Cour d'appel de Versailles, 11e chambre, 17 décembre 2020, n° 19/00810
Chronologie de l’affaire
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Sur la décision
Référence : | CA Versailles, 11e ch., 17 déc. 2020, n° 19/00810 |
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Juridiction : | Cour d'appel de Versailles |
Numéro(s) : | 19/00810 |
Décision précédente : | Conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt, 21 janvier 2019, N° 18/00084 |
Dispositif : | Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée |
Sur les parties
- Président : Hélène PRUDHOMME, président
- Avocat(s) :
- Parties :
Texte intégral
COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80C
11e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 17 DECEMBRE 2020
N° RG 19/00810 – N° Portalis DBV3-V-B7D-S7VX
AFFAIRE :
Y Z
C/
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 22 Janvier 2019 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BOULOGNE BILLANCOURT
N° Chambre :
N° Section : AD
N° RG : 18/00084
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Kate GONZALEZ
Me Franck LAFON
Expédition numérique délivrée à : POLE EMPLOI
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DIX SEPT DECEMBRE DEUX MILLE VINGT,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
Monsieur Y Z
né le […] à […]
de nationalité Française
[…]
[…]
Représentant : Me Kate GONZALEZ, Déposant/Constitué, avocat au barreau de PARIS
APPELANT
****************
N° SIRET : 350 571 212
[…]
[…]
Représentant : Me Marie-Hélène ANTONINI, Déposant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E1279 – Représentant : Me Franck LAFON, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 618 – N° du dossier 20190110
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 04 Novembre 2020 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Marie-Christine PLANTIN, Magistrat honoraire chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Hélène PRUDHOMME, Président,
Monsieur Eric LEGRIS, Conseiller,
Madame Marie-Christine PLANTIN, Magistrat honoraire,
Greffier lors des débats : Madame Sophie RIVIERE,
Le 4 octobre 2016, M. Y Z était embauché par la SAS Euroconsult suivant signature
d’un contrat d’apprentissage dans le cadre d’un BTS de comptabilité-gestion. Il était prévu que le
contrat prendrait fin le 31 août 2018. La société Euroconsult est une société d’expertise comptable et
de commissariat aux comptes dont Mme X était, à l’époque des faits examinés, présidente. Le
contrat de travail était régi par la convention des cabinets d’experts-comptables.
Le 13 novembre 2017 était notifié au salarié un avertissement pour avoir adopté un comportement
violent, critique et menaçant.
Par lettre du 14 novembre 2017, le salarié contestait cet avertissement.
Le 16 novembre 2017, une mise à pied à titre conservatoire lui était notifiée dans l’attente d’une
décision judiciaire de résiliation. Le 16 novembre 2017, le salarié la contestait.
Le 22 janvier 2018, la SAS Euroconsult saisissait le conseil de prud’hommes de
Boulogne-Billancourt d’une demande tendant à la résolution judiciaire du contrat de travail.
Vu le jugement du 22 janvier 2019 rendu en la forme des référés par le conseil de
prud’hommes de Boulogne-Billancourt qui a :
— ordonné la résiliation du contrat d’apprentissage signé entre la SAS Euroconsult et M. Y
Z aux torts exclusif de M. Z,
— débouté M. Y Z de l’ensemble de ses demandes,
— condamné M. Y Z aux entiers dépens,
Vu l’appel interjeté par M. Y Z le 22 février 2019,
Vu les conclusions de l’appelant, M. Y Z, notifiées le 5 mars 2019, soutenues à
l’audience par son avocat auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé et par
lesquelles il est demandé à la cour d’appel de :
— recevoir M. Y Z en son appel interjeté à l’encontre du jugement rendu par le conseil de
prud’hommes de Boulogne Billancourt du 22 janvier 2019 et l’y déclarer bien fondé,
Y faisant droit,
— infirmer le jugement entrepris
Et statuant à nouveau,
— recevoir M. Y Z en ses demandes, fins et conclusions et l’y déclarer bien fondé,
— constater les manquements graves de la société Euroconsult à ses obligations contractuelles et
notamment à son obligation d’exécution de bonne foi du contrat,
— constater l’impossibilité de poursuite du contrat d’apprentissage conclu le 4 octobre 2016,
— prononcer la résiliation judiciaire du contrat d’apprentissage aux torts exclusifs de la société
— condamner en conséquence la société au paiement des sommes suivantes :
— rappel de salaire pour les mois de décembre 2017 à août 2018 : 10 800 euros,
— congés payés afférents : 1 080 euros,
— rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire injustifiée : 495,46 euros, – congés payés
afférents : 49,55 euros,
— dommages-intérêts pour préjudice distinct : 8 000 euros,
— article 700 du code de procédure civile : 2 000 euros,
— ordonner la remise des bulletins de salaires et des documents de fin de contrat conformes à
la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à compter d’un mois après la
notification de la décision à intervenir,
— condamner la société aux dépens,
Vu les écritures de l’intimée, la SAS Euroconsult, notifiées le 23 avril 2019, développées à
l’audience par son avocat auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé et par
lesquelles il est demandé à la cour d’appel de :
— confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions, ordonnant aux torts exclusifs de
l’apprenti la résiliation du contrat d’apprentissage signé le 4 octobre 2016,
— débouter M. Y Z de toutes ses demandes et conclusions,
Y ajoutant,
— condamner Monsieur Z au paiement d’une indemnité de 2 000 euros sur le fondement
de l’article 700 du CPC et aux entiers dépens dont distraction au profit de maître Franck Lafon,
avocat, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,
Vu l’ordonnance de clôture du 28 septembre 2020,
SUR CE,
Sur les demandes liées à la rupture du contrat de travail
Sur le motif de la rupture
L’article L 6222-18 du code du travail prévoit que la rupture du contrat d’apprentissage pendant le
cycle de formation peut intervenir en cas de faute grave de l’une de parties à ses obligations ou en
raison de l’inaptitude de l’apprenti à exercer le métier auquel il voulait se préparer.
Il doit être rappelé que la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans
l’entreprise et justifie la cessation immédiate du contrat de travail. La charge de la preuve de la faute
grave repose sur l’employeur.
La lettre datée du 16 novembre 2017 par laquelle la société a notifié au salarié sa mise à pied et l’a
informé qu’elle entendait obtenir une décision judiciaire de résiliation du contrat d’apprentissage fait
état du comportement du salarié jugé non compatible avec le bon fonctionnement de la société (pièce
9 de la société).
Selon les précisions données par la société, il apparaissait que la veille 15 novembre 2017
l’employeur et le salarié avaient été en désaccord.
M. Z avait, encore une fois, évoqué la situation de Mme A sa compagne également stagiaire
au sein de la société ; selon la société, l’appelant avait par ailleurs critiqué l’organisation et les
méthodes de travail.
Compte tenu de la situation il lui avait été proposé de mettre fin de manière amiable à la
collaboration, mais le salarié s’y était refusé ; il se trouvait alors dans un état de grande agitation et
son comportement avait perturbé l’équipe présente ce jour là.
Il était indiqué 'votre attitude a une nouvelle fois paralysé le bon fonctionnement de notre cabinet et
votre violence verbale et physique, bien que ne s’exerçant pas sur les personnes, n’a pas manqué de
tous nous inquiéter'.
Ces faits sont confirmés par le témoignage de M. B (pièce 10 de la société).
Ils sont contestés par M. Z qui produit plusieurs témoignages expliquant qu’il n’avait jamais eu
un comportement violent ; toutefois il apparaît que ces personnes n’étaient pas présentes au sein de la
société à la date du 15 novembre 2017 de telle sorte que leurs propos ne peuvent contredire utilement
les faits qui sont exposés par la société (pièces 15 à 20 du salarié).
Il faut souligner que, toujours sous le prétexte de la situation de Mme A, M. Z avait dejà
manifesté son courroux et avait été sanctionné par un avertissement.
En définitive, au regard des explications qui précèdent, il apparaît que M. Z avait, à deux
reprises, manqué de retenue au sein de la société.
La cour observe qu’il exécutait le contrat depuis près de treize mois et jusque là, ses résultats avaient
été très satisfaisants (pièce 12 et 13 du salarié). Les faits qui lui sont reprochés sont démontrés mail il
n’apparaît pas qu’ils aient pu faire obstacle immédiat à la poursuite du contrat de travail.
En l’absence de faute grave le jugement déféré sera, dès lors, infirmé.
C’est à tort que les premiers juges ont fait droit à la demande de résiliation judiciaire du contrat aux
torts du salarié.
Sur les conséquences financières de l’absence de résiliation judiciaire
Il apparaît d’une part que le salarié peut obtenir le paiement du salaire non versé durant la mise à pied
soit 495,46 euros ainsi que les congés payés afférents et que d’autre part, il est recevable et fondé à
demander le paiement du salaire jusqu’au terme du contrat soit 10 800 euros et les congés payés
afférents. Le montant de ces sommes n’est pas contesté par la société.
Enfin, M. Z demande réparation d’un préjudice distinct et réclame une somme de 8 000 euros à
titre de dommages-intérêts.
Il apparaît que la brutale rupture du contrat d’apprentissage a différé la validation de son année
scolaire et l’obtention de son BTS.
Ces circonstances conduisent à admettre un préjudice du salarié devant être réparé par l’allocation
d’une somme de 1 500 euros à titre de dommages-intérêts.
Il conviendra d’ordonner la remise au salarié des documents afférents aux sommes versées dans les
délais prévus au dispositif ci-après sans que la situation de la société n’implique la mise ne place
d’une astreinte, à défaut d’allégations le justifiant.
Sur les dépens et sur l’indemnité de procédure
La société qui succombe sera condamnée aux dépens et sera déboutée de sa demande formée par
application de l’article 700 du code de procédure civile.
Dans ce cadre elle sera condamnée à verser à M. Z une somme qu’il est équitable de fixer à 2
000 euros.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant publiquement et contradictoirement,
Infirme le jugement du conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt (section activités diverses)
en date du 22 janvier 2019 en ce qu’il a ordonné la résiliation judiciaire du contrat d’apprentissage
signé entre la société Euroconsult et M. Y Z aux torts de ce dernier,
Statuant à nouveau de ce chef,
Rejette la demande de la société Euroconsult tendant à la résiliation judiciaire du contrat
d’apprentissage,
Condamne la société Euroconsult à verser à M. Y Z la somme de 495,46 euros et 49,54
euros au titre des congés payés afférents, 10 800 euros et 1 080 euros au titre des congés payés
afférents représentant le montant des salaires dûs jusqu’au 31 août 2018, ainsi que la somme de 1 500
euros à titre de dommages-intérêts,
Confirme le jugement pour le surplus,
Y ajoutant,
Ordonne la remise par la société Euroconsult dans le mois suivant la notification de la présente
décision à M. Y Z d’un bulletin de paie, d’un certificat de travail et d’une attestation Pôle
emploi conformes au présent arrêt,
Dit n’y avoir lieu à astreinte
Déboute la société Euroconsult de sa demande formée par application de l’article 700 du code de
procédure civile,
Condamne la société Euroconsult aux dépens,
Condamne la société Euroconsult à verser à M. Y Z la somme de 2 000 euros par
application de l’article 700 du code de procédure civile,
Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement
avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
Signé par Mme Hélène PRUDHOMME, président, et Mme Céline BERGEON, greffier auquel la
minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le GREFFIER Le PRESIDENT
Textes cités dans la décision