CAA de BORDEAUX, 2ème chambre, 23 juin 2020, 18BX00491, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Bordeaux, 2e ch., 23 juin 2020, n° 18BX00491
Juridiction : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Numéro : 18BX00491
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Décision précédente : Tribunal administratif de Bordeaux, 4 décembre 2017, N° 1504878
Dispositif : Rejet
Identifiant Légifrance : CETATEXT000042065471

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le Syndicat des biologistes a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d’annuler l’arrêté du 7 septembre 2015 par lequel le directeur général de l’agence régionale de santé (ARS) Aquitaine a modifié l’autorisation de regroupement de laboratoires d’analyse médicale en un laboratoire multi-sites dénommé « Laboratoire analyses médicales Anabio », d’enjoindre

à l’ARS Aquitaine et à la société d’exercice libéral par actions simplifiée (SELAS) Anabio

de produire les documents actant la répartition du capital social de cette société entre

ses associés, et d’enjoindre au directeur général de l’ARS Aquitaine de mettre en demeure

la SELAS Anabio de mettre un terme à la situation illégale résultant de l’opération de fusion illicite et de se conformer aux dispositions de l’article L. 6223-8 du code de la santé publique

et de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 sous peine de retrait de son autorisation

de fonctionnement, dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement,

sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1504878 du 5 décembre 2017, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 6 février 2018 et des mémoires enregistrés

les 21 février et 11 juin 2019, le syndicat des biologistes, représenté par la SCP Lussan, demande à la cour :

1°) d’annuler ce jugement ;

2°) d’annuler l’arrêté du 7 septembre 2015 du directeur général de l’ARS Aquitaine ;

3°) dans le cadre de ses pouvoirs d’instruction, d’enjoindre à la SELAS Anabio

et au ministre de la santé de produire des documents officiels actant la répartition du capital social de cette société postérieurement à la fusion et à l’intervention de l’arrêté litigieux,

en octobre ou novembre 2015 et en juin 2016 ;

4°) d’enjoindre au ministre de la santé de mettre la SELAS Anabio en demeure

de mettre un terme à la situation illégale résultant de l’opération de fusion illicite et de

se conformer aux dispositions de l’article L. 6223-8 du code de la santé publique et de la

loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 sous peine de retrait de son autorisation de fonctionnement, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l’arrêt à intervenir, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 10 000 euros au titre de

l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

 – il justifie de son intérêt pour agir et de la capacité de son président à ester en justice ;

En ce qui concerne la régularité du jugement :

 – le tribunal n’a pas statué sur les conclusions tendant à ce qu’il enjoigne à

la SELAS Anabio et à l’ARS de produire les documents officiels actant la répartition du capital social de cette société entre ses associés ;

 – le tribunal n’a pas communiqué le mémoire du 3 février 2017 illustrant la fraude usuellement mise en oeuvre par le groupe Synlab-Labco ;

En ce qui concerne le bien-fondé du jugement :

 – c’est à tort que les premiers juges ont estimé que l’opération de fusion concernait deux SELAS « dérogatoires » relevant du II de l’article L. 6223-8 du code de la santé publique, alors que le capital de la société BBM était majoritairement détenu par les biologistes libéraux exerçant en son sein ;

 – c’est à tort que le tribunal a écarté comme inopérant le moyen tiré du caractère frauduleux de l’opération de fusion, dès lors que cette opération est un élément d’un ensemble destiné à permettre en deux temps l’acquisition par une société n’exerçant pas l’activité de biologiste de la majorité des parts d’une société de biologie en exercice libéral, en contravention des dispositions interdisant une telle prise de contrôle ;

 – contrairement à ce qu’a jugé le tribunal, il appartenait au directeur général de l’ARS de rejeter la demande de modification de l’autorisation de fonctionnement du laboratoire issu

d’une opération de fusion illégale, ou à tout le moins de retirer l’autorisation au vu de la vente subséquente des actions Anabio obtenues par les ex-associés de BBM à un tiers non autorisé

à les détenir, ce qui démontre la fraude à la loi ;

En ce qui concerne la légalité de l’arrêté du 7 septembre 2015 :

 – la fusion par voie d’absorption de la SELAS BBM « non dérogatoire » par la SELAS « dérogatoire » Anabio est incompatible avec les règles protectrices de l’indépendance

des biologistes médicaux fixées par les dispositions combinées de la loi du 31 décembre 1990 et de l’article L. 6223-8 du code de la santé publique issu de l’article 10 de la loi du 30 mai 2013 ; l’absence de délivrance d’un nouvel agrément à la société Anabio méconnaît le champ d’application de la loi ;

 – dès lors que l’opération de fusion viole les dispositions d’ordre public économique de l’article L. 6223-8 du code de la santé publique, le directeur général de l’ARS avait l’obligation de s’y opposer ;

 – l’arrêté est illégal du fait du caractère frauduleux de l’opération de fusion dès lors que les anciens associés de la SELAS BBM ont, dans le prolongement immédiat de cette fusion, revendu leurs actions de la SELAS Anabio à la société Aquilab, à l’exception d’une seule afin de conserver leur qualité d’associés ; la présentation de l’assemblée générale extraordinaire d’Anabio a volontairement occulté les informations sur la répartition du capital entre associés ;

 – à titre subsidiaire, la fusion litigieuse, et par voie de conséquence l’arrêté

du 7 septembre 2015 qui l’autorise, sont illégaux dès lors que l’opération conduit,

ne serait-ce que sur une courte période, à attribuer 100 % du capital à la société Anabio,

en méconnaissance des dispositions combinées du I de l’article L. 6223-8 du code de la santé publique et de l’article 5 de la loi du 31 décembre 1990.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 11 mai 2018, 12 novembre 2018

et 17 juin 2019, le ministre des solidarités et de la santé conclut au rejet de la requête, au rejet en toute hypothèse des conclusions tendant à la mise à la charge de l’Etat de sommes au titre des dispositions de l’article L.761-1 du code de justice administrative, et demande à la cour de constater la nullité de la cession d’actions ayant eu lieu postérieurement à l’opération de fusion-absorption autorisée par l’arrêté du 7 septembre 2015.

Il fait valoir que :

 – les moyens soulevés par le syndicat des biologistes ne sont pas fondés ;

 – la cession d’actions de la SELAS Anabio par les anciens associés de la SELAS BBM ayant eu lieu dans le prolongement de l’opération de fusion-absorption est nulle dès lors qu’il n’est pas démontré qu’elle aurait été réalisée conformément aux dispositions de

l’article R. 6223-65 du code de la santé publique et qu’elle n’a pas été soumise au contrôle

et à l’approbation du directeur général de l’ARS, lequel avait la possibilité de s’y opposer

sur le fondement des dispositions de l’article L. 6223-4 de ce code.

Par des mémoires enregistrés les 31 mai 2018, 12 juillet 2018, 9 janvier, 19 avril et 2 juillet 2019, la SELAS Synlab Bordeaux Atlantique, venant aux droits de la SELAS Anabio, représentée par la SELARL Clément-Delpiano, conclut au rejet de la requête, à la suppression de passages regardés comme injurieux ou diffamatoires dans les mémoires du SDB

du 21 février 2019 et 11 juin 2019 (points 78 et 80), et demande à la cour de mettre à la charge du Syndicat des biologistes et de l’Etat la somme de 10 000 euros chacun au titre des frais exposés à l’occasion du litige.

Elle fait valoir que :

 – l’article 9.2.1 des statuts du Syndicat des biologistes ne confère pas au président

du syndicat la capacité d’introduire un recours contentieux ;

 – l’arrêté du 7 septembre 2015, qui a seulement pour objet de tirer les conséquences juridiques du regroupement des laboratoires issus de la fusion des SELAS Anabio et BBM,

ne fait pas grief à la profession, de sorte que le syndicat n’a pas intérêt à agir ;

-la demande du ministre tendant à déclarer la nullité des cessions postérieures

à la fusion est portée devant une juridiction incompétente pour en connaître ; elle est au demeurant irrecevable comme émanant d’une personne qui n’était pas partie devant le tribunal et portant sur un objet différent de l’appel principal ; en outre, l’ARS n’ayant pas critiqué ce point en première instance, le principe de l’estoppel doit être opposé à ces nouvelles conclusions, l’Etat ne pouvant

se contredire au détriment de la partie adverse ; une position différente de l’Etat entre la première instance et l’appel méconnaît également le principe de confiance légitime ;

 – à titre subsidiaire, les moyens ne sont pas fondés et une éventuelle irrégularité a nécessairement été régularisée par la disparition de la SELAS BBM.

Par une ordonnance du 12 juin 2019, la clôture de l’instruction a été fixée

au 3 juillet 2019 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

 – le code de commerce ;

 – le code de la santé publique ;

 – la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 relative à l’exercice sous forme de sociétés des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé et aux sociétés de participations financières de professions libérales ;

 – l’ordonnance n° 2010-49 du 13 janvier 2010 relative à la biologie médicale ;

 – la loi n° 2013-442 du 30 mai 2013 portant réforme de la biologie médicale ;

 – le code de justice administrative et l’ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

 – le rapport de Mme B…,

 – les conclusions de Mme Chauvin, rapporteur public,

 – et les observations de Me Clément, avocat, représentant la SELAS Synlab Bordeaux Atlantique, venant aux droits de la SELAS Anabio.

Une note en délibéré présentée pour le Syndicat des biologistes a été enregistrée le 28 mai 2020.

Une note en délibéré présentée pour la SELAS Synlab Bordeaux Atlantique, venant aux droits de la SELAS Anabio a été enregistrée le 29 mai 2020.

Considérant ce qui suit :

1. Le 17 juin 2015, la SELAS Anabio, exploitant un laboratoire de biologie médicale de quatorze sites, a conclu avec la SELAS BBM, exploitant un laboratoire de biologie médicale de quatre sites, un « projet de traité de fusion » relatif à l’absorption de BBM par Anabio, à la date de l’assemblée générale de la SELAS Anabio approuvant cette fusion, et au plus tard

au 30 septembre 2015, sous la condition suspensive, notamment, d’un accord formel et écrit

du directeur général de l’agence régionale de santé (ARS) compétente confirmant la validité

de l’opération de fusion et sa renonciation au droit d’opposition qui lui est conféré par les articles L. 6222-3 et L. 6223-4 du code de la santé publique. Le 9 juillet 2015, la présidente de

la SELAS Anabio a sollicité auprès de l’ARS Aquitaine l’autorisation de modifier

son laboratoire multi-sites en raison de cette opération de fusion. Par un arrêté du

7 septembre 2015, le directeur général de l’ARS, estimant que l’opération envisagée satisfaisait aux dispositions des articles L. 6222-3 et L. 6223-4, a modifié l’autorisation du laboratoire multi-sites de la SELAS Anabio en fixant sa composition à dix-huit sites d’exploitation, et en prenant acte des noms et qualités des biologistes médicaux exerçant au sein de ce laboratoire.

Le Syndicat des biologistes relève appel du jugement du 5 décembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d’annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, il appartenait au tribunal d’apprécier si les pièces du dossier suffisaient ou non à la solution du litige dont il était saisi. Dès lors que les premiers juges ont estimé, pour écarter le moyen tiré d’une fraude à la loi, que la cession d’actions postérieurement à la décision attaquée était sans incidence sur la légalité de l’arrêté en litige, ils ont nécessairement regardé comme inutile la demande du Syndicat des biologistes tendant à ce que le tribunal fasse usage de ses pouvoirs d’instruction en demandant à la SELAS Anabio et à la ministre de la santé de produire des documents officiels actant la répartition du capital postérieurement à l’opération de fusion-absorption et à l’arrêté attaqué. Par suite, le jugement ne peut être regardé comme entaché d’irrégularité faute d’avoir expressément rejeté cette demande.

3. En second lieu, lorsque, postérieurement à la clôture de l’instruction, le juge est saisi d’un mémoire émanant de l’une des parties à l’instance, et conformément au principe selon lequel, devant les juridictions administratives, le juge dirige l’instruction, il lui appartient, dans tous les cas, de prendre connaissance de ce mémoire avant de rendre sa décision, ainsi que de le viser sans l’analyser. S’il a toujours la faculté, dans l’intérêt d’une bonne justice, d’en tenir compte – après l’avoir visé et, cette fois, analysé -, il n’est tenu de le faire, à peine d’irrégularité de sa décision, que si ce mémoire contient soit l’exposé d’une circonstance de fait dont la partie qui l’invoque n’était pas en mesure de faire état avant la clôture de l’instruction écrite et que le juge ne pourrait ignorer sans fonder sa décision sur des faits matériellement inexacts, soit d’une circonstance de droit nouvelle ou que le juge devrait relever d’office. En l’espèce, il ressort des pièces du dossier de première instance que le mémoire produit le 3 février 2017 par le Syndicat des biologistes, postérieurement à la clôture de l’instruction fixée au 28 octobre 2016, se bornait à dénoncer comme frauduleuse une opération de fusion-absorption étrangère à l’autorisation dont le tribunal était saisi. Par suite, la circonstance que ce mémoire n’a pas été communiqué est sans incidence sur la régularité du jugement.

Sur la recevabilité des conclusions du ministre des solidarités et de la santé tendant au constat de la nullité de la cession d’actions postérieure à l’arrêté du 7 septembre 2015 :

4. Si le ministre des solidarités et de la santé demande à la cour, pour la première fois en appel, de constater la nullité de la cession d’actions de la SELAS Anabio réalisée le 30 septembre 2015 postérieurement à l’arrêté du 7 septembre 2015, au demeurant au regard notamment des dispositions de l’article R. 6223-65 du code de la santé publique créé par le décret n° 2016-44 du 26 janvier 2016 postérieur à cette cession, ces conclusions doivent, en tout état de cause , être rejetées comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.

Sur la légalité de l’arrêté d’autorisation:

En ce qui concerne le cadre juridique applicable :

5. Aux termes de l’article 5 de la loi du 31 décembre 1990 relative à l’exercice sous forme de sociétés des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé : " I.- Sous réserve de l’article 6 : / A.- Plus de la moitié du capital social et des droits de vote doit être détenue, directement ou par l’intermédiaire des sociétés mentionnées au 4° du B du présent I, par des professionnels en exercice au sein de la société ; / (…). « Aux termes de l’article 6 de la même loi du 31 décembre 1990 dans sa rédaction applicable : » I.- Par dérogation au A du I de l’article 5 : " (…) / 2° Pour les sociétés ayant pour objet l’exercice d’une profession de santé, plus de la moitié du capital social des sociétés d’exercice libéral peut aussi être détenue par des personnes exerçant la profession constituant l’objet social ou par des sociétés de participations financières de professions libérales dans les conditions prévues au II du présent article et au titre IV de la présente loi ; / (…). « . Toutefois, l’article L. 6223-8 du code de la santé publique dispose : » I.- Le 2° du I de l’article 6 de la

loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 relative à l’exercice sous forme de sociétés des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé et aux sociétés de participations financières de professions libérales n’est pas applicable aux sociétés d’exercice libéral de biologistes médicaux. / (…) ".

6. La situation particulière des biologistes médicaux est régie par l’article 10 de la loi n° 2013-442 du 30 mai 2013, qui prévoit que : " I.- Plus de la moitié du capital social et des droits de vote d’une société d’exercice libéral de biologistes médicaux doit être détenue, directement ou par l’intermédiaire des sociétés mentionnées au 4° de l’article 5 de la loi n° 90-1258 du

31 décembre 1990, par des biologistes médicaux en exercice au sein de la société. « Le même article a créé l’article L.6223-8 du code de la santé publique, qui a ménagé des dispositions dérogatoires dans les termes suivants : » (…) II.- Les sociétés d’exercice libéral de biologistes médicaux créées antérieurement à la date de promulgation de la loi n° 2013-442 du 30 mai 2013 portant réforme de la biologie médicale et qui, à cette date, ne respectent pas le I du présent article ou le I de l’article 10 de la même loi conservent la faculté de bénéficier de la dérogation prévue au 2° du I de l’article 6 de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 précitée. / La cession de leurs parts sociales ou actions se fait prioritairement au bénéfice des biologistes exerçant dans ces sociétés. Si ces derniers se trouvent dans l’incapacité d’acquérir les parts sociales ou les actions qui leur sont proposées, la cession peut avoir lieu au bénéfice de toute personne physique ou morale exerçant la profession de biologiste médical ou de toute société de participations financières de profession libérale de biologistes médicaux. Sous réserve du respect des seuils prévus en application du III de l’article 6 de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 précitée, cette cession peut également avoir lieu au bénéfice d’une ou plusieurs personnes ne répondant pas aux conditions du A du I de l’article 5 de la même loi ou des 1° et 5° du B

du même I. / III.- L’ensemble des contrats et des conventions signés dans le cadre des sociétés d’exercice libéral est communiqué à l’ordre compétent, en application des articles L. 4113-9 et L. 4113-19. Toute convention ou clause cachée est alors inopposable. "

7. Il résulte des dispositions citées aux points 5 et 6 que si plus de la moitié du capital social et des droits de vote d’une société d’exercice libéral (SEL) de biologistes médicaux doit être détenue, directement ou indirectement, par des professionnels en exercice au sein de cette société, il en va différemment pour les SEL créées antérieurement à la date de promulgation de la loi du 30 mai 2013 portant réforme de la biologie médicale et qui, à cette date, ne respectaient pas cette condition. Ces SEL dites « dérogatoires » conservent la possibilité de déroger à cette condition et sont seulement tenues, en cas de cession de leurs parts sociales ou actions, d’en proposer prioritairement l’acquisition aux biologistes y exerçant. Lorsque ceux-ci renoncent à exercer leur droit d’acquisition, la SEL « dérogatoire » peut céder ses parts ou actions au bénéfice de toute personne physique ou morale exerçant la profession de biologiste médical ou de toute société de participations financières de profession libérale de biologistes médicaux.

8. Il ressort des pièces du dossier que la SELAS Anabio, créée en 1994, présentait un caractère « dérogatoire » au sens explicité au point précédent, tandis que la SELAS BBM, autorisée en 2011, dont le capital était détenu en majorité par les biologistes médicaux y exerçant, ne bénéficiait pas de la dérogation. C’est ainsi à tort que le jugement indique au point 8 que les laboratoires ayant fusionné entraient tous deux dans le champ d’application du II de l’article L. 6223-8 du code de la santé publique.

En ce qui concerne l’office de l’ARS :

9. Si l’article L. 6222-3 du code de la santé publique permet au directeur général de l’ARS de s’opposer à une acquisition ou fusion de laboratoires, pour des motifs tenant au risque d’atteinte à la continuité de l’offre de biologie médicale, lorsque l’opération porterait la part réalisée par le laboratoire issu de cette acquisition ou de cette fusion sur un territoire donné

au-dessus du seuil de 25 % du total des examens de biologie médicale réalisés, et si

l’article L. 6223-4 fait obstacle à une autorisation d’acquisition qui conduirait une personne physique ou morale à contrôler plus de 33% des actes réalisés dans une zone, ces dispositions ne peuvent être regardées, contrairement à ce que soutient la société Synlab Bordeaux Atlantique, comme exclusives de tout autre contrôle lorsque l’ARS est saisie d’une demande d’autorisation de modification du champ d’intervention d’une société d’exercice libéral de biologie médicale. Par suite, la circonstance que la vérification des parts de marché n’avait pas conduit à remettre en cause le respect de ces dispositions ne suffisait pas à justifier l’autorisation, et il appartenait à l’ARS d’examiner si l’opération envisagée respectait l’ensemble des dispositions applicables du code de la santé publique.

En ce qui concerne le respect du code de la santé publique et la fraude à la loi :

10. Le syndicat requérant soutient que l’opération approuvée par l’arrêté contesté est entachée de fraude à la loi, et qu’elle méconnaît les dispositions de l’article 10 de la loi

du 30 mai 2013 et de l’article L. 6223-8 du code de la santé publique dès lors que sa décomposition en plusieurs étapes successives permettait d’abord la cession de la partie des actions de la SELAS BBM détenues par des fonds financiers à la SELAS Anabio, puis la fusion par échange d’actions entre les biologistes de BBM et la société Anabio, et enfin la rétrocession de ces actions nouvelles d’Anabio détenues par les ex-associés de BBM à la société tierce Aquilab qui contrôle Anabio, processus ayant pour objet de contourner l’interdiction de céder plus de 50 % des parts d’une SEL « non dérogatoire » à des personnes qui n’exercent pas l’activité de biologie médicale. Contrairement à ce qu’a indiqué le tribunal, la circonstance que cette dernière rétrocession est intervenue après la décision attaquée n’a pas pour effet de rendre inopérant le moyen tiré de la fraude à la loi qu’impliquerait précisément une telle chronologie.

11. En premier lieu, aux termes de l’article L. 236-3 du code de commerce : « I. – La fusion ou la scission entraîne la dissolution sans liquidation des sociétés qui disparaissent et la transmission universelle de leur patrimoine aux sociétés bénéficiaires, dans l’état où il se trouve à la date de réalisation définitive de l’opération. Elle entraîne simultanément l’acquisition, par les associés des sociétés qui disparaissent, de la qualité d’associés des sociétés bénéficiaires, dans les conditions déterminées par le contrat de fusion ou de scission. / (…). » Il résulte de la simultanéité soulignée par ces dispositions que le syndicat des biologistes n’est pas fondé à soutenir que l’opération de fusion aurait eu lieu en deux phases successives dont la première, correspondant à l’attribution de la totalité du capital de la SELAS BBM à la SELAS Anabio, aurait méconnu les dispositions citées aux points 5 et 6.

12. En second lieu, aucun texte applicable à la date de la décision attaquée n’imposait que les sociétés dérogatoires régularisent la composition de leur capital au regard des dispositions précitées du code de la santé publique à l’occasion des modifications successives de leur capital social. Par conséquent, la circonstance qu’à la suite d’une opération économique de fusion qui n’était pas interdite, et d’une revente d’actions à des non-biologistes qui était possible dans le cadre d’une société dérogatoire, des laboratoires de biologie médicale ont été en l’espèce volontairement transférés de fait sous le contrôle d’une société majoritairement détenue par des non biologistes ne permettait pas à l’ARS, dont il n’est pas établi qu’elle aurait été informée de tous les éléments de l’opération envisagée, de refuser l’autorisation sollicitée. Par suite, le moyen tiré de la fraude à la loi doit être écarté.

En ce qui concerne l’absence de délivrance d’un nouvel arrêté d’agrément :

13. Aux termes de l’article L. 6211-2 du code de la santé publique, dans sa rédaction en vigueur avant l’ordonnance du 13 janvier 2010 : « Aucun laboratoire d’analyses de biologie médicale ne peut fonctionner sans une autorisation administrative. / Sans préjudice des dispositions de l’article L. 6122-1 relatives aux équipements matériels lourds, cette autorisation est délivrée lorsque sont remplies les conditions fixées par le présent livre et par le décret prévu à l’article L. 6211-9 qui détermine le nombre et la qualification du personnel technique ainsi que les normes applicables à l’installation et à l’équipement des laboratoires. / Ce décret peut fixer des conditions particulières applicables aux laboratoires dont l’activité est limitée à certains actes qu’il détermine. L’autorisation délivrée à ces laboratoires porte mention de cette limitation. / Toute modification survenue postérieurement à la décision d’autorisation soit dans la personne d’un directeur ou d’un directeur adjoint, soit dans les conditions d’exploitation, doit faire l’objet d’une déclaration. /L’autorisation est retirée lorsque les conditions légales ou réglementaires cessent d’être remplies. » L’article R.6212-76, dans sa rédaction en vigueur jusqu’au décret du 26 janvier 2016, prévoyait que : « La demande d’agrément de la société d’exercice libéral constituée pour l’exploitation d’un laboratoire en voie de création est présentée en même temps que la demande d’autorisation de fonctionnement du laboratoire prévue au premier alinéa de l’article L. 6211-2. / La demande d’agrément d’une société d’exercice libéral constituée pour l’exploitation d’un laboratoire déjà autorisé est jointe à la déclaration modificative prévue au quatrième alinéa de l’article L. 6211-2. »

14. Il est constant que tant la SELAS BBM que la SELAS Anabio bénéficiaient déjà toutes deux d’un agrément. Dans ces circonstances, l’article R. 6212-76 n’était pas applicable, aucun nouvel agrément n’était exigible, et le moyen tiré de l’absence d’une demande d’agrément concomitante à la demande d’autorisation ne peut en tout état de cause qu’être écarté.

15. Il résulte de ce qui précède que, sans qu’il soit besoin d’examiner les fins

de non-recevoir opposées par la SELAS Synlab Bordeaux Atlantique ni d’ordonner la production de documents relatifs à l’évolution du capital de la société Synlab Bordeaux Atlantique avant et après la fusion, le syndicat des biologistes n’est pas fondé à se plaindre de ce que,

par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Par suite,

ses conclusions aux fins d’injonction et d’astreinte doivent être rejetées.

Sur la demande de la SELAS Synlab Bordeaux Atlantique tendant à la suppression de passages diffamatoires :

16. En vertu de l’article L. 741-2 du code de justice administrative, rappelant les dispositions des alinéas 3 à 5 de l’article 41 de la loi du 29 juillet 1881, les juges peuvent « prononcer la suppression des discours injurieux, outrageants ou diffamatoires » d’écrits produits devant eux.

17. Les passages critiqués des mémoires du syndicat des biologistes des 19 avril et

11 juin 2019 n’excèdent pas le cadre de la controverse entre les parties. Par suite, la demande tendant à leur suppression ne peut qu’être rejetée.

Sur les frais exposés par les parties à l’occasion du litige :

18. Le Syndicat des biologistes, qui est la partie perdante, n’est pas fondé à demander l’allocation d’une somme au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre une somme à sa charge au titre des frais exposés par la SELAS Synlab Bordeaux Atlantique à l’occasion du présent litige.


DÉCIDE :


Article 1er : La requête du Syndicat des biologistes est rejetée.

Article 2 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au syndicat des biologistes, au ministre des solidarités

et de la santé et à la SELAS Synlab Bordeaux Atlantique. Copie en sera adressée

à l’ARS de Nouvelle-Aquitaine.

Délibéré après l’audience du 26 mai 2020 à laquelle siégeaient :
Mme D… C…, présidente,
Mme A… B…, présidente-assesseure,
M. Thierry Sorin, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 23 juin 2020.


Le président de la 2e chambre,


Catherine C…

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution du présent arrêt.

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N° 18BX00491

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CAA de BORDEAUX, 2ème chambre, 23 juin 2020, 18BX00491, Inédit au recueil Lebon