Cour d'appel de Versailles, 12e chambre, 14 avril 2022, n° 20/05440

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Chronologie de l’affaire

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Laurent Garcia · Actualités du Droit · 4 mai 2022
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Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 12e ch., 14 avr. 2022, n° 20/05440
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro(s) : 20/05440
Décision précédente : Tribunal de commerce de Nanterre, 23 septembre 2020, N° 2018F01575
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES


Code nac : 55B

12e chambre

ARRET N°


CONTRADICTOIRE


DU 14 AVRIL 2022


N° RG 20/05440 – N° Portalis DBV3-V-B7E-UEMP


AFFAIRE :

S.A.S. DPD FRANCE


C/

SA TOKIO Z EUROPE

SAS CORDON ELECTRONICS


Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 24 Septembre 2020 par le Tribunal de Commerce de Nanterre


N° Chambre : 3


N° RG : 2018F01575


Expéditions exécutoires


Expéditions


Copies

délivrées le :

à :


Me Katell FERCHAUX- LALLEMENT


Me Christophe DEBRAY

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


LE QUATORZE AVRIL DEUX MILLE VINGT DEUX,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

S.A.S. DPD FRANCE


Inscrite au RCS de Nanterre sous le n° 444 420 830

[…]

[…]

Représentant : Me Katell FERCHAUX-LALLEMENT de la SELARL LM AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 629 – N° du dossier 20200299

Représentant : Me Carole LAWSON de l’ASSOCIATION LE BERRE ENGELSEN WITVOET, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R218 – substituée par Me GALATEE PACAULT

APPELANTE

****************

S.A. TOKIO Z EUROPE venant aux droits de la société TOKIO Z A B C


Inscrite au registre du commerce du Luxembourg sous le n° B22975

31/33 rue Sainte-Zithe

[…]


Prise en sa succursale en France, immatriculée au RCS de Paris sous le n° 843 295 221, sis […]

S.A.S. CORDON ELECTRONICS


Inscrite au RCS de Saint Malot sous le […]

[…]

[…]

Représentées par Me Christophe DEBRAY, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627 – N° du dossier 20476

Représentées par Me Nicolas FANGET, Plaidant, avocat au barreau de LYON

INTIMEES

****************

Composition de la cour :


En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 18 Janvier 2022 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur François THOMAS, Président chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur François THOMAS, Président,

Mme Véronique MULLER, Conseiller,

Monsieur X Y, Magistrat honoraire,


Greffier, lors des débats : Monsieur Alexandre GAVACHE,

EXPOSE DU LITIGE


La société Cordon Electronics a confié à la société DPD France (ci-après la société DPD) le transport d’un colis contenant des téléphones mobiles et ayant pour valeur la somme de 21.424,80 € HT.


Le 14 avril 2017, la société DPD a pris en charge le colis.


Le 20 avril 2017, la société DPD a informé la société Cordon Electronics avoir été victime d’une effraction et du vol consécutif de différents colis, dont le colis qu’elle lui avait confié.


A la suite de cet événement, la société Cordon Electronics a été indemnisée par son assureur la société Tokio


Z A B C (ci-après la société Tokio Z) à hauteur de 20.924,80 €.


Le 15 mars 2018, les sociétés Cordon Electronics et Tokio Z ont mis en demeure la société DPD d’avoir

à payer la somme de 21.424,80 euros au titre de la perte de marchandise consécutivement au fait du vol.


Par acte du 17 juillet 2018, les sociétés Tokio Z et Cordon Electronics ont assigné la société DPD devant le tribunal de commerce de Nanterre afin de la voir condamnée à leur payer la somme de 21.424,80 €.


La société Tokio Z Europe est venue aux droits de la société Tokio Z A B C.

Par jugement du 24 septembre 2020, le tribunal de commerce de Nanterre a :


- Dit la société Tokio Z Europe venant aux droits de la société Tokio Z A B C recevable à l’instance, subrogée aux droits de la société DPD France ;


- Dit la société Tokio Z Europe venant aux droits de la société Tokio Z A B C et la société Cordon Electronics recevables, ayant intérêt et qualité à agir ;


- Condamné la société DPD France à payer à :


- La société Tokio Z Europe venant aux droits de la société Tokio Z A B C la somme de 20.924,80 € ;


- La société Cordon Electronics la somme de 500 € ;
ces sommes étant majorées des intérêts au taux légal à compter du 15 mars 2018 ;


- Ordonné la capitalisation des intérêts dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil ;


- Condamné la société DPD France à payer à la société Tokio Z Europe venant aux droits de la société


Tokio Z A B C et la société Cordon Electronics la somme de 1.000 € au titre de l’article

700 du code de procédure civile ;


- Condamné la société DPD France aux dépens.

Par déclaration du 6 novembre 2020, la société DPD a interjeté appel du jugement.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par dernières conclusions notifiées le 28 juin 2021, la société DPD demande à la cour de:


- Infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a dit recevable l’action des sociétés Tokio Z Europe et


Cordon Electronics et retenu une faute inexcusable à l’encontre de la société DPD France, la privant du bénéfice de la limitation d’indemnité ;


Statuant à nouveau,


- Débouter les sociétés Tokio Z Europe et Cordon Electronics de leur action comme étant irrecevable, faute d’intérêt à agir ;


- Subsidiairement, limiter toute indemnité accordée aux sociétés Tokio Z Europe et Cordon Electronics à la seule somme de 690 € en l’absence de faute inexcusable imputable à la société DPD France ;


- Débouter les sociétés Tokio Z Europe et Cordon Electronics de leurs demandes faute de justifier du quantum de celles-ci ;


- Les condamner à payer une indemnité de 5.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Par dernières conclusions notifiées le 26 avril 2021, la société Tokio Z Europe (ci-dessous, la société


TME) venant aux droits de la société Tokio Z A B C et la société Cordon Electronics recevables demandent à la cour de :


- Déclarer la société DPD irrecevable en tout cas mal fondée en son appel et l’en débouter ainsi qu’en

l’ensemble de ses demandes ;


- Confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,


- Condamner la société DPD au paiement de la somme de 5.000 € sur le fondement des dispositions de

l’article 700 du code de procédure civile ;


- Condamner la société DPD aux entiers dépens d’appel.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 18 novembre 2021.


Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit à l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIVATION


Sur la recevabilité de la demande


La société DPD avance que le préjudice des intimées n’est pas établi, que la société Cordon Electronics ne justifie pas qu’elle a intérêt à agir, c’est à dire qu’elle subit un préjudice du fait du vol de la marchandise, faute de démontrer que les téléphones lui appartiennent ou lui ont été remis pour réparation. Elle relève que la compensation faite avec la FNAC n’est pas du même montant que la valeur alléguée des téléphones volés, et que la FNAC n’est pas davantage propriétaire des téléphones portables volés. Elle rappelle que l’assureur de la société Cordon Electronics ne peut avoir plus de droit que son assuré.


Les intimées font état de la subrogation légale de la société TME, qui justifie de la police d’assurance et du paiement, ainsi que de la subrogation conventionnelle au vu de la quittance subrogative émise par la société


Cordon Electronics, laquelle supporte une franchise de 500 euros. Elles ajoutent que la société Cordon


Electronics a bien indemnisé la FNAC, propriétaire des téléphones portables volés.

***


La société Cordon Electronics a, en sa qualité d’expéditrice des téléphones portables volés, qualité à agir contre le transporteur, et peut rechercher l’engagement de sa responsabilité du fait du vol survenu à l’occasion de l’exécution du contrat de transport.


La production d’un avis de paiement montrant que le 26 avril 2017 la société Cordon Electronics a indemnisé la FNAC -société qui lui avait confié les téléphones portables- par voie de compensation à hauteur de

21.506,09 euros, soit une valeur très proche de celle des téléphones portables volés, établit de plus l’intérêt à agir de cette société, puisqu’elle a indemnisé son client de la valeur de ces portables.


L’article L172-29 du code des assurances prévoit que l’assureur qui a payé l’indemnité d’assurance acquiert, à concurrence de son paiement, tous les droits de l’assuré nés des dommages qui ont donné lieu à garantie.


La société Cordon Electronics a dressé le 16 janvier 2018 un acte de subrogation au profit de la société TME reconnaissant avoir reçu de celle-ci la somme de 20.924,80 euros, déduction faite de la franchise de 500 euros, et il est justifié du versement par la société TME de cette somme à la société Cordon Electronics, le 24 janvier

2018.


Aussi, la société TME est bien subrogée dans les droits de la société Cordon Electronics, laquelle est également recevable à agir puisqu’il est resté à sa charge la franchise de 500 euros.


En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu’il a dit les sociétés TME et Cordon Electronics recevables à agir.


Sur la demande principale


Le jugement a retenu que la société DPD s’était révélée défaillante à assurer la sécurité de la marchandise en la laissant à l’extérieur de l’entrepôt, et a retenu la faute délibérée de la société DPD qui ne pouvait ainsi se prévaloir de la limitation de responsabilité. Il a en conséquence condamné la société DPD au paiement de

l’entier préjudice.


La société DPD fait état des limitations d’indemnité contractuelles, et soutient que les conditions d’application de la faute inexcusable ne sont pas réunies, en l’absence de faute délibérée qu’elle aurait commise. Elle ajoute

n’avoir pas été informée de la valeur de la marchandise, que l’entrepôt et l’enceinte dans lequel le colis était entreposé étaient équipé d’un système de vidéo-surveillance et de détection de mouvements. Elle ajoute qu’aucune complicité interne n’est établie, que le vol résulte du manquement par la société de sécurité du respect de ses engagements. Elle souligne que le fait, pour le transporteur, de manquer à son obligation de résultat ne constitue pas une faute inexcusable, laquelle ne peut être retenue contre elle du fait de la défaillance de la société de sécurité.


Les intimées rappellent que le transporteur est tenu d’une obligation de résultat, et voit sa responsabilité engagée du seul fait de l’existence de dommages à la livraison. Elles ajoutent qu’il lui revient d’établir

l’existence de la cause d’exonération, et la relation entre cette cause et le dommage. Elles soulignent que le transporteur ne peut opposer aucune limitation d’indemnisation en cas de faute inexcusable, laquelle s’apprécie in concreto, et qu’en l’espèce les colis n’ont pas été mis dans un lieu sécurisé et qu’il n’y a pas eu d’effraction, les voleurs ayant agi sans être inquiétés malgré les prétendus systèmes de sécurité. Elles soutiennent que la faute inexcusable est établie.

***


L’article L1432-1 du code des transports indique que les dispositions des articles L. 133-1 à L. 133-9 du code de commerce s’appliquent aux contrats de transports routiers, fluviaux et aériens.


L’article L133-1 du code de commerce prévoit notamment que le voiturier est garant de la perte des objets à transporter, hors les cas de la force majeure, et qu’il est garant des avaries autres que celles qui proviennent du vice propre de la chose ou de la force majeure.
Il est constant que, sauf faute inexcusable du transporteur, ce dernier est fondé à solliciter l’application des plafonds de garantie mentionnés notamment au contrat type de transport.


Enfin, l’article L133-8 du même code précise que seule est équipollente au dol la faute inexcusable du voiturier ou du commissionnaire de transport. Est inexcusable la faute délibérée qui implique la conscience de la probabilité du dommage et son acceptation téméraire sans raison valable. Toute clause contraire est réputée non écrite.


En l’espèce, il ressort de la plainte déposée par le représentant de la société DPD que le vol est intervenu dans la matinée du 17 avril 2017, alors que la marchandise se trouvait dans un conteneur posé sur un camion se trouvant dans l’enceinte de la société, laquelle est protégée par un système de vidéo surveillance. Selon ce responsable, le portail d’accès à l’intérieur n’a pas été forcé, et il semblerait qu’un des voleurs ait eu le code

d’accès pour déverrouiller le portail.


Selon le rapport de la société AM diligentée par la société TME, le vol a eu lieu à l’intérieur du site de la société DPD 'malgré le fait que le site soit apparemment équipé d’un système de vidéo surveillance et de détecteurs de mouvement directement reliés à une société de télésurveillance chargée en cas d’intrusion

d’envoyer un rondier…'. Aucune alarme ne s’est déclenchée, ce rapport s’étonnant que le colis ait été stocké à

l’extérieur dans un conteneur ou caisse mobile alors qu’il aurait pu être remisé en entrepôt pour le week-end.


Pour autant, comme l’a relevé ce rapport, le site de la société DPD dans lequel a eu lieu le vol en cause était

l’objet d’un contrat de télésurveillance avec la société Nexecur, et d’un contrat de maintenance de ce dispositif.


Un dispositif de télésurveillance avait été installé le 17 janvier 2017 par cette société Nexecur, et il est aussi établi qu’un dispositif d’alarme avec information possible d’un gardien en cas de déclenchement était en place.


La société DPD soutient par ailleurs qu’elle n’était pas avisée de la valeur de la marchandise, et les intimées ne le contestent pas, de sorte qu’il ne peut lui être reproché de n’avoir pas pris de dispositions particulières.


Dans ces conditions, le fait d’avoir laissé pendant un week-end le colis contenant la marchandise, certes hors de l’entrepôt mais dans un conteneur se trouvant sur un site fermé, objet d’une télésurveillance et dans

l’enceinte duquel l’entrée nécessitait la connaissance d’un code, ne saurait révéler une acceptation téméraire de la probabilité du dommage. Il sera considéré que le parking était normalement sécurisé, même si cette sécurisation s’est révélée

insuffisante en l’espèce.


Si un des voleurs disposait semble-t-il de la connaissance du code d’accès, et que la caisse a été laissée à

l’extérieur de l’entrepôt sans raison pendant la durée du week-end, il n’est toutefois pas possible de retenir une acceptation téméraire du risque de vol dès lors que la marchandise se trouvait dans un conteneur, fermé selon la société DPD, stationné sur un parking normalement sécurisé, entouré de clôtures, ce qui pouvait laisser penser qu’il était à l’abri du vol de sa cargaison.


L’absence d’effraction ne peut prouver la faute inexcusable du transporteur qui pouvait légitimement, s’agissant d’un site fermé et protégé par un système de vidéo-surveillance et contrôle d’accès, penser qu’il était

à l’abri d’un vol ; il ne peut être retenu l’acceptation téméraire du risque dès lors que le conteneur se trouvait dans une enceinte normalement sécurisée qui pouvait laisser penser que son contenu était protégé.


En conséquence, la faute inexcusable ne peut être retenue, et le jugement sera infirmé sur ce point.


S’agissant de l’indemnisation des intimées, la société DPD indique que ses conditions générales prévoient des limitations d’indemnités contractuelles de 23 euros par kilo dans la limite de 690 euros par colis, et qu’en

l’espèce le colis pesait 10,16 kg. Ces dispositions ne sont pas contestées par les intimées, l’appelante se référant aussi à l’article 22 du contrat type, annexe II, article D3222-1 du code des transports.


Aussi, et alors que dans le dispositif de ses conclusions la société DPD tend à 'limiter toute indemnité accordée aux sociétés Tokio Z Europe et Cordon Electronics à la seule somme de 690 € en l’absence de faute inexcusable imputable à la société DPD France', il convient de recevoir cette demande, et de limiter la condamnation de la société DPD à ce montant.


Sur les autres demandes


Les condamnations prononcées au titre des dépens et frais irrépétibles de 1ère instance seront confirmées.


Le jugement étant confirmé en ce qu’il a retenu la responsabilité de la société DPD, elle sera condamnée au paiement des dépens, sans qu’il ne soit fait droit au titre des demandes présentées sur le fondement de l’article

700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel.

PAR CES MOTIFS


La Cour, statuant par arrêt contradictoire,

CONFIRME le jugement sur la recevabilité à agir des sociétés Cordon Electronics et Tokio Z Europe, sur les dépens et frais irrépétibles,

L’INFIRME pour le surplus,

statuant à nouveau,

CONDAMNE la société DPD au paiement aux sociétés Tokio Z Europe et Cordon Electronics de la somme totale de 690 €,

DÉBOUTE les parties de leurs autres demandes,

CONDAMNE la société DPD au paiement des dépens d’appel.


Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.


Signé par Monsieur François THOMAS, Président et par Monsieur Hugo BELLANCOURT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.


Le greffier, Le président,
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Cour d'appel de Versailles, 12e chambre, 14 avril 2022, n° 20/05440