Cour d'appel de Versailles, 1re chambre 1re section, 14 janvier 2020, n° 18/01799

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 1re ch. 1re sect., 14 janv. 2020, n° 18/01799
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro(s) : 18/01799
Décision précédente : Tribunal d'instance de Poissy, 7 février 2018, N° 1117000734
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

1re chambre 1re section

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

Code nac : 70B

DU 14 JANVIER 2020

N° RG 18/01799

N° Portalis DBV3-V-B7C-SH5E

AFFAIRE :

SCI SCI SAINT VINCENT

C/

X-E B veuve Y

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 08 Février 2018 par le Tribunal d’Instance de POISSY

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : 1117000734

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

— Me Nadia CHEHAT,

— Me Colette HENRY- LARMOYER

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUATORZE JANVIER DEUX MILLE VINGT,

La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant après prorogation les 26 novembre 2019 et 7 janvier 2020, les parties en ayant été avisées dans l’affaire entre :

SCI SAINT VINCENT

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège

N° SIRET : 482 81 4 8 11

[…]

[…]

représentée par Me Nadia CHEHAT, avocat postulant/déposant – barreau de VERSAILLES, vestiaire : 88 – N° du dossier 2018/556

APPELANTE

****************

Madame X-E B veuve Y

née le […] à […]

de nationalité Française

[…]

[…]

représentée par Me Colette HENRY-LARMOYER, avocat postulant plaidant – barreau de VERSAILLES, vestiaire : 237

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 786 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 26 Septembre 2019 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Nathalie LAUER, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Alain PALAU, Président,

Madame Anne LELIEVRE, Conseiller,

Madame Nathalie LAUER, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Natacha BOURGUEIL,

Vu le jugement rendu le 8 février 2018 par le tribunal d’instance de Poissy qui a :

— déclaré irrecevables les demandes de Mme X-E B veuve Y à l’encontre de M. et Mme A,

— condamné la SCI Saint Vincent à procéder à l’élagage, la réduction et l’arrachage des arbres, arbrisseaux et arbustes listés par l’expert (n° 100, 101, 102, 104, 105, 106, 107 à 127, 128 à 129, 135 à 137, 138 à 163) conformément aux distances légales prescrites par les articles 671 et suivants du code civil, dans un délai de deux mois à compter de la signification du présent jugement, sous astreinte de 15 euros par jour de retard,

— rejeté les autres demandes de Mme X-E B veuve Y,

— condamné la SCI Saint Vincent à payer à Mme X-E B veuve Y la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné la SCI Saint Vincent aux dépens incluant les frais d’expertise judiciaire.

Vu l’appel de ce jugement interjeté le 13 mars 2018 par la SCI Saint Vincent,

Vu les dernières conclusions notifiées le 12 juin 2019 par lesquelles la SCI Saint Vincent demande à la cour de :

Vu les articles 671 et 672 du code civil,

Vu les usages locaux applicables en région Ile de France,

— recevoir la SCI Saint Vincent en son appel, et l’en dire bien fondée,

— infirmer le jugement du 8 février 2018 prononcé par le tribunal d’instance de Poissy,

Y faisant droit,

À titre principal,

— juger que, du fait des usages locaux applicables à la région parisienne, la distance minimale de deux mètres de la limite séparative de propriété ne s’impose pas à la SCI Saint Vincent,

— juger que, du fait des usages locaux applicables à la région parisienne, la SCI Saint Vincent n’est pas contrainte de réduire à moins de deux mètres les arbres plantés à moins de deux mètres de la limite séparative de propriété,

— juger que la SCI Saint Vincent respectait, au jour du jugement entrepris, et respecte toujours à ce jour son obligation d’élagage de ses arbres et arbustes de manière à ce que leurs branchages ne dépassent pas de la limite de propriété,

— juger que la SCI Saint Vincent démontre que la prescription trentenaire est applicable aux arbres litigieux, listés par l’expert (n° 100, 101, 102, 104, 105, 106, 107 à 127, 128 à 129, 135 à 137, 138 à 163),

— juger de ce fait que Mme Y née B ne peut prétendre à leur réduction ou à leur arrachage,

— débouter Mme Y née B de toutes demandes à ce titre,

À titre subsidiaire,

— désigner tel expert judiciaire qu’il lui plaira, spécialisé dans l’arboriculture, avec pour mission de :

— se rendre sur les lieux, soit sur la propriété de la SCI Saint Vincent sise à […] mais également sur la propriété de Mme X-E Y, […],

— se faire remettre par les parties toutes les pièces et documents nécessaires à sa mission, dont le rapport d’expertise de M. F C,

— entendre tous sachants,

— décrire les lieux et notamment les arbres, arbustes et végétaux plantés sur la propriété de la SCI Saint Vincent en limite de propriété de Mme Y tels que répertoriés par l’expert F C dans son rapport d’expertise du 20 mai 2016, notamment les arbres numérotés 100, 101, 102, 104, 105, 106, 107 à 127, 128 à 129, 135 à 137, 138 à 163 par M. C,

— donner à la cour tous les éléments permettant de déterminer l’âge de chacun des arbres numérotés 100, 101, 102, 104, 105, 106, 107 à 127, 128 à 129, 135 à 137, 138 à 163 par M. C et estimer leur âge à la date du 23 octobre 2014, date de l’assignation en référé délivrée par Mme Y veuve B à la SCI Saint Vincent,

— décrire ou estimer l’état dans lequel les arbres numérotés 100, 101, 102, 104, 105, 106, 107 à 127, 128 à 129, 135 à 137, 138 à 163 par M. C devaient se trouver en 1984, et notamment leur hauteur,

— fournir tous éléments utiles permettant à la Cour d’être suffisamment éclairée au sujet de l’âge desdits arbres,

— dire que l’expert devra faire connaître sans délai son acceptation au magistrat chargé du contrôle de l’expertise et devra commencer ses opérations dès l’avis de consignation,

— dire qu’en cas d’empêchement ou de refus de l’expert, il sera procédé à son remplacement par ordonnance du magistrat chargé du contrôle de l’expertise sur simple requête,

— dire que l’expert devra accomplir sa mission conformément aux articles 232 et suivants du code de procédure civile, notamment en ce qui concerne le caractère contradictoire des opérations,

— dire que l’expert devra tenir le magistrat chargé du contrôle de l’expertise informé du déroulement de ses opérations et des difficultés rencontrées dans l’accomplissement de sa mission,

— dire que l’expert est autorisé à s’adjoindre tout spécialiste de son choix, dans un secteur de compétence différent du sien, sous réserve d’en informer le magistrat chargé du contrôle de l’expertise et les parties, et à charge de joindre son avis au rapport d’expertise,

— dire que l’expert devra remettre un pré-rapport aux parties et répondra à leurs observations (dires) formulées par écrit dans le délai préalablement fixé par l’expert,

— dire que l’expert devra déposer son rapport définitif et sa demande de rémunération au greffe de la cour dans le délai de deux mois à compter de la date de l’avis de consignation (sauf prorogation dûment autorisée par le magistrat chargé du contrôle de l’expertise), et communiquer ces deux documents aux parties,

— dire à la charge de quelle partie les frais d’expertise seront provisoirement avancés, et fixer le montant qui devra être consigné, à valoir sur la rémunération de l’expert,

— dire que, lors de la première réunion ou au plus tard de la deuxième réunion des parties, l’expert dressera si nécessaire un programme de ses investigations et évaluera d’une manière aussi précise que possible le montant prévisible de ses honoraires et de ses débours,

— réserver les demandes et les dépens,

— renvoyer l’affaire à une audience de mise en état du ultérieure pour vérification du versement de la consignation.

À titre très subsidiaire,

— préciser la condamnation prise à l’encontre de la SCI Saint Vincent et juger précisément s’il est mis à la charge de cette dernière une obligation d’élagage, de réduction, ou d’arrachage, et énoncer, le cas échéant, les arbres concernés par chacune des obligations,

En tout état de cause,

— condamner Mme Y veuve B à payer à la SCI Saint Vincent une somme de 2 400 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel, incluant les frais d’expertise de M. F C, ainsi que, le cas échéant les frais de la seconde expertise ordonnée avant dire droit en cause d’appel.

Vu les dernières conclusions notifiées le 12 juin 2019 par lesquelles Mme X-E B demande à la cour de :

Vu le rapport d’expertise,

Vu les dispositions des articles 671 et suivants du code civil,

— confirmer en toutes ses dispositions le jugement du tribunal d’instance de Poissy en date du 8 février 2018,

— débouter la SCI Saint Vincent de toutes ses demandes, fins et prétentions,

— dire et juger que le tribunal d’instance sera compétent pour liquider le montant de l’astreinte après exécution ou à défaut d’exécution,

— condamner la SCI Saint Vincent au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile à Mme X-E Y,

— condamner la SCI Saint Vincent au paiement des entiers dépens.

FAITS ET PROCÉDURE

Mme X-E B veuve Y est propriétaire d’un fonds situé […].

Par acte d’huissier en date du 23 octobre 2014, Mme Y a fait assigner M. et Mme A, occupants du fonds voisin, devant le juge des référés du Tribunal d’Instance de Poissy à l’effet de voir désigner un expert judiciaire chargé de mesurer la hauteur et fa distance des arbres et végétaux au regard de la limite séparative des deux propriétés.

Aux termes d’une ordonnance rendue le 3 mars 2015, le juge des référés a ordonné une expertise judiciaire.

L’expert, Monsieur F C, a rendu son rapport le 20 mai 2016.

Mme Y a introduit une action au fond à l’encontre de M. et Mme A, par acte du 28 décembre 2016, et s’est finalement désistée de l’instance, les défendeurs n’étant pas propriétaires du fonds litigieux.

Par acte du 3 août 2017, Mme Y a ensuite, fait assigner la SCI Saint Vincent afin d’obtenir, sur le fondement des articles 671 et suivants du code civil, sa condamnation conjointe et solidaire avec M. et Mme A à procéder à l’élagage, coupe et arrachage de tous les végétaux débordant sur sa propriété, tels que numérotés par l’expert, sous astreinte de 100 euros par jour de retard dans un délai d’un mois à compter de la décision à intervenir, le tribunal d’instance se réservant la compétence pour liquider l’astreinte. Elle sollicitait, enfin, leur condamnation conjointe et solidaire au paiement d’une somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens incluant les frais d’expertise judiciaire.

MOYENS DES PARTIES

Au soutien de son appel, la SCI Saint Vincent fait valoir que les articles 671 et 672 du code civil sont inapplicables en l’espèce en application d’un usage reconnu dans la région parisienne en vertu duquel il n’existe pas de distance maximale à respecter pour planter le long des limites voisines, ce qui s’explique par l’exiguïté des jardins urbains, due elle-même à l’urbanisation intense des communes environnant Paris. Elle observe qu’il est naturel que ledit usage s’étende géographiquement au fur et à mesure que se développe la banlieue parisienne, qui tend à constituer une agglomération unique. Elle cite un jugement du tribunal d’instance de Melun du 18 octobre 1988 qui a considéré en particulier que cet usage était applicable dans les zones fortement urbanisées des quatre départements de la grande couronne.

Elle estime par ailleurs que Mme Y a modifié le fondement juridique de ses demandes en ce qu’elle indique ne pas se prévaloir des termes des articles 671 et 672 du code civil mais de l’article 673 de ce même code alors que pourtant elle indique dans ses conclusions d’intimée signifiées le 24 juillet 2018 qu’elle demande le respect des prescriptions de l’article 671 du code civil. Elle en déduit qu’il est parfaitement pertinent qu’elle démontre que les articles 671 et 672 du code civil sont inapplicables en l’espèce. Elle affirme en effet que son terrain, sur lequel sont plantés les arbres litigieux, est situé en plein centre-ville dans une commune des Yvelines. Mme Y prétendant que le cabinet du maire aurait indiqué que cette exception n’est pas applicable à la commune de Maule, elle réplique que la commune a accepté d’intervenir dans l’optique d’une résolution amiable d’un conflit de voisinage mais qu’à aucun moment cette dernière ne vise des obligations qui seraient issues des dispositions du code civil, ni même du plan local d’urbanisme. Elle en déduit que la démarche de la commune ne consiste qu’en une démarche d’arbitrage, ce qui n’exclut pas l’applicabilité de cette exception à la commune de Maule.

Elle conclut que la seule obligation qui s’impose à elle concerne l’élagage des arbres venant au droit des limites séparatives pour les plantations d’arbres, d’arbustes et d’arbrisseaux qui, quelles que soient leur hauteur, ne peuvent avoir des branches qui dépassent sur la propriété limitrophe et qu’elle justifie du respect de cette obligation ainsi que le montrent en particulier deux constats d’huissier des 4 mai 2018 et 8 avril 2019, la police municipale ayant également constaté le respect de ces dispositions en date du 7 juin 2019. Elle affirme que, contrairement aux propos de Mme Y, les photographies qui y sont annexées visent tous les végétaux cités par l’expert judiciaire, longeant le fonds de l’intimée.

Elle invoque par ailleurs la prescription trentenaire prévue à l’article 672 du code civil, laquelle a été

invoquée dès le stade de l’expertise, cependant que l’expert a refusé de se prononcer en estimant que cela n’entrait pas dans sa mission. Or, en ce sens elle produit une photographie aérienne antérieure à 1984 communiquée par l’IGN et un rapport d’expertise établi par un ingénieur paysagiste, expert inscrit près la cour d’appel de Versailles. Subsidiairement, elle sollicite une mesure d’expertise judiciaire afin de vérifier le caractère trentenaire des arbres litigieux.

Elle soutient par ailleurs que Mme Y ne subit aucun trouble de jouissance, l’expert judiciaire s’il a constaté un débordement des végétaux, n’en ayant tiré en revanche aucune conclusion de dangerosité ou de trouble de voisinage alors qu’elle démontre de son côté par constat d’huissier qu’aucun végétal ne dépasse sur le fonds voisin.

Elle conclut enfin au caractère inexécutable de la décision entreprise, aucune précision n’étant apportée concernant les arbres listés qui seraient à élaguer, à réduire ou encore à arracher.

Mme Y réplique que la ville de Maule est située à 45 km à l’ouest de Paris, comporte 7511 habitants et se trouve située dans la vallée de la Mauldre, dans le canton d’Aubergenville. Elle observe que par lettre du 30 juin 2011, le maire a rappelé à la SCI Saint Vincent son obligation d’avoir à élaguer certains arbres et haies. Elle répond par ailleurs qu’elle ne sollicite pas au visa de l’article 672 du code civil l’arrachage des végétaux litigieux mais leur réduction au visa des articles 671 et suivants du code civil et qu’elle n’a donc pas modifié le fondement juridique de ses demandes. Elle cite en outre une jurisprudence suivant laquelle les dispositions de l’article 673 de ce même code en vertu duquel, celui sur la propriété duquel avancent les branches des arbres du voisin peut contraindre celui-ci à les couper sont applicables y compris lorsque les usages locaux autorisent la plantation en limite de propriété. Elle soutient que l’appelante ne justifie pas avoir satisfait à son obligation d’élagage tant à la date de la saisine du juge des référés pour la désignation d’une expertise qu’au jour de la saisine du tribunal, ni au jour de la déclaration d’appel. Elle observe d’ailleurs que le rendez-vous d’expertise qui était prévu le 19 novembre 2015 qui aurait permis de constater les travaux entrepris par la SCI Saint Vincent a été décommandé et qu’aucun autre rendez-vous n’a pu être mis en place.

Elle observe que le constat d’huissier du 20 janvier 2016 a été réalisé en période d’hiver lorsque la végétation est en période régressive et que celui du 4 mai 2018 ne contient que des photographies qui démontrent manifestement de larges débordements de la végétation dans sa propriété. Elle en déduit que les travaux d’élagage effectués précédemment en 2015 par la SCI Saint Vincent n’ont été d’aucune efficacité. Elle pointe en outre le caractère non contradictoire du rapport de l’expert ingénieur paysagiste en remarquant qu’il vise à démontrer l’ancienneté des arbres pour justifier leur implantation et la non-application de la réglementation et non pas la taille des arbres conforme par rapport à sa propriété mais une certaine impossibilité à réaliser leur taille. Elle en déduit que sa demande de voir respecter leur taille et leur entretien qui incombe directement à la SCI Saint Vincent est parfaitement fondée.

Elle demande également le rejet de la nouvelle demande d’expertise judiciaire. À l’appui, elle fait valoir que la première expertise s’est déroulée dans des conditions particulièrement difficiles. Elle estime par ailleurs que celle-ci est inutile puisqu’elle vise à démontrer l’âge des arbres et leur état en 1984 de sorte qu’elle n’apportera aucun élément sur leur débordement sur sa propriété.

Elle fait valoir enfin que son trouble de jouissance n’est pas contestable. Elle rappelle à cet égard que le constat du 8 avril 2019 a été réalisé avant la mise en feuilles des arbres mais qu’il confirme toutefois la hauteur des végétaux tels que décrite par l’expertise, seule une partie des arbres ayant été rabattus. Elle estime que les photographies jointes au constat ne visent pas la totalité des arbres visés dans l’expertise et confirment leur grande hauteur non conforme à la réglementation et que le procès-verbal de la police municipale du 7 juin 2019 ne mentionne que l’étêtage et l’élagage d’une seule haie alors que le rapport d’expertise en vise deux. Ainsi, selon elle, le rapport de la police municipale n’apporte aucun élément probant puisqu’il n’indique pas la nature végétale de la haie.

SUR CE , LA COUR,

Considérant qu’au visa des articles 671 alinéa 1 et 672 alinéa 1 du code civil, le jugement déféré a condamné la SCI Saint Vincent à procéder à l’élagage, la réduction et l’arrachage des arbres, arbrisseaux et arbustes listés par l’expert judiciaire comme ne respectant pas les distances légales d’avec le fonds voisin prévues par ces textes ;

Considérant qu’au soutien de son appel, la SCI Saint Vincent fait valoir que ces textes ne sont pas applicables en l’espèce conformément aux usages de la région parisienne et que la seule obligation qui s’impose à elle concerne l’élagage des arbres venant aux droits des limites séparatives pour les plantations d’arbres, d’arbustes et d’arbrisseaux qui, quelle que soit leur hauteur, ne peuvent avoir de branches qui dépassent sur la propriété limitrophe et qu’elle justifie avoir respecté cette obligation en particulier par les pièces qu’elle communique un appel ;

Considérant ainsi que, sans les citer, la SCI Saint-Vincent vise les dispositions de l’article 673 du code civil ;

Considérant que Mme Y quant à elle indique qu’elle ne demande pas l’arrachage des arbres sur le fondement de l’article 672 du code civil mais leur réduction au visa des articles 671 et suivants du code civil ; qu’elle vise également l’article 673 de ce même code qu’elle dit, de manière fondée, applicable même en présence d’usages autorisant la plantation en limite de propriété'; que si elle rappelle la situation géographique de la commune de Maule, elle ne conteste toutefois pas formellement l’application des usages admis en région parisienne qui autorisent les plantations en limite de propriété'; qu’elle soutient par ailleurs que l’appelante ne justifie pas avoir respecté son obligation d’élagage ;

Considérant ainsi que la contestation de Mme Y concerne en fait le respect par la SCI Saint-Vincent de son obligation d’élagage ;

Considérant que par application de l’article 12 du code de procédure civile, le juge doit restituer aux faits leur exacte qualification ; qu’ainsi, tout en disant fonder sa demande sur les articles 671 et suivants du code civil, l’intimée demande en fait plus précisément le respect de l’article 673 du code civil, lequel est applicable quels que soient les usages et ne prévoit aucune exception de prescription trentenaire ;

Considérant en effet que l’article 672 du code civil ne permet pas aux voisins d’exiger que les arbres, arbrisseaux et arbustes, plantés à une distance moindre que la distance légale, soient arrachés ou réduits à la hauteur déterminée à l’article précédent lorsqu’il y a prescription trentenaire ; qu’or, l’article 673 du code civil vise, quant à lui, les branches desdits arbres, et arbustes et arbrisseaux dont le voisin peut contraindre le propriétaire à les couper si elles avancent sur son fonds ;

Considérant que le caractère trentenaire des végétaux litigieux étant par conséquent indifférent à la solution du litige, il n’y a pas lieu d’ordonner une mesure d’expertise judiciaire complémentaire de nature à le vérifier ; que la SCI Saint-Vincent sera donc déboutée de cette demande ;

Considérant en revanche que la SCI Saint-Vincent reconnaissant elle-même que la seule obligation qui s’impose à elle étant son obligation d’élagage, il lui appartient de justifier du respect de cette obligation ;

Considérant que le jugement déféré retient à bon droit que le constat du 20 janvier 2016 mentionne uniquement que les arbres de grande taille situés en limite des deux fonds, notamment un tilleul et un sureau, ont été récemment taillés et qu’aucune branche ne vient à l’aplomb de la propriété voisine ; qu’il retient tout aussi exactement que l’attestation de M. D est trop imprécise pour retenir que les arbres et végétaux ne respectant pas les distances légales ont tous été suffisamment réduits ;

qu’or, devant la cour, la SCI Saint-Vincent ne produit que deux constats d’huissier supplémentaires destinés à permettre de visualiser l’état de la végétation sans produire de justificatifs de travaux d’élagage qui auraient permis à la cour d’apprécier l’étendue de l’élagage qu’elle dit avoir réalisé ;

Considérant que le procès-verbal de constat d’huissier du 4 mai 2018 indique que l’huissier s’est transporté dans le parc arrière, 2, rue Saint-Vincent à Maule et qu’il a constaté qu’aucun arbre ne vient à l’aplomb du terrain de Mme Y, le pignon de sa construction étant parfaitement visible ; que ce document est accompagné de photographies ; que les deux premières montrent qu’un arbre a manifestement été élagué ; que les suivantes montrent que la visibilité de la maison de Mme Y n’est pas entravée par la végétation'; que les sept dernières montrent en revanche une végétation luxuriante ; qu’ainsi au vu de ce constat, il est totalement impossible d’apprécier si les branches de tous les arbres recensés par l’expert judiciaire avancent ou non sur la propriété de Mme Y ;

Considérant que le procès-verbal de constat d’huissier du 8 avril 2019 relate du côté Y la présence d’une vingtaine de résineux types thuyas tous étêtés de manière récente et particulièrement franche à une hauteur depuis le fonds de la SCI requérante, inférieure à 2 m au sol naturel ou présumé comme tel du terrain «Y » ; qu’il constate également en continuité du fonds que l’ensemble des autres arbres plantés sur le terrain de la SCI Saint-Vincent ne débordent en aucune façon à l’aplomb de la propriété « Verlin » ; que cette seule affirmation générale sans référence aux arbres listés par l’expert judiciaire ne fait pas la preuve que l’ensemble de ceux-ci ont été élagués ; que l’huissier aurait en effet dû vérifier ces arbres un à un ; que ce constat est toutefois accompagné de photographies montrant effectivement un étêtement franc d’une haie de thuyas ; qu’il peut donc être considéré que pour cette seule haie l’obligation d’élagage a été respectée, un procès-verbal de la police municipale le confirmant au demeurant ; que c’est en effet vainement que Mme Y relève que ce constat a été réalisé avant la montée en feuilles de la végétation, les travaux d’élagage devant nécessairement être réalisés en période de repos végétatif ; qu’en revanche, les dernières photographies qui montrent une végétation luxuriante et en mauvais état sont dépourvus de tout caractère probant en ce qu’elles ne permettent pas de la situer par rapport aux propriétés respectives des parties ;

Considérant en définitive que la SCI Saint-Vincent ne justifie pas avoir respecté de manière complète son obligation d’élagage ; que le jugement déféré doit cependant être infirmé ; que la SCI Saint-Vincent sera condamnée sous astreinte, dans les conditions précisées au dispositif ci-après, à élaguer les arbres listés par l’expert judiciaire et dont les branches avancent sur le fonds voisin ; qu’il n’y a toutefois pas lieu de se réserver la liquidation de l’astreinte ;

Considérant que le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a exactement statué sur les dépens ainsi que sur l’application de l’article 700 du code de procédure civile ; que compte tenu du sens du présent arrêt, chaque partie supportera la charge de ses dépens d’appel et sera donc déboutée de sa propre demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant par arrêt contradictoire et mis à disposition ;

INFIRME partiellement le jugement rendu le 8 février 2018 par le tribunal d’instance de Poissy,

Et statuant à nouveau,

CONDAMNE la SCI Saint-Vincent à procéder à l’élagage des arbres, arbrisseaux et arbustes listés par l’expert (n° 100, 101, 102, 104, 105, 106, 107 à 127, 128 à 129, 135 à 137, 138 à 163 qui avancent sur le fond de Mme Y dans un délai de deux mois à compter de la signification du présent arrêt, et sous astreinte de 15 euros par jour de retard,

CONFIRME pour le surplus le jugement rendu le 8 février 2018 par le tribunal d’instance de Poissy,

Et, y ajoutant,

DÉBOUTE la SCI Saint-Vincent de sa demande d’expertise judiciaire,

DÉBOUTE la SCI Saint-Vincent et Mme Y de leurs demandes respectives au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

LAISSE à chaque partie la charge de ses dépens d’appel,

— prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

— signé par Monsieur Alain PALAU, président, et par Madame Natacha BOURGUEIL, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Président,

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