RG 17/01550 – N° Portalis DBV3-V-B7B-RKYS

AFFAIRE :

Société X Y

C/

SARL ELSADAYO

Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 21 Septembre 2016 par le Tribunal de Commerce de PONTOISE

N° Chambre : 4

N° Section :

N° RG : 2012F00696

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Katell FERCHAUX-LALLEMENT

Me Alexandre OPSOMER

Me Isabelle TOUSSAINT

Me Ivan CORVAISIER

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT NEUF JANVIER DEUX MILLE DIX NEUF,

La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Société X Y

[…]

[…]

BELGIQUE

Représentant : Me Katell FERCHAUX-LALLEMENT de la SELARL LM AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 629 – N° du dossier 20170081

Représentant : Me Béatrice WITVOET de l’ASSOCIATION LE BERRE ENGELSEN WITVOET, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R218 -

APPELANTE

****************

SARL ELSADAYO

N° SIRET : 534 53 4 8 21

[…]

[…]

Représentant : Me Alexandre OPSOMER de la SCP GUEILHERS & ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 269 – N° du dossier 181/17

Représentant : Me Serge PEREZ de la SCP PEREZ SITBON, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0198 -

SAS ITALFREIGHT

N° SIRET : 501 204 424

[…]

93290 TREMBLAY-EN-FRANCE

Représentant : Me Isabelle TOUSSAINT, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 249

Représentant : Me Franck GUENOUX de la SCP Cabinet HOLMAN FENWICK WILLAN,

Plaidant, avocat au barreau de ROUEN

Société TRABELINT NV

Mechelsesteeweg 4, 1910

[…]

Kampenhout, Belgique

Représentant : Me Ivan CORVAISIER de la SELARL BC AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 37 – N° du dossier 17.2239 – Représentant : Me Charles DE CORBIÈRE de la SCP VILLENEAU ROHART SIMON ET ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

Société […]

[…]

[…]

Représentant : Me Katell FERCHAUX-LALLEMENT de la SELARL LM AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 629 – N° du dossier 20170081

Représentant : Me Béatrice WITVOET de l’ASSOCIATION LE BERRE ENGELSEN WITVOET, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R218 -

INTIMEES

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 786 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 06 Décembre 2018 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Mme Véronique MULLER, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Thérèse ANDRIEU, Président,

Monsieur Denis ARDISSON, Conseiller,

Mme Véronique MULLER, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Monsieur Alexandre GAVACHE,

EXPOSÉ DU LITIGE

En septembre 2011, la société Elsadayo a chargé la société de droit français Italfreight, en qualité de

commissionnaire de transport, de l’organisation d’un transport routier international (43 colis de pulls en

cachemire en provenance de Shanghai), depuis l’aéroport de Bruxelles à destination de Roissy (95).

La société Italfreight a confié la réalisation du transport au départ de Bruxelles à la société Herfurth Logistics,

cette dernière ayant elle-même confié le transport à la société de droit belge Trabelint suivant lettre de voiture

internationale. Une seconde lettre de voiture a toutefois été émise mentionnant la société de droit belge

X Y en qualité de transporteur, ce que cette dernière conteste.

La société Trabelint s’est ensuite substituée la société Vajo Trans Bulgaria Food (ci-après société Vajo Trans)

pour la réalisation du transport.

Le 5 octobre 2011, le chauffeur de la société Vajo Trans a stationné son camion sur une aire de station service

Total à […] (77). Au cours de la nuit, la marchandise a été partiellement volée, 33 colis ayant

totalement disparu, tandis que 10 colis sont restés dans le camion et ont pu être livrés, dont 3 colis ouvert avec

produits manquant, ce qui a donné lieu à l’émission de réserves sur les deux lettres de voiture.

Par acte du 4 octobre 2012, la société Elsadayo a fait assigner la société Italfreight devant le tribunal de

commerce de Pontoise, aux fins de mise en cause de sa responsabilité en qualité de commissionnaire de

transport.

La société Italfreight a appelé en garantie les sociétés Trabelint et X Y. La société Trabelint a

ensuite mis en cause la société Vajo Trans.

Les différentes instances ont fait l’objet d’une jonction.

Par jugement du 21 septembre 2016, le tribunal de commerce de Pontoise a :

— dit non prescrite l’action en garantie de la société Italfreight contre la société Vajo Trans,

— condamné la société Italfreight à payer à la société Elsadayo la somme de 58.902,81 euros,

— dit recevable l’appel en garantie de la société Italfreight contre les sociétés Trabelint ,X Y et Vajo

Trans,

— condamné in solidum les sociétés Trabelint, X Y et Vajo Trans à garantir la société Italfreight de

toutes les condamnations mises à sa charge,

— condamné la société Vajo Trans à garantir les sociétés Trabelint et X Y de toutes les

condamnations mises à leurs charges,

— débouté les sociétés Elsadayo, Italfreight , Trabelint, X Y et Vajo Trans de toutes leurs autres

demandes,

— condamné la société Italfreight à payer à la société Elsadayo la somme de 2 500 euros, par application des

dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné in solidum les sociétés Trabelint, X Y et Vajo Trans à payer à la société Italfreight la

somme de 3 500 euros, par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné la société Vajo Trans à payer à chacune des sociétés Trabelint et X Y, la somme de 1

000 euros, par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné in solidum les sociétés Italfreight, Trabelint, X Y et Vajo Trans

aux dépens,

— ordonné l’exécution provisoire .

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Vu l’appel interjeté le 23 février 2017 par la société X Y.

Vu les dernières conclusions notifiées le 22 janvier 2018 par lesquelles la société X Y demande à

la cour de :

— Dire la société Italfreight irrecevable et mal fondée en son action en garantie et l’en débouter ;

— Condamner la société Italfreight au paiement d’une somme de 5.000 euros de dommages-intérêts pour

procédure abusive ;

— Condamner les sociétés Italfreight et/ou Trabelint au paiement d’une indemnité de 7.500 euros au titre de

l’article 700 du code de procédure civile. ;

— A titre subsidiaire et en tant que de besoin, limiter l’indemnité due à la société Elsadayo à la somme de

3.548,58 DTS, ou sa contre valeur en euros au jour du paiement ;

— Condamner les sociétés Italfreight et Trabelint aux entiers dépens.

Vu les dernières conclusions notifiées le 22 janvier 2018 au terme desquelles la société Elsadayo demande à

la cour de :

— Dire la société Elsadayo recevable et bien fondée en son appel incident,

' Confirmer le jugement en ce qu’il a dit que la faute de la société Vajo Trans, et donc de la société Italfreight,

était inexcusable et qu’il n’y a dès lors pas lieu à appliquer les limitations de l’article 23 de la convention CMR

;

' Infirmer partiellement le jugement dont appel en ce qu’il à limité à 58.902,81 euros les dommages et intérêts

accordés à la société Elsadayo ;

' Condamner la société Italfreight à payer à la société Elsadayo la somme de 200.000 euros au titre des

dommages et intérêts,

' Condamner la société Italfreight à lui payer la somme de 15.000 euros en application des dispositions de

l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens .

Vu les dernières conclusions notifiées le 22 mai 2018 au terme desquelles la société Italfreight demande à la

cour de :

— confirmer le jugement rendu le 21/09/16 en ce qu’il a fixé le montant du préjudice subi par la société

Elsadayo à la somme de 57.432,56 euros, auquel s’ajoute le remboursement du prorata des frais de transport,

— réformer le jugement entrepris pour le surplus et, statuant à nouveau,

— condamner la société Elsadayo à payer à la société Italfreight la somme de 8.584,16 euros correspondant au

montant du solde restant dû sur la facture du 06/10/11, avec intérêts au taux pratiqué par la BCE à son

opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage, à compter du 07/10/11 et ce,

en application des dispositions impératives de l’article L.441-6 C. com.,

— juger que la responsabilité de la société Elsadayo (sic) ne saurait excéder celle de ses transporteurs

substitués, soit la somme de 4.239,97 DTS correspondant au plafond de responsabilité prévu par l’article 23 §2

de la Convention de Genève du 19/05/56,

— Dans l’hypothèse où une condamnation serait prononcée à l’encontre de la société Italfreight,

— condamner conjointement et solidairement les sociétés Trabelint, X Y et Vajo Trans à relever et

garantir la société Italfreight de toutes les condamnations qui seraient prononcées contre elle notamment, en

principal, intérêts, dommages-intérêts et frais,

— les condamner sous la même solidarité à payer à la société Italfreight la somme de 10.000 euros sur le

fondement de l’article 700 CPC,

— Les condamner aux dépens de première instance et d’appel.

Vu les dernières conclusions notifiées le 21 novembre 2017 au terme desquelles la société Trabelint

demande à la cour de :

— Réformer le jugement entrepris en ce qu’il l’a condamné à relever et garantir Italfreight de la condamnation

prononcée à son encontre.

Statuant à nouveau,

— Constater que Italfreight ne rapporte pas la preuve de l’existence d’une quelconque faute personnelle de

Trabelint prise en sa qualité de commissionnaire-expéditeur de droit belge (statut équivalent à celui de

transitaire en droit français),

— Dire mal fondé l’appel en garantie de Italfreight à l’encontre de Trabelint et l’en débouter,

— Condamner Italfreight à payer à Trabelint la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code

de procédure civile,

— La condamner aux entiers dépens.

Subsidiairement,

— Vu l’article 28 alinéa 2 des conditions générales belges d’expédition,

— Dire et juger que Trabelint ne saurait être tenue à garantir Italfreight pour un montant supérieur à 379,50 kg

x 5 euros = 1 897,50 euros,

— Débouter Italfreight du surplus de ses prétentions,

— Vu les articles 17 et 23-3 de la Convention de Genève du 19 mai 1956, dite « Convention CMR »,

— Dire recevable et bien fondé l’appel en garantie de Trabelint à l’encontre de Vajo Trans,

— Condamner Vajo Trans à relever et garantir Trabelint en principal, intérêts et frais, de toute condamnation

qui pourrait être prononcée à son encontre sur l’assignation en garantie qui lui a été délivrée à la requête de

Italfreight,

— Condamner Vajo Trans à payer à Trabelint la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du

code de procédure civile,

— La condamner aux entiers dépens,

— En tout état de cause :

— Débouter X Y de ses demandes contre Trabelint au titre de l’article 700 du code de procédure

civile et des dépens.

Vu les dernières conclusions notifiées le 20 novembre 2017 au terme desquelles la société Vajo Trans

demande à la cour de :

— Infirmer le jugement en ce qu’il a retenu une faute inexcusable à l’encontre de la société Vajo Trans et en ce

qu’il a accueilli l’action en garantie de la société Italfreight à l’encontre de la société Vajo Trans comme étant

non prescrite;

— En conséquence, dire prescrite l’action en garantie de la société Italfreight à l’encontre de la société Vajo

Trans et l’en débouter ;

— Limiter l’indemnité due par la société Vajo Trans à la somme de 3.548,58 DTS, ou sa contre valeur en euros

au jour du paiement ;

— Débouter les sociétés Elsadayo, Italfreight, et Trabelint de leurs plus amples demandes, fins et conclusions ;

— Condamner la société Italfreight au paiement d’une indemnité de 4.500 euros au titre de l’article 700 du code

de procédure civile,

— La condamner aux entiers dépens.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 15 novembre 2018.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l’article 455 du

code de procédure civile, renvoie aux conclusions déposées par les parties et au jugement dont appel.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1 ' sur l’action principale formée par la société Elsadayo à l’encontre de la société Italfreight en sa

qualité de commissionnaire de transport

Il résulte des articles L. 132-4 et suivants du code de commerce que le commissionnaire de transport est

garant des avaries ou pertes de marchandises, s’il n’y a stipulation contraire dans la lettre de voiture, ou force

majeure. Il est également garant des faits du commissionnaire intermédiaire auquel il adresse les

marchandises.

Les sociétés Elsadayo et Italfreight sont deux sociétés de droit français qui ont conclu entre elles un contrat de

commission de transport. La société Elsadayo recherche la responsabilité de la société Italfreight du seul fait

de sa qualité de garant de ses substitués, et particulièrement du fait de la société Vajo Trans qui a finalement

réalisé le transport, dès lors que les marchandises ont été dérobées alors qu’elles étaient sous sa garde.

Sans contester le principe de sa responsabilité du fait de la société Vajo Trans, la société Italfreight fait valoir

que son obligation de réparation ne peut être d’un montant supérieur à celle incombant au transporteur, telle

qu’elle ressort du plafond fixé par l’article 23 de la CMR, à savoir 8,33 unités de compte (DTS) par kilo du

poids brut manquant.

La société Elsadayo soutient qu’en application de l’article 29 de la CMR, les sociétés Italfreight et Vajo Trans

ne peuvent se prévaloir du plafond de responsabilité du fait que le dommage provient d’une faute de la société

Vajo Trans qui, d’après la loi du for, est considérée comme équivalente au dol.

* sur la faute inexcusable de la société Vajo Trans

Il résulte de l’article L. 133-8 du code de commerce qu’est inexcusable la faute délibérée qui implique la

conscience de la probabilité du dommage, et son acceptation téméraire sans raison valable.

En l’espèce, la société Elsadayo fait valoir que les conditions de la faute inexcusable sont remplies, en ce que

la société Vajo Trans a stationné le véhicule, de nuit, sur une aire de stationnement non surveillée et sans

verrouiller ou cadenasser la remorque. Elle ajoute que les précautions les plus élémentaires n’ayant pas été

prises (fermeture à clé de la remorque), le transporteur avait nécessairement conscience du fait que la

remorque pouvait aisément être ouverte, l’acceptation de ce risque résultant d’une témérité certaine sans

aucune raison valable dès lors que le lieu de livraison finale était situé à 25 minutes seulement du lieu de

stationnement.

Les sociétés Italfreight et Vajo Trans soutiennent pour leur part que la preuve d’une faute inexcusable n’est pas

rapportée. La société Vajo Trans estime que l’on peut douter de l’exactitude des informations contenues dans

la plainte du chauffeur bulgare dès lors que ce dernier a été entendu par les services de police sans interprète,

et dans un anglais approximatif. Elle soutient dès lors que les faits ne sont pas établis avec un degré de

certitude suffisant, ajoutant que le choix du stationnement est cohérent avec l’itinéraire des livraisons. Elle fait

observer que la conscience de la probabilité du dommage s’apprécie dans un contexte local, reprochant à la

société Elsadayo de ne pas fournir d’informations sur ce contexte.

*************

La cour observe en premier lieu que, si les circonstances de recueil de la plainte du chauffeur bulgare ne sont

pas optimales en ce que ce dernier s’est exprimé sans interprète « dans un anglais approximatif », la société

Viajo Trans se contente d’émettre des doutes sur l’exactitude des informations recueillies, sans véritablement

les contester. Elle ne produit en outre aucun élément permettant de contredire les informations données par

son chauffeur, notamment quant à l’absence de verrouillage de la porte, alors même qu’il lui aurait été aisé de

faire procéder à des constatations, notamment quant à une éventuelle effraction de la serrure.

En l’absence de quelconques éléments permettant de douter de l’exactitude des informations contenues dans la

plainte, sa valeur probante ne peut être mise en doute.

Le fait de verrouiller ou cadenasser la porte d’une remorque d’un camion contenant un chargement quelconque

constitue une précaution élémentaire permettant d’éviter, ou à tout le moins de retarder, le vol de la

marchandise, particulièrement lorsque le stationnement a lieu dans un endroit non surveillé, de nuit, et pour

une longue durée. L’omission de cette précaution élémentaire suffit à caractériser une faute délibérée du

chauffeur.

Ainsi que l’a relevé le premier juge, le vol des marchandises transportées par la route n’est pas une nouveauté,

faisant au contraire partie ' quel que soit le contexte local – du quotidien des professionnels du transport, de

sorte que ces derniers, et en particulier le chauffeur de la société Vajo Trans ' en omettant de prendre les

précautions élémentaires de verrouillage de la remorque ' ont nécessairement conscience de la probabilité d’un

dommage.

L’omission de tout verrouillage de la remorque, dans les conditions rappelées, à savoir de nuit, alors que le

chauffeur est endormi et que l’aire de stationnement n’est pas surveillée, en ce qu’elle conduit à permettre à

tout individu de se servir dans le camion sans rencontrer le moindre obstacle et sans risquer d’alerter le

chauffeur par le bruit d’une effraction, permet de caractériser une acceptation téméraire de la probabilité du

dommage, et ce sans raison valable, dès lors que la société Vajo Trans n’invoque aucune circonstance pouvant

en justifier .

Le jugement dont appel sera donc confirmé en ce qu’il a dit que la société Vajo Trans avait commis une faute

inexcusable, l’empêchant et empêchant consécutivement la société Italfreight de se prévaloir du plafond fixé à

l’article 29 de la CMR.

* sur la réparation du préjudice subi par la société Elsadayo

Il résulte de l’article 23 de la CMR, dont les parties admettent qu’elle est seule applicable, que :

1 – Quand, en vertu des dispositions de la présente Convention, une indemnité pour perte totale ou partielle de

la marchandise est mise à la charge du transporteur, cette indemnité est calculée d’après la valeur de la

marchandise au lieu et à l’époque de la prise en charge (…)

4. Sont en outre remboursés le prix du transport, les droits de douane et les autres frais encourus à l’occasion

du transport de la marchandise, en totalité en cas de perte totale, et au prorata en cas de perte partielle; d’autres

dommages-intérêts ne sont pas dus.

(…)

6. Des indemnités plus élevées ne peuvent être réclamées qu’en cas de déclaration de la valeur de la

marchandise ou de déclaration d’intérêt spécial à la livraison, conformément aux articles 24 et 25. (…)

Le premier juge a indemnisé la société Elsadayo, sur le fondement de la CMR, à hauteur de la valeur des

marchandises perdues, et des frais de transport exposés inutilement, aboutissant ainsi à la condamnation de la

société Italfreight à hauteur de 58.902,81euros.

La société Elsadayo a formé un appel incident et sollicite, sur le même fondement, paiement de dommages et

intérêts qu’elle évalue de manière globale à la somme de 200.000 euros, faisant observer que la perte de la

marchandise ne peut être fixée à une somme inférieure à 77.627,24 euros compte tenu de la revalorisation de

l’indemnité au cours actuel du dollar (article 27 de la CMR), ajoutant que sa perte commerciale s’élève à

138.880 euros, et soutenant qu’elle n’est pas redevable de quelconques frais de transport dont elle sollicite le

remboursement intégral compte tenu de l’inexécution de la prestation.

La société Italfreight soutient que la perte commerciale n’est pas indemnisable. Elle sollicite la confirmation

du jugement en ce qu’il a fixé le montant du préjudice à la somme de 57.432 euros (en réalité 58.902,81 euros,

en ce compris les frais de transport au pro-rata des colis livrés), mais sollicite paiement du solde des frais de

transport à hauteur de la somme de 8.584,16 euros.

En l’absence de justification d’une déclaration de valeur de la marchandise ou de déclaration d’intérêt spécial,

conformément aux dispositions précitées, la société Elsadayo n’est pas fondée en sa demande de réparation de

son préjudice commercial.

S’agissant de la perte de marchandise, la société Elsadayo justifie de l’achat des marchandises pour un montant

de 92.896,25 dollars, soit une somme de 77.103,88 euros si l’on retient le cours du dollar à 0,83 euros comme

la société Elsadayo le demande sur le fondement de la CMR, sans être contredite sur ce point.

Sur les 43 cartons transportés, seuls 7 cartons ont finalement été livrés intacts, de sorte que la perte (36

cartons) s’établit à la somme de : 77.103,88 euros/43 x36- = 64.551 euros.

S’agissant des frais de transport, ces derniers se sont élevés à la somme de 11.584,16 euros, ainsi que cela

ressort de la facture de la société Italfreight. Compte tenu de la perte de 36 cartons, la société Elsadayo ne doit

que la somme de : 11.584,16 euros/43 x 7 = 1.885,79 euros.

La société Elsadayo ayant déjà réglé un acompte de 3.000 euros sur la facture de transport, c’est la société

Italfreight qui lui doit la différence, soit la somme de 1.114,21 euros.

La société Italfreight reste donc devoir à la société Elsadayo la somme totale de 65.665,21euros, dont 64.551

euros au titre de la perte de marchandise, et 1.114,21 euros au titre du remboursement des frais de transport au

pro-rata de la perte de marchandise.

Le jugement dont appel sera donc infirmé sur ce point, la société Italfreight étant condamnée au paiement de

la somme de 65.665,21 euros à titre de dommages et intérêts.

La demande en paiement des intérêts au taux de 5%, telle que formulée dans les motifs, n’est pas reprise au

dispositif des conclusions, de sorte qu’en application de l’article 954 du code de procédure civile, la cour ne

peut statuer sur cette demande.

2 ' sur l’appel en garantie formé par la société Italfreight à l’encontre des sociétés Trabelint, X

Y et Vajo Trans

Lorsque la responsabilité du commissionnaire de transport est engagée du fait de ses substitués, et que

l’inexécution est imputable à un prestataire choisi pour réaliser l’opération de transport par le

commissionnaire, celui-ci se trouve tenu pour autrui. Il dispose donc d’un recours contre le substitué auquel il

a fait appel.

2-1 sur la demande de mise hors de cause formée par la société X Y

La société X Y sollicite l’infirmation du jugement et sa mise hors de cause au motif qu’elle n’est

jamais intervenue dans l’organisation ou l’exécution du transport. Elle fait notamment valoir que la lettre de

voiture mentionnant son identité en tant que transporteur comporte une erreur dans l’orthographe de son nom

qu’elle n’aurait jamais effectuée. Elle ajoute n’avoir jamais reçu d’instruction de transport de la société

Trabelint, et n’avoir jamais donné d’instructions de transport à la société Vajo Trans.

La société Italfreight maintient ses demandes contre la société X Y du seul fait de la lettre de voiture

comportant l’identité de cette dernière.

La société Trabelint fait valoir que « la société Herfurth Logistics semble avoir confié à la société X

Y une certaine mission, non véritablement identifiée à ce jour, en vue de l’acheminement des marchandises

par route vers l’aéroport de Roissy ». Elle indique ensuite qu’une première lettre de voiture mentionne le nom

de X Y comme transporteur, ajoutant que c’est en réalité à la société Vajo Trans qu’a été confié le

transport.

La société Vajo Trans ne forme aucune observation à ce titre.

Force est ici de constater que, pour un seul et même transport entre l’aéroport de Bruxelles et celui de Roissy,

deux lettres de voiture ont été émises, mentionnant comme transporteur principal, l’une la société X

Pirron (au lieu de X Piron), l’autre la société Trabelint, alors qu’une seule lettre de voiture était

nécessaire.

S’il est certain que la société Trabelint est bien intervenue dans l’opération de transport – avec un rôle qui sera

défini plus avant – ainsi que cela ressort notamment de ses échanges de courriels avec la société Herfurth

Logistics et du document d’expédition qu’elle a émis, mentionnant que le camion appartient à la société Vajo

Trans (pièce numéro 4 de la société Trabelint), aucun élément autre que la seconde lettre de voiture (dont la

cour relève en outre qu’elle n’est pas signée de l’expéditeur mentionné comme étant Trabelint) ne permet

d’établir que la société X Y était chargée d’une mission quelconque dans l’opération de transport

litigieuse.

Tenant compte tant de l’absence de signature de l’expéditeur sur la seconde lettre de voiture, que de l’erreur

d’orthographe sur le nom de Y, que de l’inutilité d’une double lettre de voiture, et enfin de l’absence

d’autres éléments venant corroborer l’implication de la société X Y dans le transport, la cour mettra

cette société hors de cause. Le jugement sera donc infirmé de ce chef.

La demande en paiement de dommages et intérêts formée par la société X Y pour procédure abusive

sera cependant rejetée, celle-ci ne justifiant pas de l’abus allégué, dès lors que la société Italfreight disposait

d’une lettre de voiture conférant à tout le moins une apparence d’implication de cette société dans le transport.

2 ' 2 ' sur l’action en garantie formée à l’encontre de la société Trabelint

Il résulte de l’article 3 de la CMR que le transporteur répond des actes et omissions de ses préposés et de

toutes autres personnes aux services desquelles il recourt pour l’exécution du transport.

La société Trabelint soutient qu’elle n’a réalisé que les opérations de transit entre l’aéroport de Bruxelles et

l’entrepôt de la société Herfurth. Elle affirme n’avoir jamais eu la qualité de transporteur, et n’avoir agi qu’en

qualité de commissionnaire-expéditeur ou transitaire au sens du droit belge, de sorte que celui-ci lui est seul

applicable, et que sa responsabilité ne peut être engagée que pour faute prouvée.

La société Italfreight fait valoir l’existence d’une lettre de voiture désignant la société Trabelint comme

transporteur, outre les échanges de courriels avec la société Herfurth dans lesquelles celle-ci accepte de se

charger du transport, peu important la délégation ultérieure à la société Vajo Trans.

Il ressort des documents produits aux débats que la société Herfurth a demandé à la société Trabelint un prix

pour le transport litigieux de Bruxelles à Roissy. Cette dernière a répondu en ces termes : « notre camion, qui

doit partir demain, a encore de l’espace disponible (') », précisant ensuite le prix proposé pour le transport. La

société Herfurth lui a ensuite demandé d’effectuer le transport, ce à quoi elle a répondu positivement.

Contrairement à ce que soutient la société Trabelint, les termes de cet échange de courriels évoquent très

clairement un « transport » et non pas une opération de transit, l’unique offre de la société Herfurth ' acceptée

par la société Trabelint – portant sur la réalisation d’un transport. La société Trabelint est en outre mentionnée

sur la lettre de voiture comme ayant la qualité de « transporteur principal ». Le fait que la société Trabelint ait

ultérieurement sous-traité l’opération à la société Vajo Trans est sans incidence en l’espèce, dès lors que les

dispositions précitées prévoient expressément que le transporteur répond des actes des personnes auxquelles il

recourt pour l’exécution du transport.

La société Italfreight est ainsi fondée en son action en garantie contre la société Trabelint en qualité de

transporteur principal.

2 -3- sur la demande en garantie formée à l’encontre de la société Vajo Trans

La société Vajo Trans soutient que, contrairement à ce qu’à pu estimer le premier juge, l’appel en garantie

formé par la société Italfreight à son encontre est prescrit, en ce que sa demande n’a été formulée que par

conclusions du 15 janvier 2014, soit plus d’un an après la livraison réalisée le 5 octobre 2011.

C’est cependant à bon droit que le premier juge a dit que l’action en garantie de la société Italfreight n’était pas

prescrite dès lors qu’une faute inexcusable est retenue, l’article 32 de la CMR fixant, dans cette hypothèse, la

durée de prescription à trois ans.

Il convient dès lors de faire droit à l’action en garantie exercée par la société Italfreight à l’encontre de la

société Vajo Trans.

Il convient ainsi de condamner les sociétés Trabelint et Vajo Trans à relever et garantir la société Italfreight

des condamnations prononcées à son encontre au profit de la société Elsadayo. Le jugement sera toutefois

infirmé en ce qu’il a également condamné la société X Y, étant rappelé que celle-ci a été mise hors

de cause.

3 ' sur l’appel en garantie formé par la société Trabelint à l’encontre de la société Vajo Trans

La société Trabelint sollicite la garantie de la société Vajo Trans en ce qu’elle est seule responsable du

dommage.

La société Vajo Trans ne conteste pas devoir sa garantie à la société Trabelint, admettant même que son

éventuelle condamnation ne peut être prononcée qu’à son égard au motif que l’action de la société Italfreight

est prescrite.

Il convient dès lors de confirmer le jugement dont appel en ce qu’il a condamné la société Vajo Trans à

garantir la société Trabelint des condamnations prononcées à son encontre.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile :

Le jugement dont appel sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles, sauf en ce

qu’il a condamné la société X Y de ces chefs.

Les sociétés Italfreight, Trabelint et Vajo Trans seront condamnées in solidum aux dépens de la présente

instance.

Il sera alloué à la société Elsadayo la somme de 2.000 euros au titre de ses frais irrépétibles exposés en cause

d’appel, cette somme étant mise à la charge de la société Italfreight.

La société Vajo Trans sera en outre condamnée à payer à chacune des sociétés X Y, Italfreight et

Trabelint une somme de 2.000 euros au titre de ses frais irrépétibles exposés en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement du 21 septembre 2016 en ce qu’il a :

— dit que l’action de la société Italfreight à l’encontre de la société Vajo Trans Bulgaria Food n’était pas

prescrite et en ce qu’il a retenu la faute inexcusable de celle-ci,

— condamné la société Vajo Trans Bulgaria Food à garantir la société Trabelint de toutes condamnations

prononcées à son encontre,

— en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens sauf en ce qu’il a condamné la société

X Y de ces chefs, celle-ci devant être exonérée de toute condamnation à ce titre,

L’infirme pour le surplus,

Et statuant à nouveau,

Met hors de cause la société X Y,

Condamne la société Italfreight à payer à la société Elsadayo la somme de 65.665,21 euros à titre de

dommages et intérêts en réparation du préjudice subi,

Condamne in solidum les sociétés Trabelint et Vajo Trans Bulgaria Food à garantir la société Italfreight de

toutes condamnations prononcées à son encontre,

Rejette toutes autres demandes,

Condamne la société Italfreight à payer à la société Elsadayo la somme de 2.000 euros sur le fondement de

l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Vajo Trans Bulgaria Food à payer à chacune des sociétés X Y, Italfreight et

Trabelint une somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne in solidum les sociétés Italfreight, Trabelint et Vajo Trans Bulgaria Food aux dépens d’appel,

avec droit de recouvrement direct, par application de l’article 699 du code de procédure civile.

prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été

préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de

procédure civile.

signé par Madame Thérèse ANDRIEU, Président et par Monsieur GAVACHE, greffier, auquel la

minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,

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Textes cités dans la décision

  1. Code de commerce
  2. Code de procédure civile
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Cour d'appel de Versailles, 12e chambre, 29 janvier 2019, n° 17/01550