Cour d'appel de Versailles, 3e chambre, 21 octobre 2021, n° 20/05842

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 3e ch., 21 oct. 2021, n° 20/05842
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro(s) : 20/05842
Décision précédente : Tribunal judiciaire de Nanterre, 15 octobre 2020, N° 17/06025
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Texte intégral

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 64A

3e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 21 OCTOBRE 2021

N° RG 20/05842

— N° Portalis DBV3-V-B7E-UFMZ

AFFAIRE :

(SAT) La SOCIETE D’AMENAGEMENT DES TERRITOIRES (SAT), anciennement dénommée SOCIETE D’EQUIPEMENT DE NIMES METROPOLE (SENIM)

C/

S.A. ENGIE (anciennement dénommée GDF SUEZ), venant aux droits de GAZ de France,

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 16 Octobre 2020 par le TJ de NANTERRE

N° Chambre : 6

N° RG : 17/06025

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Claude DUVERNOY

Me Martine DUPUIS

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT ET UN OCTOBRE DEUX MILLE VINGT ET UN,

La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

SA SOCIETE D’AMENAGEMENT DES TERRITOIRES (SAT), anciennement dénommée SOCIETE D’EQUIPEMENT DE NIMES METROPOLE (SENIM)

N° SIRET : 338 571 904

[…]

[…]

Représentant : Me Claude DUVERNOY de l’AARPI DROITFIL, Postulant, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 49 – Représentant : Me Sébastien BOURILLON de la SELARL URBAN CONSEIL, Plaidant, avocat au barreau de LYON, vestiaire : 2419

APPELANTE

****************

S.A. ENGIE (anciennement dénommée GDF SUEZ), venant aux droits de GAZ DE France,

N° SIRET : 542 107 651

[…]

[…]

Représentant : Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 – N° du dossier 2064712 -

Représentant : Me Carine LE ROY GLEIZES de l’AARPI FOLEY HOAG, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B1190 – Représentant : Me Corentin CHEVALLIER de l’AARPI FOLEY HOAG, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 01 Juillet 2021 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Marie José BOU, président et Madame Caroline DERNIAUX, Conseiller chargé du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Marie-José BOU, Président,

Madame Françoise BAZET, Conseiller,

Madame Caroline DERNIAUX, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Claudine AUBERT,

FAITS ET PROCÉDURE

Une usine à gaz a été exploitée entre 1838 et 1973 par la Compagnie des trois villes du Midi, puis par Gaz de France, au sud de la gare centrale de Nîmes.

Le terrain a ensuite été cédé à la ville de Nîmes et à la Société d’équipement de la ville de Nîmes (la SENIM), aux droits de laquelle se trouve la Société d’aménagement des territoires (la SAT) en vue de la création d’une zone d’activité commerciale.

Au vu de différentes expertises, le préfet du Gard a enjoint le 27 mars 2000 à la ville de Nîmes, représentée par la SENIM, de remettre en état les parcelles 680, 622 et 720 en excavant et en traitant les terres souillées avant toute cession de celles-ci. Le même jour, il a enjoint à Gaz de France de faire de même pour les parcelles 799 et 800. La première décision a été contestée devant les juridictions administratives.

Soutenant que la pollution des sols et de la nappe de la Vistrenque avait été sous-estimée, la mairie de Nîmes a mis en demeure le 2 février 2010 la société GDF-Suez de procéder à l’excavation des terrains pollués dans un délai de deux mois puis a pris diverses mesures d’exécution forcée. Le tribunal administratif de Nîmes a, par jugement du 24 novembre 2011, annulé cette mise en demeure ainsi que l’arrêté municipal prescrivant d’office l’excavation des sols pollués aux frais de GDF-Suez, de même que toutes les mesures d’exécution ordonnées par la mairie. Ce jugement, confirmé en appel le 22 juillet 2014, est désormais définitif.

Parallèlement à cette action, la SAT a obtenu du juge des référés du tribunal de grande instance de Nîmes, par ordonnance du 26 février 2010, la désignation d’un expert aux fins de déterminer la nature et l’étendue des pollutions sur l’îlot 3 de la ZAC de la Gare, ainsi que les travaux de dépollution nécessaires et leurs coûts. Le 19 avril 2012, l’expert, dont l’impartialité avait été contestée par la SAT sans qu’une action aux fins de récusation ne soit engagée, a été autorisé à déposer son rapport en l’état, ce qu’il a fait le 22 novembre suivant.

La SAT a procédé à ses frais à la dépollution des terrains puis a, par acte du 3 août 2012, assigné la société GDF-Suez devant le tribunal de grande instance de Nanterre afin d’obtenir le remboursement du coût de cette opération.

Le juge de la mise en état a, par ordonnance du 23 mai 2014, ordonné un sursis à statuer jusqu’à ce qu’une décision définitive soit rendue par les juridictions administratives saisies de la légalité de l’arrêté préfectoral du 27 mars 2000 précité, portant sur les parcelles 680, 622 et 720.

Par arrêt du 3 février 2017, le Conseil d’Etat a déclaré cet arrêté illégal.

Par jugement du 16 octobre 2020, le tribunal judiciaire de Nanterre a :

— débouté la Société d’aménagement des territoires de l’ensemble de ses demandes,

— condamné la Société d’aménagement des territoires aux dépens ainsi qu’à payer à la société Engie une indemnité de procédure de 8 000 euros,

— dit n’y avoir lieu d’ordonner l’exécution provisoire.

Par acte du 25 novembre 2020, la Société d’aménagement des territoires a interjeté appel de cette décision et, aux termes de conclusions du 17 mai 2021, demande à la cour de :

— réformer dans toutes ses dispositions le jugement entrepris, et statuant à nouveau :

A titre principal :

— condamner la société Engie à verser à la SAT la somme de 3 402 280,78 euros au titre des coûts HT de dépollution assumés par l’appelante sur le site de la ZAC de la Gare à Nîmes, en lieu et place de Gaz de France, dernier exploitant légalement débiteur de l’obligation légale de remise en état au titre de la législation des installations classées pour la protection de l’environnement.

Subsidiairement :

— condamner la société Engie à verser à la SAT la somme de 2 355 711,97 euros au titre des coûts HT de dépollution exposés par l’appelante sur l’îlot 3 aux abords des sondages S11 et S11', ainsi que sur la partie Nord de l’îlot 1A de la ZAC de la Gare.

Très subsidiairement :

— condamner la société Engie à verser à la SAT la somme de 1 242 161,97 euros au titre des seuls travaux d’excavation et de dépollution réalisés aux abords des sondages S11 et S11' sur l’îlot 3 de la ZAC de la Gare.

En toute hypothèse :

— assortir cette condamnation des intérêts légaux à compter du 26 février 2010, avec capitalisation desdits intérêts,

— condamner la société Engie aux entiers dépens de première instance et d’appel, ainsi qu’au paiement d’une somme de 10 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Par dernières écritures du 21 mai 2021, la société Engie demande à la cour de :

À titre principal :

— débouter la SAT de son appel à l’encontre du jugement entrepris,

— le confirmer en toutes ses dispositions.

À titre subsidiaire :

— constater que les parties avaient organisé leurs relations contractuelles s’agissant de la situation environnementale dans le cadre de la mise en 'uvre d’un projet de réaménagement,

— juger qu’en application du principe de non cumul des responsabilités délictuelle et contractuelle, la SAT ne peut fonder ses demandes sur la prétendue responsabilité délictuelle d’Engie,

— juger que la SAT n’est pas fondée à faire valoir qu’il existerait un fait générateur de la prétendue responsabilité délictuelle d’Engie,

— constater que la SAT a délibérément fait obstruction à des opérations d’expertise judiciaire ordonnées par le tribunal de grande instance de Nîmes contraignant l’expert désigné à déposer son rapport en l’état,

— juger que la SAT ne justifie pas du bien-fondé des préjudices allégués.

En conséquence :

— rejeter l’ensemble des demandes de la SAT à l’encontre d’Engie.

En tout état de cause :

— condamner la SAT au paiement de la somme de 50 000 euros à Engie au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

La cour renvoie aux écritures des parties en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile pour un exposé complet de leur argumentation.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 24 juin 2021.

SUR QUOI

Le tribunal a rappelé que la primauté de la responsabilité contractuelle sur la responsabilité délictuelle interdisait à toute partie à un contrat de se prévaloir, à l’égard de son cocontractant, des règles de la seconde dès lors que les conditions de mise en oeuvre de la première sont réunies, mais que ce principe n’excluait pas que la responsabilité délictuelle du dernier exploitant d’une installation classée soit engagée en cas de non respect de l’obligation de police administrative de remise des lieux en état lui incombant.

Il a indiqué que, toutefois, cette exigence de remise en état ne pouvait être appréciée qu’au regard de l’usage du site, la remise en état pour un usage non prévu excédant les obligations de l’exploitant initial imposées par la réglementation et par le code de l’environnement.

Aucune disposition contractuelle n’ayant été violée, il a précisé que la responsabilité délictuelle de la société Engie ne pouvait être engagée sauf manquement à ses obligations de police administrative.

Le tribunal a observé qu’Engie justifiait avoir fait procéder courant 2000 aux travaux destinés à remettre le site en état pour l’usage convenu. c’est-à-dire un usage tertiaire sans exploitation du sous-sol. Il a précisé que la Socotec et le bureau d’études Dames & Moore avaient au surplus estimé en 1998 et en 1999 que le site présentait des risques acceptables pour un tel usage, de sorte qu’ils n’avaient pas proposé de travaux complémentaires. Il a ajouté qu’Engie avait, en outre, procédé aux analyses qui lui avaient été demandées en 2007 portant sur la pollution de la nappe, lesquelles ont fait apparaître une légère anomalie ne pouvant être en totalité imputée à l’ancienne usine à gaz, mais pouvant également découler de l’exploitation de la gare routière. Il a rappelé que les études réalisées par le bureau HPC Envirotec et par ICF Environnement en 2007 et 2010 soulignaient l’existence d’un risque de pollution de cette nappe phréatique en cas de travaux d’aménagement de sous-sols pour la création d’un parking non prévue à l’acte.

Or, les premiers juges ont constaté que la SAT avait décidé d’implanter des commerces, des bureaux ainsi que deux niveaux de sous-sol, non envisagés initialement et qu’il en résultait qu’elle ne pouvait se prévaloir des dispositions de l’article 1382 du code civil pour obtenir paiement des travaux de dépollution du site rendus nécessaires par sa volonté unilatérale de modifier l’usage pour lequel celui-ci avait été vendu.

La SAT fait valoir :

— d’une part que les premiers juges n’ont pas convenablement analysé l’étendue de la remise en état prescrite par le préfet du Gard,

— d’autre part, que si le programme de construction finalement réalisé sur le site a effectivement évolué par rapport au projet d’origine, cela n’avait cependant aucune incidence sur les travaux de dépollution à mener en application des prescriptions préfectorales.

Elle soutient que l’obligation de remise en état prescrite par le préfet au terme des deux arrêtés préfectoraux du 25 mars 2000 impliquait spécifiquement :

— pour la partie ouest du site (propriété de la ville à l’époque), l’excavation et le traitement des terres polluées, au nord (aux abords du parking souterrain projeté) ainsi que dans l’emprise de l’ancienne gare routière (aux abords des sondages S11 et S11'),

— pour la partie est du site (propriété de Gaz de France à l’époque), un traitement des terres

superficielles 'dans la couche au-dessus de l’argile’ , à proximité des sondages S18 et S20,

mais également de manière générale, conformément aux articles 1 de chacun des arrêtés, une obligation générale de remise en état 'de façon qu’il ne s’y manifeste aucun des dangers ou inconvénients mentionnés à l’article 1er de la loi du 19 juillet 1975 susvisée.', et que c’est à tort que le tribunal a considéré que les rapports Socotec et Dames & Moore avaient antérieurement relevé que le site présentait des risques acceptables pour un usage tertiaire sans proposer de travaux complémentaires.

La SAT indique qu’il est parfaitement exact que sur cet îlot (dit îlot 3) elle a finalement décidé de réaliser d’autres constructions que celles initialement prévues. Toutefois et contrairement à ce qu’a jugé le tribunal, les travaux de dépollution n’ont pas directement été rendus nécessaires par cette modification d’usage, puisque la dépollution des sols pollués à proximité des sondages S11' et S11 avait d’ores et déjà été prescrite par l’arrêté préfectoral n° 00.048.

Elle observe enfin que c’est également à tort que les premiers juges ont estimé que la société Engie justifiait avoir fait procéder courant 2000 aux travaux destinés à remettre le site en état pour l’usage convenu, c’est-à-dire un usage tertiaire sans exploitation du sous-sol. Elle fait valoir d’une part en effet, que la remise en état de la partie ouest de la ZAC de la Gare a été réalisée par les seuls soins de la SAT, qui s’est acquittée à ce titre de l’obligation légale de remise en état pesant normalement – ainsi qu’en a jugé le Conseil d’État – sur le seul dernier exploitant, en l’occurrence Gaz de France.

Elle indique que GDF Suez n’a donc fait procéder à aucune dépollution sur la partie ouest de la ZAC de la Gare, puisqu’à l’époque le préfet du Gard a illégalement mis cette dépollution à la charge de la ville de Nîmes par son arrêté 00.048.

Elle rappelle, en tout état de cause, que conformément au protocole souscrit entre Gaz de France et l’Etat le 25 avril 1996, il appartenait à chaque inspection des installations classées de proposer aux préfets concernés des prescriptions de remise en état tenant compte de l’usage prévu par l’acquéreur, après concertation avec Gaz de France et que, par suite, et contrairement à ce qu’a pu indiquer GDF Suez en première instance, les obligations légales de remise en état du site n’étaient pas limitées à celles permettant un usage industriel du site, mais devaient effectivement permettre la réalisation du projet d’aménagement de la ZAC de la Gare, sur lequel les parties s’étaient accordées.

Elle ajoute qu’à supposer d’ailleurs que ce protocole fixât une étendue contractuelle de dépollution supérieure aux exigences légales, la SAT n’en resterait pas moins fondée à invoquer, en sa qualité de tiers au contrat et toujours sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement de GDF Suez aux engagements contractuels souscrits avec l’Etat. Elle en conclut que la faute délictuelle de GDF Suez, qui n’a pas satisfait à son obligation légale de remise en état, apparaît dès lors pleinement constituée.

La société Engie soutient à titre principal que pour les installations ayant cessé leur activité avant le 1er octobre 2005, l’article R 512-36 alors applicable prévoyait que l’ancien exploitant n’était tenu à ce que l’état de son site ne porte pas atteinte aux intérêts protégés par le code de l’environnement que pour un type d’usage correspondant à la dernière période d’exploitation de l’installation, soit en

l’espèce un usage industriel. Ainsi, elle fait valoir que l’arrêté du préfet du Gard n°48 déclaré illégal par le Conseil d’Etat avait été établi, à la demande de l’appelante, en fonction d’un projet d’aménagement qui ne ressortait pas des obligations légales de remise en état du dernier exploitant, alors applicables, et que l’appelante a fait très substantiellement évoluer ultérieurement, de sorte que ses prescriptions de fond sont, en tout état de cause, devenues caduques.

***

Le tribunal a rappelé que les rapports entre les parties, portant sur l’acquisition et la réhabilitation des parcelles litigieuses, sont régies par les conventions conclues par elles, lesquelles prévoyaient en particulier que si l’acquéreur modifiait l’usage pour lequel le terrain lui avait été vendu, conforme au plan d’aménagement de zone, ou procédait à des excavations, il en supporterait seul toute la responsabilité. L’acte de vente signé en 2001 rappelle ainsi que sur le terrain était édifiée une usine à gaz, de sorte que le sous-sol a reçu des polluants tels que du goudron et des matières épurantes, que l’acquéreur souhaite y réaliser une zone d’aménagement concerté (ZAC) et que par décision préfectorale, le site ne peut accueillir d’établissements d’enseignement, crèche, garderie, parc de jeux, établissements de soins, sous-sol, ni parking souterrain. Il est enfin mentionné que ces dispositions constituent pour le vendeur des conditions déterminantes de son engagement sans lesquelles il n’aurait pas contracté. L’acte de vente du 27 avril 2001 prévoyait aussi que 'si au cours des travaux d’aménagement, des sols pollués venaient à être découverts dans le sous-sol, l’acquéreur prendra à sa charge leur caractérisation et leur devenir, sans pour cela être fondé d’une quelconque manière que ce soit, à réclamer une quelconque indemnité au vendeur'.

Aucune critique n’est formée contre le jugement en ce qu’il a indiqué que le principe de non cumul de la responsabilité contractuelle et de la responsabilité délictuelle n’excluait pas que la responsabilité délictuelle du dernier exploitant d’une installation classée soit engagée en cas de non respect de l’obligation de police administrative de remise des lieux en état lui incombant.

Il est ainsi acquis aux débats que la SAT recherche la responsabilité délictuelle d’Engie.

Il convient de citer le rapport du cabinet Dames & Moore établi le 17 novembre 1999 :

Le triangle de la gare de Nîmes fait l’objet d’une procédure de zone d’aménagement concerté (ZAC), dont le périmètre englobe le site de l’ancienne usine à gaz. L’objet de l’opération est de réaliser :

- un parvis réservé aux piétons,

- un parc de stationnement souterrain de 19 m de profondeur,

- des constructions qui pourront accueillir des bureaux, des commerces, des activités

(salles de spectacles ou de cinéma, institut médico-pédagogique et médico-profcssionnel),

- et des immeubles pour logements collectifs. Le rez de chaussée des ces immeubles sera

vraisemblablement occupé par des bureaux ou commerces.

(…)

Dans le cadre de ce réaménagement, un plan de réhabilitation a été proposé conjointement par la SENIM et Gaz de France à la DRIRE Ie 29 juillct 1999.

Les mesures proposées par Gaz de France et la SENIM sont les suivantes :

Les zones de voiries et de parkings de surface ne feront pas l’objet de traitement de sol compte tenu de leur usage peu sensible. En particulier, la cuve contenant des remblais souillés ne sera pas traitée.

1- Réhabilitation des terrains appartenant à la ville :

• Le parking souterrain : les terres excavées dans l’emprise de l’usine à gaz seront triées. Celles dont les concentrations sont supérieures à 500 mg/kg pour les 16 HAP (seuil olfactif) seront stockées sur un site appartenant à la SENIM en vue d’un traitement (désorption thermique ou biocentre). En dessous de 50 ppm, les terres étant banalisées, elles seront envoyées dans une décharge de classe III ou réutilisées sans précaution particulière. Entre 50 et 500 ppm, les terres seront stockées sur un site tampon en attendant de définir leur devenir en fonction des concentrations moyennes et des volumes réels (décharge de classe I ou II ou réutilisation en remblais sur site).

• La réalisation du parking se fera selon la technique de la paroi moulée qui assure un écran de confinement.

• Les sols pollués situés au sud de la zone à l’intérieur de la gare routière (autour du sondages S11) seront excavés, triés et traités de la même façon que celles du parking.

[…] des parcelles appartenant à Gaz de France:

La réhabilitation à la charge de Gaz de France concerne une partie de l’îlot le plus à l’ouest autour des sondages S18 et S20. Le RAZ prévoit que les futurs bâtiments ne comporteront pas de sous-sol.

Les terres dont les concentrations sont supérieures à 500 p.m. en moyenne pour les 16

HAP dans la couche au-dessus de l’argile (couche où des circulations d’eau peuvent être présentes), seront traitées par désorption thermique ou en biocentre.

Les conclusions de ce rapport sont les suivantes :

Dames & Moore a été mandaté pour la réalisation d’une évaluation détaillée des risques (EDR) pour la santé humaine visant à estimer de façon quantitative le risque résiduel engendré par la présence de sols pollués pour les futurs usagers du site.

Cette EDR a été réalisée en fonction des usages futurs du site établis dans le projet d’aménagement de la zone (PAZ). Ce projet prévoit la réalisation :

- d’un parvis aux piétons,

- d’un parc de stationnement souterrain de 19 m de profondeur,

- de constructions qui pourront accueillir des bureaux, des commerces, des activités

(salles de spectacles ou de cinéma, institut médico-pédagogique et médico-professionnel),

- des logements collectifs.

Les cibles potentielles prises en compte sont ainsi :

- les futurs usagers des voiries,

- les futurs promeneurs des espaces verts,

- les futurs travailleurs (commerçants ou employés de bureaux),

- les futurs résidents,

- les futurs usagers du parking souterrain.

Aucune installation de type école ou crèche ne sera construite sur le site.

Le projet d’aménagement prévoit de couvrir le site d’une dalle de béton ou d’une couche de remblais propres pour les espaces verts. La seule voie d’exposition identifiée est donc l’inhalation de vapeurs, provenant des sols et de la nappe.

Pour chaque zone. les caractéristiques de la source ont été définies de manière réaliste à partir des sondages réalisés lors des investigations dans la zone considérée.

Quelque soit le scénario pris en compte, les risques sont acceptables. De fait, aucun objectif de réhabilitation n’a été proposé. Cette étude a été réalisée sur la base du plan d’aménagement de la zone. Dans le cas où ce dernier serait modifié, une nouvelle étude devrait être initiée.

Deux arrêtés ont été pris par le préfet du Gard le 25 mars 2000, au visa notamment de ce rapport d’évaluation.

L’arrêté 00.048 était rédigé comme suit s’agissant de ses deux premiers articles :

Article 1 : La ville de Nîmes, représentée par la SENIM … est tenue de faire procéder à la remise en état des parcelles n°s HE 660, HE 622 et HE 720 de façon qu’il ne s’y manifeste aucun des dangers ou inconvénients mentionnés à l’article 1er de la loi du 19 juillet 1976 susvisée.

Article 2 : La réhabilitation du site est réalisée conformément aux plans et données techniques contenues dans le rapport d’évaluation détaillée des risques en date du 17 novembre 1999 tant qu’elles ne sont pas contraires aux dispositions du présent arrêté et des règlements en vigueur.

L’arrêté 00.049 était rédigé comme suit s’agissant de ses deux premiers articles :

Article 1 : Gaz de France … est tenue de faire procéder à la remise en état des parcelles n°s HE 799 et HE 800 de façon qu’il ne s’y manifeste aucun des dangers ou inconvénients mentionnés à l’article 1er de la loi du 19 juillet 1976 susvisée.

Article 2 : La réhabilitation du site est réalisée conformément aux plans et données techniques contenues dans le rapport d’évaluation détaillée des risques en date du 17 novembre 1999 tant qu’elles ne sont pas contraires aux dispositions du présent arrêté et des règlements en vigueur.

Dans chacun des arrêtés figurait un article (10-2 dans l’arrêté 048 et 11-2 dans l’arrêté 049) qui prévoyait que partie des parcelles concernées (HE 622 et HE 720 ; HE 799) devrait faire l’objet de la restriction suivante ainsi libellée :'la partie de la parcelle susvisée ne pourra pas accueillir les équipements suivants : établissements d’enseignement, crèches, garderies et parcs de jeux pour enfants, établissements de soins, les bâtiments construits sur la partie de cette parcelle ne comporteront ni sous-sol, ni parking souterrain'.

Ces servitudes n’ont jamais été mises en place puisque, finalement, la SAT a fait réaliser des niveaux en sous-sol sur ces parcelles.

Il est constant qu’Engie a réalisé les travaux prescrits par l’arrêté 049 ainsi qu’il résulte du rapport de fin de travaux (sa pièce n°11).

Ainsi que l’a indiqué le Conseil d’Etat dans sa décision du 3 février 2017 : aux termes de l’article 1er de la loi du 19 juillet 1976 relative aux installations classées pour la protection de l’environnement, dans sa rédaction alors en vigueur : « Sont soumis aux dispositions de la présente loi les usines, ateliers, dépôts, chantiers, et d’une manière générale les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publique, soit pour l’agriculture, soit pour la protection de la nature et de l’environnement, soit pour la conservation des sites et des monuments. (…) » ; que le I de l’article 34-1 du décret du 21 septembre 1977 pris pour l’application de la loi n° 76-663 du 19 juillet 1976 relative aux installations classées pour la protection de l’environnement, dans sa rédaction alors en vigueur, dispose que : " Lorsqu’une installation classée est mise à l’arrêt définitif, son exploitant remet son site dans un état tel qu’il ne s’y manifeste aucun des dangers ou inconvénients mentionnés à l’article 1er de la loi du 19 juillet 1976 susvisée. Le préfet peut à tout moment imposer à l’exploitant les prescriptions relatives à la remise en état du site, par arrêté pris dans les formes prévues à l’article 18 ci-dessus.' ; que l’obligation de remise en état du site imposée par l’article 34-1 du décret est applicable alors même que l’installation a cessé d’être exploitée avant l’entrée en vigueur de la loi du 19 juillet 1976.

Puis le Conseil d’Etat a constaté que la convention conclue entre la SENIM et GDF, pour mener à bien les études et travaux de réhabilitation des parcelles situées dans l’emprise où GDF avait exploité une usine à gaz, ne pouvait avoir pour effet de substituer la SENIM à l’ancien exploitant d’une installation classée pour la protection de l’environnement seul soumis, ainsi qu’il a été dit ci-dessus, à l’obligation légale de remise en état du site sur lequel se trouvait l’installation ; que, par suite, à supposer que son arrêté ait pu être pris dans l’exercice des pouvoirs qu’il tenait de la législation des installations classées (souligné par la cour), le préfet ne pouvait légalement imposer à la SENIM de procéder à la remise en état des parcelles.

Cette décision déclare illégal l’arrêté préfectoral du 27 mars 2000 qui a enjoint à la ville de Nîmes, représentée par la SENIM, de remettre en état les parcelles 680, 622 et 720 en excavant et en traitant les terres souillées, au motif que les décisions prises au titre de la police des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) ne peuvent en aucun cas viser une autre personne que l’exploitant.

Ainsi le préfet ne pouvait faire peser sur une personne autre que l’exploitant des mesures qui s’imposent au titre de la législation des ICPE.

L’arrêt du Conseil d’Etat n’en dit pas plus et ne saurait être interprété comme signifiant que la remise en état ordonnée dans l’arrêté déclaré illégal était fondée à l’égard de GDF, exploitant, ainsi que le soutient l’appelante.

La société Engie fait valoir que les mesures qui font l’objet de l’arrêté déclaré illégal n’auraient pas pu non plus être prises à l’égard de l’exploitant.

La remise en état d’un site après exploitation était, jusqu’à l’intervention de la loi du 30 juillet 2003, du domaine réglementaire : l’article 34-1 du décret du 21 septembre 1977 pris pour l’application de la loi de 1976, aux termes duquel : 'l’exploitant doit remettre le site de l’installation dans un état tel qu’il ne s’y manifeste aucun des dangers ou inconvénients mentionnés à l’article 1er de la loi du 19 juillet 1976".

A la date de l’arrêté en cause, les obligations de remise en état du site résultaient donc de la disposition réglementaire précitée.

La loi dite Bachelot du 30 juillet 2003comportait un volet sur la remise en état créant dans le code de l’environnement un nouvel article L. 512-17 ainsi rédigé :

' Lorsque l’installation est mise à l’arrêt définitif, son exploitant place son site dans un état tel qu’il ne puisse porter atteinte aux intérêts mentionnés à l’article L. 511-1 et qu’il permette un usage futur (souligné par la cour) du site déterminé conjointement avec le maire ou le président de l’établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d’urbanisme et, s’il ne s’agit pas de l’exploitant, le propriétaire du terrain sur lequel est sise l’installation. Les modalités d’application du présent article sont définies par décret en Conseil d’État'.

L’apport essentiel de cet article, outre qu’il donnait une base législative à l’obligation de remise en état, était qu’il y était fait référence au niveau de la remise en état requis. Antérieurement, l’article 34-1 du décret du 21 septembre 1977 ne faisait référence qu’à une obligation de remise du site 'dans un état tel qu’il ne s’y manifeste aucun des dangers ou inconvénients mentionnés à l’article 1er de la loi du 19 juillet 1976" : ce critère, imprécis, ne permettait pas de contraindre un exploitant ayant cessé son activité à remettre son site dans un état autre que celui nécessaire à l’usage de la dernière utilisation (en tout état de cause, le Conseil d’État s’opposait à ce que les préfets imposent des mesures allant au-delà d’une telle remise en état).

La loi du 30 juillet 2003 a, d’une part, haussé au niveau législatif l’obligation de remise en état du site et, d’autre part, introduit la prise en compte de l’usage futur, dans le but d’obliger, dans certaines conditions, l’exploitant à permettre un usage du site différent de celui qui résultait de l’exploitation.

Ainsi, GDF ne pouvait se voir imposer de réaliser des travaux de dépollution qui allaient au-delà des obligations réglementaires alors applicables.

Au surplus, la SAT a ultérieurement décidé de modifier l’aménagement initialement prévu en ajoutant des sous-sols aux ensembles immobiliers. Le cabinet Dames & Moore avait expressément indiqué dans son rapport (page 8) : 'par ailleurs il est prévu que les bâtiments construits ne comportent pas de sous-sols', en sorte que la SAT ne peut sérieusement prétendre que la modification de son projet ne modifiait rien à la dépollution telle qu’initialement prévue.

Elle en est d’autant plus mal fondée à solliciter la prise en charge de travaux de dépollution qui ne pouvaient en aucun cas être mis à la charge de GDF.

Enfin, la SAT invoque la violation par GDF du protocole signé le 25 avril 1996 entre l’Etat et GDF-Suez concernant la gestion des anciennes usines à gaz.

Pour planifier ses interventions sur ces sites , le 25 avril 1996, GDF a signé avec le ministère en charge de l’environnement un protocole d’une durée de 10 ans.

Durant ces 10 années, après avoir hiérarchisé les sites en fonction de leurs impacts potentiels sur l’environnement, méthode ayant abouti à l’établissement de 5 classes de priorité (la classe 1 correspondant aux sites les plus sensibles), GDF a procédé à diverses mesures d’investigations et de travaux sur ces sites.

Il est important de rappeler que le protocole est le résultat d’une démarche de la société GDF et que, contrairement aux affirmations de la SAT, il ne fixe pas une 'étendue contractuelle de dépollution supérieure aux exigences légales'. En effet, il prévoit uniquement, pour les sites en classe 3 comme en l’espèce, la réalisation d’un diagnostic et, avant cession, que GDF définisse des conditions de réhabilitation en accord avec les services de l’inspection des installations classées, adaptées à la classe de sensibilité du site et à sa destination future.

C’est bien ce qu’a fait GDF en l’espèce, mais en aucun cas le protocole n’indiquait que GDF devait supporter les coûts du changement d’usage du site.

L’Etat n’a jamais d’ailleurs reproché à GDF d’avoir commis un quelconque manquement à ce

protocole, étant ajouté que celui-ci ne prévoyait aucune sanction si GDF ne réalisait pas les études et travaux qu’il visait.

La SAT est donc mal fondée à invoquer une violation dudit protocole au soutien de ses prétentions.

Le jugement sera ainsi confirmé en toutes ses dispositions.

La SAT sera condamnée aux dépens d’appel et versera à Engie la somme de 8 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant contradictoirement ;

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

Ajoutant :

Condamne la Société d’aménagement des territoires à payer à la société Engie la somme de 8 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Condamne la Société d’aménagement des territoires aux dépens d’appel.

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été

préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de

procédure civile.

— signé par Madame Marie-José BOU, Président et par Madame AUBERT, Greffier, auquel la

minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,

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Cour d'appel de Versailles, 3e chambre, 21 octobre 2021, n° 20/05842