Cour d'appel de Versailles, 17e chambre, 18 décembre 2019, n° 17/02189

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 17e ch., 18 déc. 2019, n° 17/02189
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro(s) : 17/02189
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Cergy-Pontoise, 17 avril 2017, N° 16/00064
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

17e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 18 DECEMBRE 2019

N° RG 17/02189 – N° Portalis DBV3-V-B7B-RP5Z

AFFAIRE :

I X

C/

SAS SENSIENT COSMETIC TECHNOLOGIES

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 18 Avril 2017 par le Conseil de Prud’hommes Formation paritaire de CERGY PONTOISE

N° Section : I

N° RG : 16/00064

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Philippe LEJARD

Me Isabelle LE COQ de la AARPI BMH AVOCATS BREITENSTEIN HAUSER

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX HUIT DECEMBRE DEUX MILLE DIX NEUF,

La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Monsieur I X

né le […] à KHINSHASA

de nationalité Française

[…]

[…]

Représentant : Me Philippe LEJARD, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de VAL D’OISE, vestiaire : 112 substitué par Me SELTENE Tiphaine avocat au barreau de VAL D’OISE

APPELANT

****************

SAS SENSIENT COSMETIC TECHNOLOGIES

[…]

[…]

Représentant : Me Isabelle LE COQ de l’AARPI BMH AVOCATS BREITENSTEIN HAUSER, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R216 substitué par Me LINNE Andréa avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 786 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 25 Octobre 2019 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Laurent BABY, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Clotilde MAUGENDRE, Présidente,

Madame Evelyne SIRE-MARIN, Présidente,

Monsieur Laurent BABY, Conseiller,

Greffière, lors des débats : Madame Marine MANELLO,

Par jugement du 18 avril 2017, le conseil de prud’hommes de Cergy-Pontoise (section industrie) a :

— dit que le licenciement de M. X K ne repose pas sur une faute grave mais sur une cause réelle et sérieuse,

— condamné la société Sensient Cosmetic Technologies à verser à M. X K les sommes de :

. 730 euros à titre de rappel de salaire de la mise à pied conservatoire,

. 73 euros à titre de congés payés afférents,

. 4 205 euros à titre d’indemnité de préavis,

. 420,50 euros à titre de congés payés afférents,

. 2 051 euros à titre d’indemnité de licenciement,

— rappelé que les condamnations prononcées emporteront intérêts au taux légal à compter de la date de réception de la convocation devant le bureau de conciliation par la partie défenderesse pour les créances salariales et à compter de la décision pour les créances indemnitaires,

— ordonné l’exécution provisoire en application de l’article 515 du code de procédure civile,

— condamné la société Sensient Cosmetic Technologies à verser à M. X K la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et l’a déboutée de sa demande sur ce fondement,

— débouté M. X K du surplus de ses demandes,

— mis les éventuels dépens de l’instance à la charge de la société Sensient Cosmetic Technologies.

Par déclaration adressée au greffe le 24 avril 2017, M. X a interjeté appel de ce jugement.

Une ordonnance de clôture a été prononcée le 4 octobre 2018.

Par dernières conclusions déposées au greffe le 12 janvier 2018, M. X K demande à la cour de :

à titre principal,

— constater que le conseil de prud’hommes de Cergy-Pontoise ne pouvait à la fois estimer qu’il n’avait pas commis de faute grave sans se prononcer sur la nullité du licenciement et ses conséquences,

— dire dès lors le licenciement nul et non avenu,

— condamner la société Sensient Cosmetic à lui verser, celui-ci ne sollicitant pas sa réintégration dans l’entreprise, 25 234 euros d’indemnité en réparation du préjudice résultant de la nullité du licenciement (L.1235-11 du code du travail) (12 mois),

à titre subsidiaire et en tout état de cause,

— infirmer le jugement du conseil de Prud’hommes de Cergy-Pontoise en ce qu’il a considéré que le licenciement était pourvu d’une cause réelle et sérieuse,

— dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse,

— condamner, en conséquence, la société Sensient Cosmetic, à lui verser les sommes suivantes :

. 25 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse,

et confirmer le jugement pour le surplus soit,

. 730 euros pour le paiement de la mise à pied conservatoire du 02 au 16 décembre 2015,

. 73 euros de congés payés afférents,

. 4 205 euros de paiement du préavis de 2 mois,

. 420,5 euros de congés payés afférents,

. 2 051 euros de paiement d’indemnité de licenciement,

. 1 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

dans tous les cas,

— infirmer le même jugement sur la demande relative à l’inégalité salariale et au non-respect des obligations dans l’exécution du contrat de travail,

— condamner, en conséquence, la société Sensient Cosmetic à lui verser les sommes suivantes:

. 16 580,88 euros à titre de rappel de salaires au titre de l’inégalité salariale (à minima),

. 1 658,08 euros de congés payés afférents,

. 12 615 euros de dommages et intérêts pour non-respect des obligations et exécution déloyale du contrat de travail,

— y ajoutant, condamner, en cause d’appel, la société la société Sensient Cosmetic Technologies au paiement de la somme supplémentaire de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner la société Sensient cosmetic technologies aux entiers dépens de l’instance.

Par dernières conclusions déposées au greffe le 13 juillet 2018, la société Sensient Cosmetic Technologies demande à la cour de :

— recevoir la concluante en ses écritures et l’y dire bien fondée,

par conséquent,

— sur les demandes ayant trait au licenciement de M. X K, infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Cergy-Pontoise et, statuant à nouveau, dire bien fondé le licenciement pour faute grave de M. X K,

— débouter M. X K de l’ensemble de ses demandes en rapport avec son licenciement,

— condamner en conséquence M. X K à lui rembourser la somme de 7 349,40 euros versée en exécution du jugement de première instance,

— sur les autres demandes :

— confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Cergy-Pontoise et débouter M. X K de l’ensemble de ses demandes,

— condamner M. X K à verser à la société Sensient Cosmetic 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner M. X K aux entiers dépens.

LA COUR,

M. I X K a été engagé par la société Sensient Cosmetic Technologies, qui est spécialisée dans la fabrication et la distribution de matières premières et de colorants cosmétiques, à compter du 24 janvier 2011 par contrat à durée déterminée du 24 janvier 2011 au 30 juin 2011 en qualité d’agent de fabrication et de conditionnement, catégorie ouvrier.

La rémunération contractuelle était de 1 500 euros bruts.

A l’issue du contrat à durée déterminée, les relations contractuelles se sont poursuivies par la signature d’un contrat de travail à durée indéterminée.

La société Sensient Cosmetic Technologies emploie environ 140 salariés.

La convention collective applicable au litige est celle des industries chimiques.

Par courrier du 1er septembre 2015, la société a notifié au salarié un avertissement pour négligence.

Le 8 septembre 2015, le salarié a été victime d’un accident sur son lieu de travail.

Le 23 août 2016, la CPAM a reconnu le caractère professionnel de cet accident.

De septembre 2015 à novembre 2015, le contrat de travail de M. X K a été suspendu à plusieurs reprises suite à des arrêts de travail.

Le 26 novembre 2015, lors de la visite médicale périodique, le médecin du travail a déclaré le salarié apte à son poste de travail.

Le 2 décembre 2015 s’est produit un incident entre M. X K et un autre salarié.

A cette même date, M. X K a été mis à pied à titre conservatoire par courrier remis en main propre et il a été convoqué à un entretien préalable.

Par courrier du 16 décembre 2015, le salarié a été licencié dans les termes suivants :

« Nous avons à déplorer de votre part un acte de violence sous la forme d’une agression physique sur un collègue de travail.

Le 02 décembre 2015 à la fin de votre service, en présence d’un chef de service et d’opérateurs, dans le couloir des vestiaires de la production, vous avez agressé un collègue de travail en lui donnant un coup de poing qui l’a mis à terre. Il s’est relevé et vous l’avez poursuivi en dehors du bâtiment lorsqu’il tentait de vous échapper. La situation ne s’est pas dégradée grâce à l’intervention de quatre collègues qui, non sans difficulté, ont réussi à vous neutraliser.

De tels actes de violence sur le lieu de travail sont intolérables.

Les explications que nous avons recueillies auprès de vous au cours de l’entretien préalable ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation.

Nous sommes dès lors dans l’obligation de vous notifier par la présente votre licenciement pour faute grave. »

Par requête reçue au greffe le 1er février 2016, M. X K a saisi le conseil de prud’hommes de Pontoise à l’effet de dire son licenciement sans cause réelle et sérieuse et d’obtenir paiement des indemnités de rupture, d’une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d’une indemnité au titre de l’article 700 code de procédure civile.

SUR CE,

Sur la rupture du contrat de travail

M. X K conclut principalement à la nullité de son licenciement exposant que dans la nuit du 7 au 8 septembre 2015, il a été victime d’un accident du travail dont il a informé l’employeur immédiatement ; que la direction n’a donné de suite à cet du travail que tardivement en émettant en outre des réserves alors que le 23 août 2016, la CPAM a reconnu le caractère professionnel de l’accident ; que les règles protectrices des articles L. 1226-7 et 9 du code du travail auraient dû être appliquées, ce qui n’a pas été le cas.

En ce qui concerne les faits qui lui sont reprochés, M. X K explique qu’une altercation a eu lieu entre lui et un autre salarié ' M. Y ' à propos d’un téléphone portable que ce dernier lui avait pris. Il soutient qu’aucun élément probant ne vient accréditer la thèse suivant laquelle il aurait porté un coup à M. Y, ni que ce dernier aurait été à terre ou encore qu’il l’aurait poursuivi en dehors du bâtiment.

En réplique, la société Sensient Cosmetic Technologies soutient que le 2 décembre 2015, M. X K a violemment agressé M. Y. Elle précise que ce dernier avait été contrarié par l’attitude de M. X K qui lui empruntait ses bottes de travail et qu’en réplique, il lui avait pris son téléphone portable, laissé sans surveillance par M. X K. Elle considère les faits comme établis par les attestations qu’elle verse aux débats.

En ce qui concerne l’accident du travail de M. X K, la société Sensient Cosmetic Technologies soutient que le salarié ne lui a pas immédiatement demandé de le déclarer ; qu’elle n’a procédé à cette déclaration que le 31 mai 2016 parce qu’elle n’avait pas eu connaissance, auparavant, d’éléments justifiant une telle déclaration (date, lieu, lésions). Elle objecte que la reconnaissance postérieure de l’accident du travail du salarié n’entraîne pas la nullité du licenciement ; qu’en effet, le contrat de travail n’était plus suspendu au moment du licenciement, que ce soit en raison d’une maladie simple ou de l’accident du 8 septembre 2015.

L’article L.1226-9 dispose qu’au cours des périodes de suspension du contrat de travail, l’employeur ne peut rompre ce dernier que s’il justifie soit d’une faute grave de l’intéressé, soit de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l’accident ou à la maladie.

En l’espèce, il est reproché à M. X K une faute grave consécutive à une altercation violente survenue entre lui et un autre salarié le 2 décembre 2015. Si cette faute grave est établie, il importe peu de s’interroger sur le point de savoir si le contrat de travail était ou non toujours suspendu du fait de l’ accident du travail intervenu le 8 septembre 2015.

En effet, par définition, il résulte des prescriptions de l’article L. 1226-9 que même pendant la période de suspension du contrat de travail, le licenciement du salarié est possible en cas de faute grave de l’intéressé.

La faute grave se définit comme celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputable au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise.

Il appartient à l’employeur d’établir la réalité et la gravité de la faute et le doute profite au salarié.

En l’espèce, pour établir la réalité des faits qui se sont produits le 2 décembre 2015, la société Sensient Cosmetic Technologies produit plusieurs attestations.

En particulier :

. M. Y rapporte (pièce 9 de l’employeur) les faits suivants : « Mercredi 2 décembre 2015 au alentour de 5h05-5h10, ''I'' mais je ne suis pas sûr qu’il s’appel ainsi car cette personne ne fait pas partie de mon équipe mais de celle de nuit. Je me suis encore aperçu une fois de plus que cette personne m’avait encore pris mes bottes de travail fournis par la société (') où j’y travail en temps qu’interimaire. Lui ayant encore fait la remarque de ne pas les mettres (en faisant de même avec d’autres collègues), il m’a répondu que cela n’était pas les miennes et que mon nom ni était pas marqué, or qu’elles portent mes initiales CY. Je me suis ensuite dirigué pour prendre les consignes de la journée et me suis aperçu qu’il avait laissé son portable sur le banc. Pour lui donner une petite leçon, je lui ai pris pendant une durée de 3/5 minutes. Allant vers mes collègues demandant s’ils avaient vu son portable, aucune réponse ne lui a été donné. En partant avec mon chef d’équipe ''M. Z L'' j’ai voulu remettre son portable en lui faisant comprendre les règles d’hygiènes en empreintant mes effets personnels, que cela ne se faisait pas, il n’a pas compris mon action en lui tendant son portable, il m’a mis un coup de point sur la tampe. Suite à ce geste je me suis défendu car il voulait toujours se battre, de ma part cela était de l’autodéfense car je ne suis pas une personne qui aime se bagarer et n’aime pas la violence. »

.M. Z (adjoint responsable de production au sein de la société Sensient Cosmetic Technologies) témoigne pour sa part (pièce 10 de l’employeur) de la façon suivante dans son attestation : « Le 2/12/2015 à la prise de poste du matin, au moment des consignes, M. X m’a interpellé à la sortie de mon bureau pour me signaler que son téléphone portable avait disparu pendant qu’il se changeait au vestiaire. Il venait de demander aux personnes de mon équipe si quelqu’un l’avait pris, les personnes ont répondu négativement (demande faite 2 fois). J’ai dit à M. X de me donner son n° de portable afin que je le localise, au moment où nous nous rendions au vestiaire, M. Y est venu derrière nous en tenant le téléphone à la main. C’est alors que M. X a bondi sur M. Y M le téléphone par terre puis une altercation violente a éclaté entre les deux hommes et c’est avec l’aide de quatre opérateurs que nous les avons séparés. J’ai calmé M. X à l’écart de l’atelier puis il est rentré chez lui. »

.M. A (salarié présent au moment des faits) témoigne pour sa part (pièce 12 de l’employeur) : « Le 2/12/2015, à 5 heures, nous étions dans l’attente de nos consignes lorsque M. X est venu nous demander, à 2 reprises, si nous n’avions pas vu son téléphone portable. Suite à nos réponses négatives, il se dirigea vers le responsable, M. Z. Je les ai vu se dirigés vers le couloir de l’atelier qui mène au vestiaire de M. X. M. B les suivait. Quelques instants plus tard, alerté par les bruits d’altercations, je me dirigeais à mon tour vers l’endroit où ils étaient. M. B et M. X s’échangeaient des coups, c’est à ce moment là que j’empoignai M. B afin de les séparer. Une fois séparés, M. Z prit M. X à l’écart pour le calmer. »

Ces témoignages ' dont les deux derniers établis sous forme d’attestation ' se corroborent.

Ils sont circonstanciés et suffisamment précis pour établir la réalité du conflit violent intervenu entre M. X et M. Y le 2 décembre 2015.

Ils montrent indiscutablement que M. X a effectivement frappé son collègue, lequel venait lui restituer son portable après le lui avoir ravi.

Cette faute est d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise.

Le jugement du conseil de prud’hommes sera en conséquence infirmé en ce qu’il a requalifié le licenciement et a accordé à M. X K le salaire de la mise à pied conservatoire et les indemnités de rupture et confirmé en ce qu’il a débouté le salarié de sa demande d’indemnité pour licenciement nul.

La présente décision emporte nécessairement restitution des sommes versées à ce titre en exécution

du jugement de première instance sans qu’il soit nécessaire de prononcer de ce chef la condamnation de M. X K. Il en résulte qu’est sans objet la demande de la société Sensient Cosmetic Technologies tendant à condamner le salarié à lui rembourser la somme de 7 349,40 euros qui lui a été versée en exécution du jugement de première instance.

Sur la demande de M. X K relative à l’inégalité de traitement :

Après avoir rappelé que l’employeur doit assurer l’égalité de rémunération entre les salariés placés dans une situation identique, et les règles de preuve applicables en la matière, M. X K se compare à d’autres salariés et affirme avoir fait l’objet d’une inégalité salariale.

En réplique, la société Sensient Cosmetic Technologies rappelle les règles de preuve applicables. Elle rappelle ensuite que le salaire d’embauche d’un salarié est fixé selon la grille des salaires minimaux conventionnels qui est ensuite revalorisé annuellement en fonction d’un taux fixé dans le cadre des négociations annuelles ; qu’en 2013 et 2014, il a eu respectivement le maximum de l’augmentation puis une augmentation supérieure au maximum ; que pour 2015, il n’a pas eu d’augmentation, l’accord annuel prévoyant un écart de 0 à 2 % et qu’il n’y aurait pas d’augmentation pour les salariés ayant fait l’objet d’un absentéisme régulier et d’un manque de performance ou en instance de départ de l’entreprise. La société soutient en outre que l’appelant se compare à des salariés placés dans une situation différente soit en raison de leur ancienneté soit de leur expérience, plus importantes que la sienne.

Le principe de l’égalité de traitement impose à l’employeur d’assurer une égalité de rémunération entre tous les salariés placés dans une situation identique et effectuant un même travail ou un travail de valeur égale.

Il appartient d’abord au salarié qui invoque une atteinte à ce principe de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de caractériser une différence de traitement et il appartient ensuite à l’employeur de rapporter la preuve d’éléments objectifs justifiant cette différence et dont le juge doit contrôler la réalité et la pertinence.

Si l’employeur peut accorder des avantages particuliers à certains salariés c’est à la condition que tous les salariés de l’entreprise placés dans une situation identique au regard de l’avantage en cause puissent bénéficier de l’avantage ainsi accordé et que les règles déterminant l’octroi de cet avantage soit préalablement défini et contrôlable.

En l’espèce, M. X K produit son bulletin de paie de décembre 2015. Il y apparaît que son salaire de base est de 1 632,55 euros mensuels. Il compare sa situation à celle de :

. M. N O dont il produit le bulletin de paie d’octobre 2015 en pièce 19 révélant un salaire brut mensuel de base de 2 051,68 euros ;

. M. C (bulletin de paie d’octobre 2015 en pièce 20) révélant un salaire brut mensuel de base de 2070,92 euros ;

. M. P Q S T (bulletin de paie de décembre 2015 en pièce 21) révélant un salaire brut mensuel de base de 2 093,13 euros ;

. M. D ;

. M. E;

. M. F.

M. X K allègue, sans être démenti par la société Sensient Cosmetic Technologies sur ce point, que MM. E, D et F, comme lui agents de fabrication, étaient respectivement rémunérés d’un salaire mensuel de base brut respectif de 2 281 euros, 2 197 euros et 2 236,55 euros.

M. X K, qui exerçait des fonctions d’agent de fabrication, était rattaché à la catégorie des ouvriers employés, ce qui est le cas de tous les salariés auxquels il se compare.

La comparaison entre M. X K et ses collègues peut être résumée dans le tableau suivant :

âge coefficient

poste

Salaire de base

brut

M. X K

30

175

Agent de fabrication (cat. Ouvriers

employés)

1 632,55 euros

M. E

43

190

Agent de fabrication (cat. Ouvriers

employés)

2 281 euros

M. D

55

190

Agent de fabrication (cat. Ouvriers

employés)

2 197 euros

M. F

'

190

Agent de fabrication (cat. Ouvriers

employés)

2 236,55 euros

M. C (pièce 20E)

33

190

Agent de fabrication (cat. Ouvriers

employés)

2 070,92 euros

M. P Q (pièce 21E)

57

160

Agent d’entretien (cat. Ouvriers

employés)

2 093,13 euros

M. N R (pièce 19E)

'

175

Conditionneur (cat. Ouvriers employés)

2 051,68 euros

L’employeur ne se prévaut pas d’une différence de contenu des tâches.

Il apparaît une différence de traitement de base brut de 419,13 euros par mois avec le salarié le moins payé et de 648,45 euros avec le salarié le mieux payé.

Rapporté au salaire de base de M. X K, cela représente une différence importante susceptible de caractériser une différence de traitement.

Il appartient donc à la société Sensient Cosmetic Technologies de rapporter la preuve d’éléments objectifs justifiant cette différence.

Pour en justifier, la société expose que l’appelant a bénéficié d’augmentations en 2013 et 2014 (respectivement 3 % et 3,72%). Ce fait, non contesté, n’est pas pertinent au regard des éléments de comparaison ci-dessus montrant qu’en dépit des augmentations successives, le salarié est demeuré moins bien payé que les collègues auxquels il se compare.

La société Sensient Cosmetic Technologies fait ensuite valoir que M. X K compare sa situation avec celle d’autres salariés de la société qui ne sont pas placés dans la même situation que lui ou qui bénéficient d’une ancienneté et d’une expérience bien plus importantes que la sienne.

Néanmoins, l’ancienneté ne peut justifier une différence de salaire que pour autant qu’elle ne soit pas déjà prise en compte par l’octroi d’une prime ayant cet objet. Or il n’est pas discuté que les salariés bénéficiaient d’une prime d’ancienneté comme en attestent du reste les bulletins de salaire versés au dossier (pièces 19 à 22). C’est donc à juste titre que M. X K estime que le critère d’ancienneté n’a pas à être pris en compte pour la détermination de l’inégalité de traitement dont il se prétend victime.

Certes, la société Sensient Cosmetic Technologies expose que la prime d’ancienneté prévue par la convention collective ne prenait en compte que partiellement l’ancienneté de sorte que le critère d’ancienneté demeure pertinent pour justifier la différence de traitement relativement au salaire de base.

Toutefois, la convention collective qui prévoit une prime de 3 % après 3 ans d’ancienneté puis 3 % supplémentaires après chaque nouvelle période de 3 années d’ancienneté plafonnée à 15 % prend suffisamment en compte l’ancienneté des salariés.

Quant à l’expérience professionnelle acquise, autant dans l’entreprise qu’à l’extérieur de celle-ci, il s’agit, comme l’indique l’employeur, d’un élément suffisant pour caractériser une différence de situation propre à justifier une différence de salaire. Mais l’expérience professionnelle ne peut justifier une différence de salaire qu’au moment de l’embauche. Elle n’est pas à même de justifier une progression salariale plus rapide. Or, au cas d’espèce, l’employeur n’apporte aucune précision sur l’expérience professionnelle des salariés auxquels M. X K se compare au jour où ils ont été engagés.

Par voie de conséquence, la société Sensient Cosmetic Technologies n’apporte pas la preuve d’éléments objectifs justifiant la différence de traitement.

Pour solliciter un rappel de 16 580,88 euros M. X K prend pour référence, sur trois années, la différence entre son salaire brut de base et celui de M. C à qui il se compare. Cette référence est pertinente puisque M. C se situe en position médiane dans le panel. M. C percevait un revenu de 2 070,92 euros tandis que M. X K percevait un revenu de 1 632,55 euros. Il en résulte une différence de 438,37 euros. Sur trois années, ainsi que le demande l’appelant, cela représente une somme totale de 15 781,32 euros.

Le jugement du conseil de prud’hommes sera donc infirmé en ce qu’il a débouté le salarié de ce chef de demande et, statuant à nouveau, il conviendra de condamner la société Sensient Cosmetic Technologies à payer à M. X K la somme de 15 781,32 euros à titre de rappel de salaire, outre la somme de 1 578,13 euros au titre des congés payés afférents.

Sur l’exécution du contrat de travail :

M. X K rappelle avoir fait l’objet d’un accident du travail le 8 septembre 2015 et expose que faute d’avoir respecté ses obligations déclaratives, la société Sensient Cosmetic Technologies lui a reproché ses absences, dont il est établi qu’elles sont consécutives à son accident du travail, pour lui proposer de passer de l’équipe de nuit à l’équipe de jour ; qu’en outre, la société a préféré le sanctionner pour ses absences, l’altercation du 2 décembre 2015 étant tombée à point nommé pour le licencier. Il évoque également l’avertissement dont il a antérieurement fait l’objet et qu’il a contesté.

Pour sa part, la société Sensient Cosmetic Technologies conteste avoir voulu faire pression sur son salarié en lui proposant de travailler de jour, faisant valoir que cette proposition lui a été adressée en raison de ce que l’équipe de nuit était restreinte et de ce que sa non-présence régulière nuisait au bon fonctionnement de l’équipe ; que la proposition d’avenant a été déclinée par le salarié et que l’entreprise n’en a tiré aucune conséquence ; que son licenciement était justifié et n’est pas intervenu, contrairement à ce que prétend le salarié, à point nommé.

La société Sensient Cosmetic Technologies revient enfin sur l’avertissement dont le salarié avait fait l’objet pour « négligence », rappelant qu’il ne l’avait pas contesté lorsqu’il était encore salarié de la société.

En premier lieu, il a été jugé que le licenciement de M. X K était justifié. Il ne peut

donc être considéré comme ayant été opportunément prononcé en raison de ses absences. Ce moyen ne peut donc prospérer.

Restent à examiner les trois autres moyens du salarié :

. La déclaration tardive d’accident du travail,

. La pression subie par le salarié pour lui faire signer un avenant destiné à le faire passer en travail de jour,

. L’avertissement.

. La déclaration tardive d’accident du travail :

Il n’est pas discuté que M. X K s’est blessé dans la nuit du 7 au 8 septembre 2015 après minuit. Ce qui est en revanche discuté est le point de savoir si l’entreprise en avait ou non été utilement avisée.

Dans la forme, les arrêts de travail communiqués par M. X K à la société Sensient Cosmetic Technologies ne sont pas des arrêts de travail pour accident du travail ou maladie professionnelle (cf. pièce 5 E). Ces arrêts de travail prescrivaient des arrêts :

. du 8 au 11 septembre 2015,

. du 18 septembre au 5 octobre 2015,

. du 15 octobre au 8 novembre 2015,

. du 24 au 25 novembre 2015.

Par sa pièce 7, M. X K établit avoir écrit un courriel à la société en lui indiquant, en même temps qu’il lui adressait un de ses arrêts de travail : « Je me suis fait mal l’autre fois en chargeant la 2000 (il s’agit d’une machine), j’espère que vous aviez été mis au courant. Il avait été décidé de me faire charger la machine avec d’un côté le nouveau système de chargement et de l’autre l’ancien. Sauf que quand on doit charger 1000 kg avec une bouche de chargement à plus d’un mètre du sol et un lève-charge à 20 cm du sol, on se casse le dos à coup sûr. Je passe les examens pour voir pourquoi la douleur persiste et j’espère revenir assez vite (…) »

Si M. X K est effectivement resté vague puisqu’il évoque « s’être fait mal l’autre fois », il demeure que cet incident est clairement en lien avec le chargement d’une machine de l’entreprise et que le salarié espère que l’employeur en a été informé.

De plus, il ressort de l’attestation de M. C (pièce 24 S) que « M. X est venu me voir dans la nuit du 07/09/15 au 08/09/15 après s’être fait mal au dos, en chargeant la 2000 vapeur, en travaux et sans le monte-charge. Je l’ai donc accompagné pour voir le responsable M. G et déclarer l’accident, après je suis retourné à mon poste de travail. ».

Ces éléments montrent en définitive qu’un accident du travail aurait dû être déclaré par la société, laquelle s’en est abstenue de sorte que le manquement de l’employeur est établi.

. La pression subie par le salarié pour lui faire signer un avenant destiné à le faire passer en travail de jour :

Par sa pièce 15, le salarié démontre ' ce n’est du reste pas contesté ' que l’employeur lui a proposé, le

20 novembre 2015 un avenant destiné à le faire passer en équipe de jour dès le 21 décembre 2015. Dans son compte-rendu (pièce 10) aussi bien que dans son attestation (pièce 12), M. H, délégué syndical suppléant, décrit de façon circonstanciée les pressions subies par le salarié du fait de ses absences pour maladie. Il précise notamment que la hiérarchie avait convoqué le salarié, le 15 octobre 2015 « à cause de ses absences et que l’entreprise ne supportait plus. Lui faisant savoir qu’ils réfléchissaient à des sanctions ».

Ces pressions sont établies alors que le salarié souffrait manifestement de douleurs au dos (cf. notamment les résultats de son IRM du rachis lombaire du 28 septembre 2015 mettant en évidence un pincement discal ' pièce 13 S), même si, effectivement, il apparaît en définitive que M. X K n’a pas signé l’avenant qui lui était proposé et qui ne devait entrer en vigueur que le 21 décembre 2015.

. L’avertissement du 1er septembre 2015 :

Il apparaît que M. X K a été sanctionné, le 1er septembre 2015, par un avertissement pour avoir, le 7 juillet 2015 mis un produit « dans l’équipement ''Rousselle 250'' (réservé au blanc) au lieu de la Comec ''250'' malgré les consignes données par » son responsable ce qui a eu pour conséquence « un démontage complet de l’équipement et un nettoyage en profondeur » (pièce 3 E).

L’employeur, par ses pièces 28 et 29, établit que la machine « Rousselle 250 » a fait l’objet d’un démontage en vue d’un nettoyage après une « erreur d’opérateur car fait dans la Rousselle 250 réservée au blanc (équipe de nuit) ' dans le mode op INTRAQUAL il est indiqué d’utiliser la COMEC 250 »

Pour sa part, M. X K ne conteste pas avoir improprement utilisé la machine litigieuse mais estime n’avoir fait exactement que ce qui lui avait été demandé. Or, il n’est pas établi qu’il avait été demandé au salarié de procéder ainsi qu’il l’a fait. En effet, pour emporter la conviction, M. X K produit sa pièce 29 en indiquant à propos de cette pièce que « la meilleure preuve se trouve sur l’ordre de fabrication utilisé systématiquement avant toute production et qui veut que la machine soit contrôlée par un responsable ». Cette pièce n’est cependant pas de nature à prouver, comme le prétend le salarié, que l’erreur provient de sa hiérarchie.

De là il découle que M. X K n’établit pas que du chef de l’avertissement du 1er septembre 2015, la société aurait méconnu ses obligations contractuelles.

En synthèse de ce qui précède, deux faits peuvent être retenus comme caractérisant une méconnaissance, par l’employeur de ses obligations contractuelles : l’une tenant à une absence déclarative relativement à l’accident du travail et l’autre relativement aux pressions exercées sur le salarié pour lui faire accepter une modification de son contrat de travail.

Ces faits ont causé à M. un préjudice qu’il conviendra, réformant sur ce point le jugement, de fixer à 3 000 euros.

Statuant à nouveau, la société Sensient Cosmetic Technologies sera condamnée à payer à M. X K la somme ainsi arrêtée en réparation de son préjudice.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

Succombant, la société Sensient Cosmetic Technologies sera condamnée aux dépens.

Il convient de condamner la société Sensient Cosmetic Technologies à payer à M. X K une indemnité de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement et par arrêt contradictoire, la cour,

Infirme partiellement le jugement,

Statuant à nouveau,

Dit le licenciement de M. X K justifié par une cause grave,

Déboute M. X K de ses demandes relatives aux indemnités de licenciement, compensatrice de préavis, congés payés afférents et au rappel de salaire de la mise à pied conservatoire et de congés payés afférents,

Condamne la société Sensient Cosmetic Technologies à payer à M. X K la somme de 15 781,32 euros à titre de rappel de salaire, outre la somme de 1 578,13 euros au titre des congés payés afférents,

Condamne la société Sensient Cosmetic Technologies à payer à M. X K la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

Confirme le jugement sur le surplus,

Condamne la société Sensient Cosmetic Technologies à payer à M. X K la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Sensient Cosmetic Technologies aux dépens.

Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, conformément à l’avis donné aux parties à l’issue des débats en application de l’article 450, alinéa 2, du code de procédure civile, et signé par Mme Clotilde MAUGENDRE, présidente et Mme Marine MANELLO, greffière.

La greffière La présidente

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Cour d'appel de Versailles, 17e chambre, 18 décembre 2019, n° 17/02189