Cour d'appel de Versailles, 5e chambre, 10 septembre 2020, n° 19/01152

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 5e ch., 10 sept. 2020, n° 19/01152
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro(s) : 19/01152
Décision précédente : Tribunal des affaires de sécurité sociale de Cergy-Pontoise, 30 décembre 2018, N° 13-00849
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 89E

5e Chambre

ARRET N° 20/691

CONTRADICTOIRE

DU 10 SEPTEMBRE 2020

N° RG 19/01152

N° Portalis DBV3-V-B7D-TBDZ

AFFAIRE :

SARL VAL HORIZON

C/

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DU VAL D’OISE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 31 Décembre 2018 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de CERGY PONTOISE

N° RG : 13-00849

Copies exécutoires délivrées à :

— la SELEURL VALERIE SCETBON AVOCAT

- CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DU VAL D’OISE

Copies certifiées conformes délivrées à :

- SARL VAL HORIZON représentée par ses dirigeants légaux

- CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DU VAL D’OISE

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT,

La cour d’appel de VERSAILLES, a rendu l’arrêt suivant, fixé au 23 juillet 2020 puis prorogé au 10

septembre 2020, les parties en ayant été avisées, dans l’affaire entre :

SARL VAL HORIZON

[…]

[…]

représentée par Me Valérie SCETBON GUEDJ de la SELEURL VALERIE SCETBON AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0346 substituée par Me Emilie WILBERT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0346

APPELANTE

****************

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DU VAL D’OISE

[…]

Service Contentieux

[…]

non comparante, demande de dispense formulée et accordée.

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

L’affaire a été débattue le 18 Juin 2020, en audience publique, devant la cour composée de :

Monsieur Olivier FOURMY, Président,

Madame Marie-Bénédicte JACQUET, Conseiller,

Madame Caroline BON, Vice président placée,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Mme Morgane BACHE

M. Y X, conducteur de véhicule léger au sein de la société Val Horizon SASU (ci-après, la 'Société') depuis le 2 juin 1998, a été victime d’un malaise le 16 janvier 2013 à 6h20, alors qu’il prenait un café au réfectoire de la Société. Il est décédé quelques instants après.

Ses horaires de travail le jour des faits étaient de 6h15 à 13h15.

La déclaration d’accident du travail, établie le 17 janvier 2013, mentionne que M. X a fait un malaise alors qu’il 'prenait un café au réfectoire du site de Montlignon avant de partir en tournée avec le véhicule du site.

La société a établi un courrier de réserves en transmettant la déclaration d’accident à la Caisse.

La caisse primaire d’assurance maladie du Val d’Oise (ci-après , la 'Caisse'), après avoir diligenté une instruction, a décidé de prendre en charge, au titre de la législation sur les risques professionnels, l’accident survenu à M. X, et en a informé la Société par courrier du 5 avril 2013.

La Société a saisi la commission de recours amiable ('CRA') de la caisse le 31 mai 2013 aux fins de contester l’opposabilité de cette décision de prise en charge.

Le 12 août 2013, la Société, dans le silence de la CRA, a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale du Val d’Oise (ci-après, le 'TASS').

Aux termes d’un jugement contradictoire en date du 31 décembre 2018, le TASS a :

— dit le recours de la Société recevable mais mal fondé ;

— confirmé la décision implicite de rejet de la caisse primaire maladie du Val d’Oise en ce qu’elle a confirmé l’opposabilité à la Société de la décision de prise en charge de l’accident de travail mortel dont M. X Y a fait l’objet le 16 janvier 2013 ;

— rejeté la demande d’expertise médicale judiciaire de la Société.

Par courrier reçu au greffe le21 février 2019, la société a interjeté appel de ce jugement.

Les parties ont été convoquées à l’audience collégiale de la cour du 18 juin 2020.

Par conclusions écrites soutenues à l’audience, la Société demande à la cour de :

— dire et juger son recours recevable et bien fondé ;

— infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal des affaires de sécurité sociale du val d’Oise le 31 décembre 2018 ;

A titre principal,

Dans un premier temps,

— constater que le malaise de M. X du 16 janvier 2013 a eu lieu alors qu’il n’avait pas encore débuté sa journée de travail mais pendant qu’il buvait son café et fumait une cigarette dans le réfectoire avant de débuter sa tournée ;

— constater que M. X n’exerçait aucune activité professionnelle susceptible de provoquer un malaise ;

— constater que M. X était un fumeur régulier ;

— constater que le travail n’ayant joué aucun rôle dans la survenance de ce malaise, le décès de M. X est nécessairement dû à une cause totalement étrangère au travail à savoir un état pathologique préexistant ou une mort naturelle ; en conséquence,

— dire et juger que la décision de la caisse primaire de prendre en charge , au titre de la législation professionnelle, l’accident de M. X lui est inopposable ;

Dans un second temps,

— constater que la Caisse n’a pas pris les mesures utiles pour qu’il soit procédé à la manifestation de la vérité dans la détermination des causes du décès de M. X ;

— constater que la Caisse ne démontre pas avoir sollicité la mise en oeuvre d’une autopsie alors même que les circonstances du décès de M. X l’imposaient ;

— constater dès lors que la Caisse ne rapporte pas la preuve du lien existant entre le décès de M. X et son activité professionnelle au sein de la Société ;

En conséquence,

N° RG 19/01152

— dire et juger que la décision de prise en charge au titre de la législation professionnelle, l’accident du travail mortel de M. X lui est inopposable.

La CPAM a été dispensée de comparution, à sa demande.

Par conclusions reçues au greffe de la chambre le 16 juin 2020, la CPAM sollicite la cour de :

— constater que la présomption d’imputabilité au travail de l’article L. 141-1 du code de la sécurité sociale s’applique au malaise dont a été victime M. X le 16 janvier 2013 ;

— constater que la Société ne rapporte pas la preuve ou même un commencement de preuve de l’existence d’une cause totalement étrangère qui serait à l’origine de ce malaise et du décès qui l’a suivi ;

— dire et juger qu’en l’absence d’élément susceptible de constituer une cause totalement étrangère au travail à l’origine du malaise et du décès de M. X la caisse n’était pas tenue de solliciter une autopsie ; en conséquence,

— confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le TASS le 31 décembre 2018 déclarant opposable à la société Val Horizon la décision de la Caisse de reconnaître le caractère professionnel de l’accident du travail et du décès de M. X en date du 16 janvier 2013 ;

— débouter la Société de l’ensemble de ses demandes.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions et aux pièces déposées ou soutenues à l’audience.

MOTIFS

Il importe de préciser d’emblée les circonstances précises, sur lesquelles les parties s’accordent, du décès de ce salarié.

Y X était chauffeur de véhicule léger pour la société Val Horizon. Il travaillait à la propreté urbaine.

Il est constant que le malaise dont il a été victime s’est produit alors qu’il venait d’arriver dans les locaux de la Société, plus précisément au réfectoire et y prenait un café.

Il résulte de l’enquête diligentée par la Caisse que l’épouse d’Y X a indiqué que son mari était 'en pleine santé', ne suivait pas de traitement médical, avait normalement pris son petit-déjeuner avec elle, buvant un café et fumant une cigarette. Mme X a précisé que son mari n’avait aucun souci avec son employeur, que ' (t)out se passait bien. (…) Jamais il n’a évoqué le moindre souci d’ordre professionnel'.

Le directeur des ressources humaines de la Société a pu préciser qu’Y X avait procédé au dégivrage du pare-brise de son véhicule (il faisait moins 4° ce matin-là) avant de prendre son café au réfectoire et que ce salarié était discret, n’avait jamais posé le moindre souci d’ordre professionnel, ne voyait pas son poste menacé, avaient les mêmes missions depuis 2008.

L’enquête de police n’a rien relevé de particulier.

Le procès-verbal aux fins d’inhumation indique que, selon le rapport du médecin, la mort 'doit être attribuée à : Mort naturelle . Cause cardiologique' (en gras dans le document original).

Enfin, il est constant qu’aucune autopsie n’a été pratiquée.

La Société soutient en particulier que la présomption instituée par l’article L. 411-1 du code de la sécurité sociale est une présomption simple et que dès lors que le lien direct, certain, et exclusif entre le travail et le malaise est exclu, la reconnaissance du caractère professionnel de ce dernier doit être exclue.

En l’espèce, les éléments du dossier montrent que 'le travail n’a manifestement joué aucun rôle dans la survenance du malaise' (en gras dans l’original de conclusions).

La Société ajoute que, si la Caisse l’estime nécessaire, aux termes de l’article L. 442-4 du code de la sécurité sociale, elle doit demander à faire procéder à une autopsie. L’absence d’une telle mesure est de nature à faire grief à l’employeur.

La 'Charte AT/MP’ éditée par l’Assurance maladie elle-même incite à ce que les caisses constituent un 'dossier rigoureux et documenté'.

N° RG 19/01152

Tel n’est pas le cas en l’espèce, notamment du fait de l’absence d’autopsie.

La décision de la Caisse doit donc être déclarée inopposable à l’employeur.

La Caisse fait notamment valoir, pour sa part, que si, effectivement, la présomption d’imputabilité de l’accident au travail n’est pas irréfragable, encore convient-il que l’employeur qui conteste le caractère professionnel de l’accident apporte la justification que les 'événements sont dus à l’existence d’un état pathologique antérieur ou à une cause naturelle'.

Or, en l’espèce, la Société n’apporte aucune preuve.

La Caisse ajoute que la 'Charte AT/MP’ est un document interne sur lequel la Société n’est pas fondée à s’appuyer.

Quant à l’absence d’autopsie, la Caisse relève qu’elle n’a pas à en faire diligenter une pour établir le lien entre le décès et le travail dès lors qu’il existe une présomption.

Sur ce

Aux termes de l’article L. 411-1 du code de la sécurité sociale :

Est considéré comme accident du travail, quelle qu’en soit la cause, l’accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d’entreprise.

L’article L. 442-4 du même code se lit :

La caisse doit, si les ayants droit de la victime le sollicitent ou avec leur accord si elle l’estime elle-même utile à la manifestation de la vérité, demander au tribunal judiciaire dans le ressort duquel l’accident s’est produit de faire procéder à l’autopsie dans les conditions prévues aux articles 232 et suivants du code de procédure civile. Si les ayants droit de la victime s’opposent à ce qu’il soit procédé à l’autopsie demandée par la caisse, il leur incombe d’apporter la preuve du lien de causalité entre l’accident et le décès.

Il résulte de la combinaison de ces dispositions que, si l’accident qui se produit au temps et au lieu du travail est présumé être un accident du travail, il appartient à la Caisse d’apprécier la situation et notamment, dans le cas d’un décès (pour lequel une enquête est au demeurant obligatoire), d’apprécier si une mesure d’autopsie constitue une mesure 'utile à la manifestation de la vérité'.

Dans le cas présent, la Caisse en saurait s’abriter derrière la présomption d’imputabilité au travail du malaise subi par Y X.

En effet, il est constant que, si ce dernier se trouvait effectivement sur son lieu de travail, aux heures de travail, il est constant qu’il n’était pas en action de travail : il prenait un café au réfectoire de l’entreprise, en fumant une cigarette et ce, alors qu’il venait de se présenter à son travail.

De cette seule constatation, connue dès le départ par la Caisse, et d’autant plus que c’est le motif principal des réserves émises, dès la déclaration de l’accident, par la Société, il résulte que l’organisme social se devait de faire preuve d’une vigilance particulière.

A cet égard, la Caisse ne peut refuser à la Société le droit de faire référence à la 'Charte AT/MP’ au motif qu’il s’agirait d’un document interne.

Au contraire, l’existence de ce document, si elle n’entraîne aucune obligation pour les tiers, engage la Caisse, en tout cas l’incite à mener ses enquêtes avec attention et diligence.

Or, dans le cas d’espèce, la Caisse s’est contentée d’interroger l’épouse du salarié défunt et le responsable des ressources humaines de l’entreprise.

Pourtant, l’une comme l’autre de ces déclarations démontrent qu’il n’existait aucune explication plausible au malaise subi par Y X ce matin-là.

Chacun s’est accordé à le présenter comme une personne calme, réservée, n’étant pas soumise à une quelconque pression, n’ayant jamais subi la moindre remontrance dans l’exécution de son travail.

N° RG 19/01152

Inversement, tous les éléments recueillis militent en faveur d’un tabagisme : Y X fumait dès son lever.

Le permis d’inhumer, en outre, fait état d’une mort naturelle avec une cause cardiologique.

La cour note, au demeurant, que le certificat de décès n’est pas produit par la Caisse, ce qui interdit toute vérification par la cour.

Enfin, il appartient à l’employeur qui le conteste d’apporter des éléments de preuve de nature à

combattre la présomption d’imputabilité.

Mais, dans un cas comme celui-ci, l’employeur n’est pas en mesure d’apporter de preuve déterminante, outre les observations qu’il a faites, dès lors que la cause de la mort n’a pas été recherchée alors qu’elle a été subite et n’est justifiée par aucun élément objectif.

En d’autres termes, la preuve demandée par la Caisse à l’employeur est une preuve impossible.

Inversement, la Caisse, aux termes de l’article L. 442-4 du code de la sécurité sociale, précité, devait considérer une autopsie comme une mesure utile à la manifestation de la vérité.

En refusant de recourir à cette mesure, la Caisse n’a pas respecté ses obligations et mis l’employeur dans l’impossibilité d’apporter une quelconque preuve d’une cause de la mort non liée au travail, alors même que le salarié, comme on l’a déjà indiqué, est mort au travail mais pas en situation de travail.

Dans ces conditions, la cour, infirmant le jugement entrepris, dira la décision de la Caisse de prendre en charge l’accident du 16 janvier 2013 au titre de la législation professionnelle inopposable à la Société.

Sur les dépens

La Caisse, qui succombe à l’instance, supportera les dépens éventuellement survenus depuis le 1er janvier 2019.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement par décision contradictoire,

INFIRME le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale du Val d’Oise en date du 31 décembre 2018 (13-00849/P) ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

DECIDE que le malaise subi par Y X le 16 janvier 2013 ne relève pas de la législation professionnelle ;

DECIDE que la décision de la caisse primaire d’assurance maladie du Val d’Oise de prendre en charge ce malaise en tant qu’accident du travail est inopposable à la société Val Horizon ;

CONDAMNE la caisse primaire d’assurance maladie du Val d’Oise aux dépens d’appel ;

Déboute les parties de toute demande autre, plus ample ou contraire ;

Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur Olivier Fourmy, Président, et par Madame Morgane Baché, Greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.

Le GREFFIER, Le PRÉSIDENT,

N° RG 19/01152

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