CAA de BORDEAUX, 2ème chambre, 8 décembre 2021, 19BX02760, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Bordeaux, 2e ch., 8 déc. 2021, n° 19BX02760
Juridiction : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Numéro : 19BX02760
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Plein contentieux
Décision précédente : Tribunal administratif de Bordeaux, 29 avril 2019, N° 1801359
Dispositif : Satisfaction partielle
Identifiant Légifrance : CETATEXT000044468561

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) de la Gironde a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner solidairement le centre hospitalier de Libourne et son assureur, la société Axa Iard, à lui verser la somme de 287 076,27 euros au titre des prestations versées pour le compte de son assurée, Mme A… à la suite de la prise en charge de l’accident médical dont elle a été victime au sein de cet établissement de santé, ainsi que l’indemnité forfaitaire de gestion.

L’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) a demandé au tribunal de condamner solidairement le centre hospitalier de Libourne et son assureur, la société Axa Iard, à lui verser la somme de 34 310,14 euros correspondant au montant des indemnités qu’il a versées à Mme A… pour l’ensemble des préjudices subis, ou à titre subsidiaire la somme de 30 249,13 euros correspondant à l’indemnisation de 90 % des préjudices subis par Mme A…, d’assortir cette somme des intérêts au taux légal à compter du 11 octobre 2018 et de la capitalisation de ces intérêts, et de condamner solidairement le centre hospitalier de Libourne et son assureur à lui verser une pénalité à hauteur de 15 % du montant des sommes mises à sa charge.

Par un jugement n° 1801359 du 30 avril 2019, le tribunal administratif de Bordeaux a condamné solidairement le centre hospitalier de Libourne et la société Axa Iard, d’une part, à verser à la CPAM de la Gironde la somme de 258 368,64 euros au titre de ses débours et la somme de 1 080 euros au titre de l’indemnité forfaitaire de gestion, d’autre part, à verser à l’ONIAM la somme de 30 249,13 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 15 octobre 2018 et capitalisation au 15 octobre 2019, ainsi que la somme de 3 024, 91 euros à titre de la pénalité prévue par l’article L. 1142-15 du code de la santé publique, a mis à la charge du centre hospitalier de Libourne et de la société Axa Iard une somme de 800 euros au titre des frais d’instance exposés par la CPAM de la Gironde et une somme de 1 200 euros au titre des frais d’instance exposés par l’ONIAM, et a rejeté le surplus des demandes des parties.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 27 juin et 23 septembre 2019, le centre hospitalier de Libourne et la société Axa France Iard demandent à la cour :

1°) d’annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 30 avril 2019 ;

2°) de rejeter les demandes présentées par la CPAM de la Gironde et l’ONIAM devant le tribunal administratif de Bordeaux ;

3°) à titre subsidiaire, de réduire les sommes mises à sa charge en ramenant le taux de perte de chance de 90 % à 50 %, en limitant l’indemnisation allouée à la CPAM de la Gironde aux seuls débours exposés au titre de la période du 1er décembre 2009 au 13 janvier 2010 et en ramenant à 5% le taux de la pénalité prévue à l’article L. 1142-15 du code de la santé publique ;

4°) à titre infiniment subsidiaire, d’ordonner une expertise, aux frais avancés du centre hospitalier, aux fins de déterminer sur pièces les débours exposés par la CPAM de la Gironde imputables à l’extravasation survenue le 4 novembre 2009 et ses conséquences ;

5°) de mettre à la charge de la CPAM de la Gironde et de l’ONIAM une somme

de 3 000 euros chacun sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

 – la demande de première instance de la CPAM de la Gironde n’a pas été présentée dans un délai raisonnable suivant le rejet de sa réclamation ; elle a été enregistrée devant le tribunal un an et demi après ce rejet et plus d’un an après le dépôt du rapport d’expertise ; contrairement à ce qui a été jugé, cette demande était ainsi tardive et, par suite, irrecevable ; il en va de même de la demande présentée par l’ONIAM le 31 janvier 2019 ;

 – l’ONIAM ayant émis le 20 août 2018 un titre exécutoire pour avoir paiement des sommes versées à Mme A… au titre du protocole d’indemnisation transactionnelle conclu avec cette dernière, ses conclusions de première instance, relatives à la même créance, étaient irrecevables ;

 – l’extravasation de la perfusion de chimiothérapie survenue le 4 novembre 2009 constitue un accident médical non fautif, d’occurrence rare ; la réparation des conséquences de cet accident médical relève de l’ONIAM au titre de la solidarité nationale ;

 – ils ne contestent pas les griefs formulés à l’encontre du CH par l’expertise diligentée par la CCI, tenant à l’absence de lavage aspiration en milieu chirurgical spécialisé et à l’utilisation de Cardioxane au lieu du Savene ; cependant, et ainsi que l’expertise ordonnée par le juge des référés du tribunal administratif le relève, des soins locaux adaptés ont été mis en œuvre ; de plus, le Cardioxane et le Savene sont constitués par la même molécule, de sorte qu’aucune faute ne peut être retenue sur ce point ; même avec une prise en charge optimale, l’extravasation imposait des soins sur une période non réductible et aurait engendré des dommages, notamment un déficit fonctionnel temporaire, des souffrances et un préjudice esthétique ; si la réalisation d’un lavage chirurgical aurait probablement permis de limiter l’étendue de la nécrose, elle n’aurait pas évité la survenue de ces préjudices eu égard au caractère très nécrosant du produit extravasé ; dans ces conditions, le taux de perte de chance d’éviter le dommage ne saurait excéder 50 % , ainsi que cela résulte du rapport médical versé au dossier ;

 – à la date de survenue de l’extravasation en cause, Mme A… présentait plusieurs pathologies nécessitant des soins ; elle a par la suite présenté d’autres pathologies lourdes susceptibles d’être à l’origine de son état fonctionnel actuel ; le tribunal a dès lors fait une évaluation excessive des déficits fonctionnels temporaire et définitif en lien avec la prise en charge fautive de l’extravasation ;

 – les éléments produits par la caisse, qui ne font apparaître ni la date des soins ni leur nature, ne permettent pas de s’assurer d’un lien entre les débours dont le remboursement est demandé et l’accident d’extravasation ; l’hospitalisation du 5 novembre au 1er décembre 2009 est uniquement imputable à l’accident médical non fautif, et non aux fautes commises dans sa prise en charge ; seule l’hospitalisation durant la période du 1er décembre 2009 au 13 janvier 2010 est en lien avec cette prise en charge, pour des frais hospitaliers de 60 071 euros ; l’hospitalisation du 25 janvier au 13 juin 2010 était justifiée par l’existence de plusieurs pathologies, sans lien avec l’extravasation ; selon l’avis médical sollicité, seules les hospitalisations du 25 janvier 2010 au 4 mars 2010, date de l’ablation du système d’aspiration du VAC, et du 7 avril au 12 avril 2010, correspondant à la greffe de peau, sont imputables à l’extravasation et à ses suites ; la caisse ne démontre pas davantage que les frais médicaux et pharmaceutiques dont elle sollicite le remboursement seraient en lien avec l’extravasation ;

 – l’ONIAM n’a pas justifié du lien entre les dépenses de santé restées à la charge de Mme A… et l’accident d’extravasation ;

 – l’indemnisation allouée au titre du déficit fonctionnel permanent, des souffrances endurées, du préjudice d’agrément et du préjudice esthétique doit être réduite à la fraction du dommage correspondant à la perte de chance ;

 – Mme A… ne présente aucun déficit fonctionnel permanent en lien avec l’accident d’extravasation du 4 novembre 2009 ; le premier expert n’a d’ailleurs pas retenu un tel préjudice ; les séquelles psychologiques qu’elle conserve sont en lien avec les pathologies lourdes dont elle a été atteinte ;

 – s’agissant des frais de conseil exposés par Mme A…, leur montant n’est pas justifié ; l’ONIAM a versé à Mme A… une somme de seulement 700 euros à ce titre, dans le cadre de l’indemnisation de l’accident médical non fautif ; dans le cadre de sa substitution, il n’a en revanche procédé à aucun versement ;

 – il y a lieu de confirmer le rejet, par le tribunal, de la demande de l’ONIAM de remboursement des frais d’expertise ; subsidiairement il n’y aurait lieu que d’appliquer le taux de perte de chance à la deuxième expertise ;

 – compte tenu du caractère contestable de l’avis émis par la CCI, le taux de pénalité de 10 % retenu par le tribunal doit être réduit, puis appliqué à l’indemnisation allouée par la juridiction et non à celle, excessive, versée par l’ONIAM à Mme A….

Par des mémoires en défense, enregistrés les 30 octobre et 20 novembre 2019, la CPAM de la Gironde, représentée par Me Bardet, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge solidaire du centre hospitalier de Libourne et de la société Axa Iard des sommes de 1000 euros et 13 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et du droit de plaidoirie et demande à la cour, par la voie de l’appel incident, que la somme que le centre hospitalier a été condamné à lui verser au titre de ses débours soit portée à 287 076, 27 euros.

Elle soutient que :

 – la fin de non-recevoir opposée par le centre hospitalier à sa demande de première instance doit être écartée ; le délai de recours raisonnable n’est pas applicable en matière indemnitaire ; en admettant même son applicabilité, il n’a pas été méconnu en l’espèce ;

 – les fautes commises par le centre hospitalier dans la prise en charge de Mme A… ont fait perdre à celle-ci une chance d’éviter les séquelles dont elle reste atteinte ; elle sollicite l’entièreté de sa créance et s’en remet à la cour sur l’appréciation du taux de perte de chance ;

 – à la suite de l’accident médical, elle a exposé pour son assurée des débours d’un montant total de 287 076, 27 euros ; elle a produit un relevé des débours et une attestation d’imputabilité détaillée et circonstanciée mentionnant la nature des différentes prestations versées ainsi que leurs dates ; la probité du médecin conseil ayant établi l’attestation d’imputabilité ne saurait être remise en cause ; contrairement à ce que soutient le centre hospitalier, l’hospitalisation de Mme A… entre le 25 janvier 2010 et le 13 juin suivant est entièrement imputable à sa prise en charge fautive, ainsi que cela résulte de l’expertise diligentée par la CCI ; s’agissant des frais médicaux et pharmaceutiques, elle produit une attestation d’imputabilité actualisée.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 28 novembre 2019 et 11 février 2020, l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge solidaire du centre hospitalier de Libourne et de la société Axa Iard d’une somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et demande à la cour, par la voie de l’appel incident, de porter les sommes qui lui ont été allouées au titre des préjudices de Mme A… et de la pénalité prévue à l’article L. 1142-15 du code de la santé publique aux montants, respectivement, de 34 310, 13 euros et de 4 537, 37 euros.

Il soutient que :

 – la fin de non-recevoir opposée par le centre hospitalier à la demande de première instance de la CPAM de la Gironde doit être écartée, le délai raisonnable d’un an n’étant pas applicable en matière de dommage corporel ;

 – sa demande de première instance a été introduite dans le délai de deux mois suivant le rejet de sa réclamation indemnitaire ; s’il avait effectivement émis un titre exécutoire le 20 août 2018, l’avis du Conseil d’Etat dont se prévaut le centre hospitalier porte uniquement sur la saisine du juge d’une requête ; or, en l’espèce, il s’est seulement greffé au recours engagé par la CPAM de la Gironde ; en tout état de cause, ce titre exécutoire a été annulé le 12 novembre 2019 ;

 – son action est fondée sur les dispositions des articles L.1142-15 et L. 1142-17 du code de la santé publique ;

 – la responsabilité du centre hospitalier de Libourne est engagée à raison des fautes commises dans la prise en charge de l’accident médical survenu le 4 novembre 2009, le protocole de prise en charge de l’extravasation de produit de chimiothérapie n’ayant pas été respecté ; outre l’absence de lavage aspiration en milieu chirurgical, le centre hospitalier n’a pas utilisé le kit Savene dans les 6 heures suivant l’extravasation ;

 – la nécrose, apparue 10 jours après l’extravasation, aurait pu être entièrement évitée en l’absence de faute ; le dommage est donc entièrement imputable à ce défaut de prise en charge, de sorte qu’il n’y a pas lieu de retenir une simple perte de chance ;

 – si une perte de chance devait être retenue, son taux ne saurait être inférieur à 90 % ;

 – une somme de 143,64 euros doit lui être allouée au titre des dépenses de santé actuelles supportées par Mme A… ;

 – une somme de 3 532,50 euros doit lui être allouée au titre du déficit fonctionnel temporaire de Mme A… ;

 – une somme de 13 700 euros doit lui être allouée au titre des souffrances endurées par Mme A…, estimées à 5/7 ;

 – Mme A…, qui, du fait de la greffe de peau subie, conserve une importante cicatrice lui occasionnant des douleurs, une gêne dans les mouvements et un retentissement psychologique, conserve un déficit fonctionnel permanent évalué à 10 % par l’expertise ordonnée par la CCI ; une somme de 11 734 euros doit lui être allouée à ce titre ;

 – une somme de 1 700 euros doit lui être allouée au titre du préjudice d’agrément de Mme A… ;

 – une somme de 2 520 euros doit lui être allouée au titre du préjudice esthétique permanent de Mme A… ;

 – une somme de 700 euros doit lui être allouée au titre des frais de conseil exposés par Mme A… ;

 – le centre hospitalier, qui ne conteste pas sa responsabilité mais seulement le taux de perte de chance, n’a fait aucune offre d’indemnisation à Mme A…, faisant reposer la totalité de la réparation de ses préjudices sur la solidarité nationale ; dans ces circonstances, il doit être condamné à payer la pénalité maximale prévue à l’article L. 1142-15 du code de la santé publique.

Par ordonnance du 7 avril 2021, la clôture d’instruction a été fixée au 28 avril 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

 – le code de la santé publique ;

 – le code de la sécurité sociale ;

 – le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

 – le rapport de Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy,

 – les conclusions de Mme Kolia Gallier, rapporteure publique,

 – et les observations de Me Dagorne, représentant le centre hospitalier de Libourne et Axa France Iard , et de Me Ravaut, représentant l’ONIAM.

Une note en délibéré présentée par l’ONIAM a été enregistrée le 23 novembre 2021.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A…, qui présentait un lymphome folliculaire de type B à grandes cellules, ou syndrome de Richter, a suivi à partir d’octobre 2009 une cure de chimiothérapie au sein du centre hospitalier de Libourne. Le 4 novembre 2009, lors de la réalisation du deuxième cycle de cette cure, un déplacement de l’aiguille de perfusion piquée au niveau de la chambre implantable a entraîné une extravasation du produit antimitotique jusqu’au sein droit et la racine du cou à droite. Des soins locaux ont été réalisés consistant, le jour même, en une aspiration de liquide sous cutanée, un badigeonnage de Betneval et une injection sous-cutanée de Depomedrol, puis, les jours suivants, en une injection de Cardioxane et un traitement associant le Solupred per os et l’application locale de Betneval toutes les deux heures. Malgré ces soins, une nécrose extensive des tissus est survenue au sein de la zone inflammatoire, qui s’est compliquée d’une infection au staphylocoque doré, traitée par antibiotiques. Mme A… a subi, en février 2010, une mise à plat chirurgicale de la nécrose cutanée et sous-cutanée puis, en avril 2010, une greffe cutanée suivant un prélèvement au niveau de la face interne de la cuisse.

2. Par une ordonnance du 25 août 2010, le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux a, sur la demande de Mme A…, ordonné une expertise médicale au contradictoire du centre hospitalier de Libourne, dont le rapport a été remis le 28 janvier 2011. Par une ordonnance du 10 novembre 2011, le juge des référés du même tribunal a rejeté la demande de Mme A… d’étendre cette expertise à l’ONIAM au motif que la procédure était achevée depuis le 2 février 2011, date de taxation des honoraires de l’expert. Mme A… a, le 21 octobre 2016, saisi la commission régionale de conciliation et d’indemnisation (CCI) d’Aquitaine d’une demande d’indemnisation. La CCI, après avoir diligenté une expertise médicale, dont le rapport a été remis le 21 mars 2017, a estimé dans son avis du 14 juin 2017 que la réparation des préjudices de Mme A… incombait, d’une part, à l’ONIAM, à hauteur de 10 %, à raison de l’accident médical d’extravasation survenu le 4 novembre 2009 et, d’autre part, à l’assureur du centre hospitalier de Libourne, à hauteur de 90 %, à raison des fautes commises dans la prise en charge médicale de cet accident ayant entraîné une perte de chance d’éviter le dommage. L’assureur du centre hospitalier de Libourne n’ayant pas adressé d’offre d’indemnisation à Mme A…, l’ONIAM, substitué à l’assureur en vertu de l’article L. 1142-15 du code de la santé publique, a conclu le 18 février 2018 avec Mme A… un protocole d’indemnisation transactionnelle pour un montant de 30 249, 13 euros, correspondant à la réparation de ses préjudices à hauteur de 90 %. Par ailleurs, au titre des conséquences dommageables de l’accident médical lui incombant, l’ONIAM a, sur le fondement de l’article L. 1142-17 du code de la santé publique, conclu le 19 février 2018 avec Mme A… un second protocole d’indemnisation transactionnelle pour un montant de 4 061, 01 euros, correspondant à la réparation de ses préjudices à hauteur de 10 %.

3. La CPAM de la Gironde, subrogée dans les droits de Mme A… au titre des dépenses de santé exposées au profit de son assurée, a saisi le tribunal administratif de Bordeaux d’une requête tendant à la condamnation du centre hospitalier de Libourne à lui verser une somme de 287 076,27 euros, ainsi que l’indemnité forfaitaire de gestion. Dans le cadre de l’instance engagée par la caisse, l’ONIAM a présenté à l’encontre du centre hospitalier de Libourne une double action subrogatoire, fondée sur les articles L. 1142-15 et L. 1142-17 du code de la santé publique, tendant à la condamnation de cet établissement à lui verser une somme totale de 34 310,14 euros. Par un jugement du 30 avril 2019, le tribunal administratif de Bordeaux a condamné solidairement le centre hospitalier de Libourne et la société Axa Iard, d’une part, à verser à la CPAM de la Gironde la somme de 258 368,64 euros au titre de ses débours et la somme de 1 080 euros au titre de l’indemnité forfaitaire de gestion, d’autre part, à verser à l’ONIAM la somme de 30 249,13 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 15 octobre 2018 et capitalisation au 15 octobre 2019, ainsi que la somme de 3 024, 91 euros à titre de pénalité en application de l’article L. 1142-15 du code de la santé publique. Le centre hospitalier de Libourne et la société Axa France Iard relèvent appel de ce jugement. Par la voie de l’appel incident, la CPAM de la Gironde demande à la cour de porter la somme que le centre hospitalier et son assureur ont été condamnés à lui verser au titre de ses débours

à 287 076, 27 euros, et l’ONIAM demande à la cour de porter les sommes qui lui ont été allouées au titre des préjudices de Mme A… et de la pénalité prévue à l’article L. 1142-15 du code

de la santé publique aux montants, respectivement, de 34 310, 13 euros et de 4 537, 37 euros.

Sur la recevabilité des demandes de première instance :

En ce qui concerne la demande de la CPAM de la Gironde :

4. Aux termes de l’article R. 421-1 du code de justice administrative : « La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. /Lorsque la requête tend au paiement d’une somme d’argent, elle n’est recevable qu’après l’intervention de la décision prise par l’administration sur une demande préalablement formée devant elle ». Aux termes de l’article R. 421-5 du même code : « Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu’à la condition d’avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ».

5. Il résulte, par ailleurs, du principe de sécurité juridique que le destinataire d’une décision administrative individuelle qui a reçu notification de cette décision ou en a eu connaissance dans des conditions telles que le délai de recours contentieux ne lui est pas opposable doit, s’il entend obtenir l’annulation ou la réformation de cette décision, saisir le juge dans un délai raisonnable, qui ne saurait, en règle générale et sauf circonstances particulières, excéder un an. Toutefois, cette règle ne trouve pas à s’appliquer aux recours tendant à la mise en jeu de la responsabilité d’une personne publique qui, s’ils doivent être précédés d’une réclamation auprès de l’administration, ne tendent pas à l’annulation ou à la réformation de la décision rejetant tout ou partie de cette réclamation mais à la condamnation de la personne publique à réparer les préjudices qui lui sont imputés. La prise en compte de la sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause indéfiniment des situations consolidées par l’effet du temps, est alors assurée par les règles de prescription prévues par la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l’Etat, les départements, les communes et les établissements publics ou, en ce qui concerne la réparation des dommages corporels, par l’article L. 1142-28 du code de la santé publique.

6. Il résulte de l’instruction que la CPAM de la Gironde a, par courrier du 5 septembre 2016, saisi le centre hospitalier de Libourne d’une réclamation préalable indemnitaire. Le centre hospitalier a rejeté cette demande par une décision du 11 octobre 2016, qui ne mentionnait pas les voies et délais de recours contentieux, délais qui n’étaient donc pas opposables à la demande présentée par la caisse devant le tribunal administratif de Bordeaux. La fin de non-recevoir opposée par cet établissement et son assureur à la demande de première instance de la CPAM de la Gironde, introduite le 5 avril 2018, ne peut ainsi qu’être écartée.

En ce qui concerne la demande de l’ONIAM :

7. Aux termes du premier alinéa de l’article L. 1142-14 du code de la santé publique : « Lorsque la commission régionale de conciliation et d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales estime qu’un dommage relevant du premier alinéa de l’article L. 1142-8 engage la responsabilité d’un professionnel de santé, d’un établissement de santé, d’un service de santé ou d’un organisme mentionné à l’article L. 1142-1 ou d’un producteur d’un produit de santé mentionné à l’article L. 1142-2, l’assureur qui garantit la responsabilité civile ou administrative de la personne considérée comme responsable par la commission adresse à la victime ou à ses ayants droit, dans un délai de quatre mois suivant la réception de l’avis, une offre d’indemnisation visant à la réparation intégrale des préjudices subis dans la limite des plafonds de garantie des contrats d’assurance ». Aux termes de l’article L. 1142-15 du même code : " En cas de silence ou de refus explicite de la part de l’assureur de faire une offre, ou lorsque le responsable des dommages n’est pas assuré ou la couverture d’assurance prévue à l’article L. 1142-2 est épuisée ou expirée, l’office institué à

l’article L. 1142-22 est substitué à l’assureur. / (…) / L’acceptation de l’offre de l’office vaut transaction au sens de l’article 2044 du code civil. La transaction est portée à la connaissance du responsable et, le cas échéant, de son assureur ou du fonds institué à l’article L. 426-1 du code des assurances. / L’office est subrogé, à concurrence des sommes versées, dans les droits de la victime contre la personne responsable du dommage ou, le cas échéant, son assureur ou le fonds institué à l’article L. 426-1 du même code. Il peut en outre obtenir remboursement des frais d’expertise. / En cas de silence ou de refus explicite de la part de l’assureur de faire une offre, ou lorsque le responsable des dommages n’est pas assuré, le juge, saisi dans le cadre de la subrogation, condamne, le cas échéant, l’assureur ou le responsable à verser à l’office une somme au plus égale à 15 % de l’indemnité qu’il alloue. / Lorsque l’office transige avec la victime, ou ses ayants droit, en application du présent article, cette transaction est opposable à l’assureur ou, le cas échéant, au fonds institué au même article L. 426-1 du code des assurances ou au responsable des dommages sauf le droit pour ceux-ci de contester devant le juge le principe de la responsabilité ou le montant des sommes réclamées. Quelle que soit la décision du juge, le montant des indemnités allouées à la victime lui reste acquis ".

8. Les dispositions précitées de l’article L. 1142-15 du code de la santé publique ne font pas obstacle à ce que l’ONIAM émette un titre exécutoire à l’encontre de la personne responsable du dommage, de son assureur ou du fonds institué à l’article L. 426-1 du code des assurances afin de recouvrer les sommes versées à la victime, aux droits de laquelle il est subrogé. Lorsqu’il cherche à recouvrer les sommes versées aux victimes en application de la transaction conclue avec ces dernières, l’ONIAM peut soit émettre un titre exécutoire à l’encontre de la personne responsable du dommage, de son assureur ou du fonds institué à l’article L. 426-1 du code des assurances, soit saisir la juridiction compétente d’une requête à cette fin. Toutefois, l’office n’est pas recevable à saisir le juge d’une requête tendant à la condamnation du débiteur au remboursement de l’indemnité versée à la victime lorsqu’il a, préalablement à cette saisine, émis un titre exécutoire en vue de recouvrer la somme en litige. Réciproquement, il ne peut légalement émettre un titre exécutoire en vue du recouvrement forcé de sa créance s’il a déjà saisi le juge ou s’il le saisit concomitamment à l’émission du titre.

9. Il résulte de l’instruction que l’ONIAM a émis le 18 mai 2018 un titre exécutoire à l’encontre de la société Axa assurances Iard, assureur du centre hospitalier de Libourne, pour avoir paiement de la somme de 30 249, 13 euros correspondant à l’indemnisation qu’il avait versée, en substitution de l’assureur de l’hôpital, à Mme A…, conformément au protocole conclu avec cette dernière le 18 février 2019 sur le fondement de l’article L. 1142-15 du code de la santé publique. Par suite, ses conclusions, présentées à l’occasion du litige formé par la CPAM de la Gironde par un mémoire enregistré le 31 janvier 2019, soit postérieurement à l’émission de ce titre, et tendant, sur le fondement de l’article L. 1142-15 du code de la santé publique, à la condamnation du centre hospitalier de Libourne à lui verser cette somme de 30 249, 13 euros ainsi qu’une somme au titre de la pénalité prévue par cet article, étaient irrecevables. La circonstance que l’ONIAM ait, postérieurement au jugement attaqué, annulé le titre exécutoire émis le 18 mai 2018, est sans incidence sur la recevabilité de son action subrogatoire de première instance fondée sur l’article L. 1142-15 du code de la santé publique.

10. Il résulte de ce qui précède que le centre hospitalier de Libourne et la société Axa France Iard sont fondés à soutenir que c’est à tort que, par les articles 3, 4 et 5 du jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux les a condamnés à verser à l’ONIAM les sommes de 30 249, 13 euros, avec intérêts et capitalisation des intérêts, et de 3 024, 91 euros au titre de la pénalité prévue par l’article L. 1142-15 du code de la santé publique, qu’il avait réclamées au titre du premier protocole transactionnel, ainsi qu’une somme de 1 200 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Sur la réparation incombant au centre hospitalier de Libourne :

11. L’article L. 1142-1 du code de la santé publique dispose que : « I. – Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d’un défaut d’un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d’actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu’en cas de faute. (…) II. – Lorsque la responsabilité d’un professionnel, d’un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d’un producteur de produits n’est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu’ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu’ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l’évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d’atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique, de la durée de l’arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire. (…) ». En vertu des articles L. 1142-17 et L. 1142-22 du même code, la réparation au titre de la solidarité nationale est assurée par l’ONIAM.

12. Dans le cas où la faute commise lors de la prise en charge ou le traitement d’un patient dans un établissement public hospitalier a compromis ses chances d’obtenir une amélioration de son état de santé ou d’échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de la faute commise par l’établissement et qui doit être intégralement réparé n’est pas le dommage corporel constaté, mais la perte de chance d’éviter que ce dommage soit advenu. La réparation qui incombe à l’hôpital doit alors être évaluée à une fraction du dommage corporel déterminée en fonction de l’ampleur de la chance perdue.

13. Si les dispositions du II de l’article L. 1142-1 du code de la santé publique citées au point précédent font obstacle à ce que l’ONIAM supporte au titre de la solidarité nationale la charge de réparations incombant aux personnes responsables d’un dommage en vertu du I du même article, elles n’excluent toute indemnisation par l’office que si le dommage est entièrement la conséquence directe d’un fait engageant leur responsabilité. Dans l’hypothèse où un accident médical non fautif est à l’origine de conséquences dommageables mais où une faute commise par une personne mentionnée au I de l’article L. 1142-1 a fait perdre à la victime une chance d’échapper à l’accident ou de se soustraire à ses conséquences, le préjudice en lien direct avec cette faute est la perte de chance d’éviter le dommage corporel advenu et non le dommage corporel lui-même, lequel demeure tout entier en lien direct avec l’accident non fautif. Par suite, un tel accident ouvre droit à réparation au titre de la solidarité nationale si ses conséquences remplissent les conditions posées au II de l’article L. 1142-1 et présentent notamment le caractère de gravité requis, l’indemnité due par l’ONIAM étant seulement réduite du montant de l’indemnité mise, le cas échéant, à la charge du responsable de la perte de chance, égale à une fraction du dommage corporel correspondant à l’ampleur de la chance perdue.

14. Il résulte de l’instruction, en particulier des rapports d’expertise mentionnés ci-dessus, que l’extravasation du liquide de perfusion de chimiothérapie survenue le 4 novembre 2009 a constitué un accident médical rare, le risque d’une extravasation étant de l’ordre de 1 %. Il résulte également des éléments médicaux versés au dossier que la prise en charge médicale de cette extravasation n’a pas été conforme aux règles de l’art de l’époque, faute de réalisation d’un lavage aspiration en milieu chirurgical spécialisé dans les quatre à six heures suivant l’extravasation, malgré les recommandations médicales en ce sens. Il résulte également de l’instruction que, selon les recommandations médicales, un Kit Savene aurait dû être utilisé dans les 6 heures suivant l’extravasation. En appel, le centre hospitalier de Libourne, qui ne conteste pas la faute tenant à l’absence de réalisation d’un lavage aspiration par voie chirurgicale, fait valoir qu’il n’a en revanche pas commis de faute en utilisant du Cardioxane, dont le principe actif est identique à celui du Savene. L’établissement ne conteste toutefois pas que, comme les premiers juges l’ont relevé, seul le Savene était spécifiquement indiqué pour le traitement de l’extravasation des anthracyclines, de sorte que l’utilisation de Cardioxane, qui n’a pas la même visée thérapeutique et a en outre été injecté dans un délai supérieur à 6 heures suivant l’extravasation, a également revêtu un caractère fautif.

15. Il résulte également de l’instruction, notamment de l’expertise ordonnée par le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux, que, compte tenu du caractère très nécrosant du produit qui s’est extravasé lors de l’accident du 4 novembre 2009, le dommage corporel de Mme A… tenant à une nécrose cutanée extensive aurait pu survenir en l’absence des fautes ci-dessus relevées. Il résulte également des autres éléments médicaux, en particulier de l’expertise diligentée par la CCI, que ces fautes, en privant Mme A… d’un traitement reconnu pour son efficacité, ont hautement compromis ses chances d’éviter le dommage tel que constaté. Dans ces conditions, le tribunal, d’une part, a estimé à juste titre que les fautes commises par le centre hospitalier avaient seulement fait perdre une chance à Mme A… d’éviter le dommage, d’autre part, s’est livré à une juste appréciation de l’ampleur de la chance ainsi perdue en retenant un taux de perte de chance de 90 %.

16. Il résulte de ce qui précède, d’une part, que le centre hospitalier de Libourne et la société Axa France Iard ne sont pas fondés à contester la fraction du dommage mise à leur charge par le jugement attaqué, d’autre part, que l’ONIAM n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que le tribunal a rejeté son action subrogatoire au titre de l’article L. 1142-17 du code de la santé publique tendant à la condamnation de cet établissement et de son assureur à lui verser une somme de 4 061, 01 euros correspondant à l’indemnisation versée à Mme A… au titre de la prise en charge, à hauteur de 10 %, de son dommage corporel par la solidarité nationale.

Sur les droits de la CPAM de la Gironde :

17. Les premiers juges ont retenu que la CPAM de la Gironde justifiait de débours imputables à la prise en charge de l’extravasation survenue le 4 novembre 2009 pour un montant total de 287 076, 27 euros, ainsi qu’elle l’indiquait, et ont condamné le centre hospitalier de Libourne et son assureur, compte tenu d’un taux de perte de chance de 90 %, à lui verser la somme de 258 368,64 euros.

18. Le centre hospitalier de Libourne et la société Axa France Iard font valoir que, outre les suites de l’accident d’extravasation, Mme A… présentait d’autres pathologies, notamment un lymphome, une lombo-radiculalgie, des paresthésies et divers troubles engendrés par la chimiothérapie. Si l’établissement et son assureur ne contestent pas que l’hospitalisation pour la période du 5 novembre 2009 au 13 janvier 2010 est entièrement imputable à la prise en charge des suites de l’extravasation, ils soutiennent que l’hospitalisation pour la période du 25 janvier au 13 juin 2010 était, pour partie, justifiée par les autres pathologies de Mme A…, et produisent un « avis technique médical » en ce sens ainsi que divers éléments issus du dossier médical de Mme A…. Toutefois, cet avis médical, dépourvu de toute précision, ne suffit pas à infirmer les conclusions, concordantes sur ce point, des expertises diligentées par le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux puis la CCI, lesquelles ont retenu l’entière imputabilité de cette hospitalisation à l’accident d’extravasation et ses suites. De plus, s’il ressort du dossier médical de Mme A… qu’au cours de cette période d’hospitalisation, divers examens et soins liés aux autres pathologies de l’intéressée ont été réalisés, il ne résulte pas de l’instruction que ces actes médicaux n’auraient pas pu être pratiqués en ambulatoire. Dans ces conditions, la CPAM de la Gironde, qui produit un relevé détaillé de ses débours du 27 mars 2019 et une attestation d’imputabilité de son médecin-conseil du 22 mars 2019, justifie que les frais hospitaliers exposés au profit de son assurée au titre des périodes allant du 5 novembre 2009 au 13 janvier 2010 puis du 25 janvier 2010 au 11 juin 2010, sont en rapport avec le fait générateur de responsabilité.

19. Par ailleurs, il résulte de l’attestation d’imputabilité ci-dessus mentionnée que la caisse sollicite uniquement le remboursement des frais médicaux et de pharmacie en lien direct avec la prise en charge de l’extravasation, soit les soins infirmiers à domicile du 14 janvier au 25 janvier 2010, les frais de biologie du 15 janvier au 15 juin 2010 et les frais de pansements du 13 au 25 janvier 2010. Contrairement à ce que soutiennent le centre hospitalier et son assureur, ces éléments suffisamment détaillés permettent de s’assurer que les débours dont le remboursement est sollicité ne comprennent pas les dépenses de santé justifiées par les autres pathologies de Mme A….

20. Il résulte de ce qui précède que, ainsi que l’ont estimé les premiers juges, la CPAM de la Gironde, qui justifie avoir exposé des débours en lien avec la prise en charge de l’extravasation survenue le 4 novembre 2009 pour un montant total de 287 076, 27 euros, a droit, compte tenu du taux de perte de chance de 90 % ci-dessus confirmé, au versement d’une somme de 258 368,64 euros. Par suite, et sans qu’il soit besoin d’ordonner l’expertise sollicitée, le centre hospitalier de Libourne et la société Axa France Iard ne sont pas fondés à demander la minoration de la somme qu’ils ont été solidairement condamnés à lui verser.

Sur les frais exposés par les parties à l’occasion du litige :

21. Il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit aux conclusions présentées par les parties au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.


DÉCIDE :


Article 1er : Les articles 3, 4 et 5 du jugement n° 1801359 du 30 avril 2019 du tribunal administratif de Bordeaux sont annulés.


Article 2 : Les demandes de l’ONIAM présentées devant le tribunal administratif de Bordeaux tendant à la condamnation solidaire du centre hospitalier de Libourne et de la société Axa Iard à lui verser, sur le fondement de l’article L. 1142-15 du code de la santé publique, la somme de 30 249,13 euros, avec intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts, au titre

de l’indemnisation accordée à Mme A… en substitution de l’assureur du centre hospitalier,

et de 4 537,37 euros à titre de pénalité, ainsi qu’à la mise à leur charge d’une somme au titre des frais d’instance, sont rejetées.


Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête du centre hospitalier de Libourne et de la société Axa Iard France et les conclusions d’appel de l’ONIAM et de la CPAM de la Gironde sont rejetés.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier de Libourne, à la société Axa France Iard, à la caisse primaire d’assurance maladie de la Gironde et à l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.

Délibéré après l’audience du 16 novembre 2021 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, présidente,
Mme Anne Meyer, présidente-assesseure,
Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 8 décembre 2021.

La rapporteure,

Marie-Pierre Beuve Dupuy

La présidente,

Catherine Girault

La greffière,

Virginie Guillout

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution du présent arrêt.

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N° 19BX02760

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CAA de BORDEAUX, 2ème chambre, 8 décembre 2021, 19BX02760, Inédit au recueil Lebon