Cour administrative d'appel de Bordeaux, 7e chambre, 7 octobre 2021, n° 19BX03928

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Sur la décision

Référence :
CAA Bordeaux, 7e ch., 7 oct. 2021, n° 19BX03928
Juridiction : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Numéro : 19BX03928
Décision précédente : Tribunal administratif de Toulouse, 16 septembre 2019
Dispositif : Satisfaction partielle

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme C A ont demandé au tribunal administratif de Toulouse la décharge de la cotisation supplémentaire d’impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l’année 2010, pour un montant de 296 372 euros.

M. et Mme C A ont demandé au tribunal administratif de Toulouse la décharge de la taxe sur la valeur ajoutée qui leur a été réclamée au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2010, pour un montant de 108 108 euros.

Par un jugement n° 1702859 1702860 du 17 septembre 2019, le tribunal administratif de Toulouse a joint leurs demandes avant de les rejeter.

Procédure devant la cour :

Par une requête et deux mémoires, enregistrés les 20 octobre 2019, 20 août et 11 novembre 2020, M. et Mme A, représentés par Me Lacombe, demandent à la cour :

1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 17 septembre 2019 ;

2°) de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d’impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l’année 2010, pour un montant de 296 372 euros, et de la taxe sur la valeur ajoutée qui leur a été réclamée au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2010, pour un montant de 108 108 euros.

3°) à titre subsidiaire, de procéder à l’imputation à due concurrence des sommes acquittées à ce titre par le truchement du notaire instrumentaire, soit 101 100 euros, au vu de la déclaration n° 2048-IMM-SD souscrite le 22 décembre 2010, ce dont il résulterait un dégrèvement d’égal montant, qui aurait pour effet de ramener l’imposition supplémentaire d’IR contestée de 296 372 euros à 195 272 euros ;

4°) de mettre à la charge de l’État la somme de 6 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

— les rôles supplémentaires des impositions en cause n’ont pas été homologués antérieurement à la mise en recouvrement ;

— la notification d’un avis d’imposition supplémentaire ne peut être considérée comme tenant lieu de la notification régulière de l’article du rôle individuel correspondant ;

— ils n’avaient pas d’intention spéculative au moment de l’acquisition en 1998 du terrain, et la circonstance qu’ils étaient propriétaires de leur résidence principale est inopérante ; la création de la société Promotion A and Co en 2007 ne peut démontrer l’existence d’une intention spéculative neuf ans auparavant ; le délai séparant l’acquisition de la revente démontre l’absence de caractère spéculatif, ainsi que la circonstance qu’est en cause une opération unique de revente ;

— à titre subsidiaire, il y a lieu d’imputer le supplément d’impôt sur le revenu mis à sa charge sur le montant déjà versé au titre des plus-value des particuliers ;

— l’administration a prononcé le dégrèvement de 101 066 euros sans toutefois dégrever les pénalités et intérêts de retard y afférents, soit 18 192 euros, dont 10 107 euros de majoration proportionnelle de 10 % et 8 085 euros d’intérêts de retard ;

— s’agissant de la taxe sur la valeur ajoutée, il n’y a pas eu mise en œuvre d’une démarche active de commercialisation foncière ;

— la doctrine référencée BOI-TVA-IMM-10-10-10-10 n° 90 est opposable à l’administration sur le fondement de l’article L. 80 A du livre des procédures fiscales ;

Par des mémoires en défense, enregistrés les 24 juin, 27 octobre et 24 novembre 2020, ce dernier mémoire n’ayant pas été communiqué, le ministre de l’économie, des finances et de la relance conclut au non-lieu à statuer à concurrence du dégrèvement prononcé le 5 juin 2020 et au rejet du surplus des conclusions de la requête et fait valoir que les moyens ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 12 novembre 2020, la clôture d’instruction a été fixée au 10 décembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

— le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

— le rapport de Mme Frédérique Munoz-Pauziès,

— et les conclusions de Mme B D.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme C A ont cédé, le 29 décembre 2010, une parcelle, sise à Labastidette (Haute-Garonne), de 13 993 m² de terrains à bâtir au prix de 730 800 euros et soumis la plus-value ainsi réalisée au régime des plus-values des particuliers. Ils ont fait l’objet d’une vérification de comptabilité, pour la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2011, à l’issue de laquelle le service a considéré que le profit tiré de l’opération précitée devait être soumis à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux et à la taxe sur la valeur ajoutée. Ils relèvent appel du jugement du 17 septembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leurs demandes tendant à la décharge, d’une part, de la cotisation supplémentaire d’impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l’année 2010, pour un montant de 296 372 euros, et, d’autre part, de la taxe sur la valeur ajoutée qui leur a été réclamée au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2010, pour un montant de 108 108 euros.

Sur l’étendue du litige :

2. Par décision du 5 juin 2020, postérieure à l’introduction de la requête, le directeur régional des finances publiques a prononcé le dégrèvement, à concurrence de la somme de 101 066 euros, de la cotisation supplémentaire d’impôt sur le revenu à laquelle M. et Mme A ont été assujettis au titre de l’année 2010. Les conclusions de la requête sont, dans cette mesure, devenue sans objet.

Sur l’avis d’imposition supplémentaire :

3. Aux termes de l’article L. 253 du livre des procédures fiscales : « Un avis d’imposition est adressé sous pli fermé à tout contribuable inscrit au rôle des impôts directs () dans les conditions prévues aux articles 1658 à 1659 A (du code général des impôts) () L’avis d’imposition mentionne le total par nature d’impôt des sommes à acquitter, les conditions d’exigibilité, la date de mise en recouvrement et la date limite de paiement () ». Aux termes de l’article 1658 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable en l’espèce : « Les impôts directs et les taxes y assimilées sont recouvrés en vertu de rôles rendus exécutoires par arrêté du préfet ou d’avis de mise en recouvrement. () ».

4. En premier lieu, il résulte de l’instruction que le rôle relatif aux impositions litigieuses a été homologué le 16 octobre 2015, antérieurement à la mise en recouvrement des impositions litigieuses. Il suit de là que le moyen tiré du défaut d’homologation du rôle doit être écarté.

5. En deuxième lieu, les appelants soutiennent que l’avis d’imposition ne peut tenir lieu de notification régulière de l’article du rôle individuel, et qu’en l’absence d’une telle notification, les impositions contestées ne seraient pas exigibles. Toutefois et en tout état de cause, ce moyen, qui a trait à l’exigibilité de l’impôt et donc à son recouvrement, ne peut être utilement soulevé devant le juge de l’assiette de l’impôt.

Sur l’impôt sur le revenu :

6. Aux termes de l’article 35 du code général des impôts : « I. – Présentent également le caractère de bénéfices industriels et commerciaux, pour l’application de l’impôt sur le revenu, les bénéfices réalisés par les personnes physiques désignées ci-après : () 3° Personnes qui procèdent à la cession d’un terrain divisé en lots destinés à être construits lorsque le terrain a été acquis à cet effet () ».

7. Il résulte de l’instruction que, le 2 décembre 1998, les appelants ont conclu un acte sous-seing privé en vue de l’acquisition d’un terrain d’une superficie de 11 800 m² situé « Derrière l’Église » à Labastidette. Le 3 mars 1999, la direction départementale de l’équipement a indiqué que, pour construire sur ce terrain, il était nécessaire de procéder à la réalisation d’un lotissement sur l’ensemble de la zone. Le 11 avril 2001, M. et Mme A ont procédé à l’acquisition de ces 11 800 m² de terrains, au prix de 354 000 francs (soit 53 967 euros), et, au mois de juin 2007, le plan local d’urbanisme a classé les terrains en zone à urbaniser à long terme (Zone 2AU). Le 2 janvier 2007, M. et Mme A ont créé la SAS A and Co, qui exerce une activité de marchand de biens et de promotion immobilière, dans laquelle ils sont tous deux associés et dont M. A est le président directeur général. En 2010, les terrains ont été classés en zone AU du plan local d’urbanisme (lotissement, groupement d’habitations ou collectif) avec un coefficient d’occupation des sols de 0,4. Le 28 décembre 2009, M. A a déposé une demande de permis d’aménager, laquelle a été refusée le 25 mars 2010 dans l’attente de certaines modifications telles que la création de pistes cyclables, de chemins piétonniers et d’un bassin de rétention. Dans le but de permettre la réalisation de ces modifications, M. A a acquis, le 23 juin 2010, 3 006 m² de terrains mitoyens et, le 23 décembre 2010, a été autorisée la création de sept lots, puis de deux lots en 2012 et de huit par la suite. Le 29 décembre 2010, M. et Mme A ont cédé 13 993 m² de terrains à la SAS A and Co pour un prix de 730 800 euros.

8. Il résulte de ce qui précède que, dès l’acquisition des terrains en 2001, les parcelles étaient destinées à accueillir un lotissement et qu’elles n’ont été cédées que lorsque le permis d’aménager et de lotir ont été accordés. Eu égard à la destination des parcelles, qui était connue dès le 3 mars 1999, les appelants ne sont pas fondés à soutenir qu’ils ont procédé à leur acquisition dans le but d’y édifier leur résidence principale, d’autant qu’il est constant que l’acte de vente signé le 11 avril 2001 mentionnait que le terrain était classé en zone 2NA, qui n’autorisait que la réalisation d’un lotissement, à l’exclusion d’une habitation individuelle. Ainsi, et nonobstant le délai écoulé entre l’acquisition du terrain et sa revente et la circonstance qu’il s’agit d’une vente unique, c’est à bon droit que l’administration a estimé que le terrain avait été acquis dès l’origine dans l’intention de le revendre après division en lots et que le gain réalisé à l’occasion de cette cession devait être imposé dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, en application des dispositions rappelées au point 6.

Sur la taxe sur la valeur ajoutée :

9. Aux termes de l’article 256 du code général des impôts : « I. – Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel () ». Aux termes de l’article 257 du même code : « I. – Les opérations concourant à la production ou à la livraison d’immeubles sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée dans les conditions qui suivent. 2. Sont considérés : / 1° Comme terrains à bâtir, les terrains sur lesquels des constructions peuvent être autorisées en application d’un plan local d’urbanisme, d’un autre document d’urbanisme en tenant lieu, d’une carte communale ou de l’article L. 111-3 du code de l’urbanisme () ».

10. Pour l’application de ces dispositions, la livraison, par une personne physique, de terrains à bâtir est soumise à la taxe sur la valeur ajoutée lorsqu’elle procède, non de la simple gestion d’un patrimoine privé, mais de démarches actives de commercialisation foncière, telles que la réalisation de travaux de viabilisation ou la mise en œuvre de moyens de commercialisation de type professionnel, similaires à celles déployées par un producteur, un commerçant ou un prestataire de services, et qu’elle permet ainsi de regarder cette personne comme ayant exercé une activité économique.

11. Il est constant qu’avant de céder, le 29 décembre 2010, à la SAS A and Co, dont ils sont tous deux associés, les 13 993 m² de terrains en cause, les appelants n’ont mis en œuvre aucune démarche de commercialisation foncière similaire à celles déployées par un producteur, un commerçant ou un prestataire de services. Par suite, en procédant à la cession en cause, ils ne peuvent être regardés comme ayant exercé une activité économique, et M. et Mme A sont fondés à soutenir, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens dirigés contre la taxe sur la valeur ajoutée en litige, que c’est à tort que l’administration a assujetti cette cession à la taxe sur la valeur ajoutée.

Sur les pénalités :

12. Le gain réalisé par M. et Mme A à l’occasion de la cession en cause a été déclaré dans la catégorie des plus-values des particuliers, et les appelants ont acquitté l’impôt sur le revenu correspondant, pour un montant de 101 066 euros, au titre de l’année 2010. À la suite de la vérification de comptabilité, l’administration a mis en recouvrement l’intégralité de la cotisation d’impôt sur le revenu afférente à l’imposition du gain de cession dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, sans imputer sur ce montant la somme déjà réglée par les contribuables. Dans la décision mentionnée au point 2 du présent arrêt, le service a prononcé le dégrèvement de la somme de 101 066 euros en principal, sans prononcer le dégrèvement de l’intérêt de retard et de la majoration de 10 % appliquée au titre du a du 1 de l’article 1728 du code général des impôts. L’administration ne peut sérieusement soutenir qu’ayant dégrevé l’imposition primitive, elle ne serait pas tenue de dégrever l’intérêt de retard et la majoration. Dès lors, les appelants ont droit à être déchargés de l’intérêt de retard et la majoration de 10 % qui ont appliqués à la somme de 101 066 euros.

Sur les conclusions au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’État la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n’y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. et Mme A, à concurrence du dégrèvement de la somme de 101 066 euros.

Article 2 : M. et Mme A sont déchargés de la taxe sur la valeur ajoutée qui leur a été réclamée au titre de l’année 2010.

Article 3 : M. et Mme A sont déchargés de l’intérêt de retard et de la majoration de 10 % appliqués à la somme de 101 066 euros citée à l’article 1er.

Article 4 : L’État versera à M. et Mme A la somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme A est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme C A et au ministre de l’économie, des finances et de la relance. Une copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud- Ouest.

Délibéré après l’audience du 9 septembre 2021 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

Mme Munoz-Pauziès, présidente-assesseure,

Mme Florence Rey-Gabriac, première conseillère.

Rendu public par dépôt au greffe le 7 octobre 2021.

La rapporteure,

Frédérique Munoz-Pauziès Le président

Éric Rey-Bèthbéder

La greffière,

Angélique Bonkoungou

La République mande et ordonne au ministre de l’économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution du présent arrêt.

619BX03928

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