COUR ADMINISTRATIVE D'APPEL DE LYON, 3ème chambre - formation à 3, 23 décembre 2014, 13LY03424, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Lyon, 3e ch. - formation à 3, 23 déc. 2014, n° 13LY03424
Juridiction : Cour administrative d'appel de Lyon
Numéro : 13LY03424
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Plein contentieux
Décision précédente : Tribunal administratif de Dijon, 9 octobre 2013, N° 1201598
Identifiant Légifrance : CETATEXT000030046963

Sur les parties

Texte intégral

Vu la requête, enregistrée le 20 décembre 2013, présentée pour M. B… A…, domicilié … ;

M. A… demande à la Cour :

1°) d’annuler le jugement n° 1201598 en date du 10 octobre 2013 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l’Etat à lui verser la somme de 259 207,74 euros en réparation du préjudice subi du fait du défaut d’affiliation par l’Etat aux régimes général et complémentaire de sécurité sociale pour les missions qu’il a effectuées au titre d’un mandat sanitaire ;

2°) de condamner l’Etat à lui verser la somme susmentionnée sauf à parfaire au regard notamment d’une éventuelle modification à intervenir du taux de rachat des cotisations sociales, assortie de l’intérêt au taux légal à compter de la date de réception par l’administration de sa demande d’indemnisation ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

il soutient que :

— au moment de la liquidation de sa retraite, il ignorait l’existence de sa créance sur l’Etat : sa situation relève des dispositions de l’article 3 de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

 – la prescription quadriennale n’a pas vocation à s’appliquer aux arrérages de pension qui auraient dû lui être versés postérieurement à sa demande indemnitaire ;

 – à la date à laquelle il a pris sa retraite, l’Etat disposait d’un délai de trente ans pour agir en restitution d’un éventuel trop-versé de pension, délai sept à huit fois plus important que celui qui lui est ouvert par la loi du 31 décembre 1968 ; une telle disproportion entre le délai d’action ouvert à l’Etat et celui ouvert à l’administré contrevient ouvertement aux stipulations de l’article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; en outre, s’agissant des arrérages de pension qui ne sont pas échus, la créance n’étant pas encore exigible, leur opposer la prescription quadriennale constituerait une atteinte disproportionnée à son droit de propriété en méconnaissance des stipulations précitées ;

 – sa demande est recevable alors même qu’il n’avait pas chiffré le montant de sa demande préalable ;

 – il a droit, d’une part, au remboursement des cotisations patronales et salariales qu’il aura à acquitter en lieu et place de l’Etat pour la période du 1er juin 1958 au 31 décembre 1989 et, d’autre part, au versement des pensions de retraite au titre de la période comprise entre la date de son admission à la retraite et la date du versement par l’Etat de la somme précédente ; le calcul des cotisations non versées pourra être effectué sur la base de l’assiette forfaitaire visée à l’article R. 351-11 du code de la sécurité sociale ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu l’ordonnance en date du 11 février 2014 fixant la clôture d’instruction au 28 mars 2014, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire, enregistré le 27 mars 2014, présenté pour M. A… qui conclut en outre à ce que le montant de la condamnation qui sera prononcée contre l’Etat soit porté à la somme de 285 828,78 euros ;

Vu le mémoire, enregistré le 27 mars 2014, présenté par le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt qui conclut au rejet de la requête ;

il soutient que :

— l’intéressé ayant fait valoir ses droits à la retraite le 1er avril 2003, la prescription quadriennale était acquise au 1er janvier 2008 ; or, il n’a sollicité l’indemnisation de son préjudice que le 10 février 2012 ;

 – en 1974, le Conseil d’Etat a jugé que les rémunérations perçues par les vétérinaires sanitaires dans le cadre de leur mandat avaient le caractère de salaires ; ce caractère a été rappelé aux intéressés dans une instruction fiscale en date du 5 novembre 1975 ; et surtout, la loi du 22 juin 1989 a clairement indiqué que les sommes perçues au titre d’un mandat sanitaire ne pouvaient plus avoir le caractère de salaires ; enfin, la qualification de ces rémunérations a fait l’objet d’articles explicites dans les revues professionnelles ;

 – l’intéressé a dû recevoir un relevé de son compte pour la détermination de ses droits à pension de retraite par la caisse gestionnaire du régime de base obligatoire d’assurance vieillesse dont il relevait ; il pouvait se rendre compte que ce relevé ne comportait pas la part née de l’exercice du mandat sanitaire qui lui avait été confié ; enfin, l’administration n’est pas tenue d’informer ses agents sur les régimes de sécurité sociale ;

 – le point de départ de la prescription quadriennale est la date à laquelle l’intéressé a liquidé sa retraite, étant en mesure de connaître à cette date l’étendue de l’ensemble de son préjudice ;

 – la prescription quadriennale prévue par la loi du 31 décembre 1968 a été édictée dans un but d’intérêt général et ses dispositions ne peuvent être considérées comme contraires aux dispositions de l’article 1er du protocole additionnel de la convention européenne des droits de l’homme ;

 – l’intéressé ne fournit aucun document justifiant le montant des rémunérations perçues ;

 – l’assiette forfaitaire prévue par les dispositions de l’article R. 351-11 du code de la sécurité sociale n’a pas vocation à s’appliquer au calcul de l’indemnité correspondant au montant du préjudice économique que l’intéressé a subi au titre de périodes d’activité liées au mandat sanitaire ;

Vu l’ordonnance en date du 31 mars 2014 par laquelle, en application de l’article R. 613-1 du code de justice administrative, le président de la troisième chambre de la Cour a reporté la clôture de l’instruction au 25 avril 2014 ;

Vu le mémoire, enregistré le 23 avril 2014, présenté pour M. A… qui conclut aux mêmes fins que précédemment ;

il soutient, en outre, que l’assiette forfaitaire constitue un moyen, à l’instar d’un barème, pour évaluer le préjudice qu’il a subi ;

Vu l’ordonnance en date du 29 avril 2014 par laquelle, en application de l’article R. 613-1 du code de justice administrative, le président de la troisième chambre de la Cour a rouvert l’instruction ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code civil ;

Vu le code rural ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu la loi n° 2008-651 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile ;

Vu la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l’Etat, les départements, les communes et les établissements publics ;

Vu la loi n° 89-412 du 22 juin 1989 modifiant et complétant certaines dispositions du livre II du code rural ainsi que certains articles du code de la santé publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 2 décembre 2014 :

— le rapport de Mme Dèche, premier conseiller ;

 – les conclusions de M. Clément, rapporteur public ;

 – et les observations de Me C…, représentant M. A… ;

1. Considérant que M. A… qui, en sa qualité de vétérinaire, a été investi d’un mandat sanitaire dans le département de Saône-et-Loire du 1er novembre 1966 au 31 décembre 1989, afin de mener des opérations de prophylaxie collective du bétail et qui a fait valoir ses droits à la retraite, à compter du 1er avril 2003, relève appel du jugement du 10 octobre 2013 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l’Etat à lui verser la somme de 259 207,74 euros en réparation du préjudice subi du fait du défaut d’affiliation par l’Etat aux régimes général et complémentaire de sécurité sociale pour les missions qu’il a effectuées au titre d’un mandat sanitaire ;

2. Considérant, en premier lieu, qu’aux termes de l’article 1er de la loi du 31 décembre 1968 susvisée : « Sont prescrites, au profit de l’Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n’ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l’année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. (…). » ; qu’aux termes de l’article 3 de cette même loi : « La prescription ne court ni contre le créancier qui ne peut agir, soit par lui-même ou par l’intermédiaire de son représentant légal, soit pour une cause de force majeure, ni contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l’existence de sa créance ou de la créance de celui qu’il représente légalement. » ;

3. Considérant que l’intéressé fait valoir qu’il ne peut être regardé comme ayant contribué au préjudice qu’il invoque dans la mesure où il n’a pu avoir connaissance de l’absence de paiement par l’Etat des cotisations qu’il devait, compte tenu des conditions de versement des rémunérations auxquelles il avait droit et que pour les mêmes raisons, il doit être regardé comme ayant été en situation d’ignorance légitime de l’étendue de sa créance au sens de l’article 3 de la loi du 31 décembre 1968, au moment où il a vu ses droits à la retraite liquidés ; que toutefois, l’absence de paiement par l’Etat des cotisations litigieuses a été nécessairement révélée à l’intéressé à cette date, le titre de pension ne faisant pas état d’une pension au titre des régimes général et complémentaire ; que dans ces conditions, l’intéressé ne peut être considéré comme ayant été, à cette date, en situation d’ignorance légitime de l’étendue de sa créance au sens de l’article 3 de la loi du 31 décembre 1968 ;

4. Considérant, en deuxième lieu, que le préjudice dont le requérant fait état concernant les arrérages de pension non encore échus ne saurait être détaché de celui tenant au défaut de paiement par l’Etat des cotisations auprès du régime général de retraite et de l’institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l’Etat et des collectivités publiques (IRCANTEC) dues pour les traitements versés au titre de l’exercice de ses mandats sanitaires ; qu’une telle créance se rattache à l’année au cours de laquelle le préjudice est connu dans toute son étendue, c’est-à-dire celle au cours de laquelle l’intéressé cesse son activité et fait valoir ses droits à la retraite ; que par suite, le requérant ne saurait soutenir que la créance litigieuse ne serait pas prescrite s’agissant des arrérages de pension qui auraient dû lui être versés postérieurement à sa demande indemnitaire ;

5. Considérant, en dernier lieu, que M. A… soutient que les dispositions précitées de la loi du 31 décembre 1968 entraînent une atteinte disproportionnée à son droit au respect de ses biens et à l’équilibre entre la protection de la propriété et les exigences de l’intérêt général, en méconnaissance de l’article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales en ce qu’elles permettent aux créanciers de l’Etat de ne disposer que d’un délai de quatre ans pour faire valoir leurs créances et alors que pour recouvrer ses propres créances, le délai dont disposait l’Etat, avant l’entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, pouvait atteindre trente ans ; que toutefois, à la date à laquelle la prescription quadriennale a été opposée à l’intéressé, le délai de prescription applicable aux créances détenues par l’Etat était de cinq ans en application de l’article 2224 du code civil tel que résultant de la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, applicable aux actions en responsabilité extra contractuelle ; que par suite, le moyen tiré du caractère disproportionné des délais de prescription applicables aux créanciers de l’Etat et à ses débiteurs n’est pas fondé ; qu’enfin, eu égard à ce qui a été dit précédemment, le requérant ne saurait utilement soutenir que la prescription de la créance relative au paiement des arrérages de pension non encore échus lui aurait été opposée en méconnaissance des stipulations de l’article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

6. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que M. A… n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l’Etat, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. A… demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE :


Article 1er : La requête de M. A… est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B… A… et au ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt.

Délibéré après l’audience du 2 décembre 2014 à laquelle siégeaient :
M. Martin, président de chambre,
Mme Courret, président-assesseur,
Mme Dèche, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 23 décembre 2014.

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N°13LY03424

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