Cour administrative d'appel de Lyon, 8 juillet 2014, n° 13LY01476

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Lyon, 8 juill. 2014, n° 13LY01476
Juridiction : Cour administrative d'appel de Lyon
Numéro : 13LY01476
Décision précédente : Tribunal administratif de Clermont-Ferrand, 8 avril 2013, N° 1200345

Texte intégral

LA COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE LYON

N° 13LY01476


Caisse régionale de crédit agricole mutuel

de Centre France

____________

Mme Samson

Présidente-rapporteur

____________

M. Lévy Ben Cheton

Rapporteur public

____________

Audience du 24 juin 2014

Lecture du 8 juillet 2014

____________

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

La Cour administrative d’appel de Lyon

(2e Chambre)

17-03-01-02-03-01

C

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 11 juin 2013, présentée pour la Caisse régionale du crédit agricole mutuel de Centre France, dont le siège social est situé 3 avenue de la Libération à Clermont-Ferrand (63045) ;

La Caisse régionale du crédit agricole mutuel de Centre France demande à la Cour :

1°) d’annuler le jugement n° 1200345 du 9 avril 2013 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à obtenir la décharge des amendes prévues à l’article 1739 du code général des impôts mises à sa charge au titre des années 2007 et 2008 comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître ;

2°) de prononcer la décharge des amendes contestées ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La Caisse régionale du crédit agricole mutuel de Centre France soutient que :

— le jugement attaqué est insuffisamment motivé pour n’avoir pas pris en compte son argumentation transmise au Tribunal en réponse au moyen susceptible d’être relevé d’office tiré de l’incompétence de la juridiction administrative ;

— la contestation de l’amende prévue à l’article 1739 du code général des impôts relève de la compétence du juge administratif ;

— la direction des vérifications nationales et internationales est incompétente pour établir le procès-verbal d’infraction ;

— pour appliquer l’amende prévue à l’article 1739 du code général des impôts, le service ne pouvait procéder à une vérification de comptabilité dès lors qu’elle ne visait nullement à contrôler le respect par la banque de l’obligation déclarative prévue à l’article 242 ter du code général des impôts dont le régime de sanction, prévu aux articles 1729 B, 1736 et 1738 du code général des impôts, est distinct de l’amende de l’article 1739 ;

— l’article 1739 est contraire aux stipulations de l’article 6§1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et au principe de proportionnalité des peines qui en découle dès lors qu’il ne prévoit aucune possibilité de moduler le taux de l’amende en fonction de la gravité du comportement réprimé et que ce taux est manifestement excessif ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 29 novembre 2013 présenté par le ministre de l’économie et des finances qui conclut au rejet de la requête ;

Le ministre de l’économie et des finances soutient que :

— le moyen portant sur l’habilitation des agents de la direction des vérifications nationales et internationales pour constater les infractions visées à l’article 1739 du code général des impôts ne peut utilement être invoqué dans un litige de plein contentieux fiscal ;

— le procès-verbal litigieux est revêtu de la signature de la direction générale des finances publiques ;

— l’interdiction d’engager une vérification de comptabilité pour examiner le respect par la Caisse régionale du crédit agricole mutuel de Centre France des prescriptions de l’article 1739 du code général des impôts et d’appliquer les sanctions prévues par ce texte à raison des infractions constatées par le procès-verbal du 29 juillet 2010 ne résulte d’aucun texte légal ou réglementaire ;

— les traitements informatiques visés à l’article L. 47 A II du livre des procédures fiscales portaient sur l’épargne réglementée, les provisions sur créances des clients douteux et litigieux et le total des provisions en fin d’exercice ;

— une proposition de rectification a été également adressée à la banque le 30 septembre 2010 en matière d’impôt sur les sociétés et de taxe sur les salaires ;

— les droits de la défense n’ont pas été méconnus dès lors que l’amende a été déterminée à partir d’informations issues de la propre comptabilité de la Caisse régionale du crédit agricole mutuel de Centre France et que lors d’une réunion du 17 juin 2010, le service vérificateur a présenté et commenté à la société les conclusions de son étude relative à l’épargne réglementée ; le procès-verbal des infractions commises a été dressé le 29 juillet 2010, précisant que la banque avait la faculté de se faire assister d’un conseil pour discuter des propositions de l’administration et qu’elle disposait d’un délai de trente jours pour présenter ses observations ;

— le dispositif prévu à l’article 1739 du code général des impôts est compatible avec l’article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales en ce qu’il fixe le droit à un procès équitable et la requérante n’est pas fondée à prétendre que l’amende prévue afin de sanctionner ses propres agissements aurait un caractère punitif au motif qu’elle excèderait l’impôt sur le revenu non perçu sur les intérêts versés aux épargnants ;

— l’absence de modulation des sanctions fiscales par le juge ne viole pas l’article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et cette sanction n’est pas excessive par son assiette et son taux ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 21 janvier 2014, présenté pour la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Centre France qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire, enregistré le 17 avril 2014, présenté par le ministre des finances et des comptes publics qui maintient ses écritures précédentes ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code monétaire et financier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 24 juin 2014 :

— le rapport de Mme Samson, présidente,

— et les conclusions de M. Levy Ben Cheton, rapporteur public ;

Considérant que la Caisse régionale du Crédit agricole mutuel (CRCAM) de Centre France a fait l’objet d’une vérification de comptabilité portant sur l’ensemble des déclarations fiscales et opérations susceptibles d’être examinées au titre de la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2008, au terme de laquelle l’administration lui a appliqué l’amende fiscale prévue à l’article 1739 du code général des impôts pour ouverture ou maintien dans des conditions irrégulières de comptes bénéficiant d’une aide publique, notamment sous forme d’exonération fiscale ; que la Caisse régionale du Crédit agricole mutuel de Centre France relève appel du jugement du 9 avril 2013 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à la décharge de ladite amende comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître ;

Sur le motif retenu par le jugement attaqué :

Considérant qu’aux termes des dispositions de l’article 1739 du code général des impôts dans sa rédaction en vigueur à la date du procès-verbal d’infraction reprises à l’article L. 221-35 du code monétaire et financier : « I.-Nonobstant toutes dispositions contraires, il est interdit à tout établissement de crédit qui reçoit du public des fonds à vue ou à moins de cinq ans, et par quelque moyen que ce soit, d’ouvrir ou de maintenir ouverts dans des conditions irrégulières des comptes bénéficiant d’une aide publique, notamment sous forme d’exonération fiscale, ou d’accepter sur ces comptes des sommes excédant les plafonds autorisés. Sans préjudice des sanctions disciplinaires qui peuvent être infligées par l’Autorité de contrôle prudentiel, les infractions aux dispositions du présent article sont punies d’une amende fiscale dont le taux est égal au montant des intérêts payés, sans que cette amende puisse être inférieure à 75 €./ Un décret pris sur le rapport du ministre chargé du budget fixe les modalités d’application du présent article, et notamment les conditions dans lesquelles seront constatées et poursuivies les infractions./ II.-Les dispositions du I s’appliquent, quels que soient les entreprises, établissements ou organismes dépositaires, au régime de l’épargne populaire créé par la loi n° 82-357 du 27 avril 1982 portant création d’un régime d’épargne populaire. » ; qu’aux termes de l’article L. 221-36 du code monétaire et financier : « Les infractions aux dispositions de l’article L. 221-35 sont constatées comme en matière de timbre : par les comptables du Trésor ; par les agents des administrations financières. Les procès-verbaux sont dressés à la requête du ministre chargé de l’économie. » ; qu’aux termes de l’article L. 199 du livre des procédures fiscales : « En matière d’impôts directs et de taxes sur le chiffre d’affaires ou de taxes assimilées, les décisions rendues par l’administration sur les réclamations contentieuses et qui ne donnent pas entière satisfaction aux intéressés peuvent être portées devant le tribunal administratif. Il en est de même pour les décisions intervenues en cas de contestation pour la fixation du montant des abonnements prévus à l’article 1700 du code général des impôts pour les établissements soumis à l’impôt sur les spectacles./ En matière de droits d’enregistrement, de taxe de publicité foncière, de droits de timbre, de contributions indirectes et de taxes assimilées à ces droits, taxes ou contributions , le tribunal compétent est le tribunal de grande instance. Les tribunaux de grande instance statuent en premier ressort. Un décret en Conseil d’Etat fixe les modalités d’application » ;

Considérant que la juridiction compétente pour connaître d’une contestation portant sur l’amende fiscale prévue à l’article 1739 du code général des impôts doit être déterminée d’après la nature du versement prévu par les textes sus-reproduits et non d’après son mode de recouvrement ; que ce versement, bien que recouvré comme en matière de timbre, ne revêt ni le caractère d’un droit de timbre ni celui d’un impôt direct ou indirect, mais constitue une sanction administrative encourue pour inobservation des prescriptions de l’article 1739 du code général des impôts ; que le contentieux en est, dès lors, compris parmi le contentieux général des actes et opérations de puissance publique et relève à ce titre de la juridiction administrative ; qu’il résulte de ce qui précède que la Caisse régionale du Crédit agricole mutuel de Centre France est fondée à soutenir que le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a entaché son jugement d’irrégularité pour avoir rejeté sa demande comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître ; que, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de renvoyer cette affaire au Tribunal administratif de Clermont-Ferrand pour qu’il y soit statué ; qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat le versement de la somme que la Caisse régionale du Crédit agricole mutuel de Centre France demande au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1200345 du 9 avril 2013 du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand est annulé.

Article 2 : L’affaire est renvoyée au Tribunal administratif de Clermont-Ferrand.

Article 3 : Les conclusions de la Caisse régionale du Crédit agricole mutuel de Centre France présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la Caisse régionale du Crédit agricole mutuel de Centre France et au ministre des finances et des comptes publics.

Délibéré après l’audience du 24 juin 2014 à laquelle siégeaient :

Mme Samson, présidente,

M. X et M. Y, premiers conseillers,

Lu en audience publique, le 8 juillet 2014.

L’assesseur le plus ancien, La présidente-rapporteur,

T. X D. Samson

Le greffier,

J. Billot

La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution du présent arrêt.

Pour expédition,

Le greffier,

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