CAA de LYON, 5ème chambre - formation à 3, 8 mars 2018, 16LY03809, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Lyon, 5e ch. - formation à 3, 8 mars 2018, n° 16LY03809
Juridiction : Cour administrative d'appel de Lyon
Numéro : 16LY03809
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Fiscal
Décision précédente : Tribunal administratif de Lyon, 21 juillet 2016, N° 1308189
Identifiant Légifrance : CETATEXT000036706035

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure
M. et Mme C… A… ont demandé au tribunal administratif de Lyon de leur accorder la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2008, 2009 et 2010 et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1308189 du 22 juillet 2016, le tribunal administratif de Lyon a prononcé la décharge des pénalités pour manoeuvres frauduleuses infligées à M. et Mme A… et rejeté le surplus des conclusions de leur demande.

Procédure devant la cour

Par un recours enregistré le 17 novembre 2016 et un mémoire, enregistré le 15 mai 2017, le ministre de l’économie et des finances demande à la cour :

1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 22 juillet 2016 ;

2°) de constater un non-lieu à statuer à concurrence des dégrèvements prononcés en cours d’instance ;

3°) de remettre à la charge de M. et Mme A… le montant des pénalités pour manoeuvres frauduleuses non inclus dans lesdits dégrèvements.

Il soutient que :

 – la pénalité pour manoeuvres frauduleuses est justifiée ;

 – subsidiairement, il convient d’y substituer la pénalité pour manquement délibéré ;

 – la comptabilité est non probante ;

 – les méthodes de reconstitution employées sont justifiées ;

 – l’administration justifie également de l’appréhension des distributions.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 février 2017, M. et Mme A…, représentés par Me B…, concluent au rejet du recours et à la décharge des impositions restant en litige. Ils demandent également le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.


Ils soutiennent que :

 – la pénalité pour manquement délibéré n’est pas justifiée ;

 – les méthodes de reconstitution employées sont viciées ou excessivement sommaires ;

- ils contestent le montant des distributions ;

- aucun des moyens invoqués par le ministre n’est fondé.

Par une ordonnance du 21 juin 2017, la clôture de l’instruction a été fixée au 31 juillet 2017.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

 – le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

 – le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique :

 – le rapport de M. Savouré, premier conseiller,

 – les conclusions de Mme Bourion, rapporteur public ;

1. Considérant que Mme A… est cogérante et associée à hauteur de 50 % de la Selarl Pharmacie de Saint-François, laquelle exploite une officine de pharmacie à Saint-Etienne (Loire) qui a fait l’objet d’une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos en 2008, 2009 et 2010 ; que l’administration a estimé que les omissions de recettes constatées à l’occasion de ce contrôle devaient être imposées entre les mains de Mme A…, sur le fondement du 2° du 1 de l’article 109 du code général des impôts, à proportion de la fraction des omissions correspondant à ses droits dans la société, soit 16 824 euros en 2008, 15 791 euros en 2009 et 16 520 euros en 2010 ; que cette base a été augmentée du coefficient de 1,25 prévu par le 2° du 7 de l’article 158 du code général des impôts ; que les impositions mises à la charge de M. et Mme A… à l’issue de cette procédure ont été assorties de la majoration de 80 % pour manoeuvres frauduleuses et de l’intérêt de retard ; que, par jugement du 22 juillet 2016, le tribunal administratif de Lyon a prononcé la décharge de la majoration pour manoeuvre frauduleuse et rejeté le surplus des conclusions de leur demande ; que le ministre de l’économie et des finances interjette appel de ce jugement, en tant qu’il a prononcé cette décharge ; que, par un appel incident, M. et Mme A… demandent la décharge du surplus des impositions auxquelles ils ont été assujettis ;

Sur l’étendue du litige :

2. Considérant que, postérieurement à l’introduction de la requête, l’administration indique que les dispositions du 2° du 7 de l’article 158 ne sont pas applicables à la base imposable des requérants aux contributions sociales ; que, par une décision du 11 mai 2017, elle a ainsi prononcé le dégrèvement des contributions sociales à concurrence de 508 euros en droits et 57 euros en pénalités au titre de l’année 2008, 478 euros en droits et 31 euros en pénalités au titre de l’année 2009 et 506 euros en droits et 8 euros en pénalités au titre de l’année 2010 ; que les conclusions du recours du ministre et celles de l’appel incident présenté par M. et Mme A… sont, dans la mesure de ces montants, devenues sans objet ;

Sur la reconstitution de chiffre d’affaires :

En ce qui concerne le caractère probant de la comptabilité :

3. Considérant que la Selarl Pharmacie de Saint-François utilise le logiciel " Alliance + » ; qu’ayant exercé son droit de communication auprès de l’autorité judiciaire, l’administration a pris connaissance d’un rapport d’expertise judiciaire indiquant que ce logiciel disposait d’une fonctionnalité permettant de supprimer de l’historique de caisse les opérations en espèces ne faisant intervenir aucun tiers tels que les banques et les tiers-payants ; que cette fonctionnalité, qui était accessible uniquement aux utilisateurs qui avaient demandé un mot de passe pour s’en servir auprès du fournisseur du logiciel, laisse cependant inchangées les numérotations des ventes, laissant ainsi apparaître des ruptures dans la séquentialité des ventes enregistrées ; que lors d’un contrôle inopiné, l’administration a constaté que la Selarl Pharmacie de Saint-François avait fait usage de cette fonctionnalité et que le fichier retraçant les opérations ainsi supprimées avait été effacé ; qu’au cours de la vérification de comptabilité, l’administration a opéré un traitement informatique en application du II de l’article L. 47 A du livre des procédures fiscales, qui a mis en évidence des discordances importantes entre les ventes qui sont demeurées inscrites dans un fichier informatique après utilisation de cette fonctionnalité du logiciel et les montants figurant dans un autre fichier du logiciel comptable, retraçant globalement, pour chaque article, les quantités vendues mensuellement sur les trente-six derniers mois, lequel n’a pas été modifié par la fonctionnalité permettant la suppression de ventes ; que compte tenu de l’importance et de la fréquence de ces ruptures ainsi que de l’utilisation de la fonctionnalité ainsi décrite du logiciel comptable, l’administration établit que la comptabilité de l’entreprise est dépourvue de caractère probant ;

En ce qui concerne les méthodes de reconstitution du chiffre d’affaires :

4. Considérant que, pour reconstituer les recettes de la Selarl Pharmacie de Saint-François, l’administration à utilisé deux méthodes ; qu’elle a retenu la moyenne des deux méthodes, lesquelles ont abouti à des minorations de, respectivement, 51 200 euros et 57 955 euros s’agissant de l’exercice clos en 2008, 29 611 euros et 28 734 euros s’agissant de l’exercice clos en 2009 et 28 673 euros et 32 510 euros s’agissant de l’exercice clos en 2010 ;

S’agissant de la première méthode :

5. Considérant que l’administration a isolé les journées pendant lesquelles la fonctionnalité de suppression des ventes n’avait pas été utilisée et calculé le montant du ticket moyen des règlements en espèces avant de multiplier ce montant moyen par le nombre d’opérations supprimées, lequel correspond au nombre d’opérations comprises dans les ruptures de séquentialité ; que M. et Mme A… font valoir, d’une part, que seuls quarante-six jours ne connaissent pas de suppressions d’opérations, alors que mille soixante-seize jours en comprennent et, d’autre part, que le nombre de tickets compris dans les journées ne comprenant pas de suppression est également largement moins important que le nombre de tickets inclus dans les journées en comprenant ; que, toutefois, cette circonstance ne suffit pas à retirer toute pertinence statistique aux journées ne comprenant pas de suppression, lesquelles sont, en l’espèce, en nombre suffisant pour considérer que la méthode de reconstitution litigieuse n’est pas excessivement sommaire ; que, si M. et Mme A… relèvent que le ticket moyen lors des jours sans suppression est de 6,86 euros tandis qu’il n’est que de 5,41 euros lors des jours en comprenant, cette discordance s’explique précisément par la circonstance que les tickets aux montants les plus importants ont pu être supprimés ; que, pour le même motif, il n’y a pas lieu, comme le demandent M. et Mme A… à titre subsidiaire, de calculer le montant des opérations omises en tenant compte du montant moyen constaté lors des journées comprenant des suppressions ;

S’agissant de la seconde méthode :

6. Considérant que l’administration a procédé, pour la période du 1er avril 2008 au 31 décembre 2010, dont les données étaient disponibles, à la comparaison entre les données issues du fichier retraçant globalement, pour chaque article, les quantités vendues mensuellement sur les trente-six derniers mois et les données extraites du journal des ventes, telles qu’elles ressortaient après usage de la fonctionnalité de suppression des ventes décrite au point 3 ; que l’écart obtenu a été valorisé en lui appliquant le prix moyen de vente pondéré, lequel a été calculé en divisant le montant total facturé par la quantité facturée ; que lorsqu’aucune vente n’avait été maintenue en comptabilité pour un article donné, le prix public a été utilisé ; qu’une extrapolation a été faite en ce qui concerne la période 2007-2008, pour laquelle les données n’étaient pas disponibles ; que si M. et Mme A… soutiennent que des anomalies intrinsèques du logiciel Alliance + entrainent des risques de double comptage des produits vendus en promotion par lots ou des produits créés par duplication et allèguent que le logiciel comprendrait des « bugs », ils n’appuient pas leur argumentation de données issues des faits de l’espèce et ne justifient pas que ces anomalies, à les supposer avérées, auraient un impact significatif sur les résultats de la reconstitution ; que, contrairement à ce qu’affirment les requérants, le traitement informatique n’inclut ni les sorties correspondant à des rétrocessions, ni les « produits en commande spéciale » qui ne sont pas gérés par le stock ; que les erreurs constatées sur certains produits vendus à des médecins sont négligeables ; que les requérants n’établissent pas une quelconque anomalie quant au retraitement du médicament « Lustine » ; qu’en se bornant à émettre l’hypothèse d’une anomalie dans la mise à jour des produits « Alliadis », les requérants ne justifient pas que, lorsque les écarts entre le fichier des quantités vendues mensuellement sur les trente-six derniers mois et les données extraites du journal des ventes s’élèvent à une seule unité, les écarts seraient en réalité inexistants ; que les requérants n’établissent pas davantage que les simples demandes du prix d’un produit, suivies de l’achat de ce produit, se traduiraient par deux sorties dans le premier fichier et une seule dans le second ; qu’en outre, à la supposer avérée, cette anomalie ne porterait que sur des montants négligeables ;

7. Considérant qu’il résulte de ce qui vient d’être dit que les deux méthodes employées par l’administration pour reconstituer les recettes et le bénéfice imposable de la Selarl Pharmacie de Saint-François, dont les résultats relativement proches corroborent la fiabilité, ne sont ni radicalement viciées ni excessivement sommaires ;

Sur l’appréhension de la distribution :

8. Considérant qu’aux termes de l’article 109 du code général des impôts : « 1. Sont considérés comme revenus distribués : (…) 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices. (…) » ; qu’en cas de refus des redressements par le contribuable qu’elle entend imposer comme bénéficiaire des sommes regardées comme distribuées, il incombe à l’administration d’apporter la preuve que celui-ci en a effectivement disposé ;

9. Considérant que l’administration a relevé que le procédé de fraude mis en oeuvre par la Selarl Pharmacie de Saint-François ne pouvait être réalisé que par les deux cogérants associés, qui étaient seuls à disposer du mot de passe permettant de supprimer certaines opérations ; qu’ainsi, les omissions de recettes n’ont pu être réalisées qu’à leur seul profit ; que M. et Mme A… ne contestent pas le choix fait par l’administration de regarder ces omissions comme distribuées, à concurrence de 50 %, à Mme A…, cette fraction correspondant à sa participation dans la société ; que, dans ces conditions, l’administration rapporte la preuve de l’appréhension des omissions à hauteur des parts de Mme A… dans la société ;

Sur la pénalité de 80% pour manoeuvre frauduleuse :

10. Considérant qu’aux termes de l’article 1729 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l’indication d’éléments à retenir pour l’assiette ou la liquidation de l’impôt ainsi que la restitution d’une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l’État entraînent l’application d’une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré ; (…) c. 80 % en cas de manoeuvres frauduleuses ou de dissimulation d’une partie du prix stipulé dans un contrat ou en cas d’application de l’article 792 bis » ;

11. Considérant que, pour appliquer des pénalités pour manoeuvres frauduleuses sur le fondement des dispositions précitées de l’article 1729 du code général des impôts, l’administration a relevé que le logiciel de gestion Alliance + utilisé par Mme A… comportait un module permettant de dissimuler des recettes, qui ne pouvait avoir d’autre finalité que la fraude fiscale, et que l’activation de ce module nécessitait l’entrée d’un mot de passe, ce qui suppose une manoeuvre consciente de l’utilisateur ; que ces agissements délibérés de l’exploitante de l’officine ont permis de dissimuler des opérations taxables portant sur les ventes payées en espèces de produits délivrés sans ordonnance, faisant obstacle au recoupement avec les remboursements de l’assurance maladie, tout en donnant à la comptabilité l’apparence de la sincérité ; que l’utilisation délibérée d’un logiciel offrant des fonctionnalités de nature à rendre plus difficile le pouvoir de contrôle de l’administration fiscale caractérise des manoeuvres frauduleuses justifiant l’application de la majoration de 80 % prévue par l’article 1729 du code général des impôts ;

12. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que, sous réserve des dégrèvements susmentionnés, le ministre de l’économie et des finances est fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a accordé à M. et Mme A… la décharge des pénalités dont ont été assortis les rehaussements litigieux ; que les conclusions du recours incident de M. et Mme A… doivent, sous la même réserve, être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat une somme au titre des frais exposés par M. et Mme A… à l’occasion du litige ;


DÉCIDE :


Article 1er : A concurrence de la somme de 508 euros en droits et 57 euros en pénalités au titre de l’année 2008, 478 euros en droits et 31 euros en pénalités au titre de l’année 2009 et 506 euros en droits et 8 euros en pénalités au titre de l’année 2010, il n’y a pas lieu de statuer sur les conclusions du recours du ministre de l’économie et des finances et de M. et Mme A….


Article 2 : Sous réserve des montants mentionnés à l’article 1er, la pénalité pour manoeuvres frauduleuses infligée à M. et Mme A… est rétablie.


Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 22 juillet 2016 est réformé en ce qu’il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions de l’appel incident de M. et Mme A… est rejeté.


Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l’action et des comptes publics et à M. et Mme C… A….


Délibéré après l’audience du 15 février 2018 à laquelle siégeaient :
M. Clot, président de chambre,
M. Seillet, président-assesseur,
M. Savouré, premier conseiller.


Lu en audience publique, le 8 mars 2018.

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N° 16LY03809

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