Cour d'appel de Versailles, 15e chambre, 2 décembre 2020, n° 19/04252

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 15e ch., 2 déc. 2020, n° 19/04252
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro(s) : 19/04252
Sur renvoi de : Cour de cassation, 8 octobre 2019, N° 97/18
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

15e chambre

Renvoi après cassation

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 02 DÉCEMBRE 2020

N° RG 19/04252

N° Portalis DBV3-V-B7D-TS3E

AFFAIRE :

Y X

C/

Société ENEDIS

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 18 mars 2018 par le conseil de prud’hommes de Nanterre – formation paritaire

Section : Industrie

RG 13/03489

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

- Me Xavier SAUVIGNET

- Me Florence LE GAGNE

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DEUX DÉCEMBRE DEUX MILLE VINGT,

La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant fixé au 18 novembre 2020 puis prorogé au 02

décembre 2020, les parties en ayant été avisées, dans l’affaire entre :

DEMANDEUR ayant saisi la cour d’appel de Versailles par déclaration enregistrée au greffe social le 28 novembre 2019 en exécution d’un arrêt de la Cour de cassation du 09 octobre 2019 (n°1414 F-D) cassant et annulant l’arrêt rendu le 07 mars 2018 (15e chambre – RG : 15/01870 – Arrêt n° 97/18) par la cour d’appel de Versailles

Monsieur Y X

né le […] à […], de nationalité française

[…]

[…]

comparant en personne, assisté de Me Xavier SAUVIGNET de la SELARL BOUSSARD VERRECCHIA ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS

****************

DEFENDERESSES DEVANT LA COUR DE RENVOI

Société ENEDIS

N° SIRET : 444 608 442

[…]

[…]

[…]

représentée par Me Florence LE GAGNE de la SELARL KOVALEX, avocat au barreau de SAINT-BRIEUC

Syndicat CGT MINES-ENERGIE DES COTES-D’ARMOR

[…]

[…]

non comparant

****************

Composition de la cour :

L’affaire a été débattue à l’audience publique du 20 octobre 2020, devant la cour composée de :

Madame Régine CAPRA, Présidente,

Madame Isabelle MONTAGNE, Présidente,

Madame Perrine ROBERT, Vice-présidente placée,

et que ces mêmes magistrats en ont délibéré conformément à la loi,

dans l’affaire,

Greffier, lors des débats : Madame Carine DJELLAL

FAITS ET PROCEDURE,

M. Y X a été engagé à compter du 6 août 1990 par la société EDF- GDF, subdivision de Lannion (22) en qualité d’agent stagiaire monteur distribution stagiaire à l’agence du Tregor-Goëlo, puis titulaire.

Il a occupé ensuite successivement les postes de monteur distribution branchements, technicien exploitation réseau électrique, technicien exploitation réseau mixte et technicien clientèle-exploitation à l’agence Ouest Armor.

Son contrat de travail a été ensuite transféré au 1er novembre 2007 à la société filiale ERDF nouvellement créée, où il a été affecté à l’Unité Réseau Electricité (URE) Bretagne, en qualité de technicien clientèle-exploitation, puis nommé opérateur exploitation et travaux.

Les relations entre les parties sont régies par le statut national du personnel des industries électriques et gazières.

Classé par la société EDF- GDF groupe fonctionnel (GF) 3 avec un niveau de rémunération (NR) 30, échelon 2, de la grille nationale des salaires lors de son engagement, le salarié était positionné, dans le dernier état de la relation contractuelle, groupe fonctionnel (GF) 7, collège Maîtrise, et niveau de rémunération (NR) 110 et percevait un salaire brut mensuel de base de 2 412,36 euros.

M. X a été militant de l’union locale CGT de Lannion de 1991 à 2006. Il a exercé du 9 décembre 1992 au 29 août 2007 un mandat de conseiller prud’hommes. Il a également exercé de 1994 à 2006 divers mandats au sein de l’entreprise: membre du comité d’entreprise (1994-2006), de commissions et de sous-commissions mixtes paritaires de l’entreprise (1994-2006) et de délégué syndical (2004-2006), auxquels il a mis un terme après un accident vasculaire cérébral ischémique survenu en juillet 2006.

A l’issue de la visite périodique du 1er mars 2012, le médecin du travail l’a déclaré apte avec les préconisations suivantes : pas de port de charge, pas de conduite automobile autre que le trajet domicile travail, poste administratif exclusif. Il a dès lors occupé un emploi administratif sans modification de l’intitulé de son emploi.

Le salarié a été en arrêt de travail pour maladie du 27 mai au 30 août 2013 en raison d’un syndrome anxieux généralisé en rapport avec un conflit professionnel.

Estimant avoir été victime de discrimination syndicale, M. X a saisi, par courrier expédié le 16 novembre 2013, le conseil de prud’hommes de Nanterre aux fins d’obtenir, avec le bénéfice de l’exécution provisoire :

— son repositionnement au coefficient NR 140 au 1er janvier 2013,

— le rappel de salaire afférent calculé sur la base d’un salaire brut mensuel de 2 481,60 euros,

— la condamnation de la société ERDF à lui payer les sommes suivantes :

—  55 381,39 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice économique résultant de la

discrimination syndicale subie,

—  45 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral résultant de la discrimination syndicale subie,

—  45 000 euros à titre de dommages-intérêts pour violation de l’obligation de sécurité,

—  4 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Il est parti à la retraite le 1er décembre 2013.

Il a demandé au bureau de conciliation d’ordonner à la société ERDF de lui remettre :

— les comptes-rendus de ses entretiens d’évaluation portant sur la période entre le 6 août 1990 et le 1er décembre 2013, à l’exception de ceux des entretiens d’évaluation du 31 mai 2001, du 23 août 2002, du 28 octobre 2004, du 10 janvier 2007 et du 29 juin 2011qu’il détient ;

— la liste des salariés hommes nés entre 1954 et 1958 de toutes catégories professionnelles appartenant aux collèges Exécution et Maîtrise, présents dans les établissements de la région Bretagne au 1er décembre 2013, avec mention de leur date d’embauche, de leur âge, de leur formation de base et de leur groupe fonctionnel à l’embauche, de leur formation ou de leur validation d’acquis de compétence depuis leur embauche, de l’intitulé précis du poste occupé au 1er janvier 2013 et de leur niveau de rémunération au 1er décembre 2013.

Par décision du 3 mars 2014, le bureau de conciliation a débouté M. X de sa demande de remise des comptes-rendus de ses entretiens d’évaluation au motif qu’il devait être en mesure de les fournir lui-même et n’a pas fait droit à sa demande de remise de la liste susmentionnée, y substituant la communication dans le délai d’un mois des deux dispositifs spécifiques ERDF relatif au suivi des évolutions de carrière des salariés investis d’un mandat de représentant du personnel ainsi que les éléments démontrant leur application dans le cas de M. X.

Le 15 septembre 2014, le syndicat CGT Mines Energie des Côtes d’Armor est intervenu volontairement à l’instance.

Dans le dernier état de ses prétentions, M. X a demandé au conseil de prud’hommes :

— de dire qu’il a été victime de la part de son employeur d’une discrimination en raison de ses activités syndicales de 1992 jusqu’à son départ à la retraite le 1er décembre 2013,

— de dire que son employeur a failli à son obligation de sécurité,

— d’ordonner son repositionnement au coefficient NR 135 au 1er janvier 2013,

— de condamner la société ERDF à lui payer les sommes suivantes :

—  59 082 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice financier,

—  45 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral,

—  45 000 euros à titre de dommages-intérêts pour violation de l’obligation de sécurité,

— de fixer la moyenne de ses trois derniers mois de salaire à la somme de 2 412,36 euros,

— d’ordonner la capitalisation des intérêts,

— d’ordonner l’exécution provisoire de sa décision,

— de condamner la société ERDF aux dépens et à lui payer la somme de 4 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Le syndicat CGT Mines Energie des Côtes d’Armor a sollicité la condamnation de la société ERDF à lui payer la somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice ainsi que la somme de 1 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 18 mars 2015, le conseil de prud’hommes de Nanterre a débouté M. X de l’intégralité de ses demandes, a déclaré l’intervention du syndicat CGT Mines Energie des Côtes d’Armor irrecevable et a condamné M. X aux dépens.

M. X a interjeté appel de cette décision par déclaration au greffe du 31 mars 2015.

La société ERDF, qui a changé de dénomination sociale le 31 mai 2016, est désormais dénommée la société Enedis.

Par arrêt du 17 mars 2018, la cour d’appel de Versailles a infirmé le jugement entrepris, sauf en ce qu’il a déclaré irrecevable devant le conseil de prud’hommes l’action du syndicat CGT Mines ' Energie des Côtes d’Armor et statué sur l’article 700 du code de procédure civile, et statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant, a :

— déclaré l’action du syndicat CGT Mines Energie des Côtes d’Armor recevable devant la cour,

— rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription,

— condamné la société Enedis anciennement société ERDF à payer à M. X la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral pour discrimination syndicale,

— condamné la société Enedis anciennement société ERDF à payer au syndicat CGT Mines-Energie des Côtes d’Armor la somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi pour comportement discriminatoire,

— dit que les intérêts au taux légal sont dus à compter de sa décision,

— ordonné la capitalisation des intérêts au taux légal dus pour une année entière en application de l’article 1343-2 du code civil,

— débouté M. X du surplus de ses demandes,

— condamné la société Enedis anciennement dénommé ERDF à payer M. X la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné la société Enedis anciennement dénommé ERDF à payer au syndicat CGT Mines-Energie des Côtes d’Armor la somme de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné la société Enedis anciennement dénommé ERDF aux dépens de première instance et d’appel.

M. X et le syndicat CGT Mines-Energie des Côtes-d’Armor ont formé un pourvoi à l’encontre de cette décision.

Par arrêt du 9 octobre 2019, la cour de cassation a cassé et annulé mais seulement en ce qu’il déboute le salarié de ses demandes tendant à voir ordonner son repositionnement à compter du 1er janvier 2013 au niveau de rémunération 135 et à voir condamner la société Enedis à lui verser une somme de 59 082 euros en réparation de son préjudice financier, l’arrêt rendu le 7 mars 2018, entre les parties, par la cour d’appel de Versailles, remis en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les a renvoyées devant la cour d’appel de Versailles, autrement composée.

Par déclaration au greffe du 28 novembre 2019, M. X a saisi la cour d’appel de Versailles, autrement composée, désignée comme cour de renvoi.

Il demande à la cour d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il l’a débouté de l’intégralité de ses demandes et l’a condamné aux dépens de l’instance et, statuant à nouveau,

— d’ordonner son repositionnement à compter du 1er janvier 2013 au niveau de rémunération (NR) 135 ;

— de condamner la société Enedis à lui payer la somme de 59 841 euros en réparation de son préjudice financier,

— d’ordonner la capitalisation des intérêts conformément à l’article 1154 du code civil,

— de condamner la société Enedis à lui payer la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— de condamner la société Enedis aux entiers dépens y compris les frais d’exécution éventuels.

La société Enedis demande à la cour de :

À titre principal, de débouter M. X de sa demande de repositionnement à compter du 1er janvier 2013 au NR 135 et de le débouter de sa demande de paiement d’un préjudice financier,

À titre subsidiaire, de dire que son repositionnement ne peut être supérieur au NR 115, de fixer son préjudice à la somme de 6 000 euros et de débouter M. X du surplus de ses demandes,

— de condamner M. X aux entiers dépens de 1re instance et d’appel ainsi qu’à lui payer la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Le syndicat CGT Mines Energie des Côtes d’Armor régulièrement convoqué par lettre recommandée dont il a signé l’accusé de réception le 4 juin 2020, n’est ni présent, ni représenté à l’audience.

La cour renvoie pour l’exposé des moyens de M. X et de la société Enedis aux conclusions qu’elles ont déposées à l’audience du 20 octobre 2020 et qui ont été visées par le greffier à cette date.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1- Sur la demande de M. X tendant à son repositionnement à compter du 1er janvier 2013

Il ressort des pièces produites :

— que selon la circulaire Pers 245 du 8 décembre 1953, un avancement d’échelon sera accordé à ceux des agents bénéficiant d’un congé sans solde pour fonctions syndicales (article 21 du statut national), qui auront atteints dans leur échelon une ancienneté au moins égale à l’ancienneté moyenne dans

l’échelon de tous les agents de leur unité d’origine, qui, classés dans la même échelle et dans le même échelon qu’eux, bénéficieront, pour l’année considérée, d’un avancement d’échelon au choix ou à l’ancienneté ;

— que selon la note de la direction du personnel du 2 août 1968, la situation des agents chargés de fonctions syndicales sera examinée en vue d’un éventuel redressement de carrière selon la procédure suivante :

*établissement chaque année d’une liste après enquête auprès des unités d’exploitation, qui feront connaître en liaison avec les organisations syndicales, les agents concernés ; cette liste doit comprendre les agents en congé sans solde pour fonctions syndicales (article 21 du statut national) et les agents en service qui par suite de leur activité syndicale, se trouvent empêchés d’obtenir des postes fonctionnels de classement supérieur et notamment ceux dont cette activité absorbe la totalité ou la quasi-totalité de leur temps ;

*appréciation de la situation des salariés concernés par comparaison à celle d’homologues (âge, ancienneté, qualification, connaissances professionnelles…) dont la recherche se situera dans l’unité de rattachement des intéressés, étant précisé que pour être significative, cette recherche devrait aboutir à un certain nombre de témoins de l’ordre de dix au moins pour le personnel d’exécution et que si le nombre de témoins décelés dans l’unité s’avère insuffisant, il conviendra d’étendre l’examen sur le plan de la région ;

*sauf choix négatif de la direction, l’agent chargé de fonctions syndicales sera proposé si 50% de ses homologues ont un classement supérieur ;

— que selon la note de la direction du personnel du 31 décembre 1974 :

*les agents à retenir comme homologues d’un responsable syndical bénéficiaire de la note du 2 août 1968 doivent obligatoirement posséder les mêmes caractéristiques que ce dernier, à savoir: exercer la même fonction, ou à défaut (notamment dans les petites unités) une fonction de même nature nécessitant une formation analogue, avoir le même classement en catégorie, avoir la même ancienneté à EDF-GDF et posséder une formation analogue, étant préciser que pour la détermination de l’ancienneté, il est admis que l’équivalence s’entend à l’intérieur d’une fourchette de plus ou moins 5 ans par rapport à l’ancienneté propre de l’intéressé ;

*sauf cas particuliers, les caractéristiques énumérées ci-dessus sont appréciées au moment où l’activité syndicale de l’intéressé est prépondérante ;

— que l’accord de méthode relatif à la prévention des litiges liés au parcours professionnel d’agents titulaires de mandats représentatifs ou syndicaux conclu le 9 décembre 2005 entré en vigueur le lendemain du jour de son dépôt pour une durée déterminée dont le terme est fixé au 31 décembre 2006, a prévu l’examen des situations susceptibles de faire apparaître une anomalie en terme de déroulement de carrière des agents titulaires de mandats représentatifs ou syndical, portées à la connaissance du centre national d’expertise relations professionnelles (CNERP) par les fédérations syndicales, étant précisé que les salariés relevant des dispositions réglementaires (circulaire Pers 245, note du 2 août 1968) ne relèvent pas de cet accord.

Il est établi que M. X, né le […], qui était titulaire de trois diplômes de niveau V, un CAP de mécanicien en mécanique générale, option usinage et montage, obtenu le 28 juin 1972, un certificat de formation professionnelle dans la spécialité électricité bâtiment délivré le 6 avril 1979 et un certificat de formation professionnelle dans la spécialité ouvrier de maintenance en équipements thermiques délivré le 7 août 1987, et justifiait d’une expérience professionnelle depuis 1973, et notamment comme électricien de juillet 1979 à mars 1987 et comme surveillant d’installations thermiques d’octobre 1987 à août 1990, a été engagé par la société EDF- GDF le 6

août 1990 comme agent d’exploitation GF 3, au niveau de rémunération 30.

Les niveaux NR se déclinent de 5 points en 5 points : 30, 35, 40, 45, 50, 55, 60, 65, 70, 75, 80, 85, 90, 95, 100, 105, 110, 115, 120, 125, 130, 135 etc…

Il est établi par le relevé de situation individuelle C01 établi par l’employeur en mars 2013, produit par le salarié et les courriers versés aux débats par l’employeur :

— que M. X, engagé le 6 août 1990 comme stagiaire, puis titularisé en novembre 1990, a bénéficié environ quatre ans plus tard, le 1er janvier 1995, d’un avancement au choix lui conférant le niveau NR 40, soit une augmentation de NR de deux niveaux ;

— qu’il n’a bénéficié ensuite d’aucune évolution de NR durant six ans ;

— qu’il a bénéficié d’un avancement au temps d’activité à effet au 1er janvier 2001, lui conférant le niveau NR 50, soit une augmentation de NR de deux niveaux ;

— qu’il n’a bénéficié ensuite d’aucune évolution de NR durant 5 ans ;

— qu’il a bénéficié, par suite de l’application de la Pers 245, d’un avancement particulier par décision du 2 novembre 2006 lui conférant rétroactivement au 1er janvier 2006 le niveau NR 65 soit une augmentation de NR de trois niveaux ;

— qu’il a bénéficié d’un avancement au choix à effet au 1er janvier 2008, lui conférant le niveau NR 70, soit une augmentation de NR de 1 niveau ;

— qu’après avis de la commission secondaire du personnel du 1er juillet 2010, la société ERDF lui a notifié le 6 juillet 2010 son reclassement à effet au 1erjuillet 2010 au GF 4 et au NR 80, soit une augmentation de NR de deux niveaux ;

— qu’après avis de la commission secondaire du personnel du 5 novembre 2012, elle lui a notifié le 18 décembre 2012, son reclassement rétroactif au 1er janvier 2011 au GF6 et au NR 100, soit une augmentation de NR de 4 niveaux ;

— qu’après avis de la commission secondaire du personnel du 4 décembre 2012, elle lui a notifié le 2 janvier 2013 son reclassement au 1er janvier 2013 au GF7 et au NR 110, soit une augmentation de NR de 2 niveaux.

M. X revendique son repositionnement au niveau de rémunération (NR) 135 à compter du 1er janvier 2013, tandis que la société Enedis soutient, à titre principal, qu’il a été repositionné à juste titre au niveau de rémunération 110 à compter du 1er janvier 2013, et, à titre subsidiaire, qu’il ne peut prétendre en tout état de cause à un niveau de rémunération supérieur au niveau de rémunération 115.

Il a été reconnu par arrêt de la cour d’appel de Versailles du 17 mars 2018 que M. X a fait l’objet d’une discrimination syndicale en matière d’évolution de carrière.

Le salarié privé d’une possibilité de promotion par suite d’une discrimination peut prétendre, en réparation du préjudice qui en est résulté dans le déroulement de sa carrière, à un reclassement dans le coefficient de rémunération qu’il aurait atteint en l’absence de discrimination. Il convient dès lors de rechercher à quel coefficient de rémunération M. X serait parvenu sans la discrimination constatée.

Le fait qu’alors que l’employeur a reconnu M. X en prépondérance syndicale de 2004 à

2006, pour avoir consacré durant cette période au moins 50% de son temps de travail à l’exercice de mandats représentatifs ou syndicaux et ait proposé une liste d’homologues à son organisation syndicale, sans obtenir de réponse, de sorte qu’aucune liste d’homologues n’a été arrêtée, ou que la fédération syndicale de M. X n’ait pas non plus effectué de signalement concernant ce salarié au CNERP pour le faire bénéficier d’un examen particulier de sa situation pour la période antérieure à la prépondérance, en application de l’accord de méthode de 2005, ne permettent pas d’établir que la décision du 2 novembre 2006 octroyant à l’intéressé un avancement particulier au niveau NR 65 rétroactivement au 1er janvier 2006, soit une augmentation de NR de trois niveaux, ait suffit à réparer la discrimination subie. Les reclassements successifs à rythme soutenu dont l’intéressé a bénéficié ensuite pour combler son retard d’évolution de carrière par rapport aux autres salariés témoignent au contraire de ce que tel n’était pas le cas.

Pour sa part, M. X est mal fondé à soutenir qu’il aurait dû bénéficier, s’il n’avait pas été discriminé, d’une évolution de NR d’un niveau par an de 1992 à 2005, pour avoir bénéficié d’une augmentation de NR de 12 niveaux de janvier 2006 à janvier 2013, alors que cette progression accélérée avait pour objet de combler son retard d’évolution de carrière par rapport aux autres salariés.

Si l’intéressé est bien fondé à faire valoir que ses diplômes, son expérience professionnelle antérieure et les qualités professionnelles qui lui ont été reconnues lors de l’entretien professionnel du 8 juin 1994 étaient de nature à lui permettre d’avoir une évolution professionnelle aisée au sein de l’entreprise à compter de son embauche le 6 août 1990, il ne peut toutefois comparer utilement son évolution professionnelle à celle de salariés techniciens intervention réseau de l’URE Bretagne au 31 janvier 2013, d’âge proche, comme étant nés en 1959, engagés au GF 3 et au NR 30 ou 20 avec un diplôme de niveau V, le BEPC, attestant d’une formation générale, mais entrés dans l’entreprise plus de cinq ans avant lui, pour y être entrés en 1981 ou 1982, soit huit ou neuf ans plus tôt.

Pour sa part, la société Enedis est mal fondée à se prévaloir du NR 110, correspondant au NR moyen, au 1er septembre 2013, de 18 salariés affectés sur différentes unités du territoire national, nés entre le 8 octobre 1956 et le 4 juin 1964, entrés dans l’entreprise entre le 20 mai 1986 et le 13 avril 1993, qui, au 1er avril 1994, occupaient comme M. X un poste correspondant au code métier 1120 et étaient classés au GF 3. En effet, cette moyenne n’est pas significative dès lors qu’elle se rapportent à des situations en réalité très hétéroclites, le NR actuel de ces agents allant de 75, pour un salarié désormais classé GF 4, à 140, pour un salarié désormais classé GF9, étant précisé que 9 salariés ont un NR compris entre 75 et 105, dont 1 un NR 75, 3 un NR 90, 1 un NR95, 3 un NR 100 et 1 un NR 105, et 9 un NR compris entre 110 et 140, dont 4 salariés ayant un NR 110, 1 un NR 115, 2 un NR 125, 1 un NR 135 et 1 un NR 140.

Au vu, d’une part, de la formation et de l’expérience professionnelle du salarié et des qualités dont il a fait preuve, telles que constatées en 1994, qui lui ont permis de bénéficier d’un avancement au choix de deux niveaux de NR à effet à effet au 1er janvier 1995, et, d’autre part, des éléments de comparaison produits par la société Enedis, il convient d’infirmer le jugement entrepris et de repositionner M. X au niveau NR 120 au 1er janvier 2013.

2- Sur la demande de M. X en réparation de son préjudice financier

La discrimination syndicale dont M. X a fait l’objet dans le déroulement de sa carrière a eu des effets sur sa rémunération, y compris la gratification de fin d’année équivalent à un treizième mois versée pour moitié en juin et pour moitié en décembre, qui se sont poursuivis jusqu’à son départ à la retraite et qui n’ont pas été réparés par l’employeur.

Le salarié a également subi un préjudice de retraite. En effet, positionné au NR 120 au 1er janvier 2013, M. X aurait dû bénéficier à compter de cette date, compte-tenu d’une majoration résidentielle (MR) de 24% et d’un taux de majoration d’ancienneté de 26% pour un échelon 9

d’ancienneté, d’une rémunération mensuelle brute de 2 537,80 euros soit d’une rémunération mensuelle brute supérieure de 125,44 euros à la rémunération mensuelle brute de 2 412,36 euros qui lui a été versée pour le NR 110. Or, il est établi que la pension mensuelle brute du salarié, qui était de 1 457,24 euros à la date de sa liquidation, le 1er décembre 2013, a été calculée sur la base d’un coefficient de pension de 55,76% en retenant comme assiette de calcul le NR 110-Echelon 9-MR 24%. La discrimination subie par le salarié dans le déroulement de sa carrière a donc eu une incidence effective sur le montant sa retraite.

Il n’est pas démontré en revanche que M. X a subi un préjudice lié à une perte de prime d’intéressement, dès lors qu’il n’est pas établi qu’il percevait régulièrement une prime d’intéressement dont le montant était proportionnel à son niveau de rémunération.

Au vu des éléments de la cause, la cour fixe le préjudice financier subi par M. X à la somme de 20 000 euros. Il convient en conséquence d’infirmer le jugement entrepris et de condamner la société Enedis à payer ladite somme à M. X.

3- Sur la capitalisation des intérêts

La somme allouée à M. X produit de plein droit intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt. Il convient d’ordonner leur capitalisation dans les conditions de l’article 1154 ancien du code civil, applicable au litige.

4- Sur les dépens et l’indemnité de procédure

Il sera statué sur les dépens et l’indemnité de procédure dans les termes du dispositif.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant par arrêt contradictoire,

Vu l’arrêt de la cour de cassation du 9 octobre 2019,

INFIRME le jugement du conseil de prud’hommes de Nanterre en date du 18 mars 2015 en ce qu’il a débouté M. Y X de sa demande de repositionnement de son niveau de rémunération au 1er janvier 2013 et de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice financier et, statuant à nouveau de ces chefs et y ajoutant:

ORDONNE le repositionnement de M. Y X au niveau de rémunération (NR) 120 à compter du 1er janvier 2013,

CONDAMNE la société Enedis anciennement dénommée la société ERDF, à payer à M. Y X la somme de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice financier résultant de la discrimination syndicale dont il a fait l’objet,

DIT que cette somme produit intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt,

ORDONNE la capitalisation des intérêts dans les conditions de l’article 1154 ancien du code civil,

CONDAMNE la société Enedis à payer à M. Y X la somme de 1 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

DÉBOUTE la société Enedis de sa demande d’indemnité fondée sur l’article 700 du code de

procédure civile,

CONDAMNE la société Enedis aux dépens.

— Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— Signé par Madame Régine CAPRA, Présidente et par Madame Carine DJELLAL, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code civil
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Cour d'appel de Versailles, 15e chambre, 2 décembre 2020, n° 19/04252