Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6 juin 2013, n° 12BX00203

  • Impôt·
  • Administration·
  • Vérificateur·
  • Pénalité·
  • Contribuable·
  • Vérification de comptabilité·
  • Imposition·
  • Recette·
  • Revenu·
  • Immeuble

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CAA Bordeaux, 6 juin 2013, n° 12BX00203
Juridiction : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Numéro : 12BX00203
Décision précédente : Tribunal administratif de Toulouse, 18 janvier 2012, N° 0801046

Texte intégral

COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL

DE BORDEAUX

N° 12BX00203

__________

M. Y X

__________

Mme Michèle Richer

Président

__________

Mme Frédérique Munoz-Pauziès

Rapporteur

__________

M. Nicolas Normand

Rapporteur public

__________

Séance du 25 avril 2013

Lecture du 6 juin 2013

__________

19-04-02-02-01

C

MCC

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

La Cour administrative d’appel de Bordeaux

(4e chambre)

Vu la requête, enregistrée le 27 janvier 2012, présentée pour M. Y X, demeurant XXX à Grenade-sur-Garonne (31330), par Me Lacombe ;

M. X demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement n° 0801046 du 19 janvier 2012 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de contributions sociales mises à sa charge au titre de l’année 2002 ;

2°) de lui accorder la décharge des impositions contestées ;

3°) de mettre à la charge de l’État une somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

— le vérificateur a obtenu le rapport d’expertise que détenait la société Cabrol assurances, non par l’exercice de son droit de communication, mais d’une façon manifestement déloyale, dès lors qu’il a dissimulé son identité et s’est fait passer au téléphone pour un courtier en assurances ; c’est bien l’examen de ce document qui a motivé la proposition de rectification, en dépit des affirmations de l’administration selon lesquelles les redressements litigieux découleraient du contrôle de la SARL Caldea ;

— l’article L. 76 B du livre des procédures fiscales, qui oblige l’administration à informer le contribuable de la teneur et de l’origine des renseignements obtenus auprès de tiers a été méconnu, dès lors que la proposition de rectification affirme que le document a été obtenu dans l’exercice du droit de communication ;

— il y a vérification de comptabilité déguisée de la SCI du Parvis, dès lors que les documents obtenus irrégulièrement dans le cadre de la vérification de la SARL Caldea ont été utilisés pour redresser la SCI du Parvis puis ses associés, et ce sans qu’aucun avis de contrôle ne leur ait été adressé en violation de l’article L. 47 du livre des procédures fiscales :

— la proposition de rectification du 12 décembre 2005 est insuffisamment motivée et ne permet pas d’identifier les travaux dont la déductibilité est contestée par le vérificateur ;

— les redressements relatifs aux revenus fonciers de la SCI du Parvis sont mal fondés, dès lors que l’indemnité est venue réparer des dégâts portant sur les structures essentielles du bâtiment et des travaux indissociables, c’est-à-dire des dépenses non déductibles en vertu de l’article 29 du code général des impôts ; l’indemnité couvre la reconstruction d’un mur, pour partie de la charpente et son remplacement pour une autre partie, le remplacement de toutes les portes, la réfection des structures d’une salle à usage de bar, la réfection des plafonds et faux plafonds, la réfection de tous les sols, des peintures et de l’ensemble des installations électriques ;

— les pénalités ne sont pas motivées dès lors que leur montant est globalisé, et l’intention d’éluder l’impôt n’est pas établie ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 27 juillet 2012, présenté par le ministre de l’économie et des finances qui conclut au rejet de la requête et fait valoir que :

S’agissant de la régularité de la procédure,

— M. X a eu connaissance du rapport d’expertise dès le stade de la proposition de rectification adressée à la SCI ; la circonstance que l’administration a mentionné par erreur que le rapport avait été obtenu suite à l’exercice de son droit de communication est sans influence sur la régularité de la procédure dès lors que le requérant a eu connaissance de l’origine du document avant la mise en recouvrement ; l’information ainsi obtenue a permis de confirmer et non de justifier le redressement litigieux ;

— l’administration n’a pas eu recours à une vérification de comptabilité « innommée » de la SCI du Parvis ; la vérification de la comptabilité de la SARL Caldea ayant fait apparaître le versement d’un chèque de 320 000 euros au bénéfice de la SCI du Parvis, l’administration a procédé à un contrôle sur pièces des déclarations fiscales de la SCI et de M. X en sa qualité d’associé ;

— la proposition de rectification est suffisamment motivée ;

S’agissant du bien-fondé des impositions en litige,

— l’indemnité accordée était destinée à couvrir des travaux d’entretien, de réparation et d’amélioration, sans modification de la structure de l’immeuble, et était donc imposable sur le fondement de l’article 29 du code général des impôts ;

— les pénalités sont justifiées ;

Vu le mémoire, enregistré le 2 août 2012, présenté pour M. X qui conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire, enregistré le 27 mars 2013, présenté par le ministre de l’économie et des finances ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 25 avril 2013 :

— le rapport de Mme Frédérique Munoz-Pauziès, premier conseiller ;

— les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public ;

1. Considérant que M. X est associé de la SCI du Parvis, laquelle est propriétaire d’un immeuble situé à Saint-Jean-de-Thurac qu’elle donne en location à la SARL Caldea pour y exploiter une discothèque ; qu’en mars 2002, un incendie criminel est survenu dans la discothèque ; que lors de la vérification de la comptabilité de la SARL Caldea, le vérificateur a constaté que l’indemnité d’assurance, d’un montant total de 520 000 euros, avait été versée pour partie à la SARL Caldea, à concurrence de 200 000 euros, la SCI du Parvis ayant perçu les 320 000 euros restant afin de l’indemniser des dommages causés à l’immeuble ; que le vérificateur a estimé que cette somme constituait une recette imposable, sur le fondement de l’article 29 du code général des impôts, dès lors qu’elle venait financer des charges déductibles ; qu’après avoir constaté qu’elle n’avait pas été déclarée par la SCI du Parvis, le vérificateur l’a réintégrée aux revenus fonciers de chacun des associés à proportion de leur part dans la SCI du Parvis ; que M. X relève appel du jugement du 19 janvier 2012 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de contributions sociales mises à sa charge au titre de l’année 2002 ;

Sur la régularité de la procédure d’imposition :

2. Considérant, en premier lieu, que l’administration procède à la vérification de comptabilité d’une entreprise ou d’un membre d’une profession non commerciale lorsqu’en vue d’assurer l’établissement d’impôts ou de taxes totalement ou partiellement éludés par les intéressés, elle contrôle sur place la sincérité des déclarations fiscales souscrites par cette entreprise ou ce contribuable en les comparant avec les écritures comptables ou les pièces justificatives dont elle prend alors connaissance et dont, le cas échéant, elle peut remettre en cause l’exactitude ; qu’il est constant que l’administration n’a pas contrôlé la sincérité des déclarations fiscales souscrites par la SCI du Parvis avec ses écritures comptables ou pièces justificatives, mais s’est bornée, lors de la vérification de comptabilité de la SARL Caldea, à constater que cette dernière avait perçu une partie de l’indemnité versée suite au sinistre par la société Cabrol assurances, l’autre partie ayant été versée à sa propriétaire la SCI du Parvis, et à demander à la société Cabrol assurances la communication de son rapport sur les dégâts causés par l’incendie ; que, par suite, le moyen tiré par le requérant de ce que la SCI du Parvis aurait fait l’objet d’une vérification de comptabilité sans bénéficier des garanties prévues par le livre des procédures fiscales doit être écarté ;

3. Considérant, en deuxième lieu, que l’administration ne peut, en principe, fonder le redressement des bases d’imposition d’un contribuable sur des renseignements et des documents qu’elle a obtenus de tiers sans l’avoir informé, avant la mise en recouvrement, de la teneur et de l’origine de ces renseignements ;

4. Considérant, d’une part, que M. X ne conteste pas que la proposition de rectification adressée le 27 octobre 2005 à la SCI du Parvis précisait la teneur des renseignements obtenus auprès de la société Cabrol assurances, mais soutient uniquement que cette proposition de rectification précisait à tort que ces renseignements avaient été obtenus dans le cadre de l’exercice par l’administration de son droit de communication ; que le caractère erroné d’une telle information, qui au demeurant a été rectifiée par l’administration avant la mise en recouvrement des impositions en litige, est sans influence sur la régularité de la procédure d’imposition ;

5. Considérant, d’autre part, que la société Cabrol assurances a transmis par fax, en mentionnant le nom du vérificateur de la SARL Caldea, le rapport sur les dégâts causés à l’immeuble dont la SCI du Parvis est la propriétaire ; que, contrairement à ce que soutient le requérant, il ne résulte pas de l’instruction que celui-ci aurait, pour obtenir ce rapport, dissimulé son identité et sa fonction et manqué à son devoir de loyauté ;

6. Considérant, en troisième lieu, que si M. X soutient que la proposition de rectification du 12 décembre 2005 serait insuffisamment motivée, il ne la produit pas et, par suite, ne met pas la cour en mesure d’apprécier le bien-fondé de ce moyen ;

Sur le bien-fondé de l’imposition :

7. Considérant qu’aux termes de l’article 29 du code général des impôts : « Sous réserve des dispositions des articles 33 ter et 33 quater, le revenu brut des immeubles ou parties d’immeubles donnés en location, est constitué par le montant des recettes brutes perçues par le propriétaire, augmenté du montant des dépenses incombant normalement à ce dernier et mises par les conventions à la charge des locataires et diminué du montant des dépenses supportées par le propriétaire pour le compte des locataires. Les subventions et indemnités destinées à financer des charges déductibles sont comprises dans le revenu brut (…) » ; qu’aux termes de l’article 31 du même code dans sa rédaction applicable au litige ; « I. Les charges de la propriété déductibles pour la détermination du revenu net comprennent : / 1° Pour les propriétés urbaines : / a) Les dépenses de réparation et d’entretien, les frais de gérance et de rémunération des gardes et concierges, effectivement supportés par le propriétaire (…) » ; qu’il résulte de ces dispositions que les indemnités versées par une compagnie d’assurances pour couvrir les charges déductibles du revenu foncier d’un contribuable ont, dans cette mesure, le caractère de recettes foncières de ce dernier ;

8. Considérant qu’il résulte de l’instruction que l’indemnité en cause a pour objet, suite à l’incendie criminel qui a ravagé l’immeuble, de financer des travaux de remise en état des maçonneries et de la toiture, de remplacement des portes endommagées, du faux plafond thermo-acoustique du bar et des toilettes, de réparation des bars, des balustrades, du parquet de la piste de danse, des scènes à l’étage et des zincs, de réfection d’une partie de l’électricité et de la plomberie et de décoration et de signalétique extérieure ; que ces travaux ont eu pour seul effet de remettre l’immeuble en l’état, sans modification de la consistance du gros œuvre et constituaient ainsi des charges déductibles du revenu foncier ; que, par suite, c’est à bon droit que l’administration a estimé que l’indemnité destinée à couvrir de telles charges avait le caractère de recette foncière et devait être imposée comme telle ;

9. Considérant que le requérant ne peut utilement se prévaloir de la doctrine 5D-2214 qui ne comporte pas une interprétation de la loi fiscale distincte de celle dont fait application le présent arrêt ;

Sur les pénalités :

10. Considérant, qu’aux termes de l’article 1729 du code général des impôts dans sa rédaction alors en vigueur : « Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l’indication d’éléments à retenir pour l’assiette ou la liquidation de l’impôt ainsi que la restitution d’une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l’État entraînent l’application d’une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (…) » ; que, pour l’application de ces dispositions, il appartient à l’administration qui entend appliquer les pénalités de mauvaise foi d’établir l’intention du contribuable d’éluder l’impôt ;

11. Considérant qu’en se bornant à faire état de l’importance de la minoration des recettes de la SCI du Parvis, l’administration n’apporte pas la preuve de l’intention du contribuable d’éluder l’impôt ; qu’il y a lieu, dès lors, de prononcer la décharge des pénalités de 40 % ayant assorti les redressements litigieux ;

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit aux conclusions présentées sur ce fondement par le requérant ;

DÉCIDE :

Article 1er : M. X est déchargé des pénalités de mauvaise foi mises à sa charge au titre de l’année 2002.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 19 janvier 2012 est réformé en ce qu’il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. Y X et au ministre de l’économie et des finances

Délibéré après l’audience du 25 avril 2013, à laquelle siégeaient :

— Mme Michèle Richer, président de chambre,

— M. Antoine Bec, président-assesseur,

— Mme Frédérique Munoz-Pauziès, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 6 juin 2013 .

Le rapporteur, Le président,

Frédérique MUNOZ-PAUZIÈS Michèle RICHER

Le greffier,

Isabelle OLLAGNIER

La République mande et ordonne au ministre de l’économie et des finances en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution du présent arrêt.

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Collez ici un lien vers une page Doctrine
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6 juin 2013, n° 12BX00203