Cour administrative d'appel de Bordeaux, 16 septembre 2013, n° 12BX02725

  • Midi-pyrénées·
  • Pôle emploi·
  • Justice administrative·
  • Retrait·
  • Information erronée·
  • Rémunération·
  • Administration·
  • Faute·
  • Préjudice·
  • Provision

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CAA Bordeaux, 16 sept. 2013, n° 12BX02725
Juridiction : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Numéro : 12BX02725
Décision précédente : Tribunal administratif de Toulouse, 7 octobre 2012, N° 1203860

Texte intégral

COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL

DE BORDEAUX

XXX

________

M. A Y

________

M. Bernard Chemin

Président

________

M. Jean-Louis Joecklé

Rapporteur

________

M. Pierre Bentolila

Rapporteur public

________

Audience du 2 septembre 2013

Lecture du 16 septembre 2013

________

54-03-015

C

République Française

AU NOM DU PEUPLE Français

La Cour administrative d’appel de Bordeaux

(6e chambre)

Vu la requête enregistrée le 23 octobre 2012, présentée pour M. A Y, demeurant XXX à XXX, par Me Alves ;

M. Y demande à la cour :

1°) d’annuler l’ordonnance n° 1203860 du 8 octobre 2012 du juge des référés du tribunal administratif de Toulouse qui a rejeté sa demande tendant à la condamnation de Pôle Emploi Midi-Pyrénées à lui verser, à titre provisionnel, une somme de 4 346,84 euros à valoir sur la réparation du préjudice économique qu’il a subi du fait de la faute commise par les services de Pôle Emploi dans le calcul de la Rémunération Formation Pôle Emploi (RFPE) lui étant due ;

2°) de condamner Pôle Emploi Midi-Pyrénées à lui verser une provision de 4 346,84 euros à valoir sur la réparation de son préjudice économique et une provision d’un euro au titre de son préjudice moral ;

3°) de mettre à la charge de Pôle Emploi Midi-Pyrénées une somme de 1 794 euros au titre de l’article L. 761-1 code de justice administrative ;

Il soutient que :

— sa créance à l’encontre de Pôle Emploi Midi-Pyrénées n’est pas sérieusement contestable, dès lors que son directeur ne pouvait légalement retirer la décision du 13 avril 2012 l’admettant au bénéfice de la RFPE après l’expiration du délai de quatre mois qui lui était imparti pour retirer une décision créatrice de droits, même illégale ; l’administration n’a pas justifié avoir notifié la décision de retrait du 10 août 2012 dans ce délai ;

— la décision de retrait est entachée du vice d’incompétence de son signataire ;

— la décision de retrait méconnaît le principe du contradictoire et les droits de la défense, en violation des dispositions de l’article 24 de la loi du 12 avril 2000 ;

— subsidiairement, sa créance à l’encontre de Pôle Emploi Midi-Pyrénées n’est pas sérieusement contestable, dès lors que Pôle Emploi a commis une faute en lui donnant des informations erronées sur la rémunération à laquelle il pouvait prétendre durant sa formation ;

— le comportement fautif de l’administration justifie l’allocation d’un euro en réparation de son préjudice moral ;

Vu l’ordonnance attaquée ;

Vu le mémoire en défense enregistré le 27 février 2013, présenté pour Pôle Emploi Midi-Pyrénées par la Scp d’avocats Recoules & associés, qui conclut au rejet de la requête et à ce qu’une somme de 1 794 euros soit mise à la charge de M. Y au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Pôle Emploi Midi-Pyrénées fait valoir que :

— la créance dont se prévaut M. Y se heurte à une contestation sérieuse ; en effet, le requérant n’établit pas que la décision de retrait de la décision du 13 avril 2012 ne serait pas intervenue dans le délai de quatre mois à compter de son intervention ;

— la décision de retrait litigieuse n’a pas été prise par une autorité incompétente ; elle a été signée pour le directeur de Pôle Emploi Midi-Pyrénées par Mme X, laquelle bénéficie d’une délégation de signature consentie par une décision du 4 juillet 2012 ;

— la décision de retrait litigieuse ne méconnaît pas l’article 24 de la loi du 12 avril 2000, dès lors qu’elle a été précédée d’échanges de courriels ;

— elle ne fait pas grief au requérant ;

— aucune faute n’a été commise dès lors que M. Y ne pouvait ignorer que la rémunération ne lui serait versée que pendant les jours effectifs de formation ; il avait été informé que le montant de 652,02 euros mensuel s’entendait pour une formation à temps complet et non pas pour une formation discontinue ;

— M. Y n’a subi aucun préjudice, le versement de la Rémunération Formation Pôle Emploi n’ayant pas d’incidence sur la possibilité de bénéficier ou non de l’allocation de solidarité spécifique dont il soutient avoir été privé ;

Vu le mémoire complémentaire enregistré le 20 mars 2013, présenté pour M. Y tendant aux mêmes fins que la requête ;

Il soutient en outre que :

— Pôle emploi ne justifie pas de la date de notification de la décision de retrait du 13 avril 2012 ;

— la décision du 10 août 2012 ne permet pas d’identifier son signataire, contrairement aux exigences de l’article 4 de la loi du 12 avril 2000 ; si Pôle emploi soutient que la signature serait celle de Mme Z, responsable « appui production », la décision du 4 juillet 2012 n’attribue aucune délégation pour procéder au retrait d’une décision créatrice de droits ;

— Pôle emploi n’a jamais suscité ses observations écrites préalablement au retrait de la décision du 13 avril 2012 ;

— le formulaire dont se prévaut Pôle emploi ne comporte aucune mention sur les modalités d’accomplissement de la formation si bien qu’il ne pouvait deviner qu’il ne percevrait qu’une partie du barème mensuel mentionné ;

— s’agissant de son préjudice, il a perdu le revenu de solidarité active du mois de mai au mois d’août 2012, soit la somme de 1 671,76 euros et a été contraint de souscrire un crédit de 5 000 euros au mois d’octobre 2012 ; son préjudice s’élève donc à 6 671, 76 euros ; il ne saurait cependant être imputable à la faute de Pôle emploi au-delà des sommes que celui-ci s’était engagé à lui verser, soit 4 346, 84 euros ;

Vu la lettre du 13 août 2013 informant les parties de ce que la cour est susceptible de relever d’office un moyen d’ordre public en application de l’article R. 611-7 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 2 septembre 2013:

— le rapport de M. Joecklé, président-assesseur ;

— les conclusions de M. Bentolila, rapporteur public ;

1. Considérant que M. Y, demandeur d’emploi, a déposé le 23 mars 2012 un dossier d’inscription à une formation de programmation neurolinguistique devant se dérouler du 23 avril au 21 octobre 2012 auprès de Pôle Emploi Midi-Pyrénées ; que par deux décisions datées du 13 avril 2012, son inscription à cette formation a été acceptée et sa demande d’admission au bénéfice de la Rémunération Formation Pôle Emploi (RFPE) accordée pour un montant mensuel de 652,02 euros ; que cependant, par un courrier du 26 juillet 2012, le directeur de Pôle Emploi Midi-Pyrénées a indiqué à M. Y que l’information sur sa rémunération était erronée dans la mesure où ladite formation se décompose en trois modules et où, en application de l’instruction PE n° 2009-305 du 8 décembre 2009, le stagiaire est réinscrit dans sa catégorie d’origine de la liste des demandeurs d’emploi et retrouve, le cas échéant, le bénéfice de ses allocations, lorsque l’interruption entre chaque module de formation est, comme en l’espèce, supérieure à 15 jours ; que par une décision du 10 août 2012, le directeur de Pôle Emploi Midi-Pyrénées a prononcé le retrait partiel de la décision du 13 avril 2012 en tant qu’elle avait communiqué à l’intéressé une information erronée quant au montant de la rémunération durant la formation ; que par une ordonnance du 8 octobre 2012, le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse, après avoir retenu que l’administration avait commis une faute en fournissant à M. Y une information erronée sur la rémunération qu’il devait percevoir pendant sa formation, a rejeté la demande de provision présentée par ce dernier, en l’absence de préjudice en lien avec la faute commise ; que M. Y relève appel de cette ordonnance ;

Sur la demande de provision :

2. Considérant qu’aux termes de l’article R. 541-1 du code de justice administrative : « Le juge des référés peut, même en l’absence d’une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l’a saisi lorsque l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable. (…) » ;

3. Considérant qu’il n’est pas contesté qu’en informant M. Y que la rémunération, qui devait lui être versée durant la période de formation allant du 23 avril au 21 octobre 2012, s’élèverait à 652,02 euros sur une base mensuelle, alors que la formation, se déroulant en trois modules du 23 avril au 27 avril 2012, du 11 juin au 15 juin 2012, puis du 20 au 21 octobre 2012, ne pouvait que donner lieu à une rémunération proratisée en fonction du nombre de jours effectifs de formation, l’administration a induit l’intéressé en erreur sur le calcul de la rémunération qu’il devait percevoir durant son stage ; que si, en fournissant des informations erronées à M. Y, Pôle Emploi Midi-Pyrénées a commis une faute de nature à engager sa responsabilité, ainsi que l’a estimé à bon droit le juge des référés de première instance, M. Y ne saurait soutenir qu’il détient à l’encontre de Pôle Emploi Midi-Pyrénées une créance non sérieusement contestable résultant de cette faute que si elle est en lien direct et certain avec la faute commise ; que M. Y, qui allègue que cette erreur l’a privé d’une chance de bénéficier des allocations sociales auxquelles il aurait pu prétendre, telles que le revenu de solidarité active, ne démontre nullement que la faute résultant pour Pôle Emploi Midi-Pyrénées d’avoir fourni des informations erronées est à l’origine d’un préjudice dont il serait en droit d’obtenir réparation ;

4. Considérant qu’une décision administrative accordant un avantage financier crée des droits au profit de son bénéficiaire alors même que l’administration avait l’obligation de refuser cet avantage ; qu’en conséquence, et sous réserve de dispositions législatives ou réglementaires contraires et hors le cas où il est satisfait à une demande du bénéficiaire, l’administration ne peut retirer une décision individuelle explicite créatrice de droits, si elle est illégale, que dans le délai de quatre mois suivant l’intervention de sa décision ; qu’il résulte de l’instruction que Pôle Emploi Midi-Pyrénées a prononcé le 10 août 2012 le retrait partiel de sa décision du 13 avril 2012 admettant M. Y au bénéfice de la RFPE, soit avant l’expiration du délai de quatre mois dont l’administration disposait à ce titre ; que la circonstance, à la supposer même établie, que cette décision de retrait ait été notifiée au requérant postérieurement au 13 août 2012 est sans incidence sur sa légalité ;

5. Considérant qu’aux termes du second alinéa de l’article 4 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations : « Toute décision prise par l’une des autorités administratives mentionnées à l’article 1er comporte, outre la signature de son auteur la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci. » ; que si la décision contestée du 10 août 2012 est revêtue d’une signature pour ordre du directeur de Pôle emploi Midi-Pyrénées, elle ne mentionne pas le prénom et le nom du signataire ; que, toutefois, le lien de causalité entre cette irrégularité formelle et le préjudice dont se prévaut M. Y n’est pas établi ;

6. Considérant que le retrait partiel de la décision admettant M. Y au bénéfice de la RFPE constitue une faculté et non pas une obligation, dès lors que Pôle Emploi Midi-Pyrénées n’est pas saisi d’une demande en ce sens ; qu’une telle décision, qui figure, par ailleurs, au nombre de celles qui doivent être motivées en application de l’article 1er de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs, rentre dans le champ d’application de l’article 24 de la loi du 12 avril 2000 ; qu’ainsi qu’il a été dit ci-dessus, Pôle Emploi Midi-Pyrénées, qui n’était pas en situation de compétence liée pour procéder à ce retrait, n’a fait précéder sa décision d’aucune procédure contradictoire ; que, toutefois, le requérant ne précise pas en quoi cette irrégularité serait à l’origine du préjudice dont il se plaint ; que, dans ces conditions, M. Y ne démontre pas que l’obligation dont il se prévaut présenterait le caractère exigé par les dispositions précitées de l’article R. 541-1 du code de justice administrative ni au regard de son droit à rémunération ni au regard de la responsabilité pour faute de Pôle Emploi Midi-Pyrénées ;

7. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que M. Y n’est pas fondé à se plaindre de ce que, par l’ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande de provision ;

Sur l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce soit mise à la charge de Pôle Emploi Midi-Pyrénées, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. Y demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l’espèce, il n’y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par Pôle Emploi Midi-Pyrénées sur le même fondement ;

décide

Article 1er : La requête de M. Y est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de Pôle Emploi Midi-Pyrénées présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la M. A Y et à Pôle Emploi Midi-Pyrénées.

Délibéré après l’audience du 2 septembre 2013 à laquelle siégeaient :

M. Bernard Chemin, président,

M. Jean-Louis Joecklé, président-assesseur,

M. Jean-Emmanuel Richard, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 16 septembre 2013.

Le rapporteur, Le président,

Jean-Louis Joecklé Bernard Chemin

Le greffier,

André Gauchon

La République mande et ordonne au ministre du travail et de l’emploi, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution du présent arrêt.

Pour expédition certifiée conforme.

Le greffier,

André Gauchon

Extraits similaires
highlight
Extraits similaires
Extraits les plus copiés
Extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour administrative d'appel de Bordeaux, 16 septembre 2013, n° 12BX02725