Cour administrative d'appel de Lyon, 5e chambre a, 28 mars 2019, n° 18LY00720

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Lyon, 5e ch. a, 28 mars 2019, n° 18LY00720
Juridiction : Cour administrative d'appel de Lyon
Numéro : 18LY00720
Sur renvoi de : Conseil d'État, 20 février 2018, N° 402109
Dispositif : Liquidation astreinte

Sur les parties

Texte intégral

Vu les procédures suivantes :

Procédures contentieuses antérieures

La société civile de construction vente (SCCV) Les Balcons de l’Arly a demandé au tribunal administratif de Grenoble d’annuler l’arrêté du 17 septembre 2012 par lequel le maire de Crest-Voland a opposé un sursis à statuer à sa demande tendant à obtenir un permis de construire modificatif au permis initialement délivré le 12 avril 2007.

Par un jugement n° 1205907 du 4 juillet 2014, le tribunal administratif a annulé cet arrêté et enjoint au maire de Crest-Voland de réexaminer, dans un délai de trois mois à compter de la notification de son jugement, la demande de permis de construire modificatif présentée par la SCCV Les Balcons de l’Arly et a condamné cette commune à verser une somme de 1 500 euros à la SCCV Les Balcons de l’Arly au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

I- Par un arrêt n° 14LY02741 du 14 juin 2016, la cour administrative d’appel de Lyon a rejeté l’appel formé par la commune de Crest-Voland contre le jugement du 4 juillet 2014 du tribunal administratif de Grenoble.

Par une décision n° 402109 du 21 février 2018, enregistrée à la cour le 22 février 2018, sous le n° 18LY00740, le Conseil d’Etat a annulé l’arrêt n° 14LY02741 du 14 juin 2016 et renvoyé l’affaire à la cour administrative d’appel de Lyon.

II- Par un arrêt n° 15LY01189 du 3 août 2015, la cour administrative d’appel de Lyon, saisie d’une demande d’exécution de ce jugement du 4 juillet 2014 du tribunal administratif de Grenoble, après avoir constaté qu’il n’y avait pas lieu à statuer sur cette demande en tant qu’elle concerne la condamnation de la commune de Crest-Voland à verser une somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, a prononcé une astreinte à l’encontre de la commune si elle ne justifiait pas, dans le délai d’un mois suivant la notification de son arrêt, que son maire avait pris une nouvelle décision sur la demande de permis de construire modificatif présentée par la SCCV Les Balcons de l’Arly, en exécution du jugement du 4 juillet 2014 du tribunal administratif de Grenoble.

Par un arrêt n° 15LY01189 du 14 juin 2016, la cour administrative d’appel de Lyon a procédé à la liquidation de l’astreinte prononcée, pour la période du 6 août 2015 au 14 juin 2016, et ordonné en conséquence que la commune de Crest-Voland verse la somme de 6 260 euros à la SCCV Les Balcons de l’Arly et la somme de 25 040 euros à l’Etat en application des dispositions des articles L. 911-7 et L. 911-8 du code de justice administrative.

Par un arrêt n° 15LY01189 du 24 janvier 2017, la cour administrative d’appel de Lyon a décidé qu’il n’y avait pas lieu à liquider d’astreinte à compter du 15 juin 2016.

Par une décision n° 402114 du 21 février 2018, enregistrée à la cour le 22 février 2018 sous le n° 18LY00720, le Conseil d’Etat a annulé l’arrêt n° 15LY01189 du 14 juin 2016 et renvoyé à la cour administrative d’appel de Lyon la demande d’exécution du jugement.

Procédures devant la cour

I- Par une requête et des mémoires enregistrés le 29 août 2014 et le 1er mars 2019, ce dernier mémoire n’ayant pas été communiqué, la commune de Crest-Voland, représentée par Me A qui s’est substituée à Me C, demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement du 4 juillet 2014 du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) de rejeter la demande de la SCCV Les Balcons de l’Arly devant le tribunal administratif ;

3°) de mettre à la charge de la SCCV Les Balcons de l’Arly le paiement d’une somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

Sur la régularité du jugement :

— le tribunal n’a pas répondu à la fin de non-recevoir tirée de ce que la requête introductive d’instance a été introduite par une personne n’ayant pas qualité pour la représenter et que cette irrégularité ne peut être couverte en cours d’instance ;

— le tribunal a omis de statuer sur la fin de non-recevoir tirée de ce que la demande de la SCCV n’est pas recevable dès lors qu’elle n’a pas contesté le précédent sursis à statuer qui lui a été opposé ;

Sur la recevabilité de la demande devant le tribunal :

— la demande présentée par la SCCV Les Balcons de l’Arly devant le tribunal était irrecevable aux motifs, d’une part, que la requête introductive d’instance a été introduite par une personne n’ayant pas qualité pour la représenter et que cette irrégularité ne peut être couverte en cours d’instance, d’autre part, que la décision contestée est purement confirmative des deux décisions de sursis à statuer prises les 22 et 23 mai 2012 ;

Sur la légalité du sursis à statuer :

— lorsque la commune a opposé un sursis à statuer à la demande de la SCCV Les Balcons de l’Arly, elle ne pouvait, en tout état de cause, délivrer un permis de construire modificatif dans la mesure où le permis de construire initial délivré le 12 avril 2007 était devenu caduc ;

— la signataire du sursis à statuer disposait d’une délégation de signature régulière ;

— le sursis à statuer était fondé dès lors que le projet en cause aurait été de nature à compromettre la réalisation du futur plan local d’urbanisme dont l’élaboration avait été prescrite le 11 avril 2008 et dans lequel il était envisagé de classer en emplacement réservé, pour la réalisation d’une voirie, les terrains sur lesquels cette société envisageait son projet de construction ;

— le sursis à statuer n’est pas entaché de détournement de pouvoir.

Par un mémoire enregistré le 3 octobre 2014, la SCCV Les Balcons de l’Arly, représentée par la SELARL CDMF Avocats, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de la commune de Crest-Voland le paiement d’une somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

— à titre principal, la requête de la commune est irrecevable, le maire ne justifiant pas d’une habilitation par le conseil municipal à ester en justice au nom de la commune ;

— à titre subsidiaire, les moyens de la commune, qui n’a pas expressément sollicité de substitution de motifs et dont le motif tiré de la caducité du permis initial ne pourrait justifier un sursis à statuer, sont infondés.

II- Par des mémoires, enregistrés le 14 décembre 2015, le 17 mai 2016 et le 1er mars 2019, ces deux derniers mémoires n’ayant pas été communiqués, la commune de Crest-Voland, représentée par Me A qui s’est substituée à Me C, conclut dans le dernier état de ses écritures au rejet de la demande d’exécution du jugement.

Elle soutient que :

— aux termes d’une « convention d’objectifs » conclue le 16 octobre 2015 avec la SCCV Les Balcons de l’Arly, cette dernière renonce à se prévaloir de l’astreinte prononcée par l’arrêt du 3 août 2015 et la commune avait tout lieu de penser qu’elle n’avait pas à statuer sur la demande de permis de construire pendant cette période ;

— il ne peut lui être fait grief de ne pas s’être prononcée sur la demande de permis de construire modificatif alors que le permis de construire initial était caduc ;

— l’astreinte ne peut commencer à courir qu’à compter du 6 septembre 2015.

Par un mémoire, enregistré le 6 janvier 2016, qui a été communiqué le 15 novembre 2018, après le renvoi de l’affaire par le Conseil d’Etat, la SCCV Les Balcons de l’Arly, représentée par la SELARL CDMF avocats, maintient sa demande d’exécution du jugement.

Elle soutient que la « convention d’objectifs » conclue le 16 octobre 2015 a seulement pour objet de suspendre provisoirement les effets de l’arrêt rendu le 3 août 2015 par la cour.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

— le code civil ;

— le code de commerce ;

— le code de l’urbanisme ;

— le décret n° 2008-1353 du 19 décembre 2008 ;

— le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique :

— le rapport de Mme D, première conseillère,

— et les conclusions de Mme Bourion, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. Le 12 avril 2007, le maire de Crest-Voland a délivré au groupe BLoisirs un permis de construire pour la réalisation d’une résidence de tourisme au lieudit La Cottuaz, qui a été transféré à la société civile de construction vente (SCCV) Les Balcons de l’Arly par un arrêté du 24 juillet 2007. Le 4 avril 2008, cette société a déposé une demande de permis de construire modificatif qui a été rejetée par une décision du maire de Crest-Voland du 12 novembre 2008. Par un jugement du 23 février 2012, le tribunal administratif de Grenoble a, d’une part, annulé ce refus et, d’autre part, enjoint au maire de Crest-Voland de réexaminer la demande de permis modificatif dans un délai de trois mois à compter de la notification de son jugement. En exécution de cette injonction, le maire de Crest-Voland a, par une décision du 22 mai 2012, puis, par une décision du 23 mai 2012, retirant et remplaçant la précédente décision, décidé de surseoir à statuer sur cette demande. La SCCV Les Balcons de l’Arly a, par courriers du 16 juillet 2012, reçus en mairie le 18 juillet 2012, d’une part, exercé un recours gracieux contre ces décisions en demandant leur retrait et, d’autre part, sollicité, sur le fondement des dispositions de l’article L. 600-2 du code de l’urbanisme, le réexamen de sa demande de permis modificatif au regard des dispositions d’urbanisme applicables à la date du 12 novembre 2008. Par un arrêté du 17 septembre 2012, visant ces deux courriers, le maire de Crest-Voland lui a opposé un nouveau sursis à statuer. Par un jugement du 4 juillet 2014, le tribunal administratif de Grenoble a, d’une part, annulé cet arrêté et, d’autre part, enjoint au maire de Crest-Voland de statuer de nouveau sur la demande de la société pétitionnaire, dans un délai de deux mois, en faisant application des dispositions de l’article L. 600-2 du code de l’urbanisme.

2. Saisie d’une demande d’exécution de ce jugement, par un arrêt du 3 août 2015, la cour a prononcé une astreinte à l’encontre de la commune de Crest-Voland si elle ne justifiait pas, dans le délai d’un mois suivant la notification de son arrêt, que son maire avait pris une nouvelle décision sur la demande de permis de construire modificatif présentée par la SCCV Les Balcons de l’Arly, en exécution du jugement du 4 juillet 2014 du tribunal administratif de Grenoble. Puis, par un arrêt du 14 juin 2016, la cour a procédé à la liquidation de l’astreinte prononcée, pour la période du 6 août 2015 au 14 juin 2016, et ordonné en conséquence que la commune de Crest-Voland verse la somme de 6 260 euros à la SCCV Les Balcons de l’Arly et la somme de 25 040 euros à l’Etat en application des dispositions des articles L. 911-7 et L. 911-8 du code de justice administrative. Par décision du 21 février 2018, le Conseil d’Etat a annulé l’arrêt du 14 juin 2016 et renvoyé à la cour administrative d’appel de Lyon la demande d’exécution du jugement, laquelle a été enregistrée sous le n° 18LY00720.

3. Saisie également, par la commune de Crest-Voland, d’une demande tendant à l’annulation de ce jugement, la cour a rejeté l’appel formé par la commune par un arrêt rendu également le 14 juin 2016. Par décision du 21 février 2018, le Conseil d’Etat a annulé ce second arrêt du 14 juin 2016 et renvoyé à la cour administrative d’appel de Lyon l’affaire, qui a été enregistrée sous le n°°18LY00740.

4. La requête de la commune de Crest-Voland est relative à la contestation d’un jugement dont l’exécution est par ailleurs demandée par la SCCV Les Balcons de l’Arly. Ces deux instances concernent la même affaire. Il y a lieu, dès lors, de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur la requête de la commune de Crest-Voland :

En ce qui concerne la régularité du jugement :

5. En répondant, au point 2 du jugement, que, par délibération du 9 octobre 2012, l’assemblée générale de la SCCV Les Balcons de l’Arly avait mandaté M. B, en qualité de gérant de la société Panoramic, elle-même gérante de la SCCV, pour contester l’arrêté attaqué et que, par suite, la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité du représentant de cette société pour ester en justice devait être écartée, le tribunal administratif, qui n’était pas tenu de répondre à chacun des arguments de la commune, a suffisamment répondu à la fin de non-recevoir tirée de ce que la requête introductive d’instance avait été introduite par une personne n’ayant pas qualité pour la représenter et que cette irrégularité ne pouvait être couverte en cours d’instance.

6. En répondant, au point 3 de son jugement, à la fin de non-recevoir tirée de ce que « la SCCV ne justifierait pas d’un intérêt lui donnant qualité pour poursuivre l’annulation de la décision du 17 septembre 2012 compte tenu des décisions définitives des 22 et 23 mai 2012 ayant le même effet » que « la décision du 17 septembre 2012, par laquelle le maire de la commune de Crest-Voland a sursis à statuer sur la demande de permis de construire modificatif présentée par la SCCV Les Balcons de l’Arly, ne constitue pas une décision purement confirmative des décisions des 22 et 23 mai 2012, compte tenu de l’élément nouveau que constitue la confirmation par la société de sa demande au titre des dispositions de l’article L. 600-2 du code de l’urbanisme », le tribunal a suffisamment répondu à cette fin de non-recevoir.

En ce qui concerne les fins de non-recevoir opposées par la commune de Crest-Voland à la demande de première instance :

7. En premier lieu, en vertu des dispositions de l’article 1849 du code civil, rendu applicable aux sociétés civiles de construction vente par les articles L. 210-1 et L. 211-1 du code de la construction et de l’habitation, le gérant d’une société civile, dans ses rapports avec les tiers, engage la société par les actes entrant dans l’objet social de la société. Ces dispositions confèrent au gérant d’une société civile qualité pour la représenter en justice. Par ailleurs, il résulte des dispositions de l’article L. 223-18 du code de commerce que le gérant d’une société à responsabilité limitée est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société, sous réserve des pouvoirs que la loi attribue expressément aux associés, et qu’il a notamment, de plein droit, qualité pour agir en justice au nom de la société.

8. Il ressort des pièces du dossier que le gérant de la SCCV Les Balcons de l’Arly est la SARL Le Panoramic dont M. B est le gérant. Par suite, M. B, avait, sans qu’il soit nécessaire qu’il produise un mandat pour en justifier, qualité pour agir devant le tribunal au nom de la SCCV Les Balcons de l’Arly. Si, dans sa demande présentée devant le tribunal le 31 octobre 2012, la SCCV Les Balcons de l’Arly a indiqué être représentée par son représentant légal en exercice, M. B, alors que son représentant légal était la SARL Le Panoramic, elle a précisé, dans son mémoire enregistré le 3 octobre 2014, être représentée par cette SARL, elle-même prise en la personne de son gérant M. B. La qualité pour agir du représentant de la personne requérante pouvant être justifiée à tout moment de l’instance, la circonstance que cette précision ait été donnée après l’expiration du délai de recours contentieux est sans incidence sur la recevabilité de la demande.

9. En second lieu, si, en l’absence de changement d’objet de la demande ou de changement des circonstances de droit ou de fait, une nouvelle décision prise sur une nouvelle demande, même si elle est fondée sur des motifs différents de ceux de la décision initiale, est purement confirmative de la précédente et ne peut rouvrir le délai contre la décision initiale, la recevabilité d’un recours contre une nouvelle décision ne saurait être écartée en raison du caractère confirmatif de cette dernière que si la décision qu’elle confirme a acquis un caractère définitif.

10. En l’espèce, en exécution du jugement du 23 février 2012, dont il n’a pas été fait appel, annulant le refus de délivrer un permis modificatif opposé à la SCCV Les Balcons de l’Arly le 12 novembre 2008, et enjoignant au maire de Crest-Voland d’instruire à nouveau cette demande dans un délai de trois mois en application des dispositions de l’article L. 911-2 du code de justice administrative, ce dernier a décidé, par arrêté du 23 mai 2012 pris au nom de la commune, de surseoir à statuer pendant une durée de deux ans sur cette demande compte-tenu notamment de ce que le projet serait de nature à compromettre l’exécution du futur plan local d’urbanisme (PLU), alors en cours d’élaboration. Par deux courriers reçus en mairie le 18 juillet 2012, dans le délai de recours contentieux, la SCCV Les Balcons de l’Arly a, d’une part, exercé un recours gracieux contre ces décisions en demandant leur retrait et, d’autre part, sollicité, sur le fondement des dispositions de l’article L. 600-2 du code de l’urbanisme, le réexamen de sa demande de permis modificatif au regard des dispositions d’urbanisme applicables à la date du 12 novembre 2008. Par arrêté du 17 septembre 2012 le maire de Crest-Voland a opposé un nouveau sursis à statuer à la demande de la SCCV, en se fondant sur de nouveaux motifs.

11. Lorsque la SCCV a présenté, le 31 octobre 2012, dans les deux mois suivant la notification de l’arrêté du 17 septembre 2012, sa demande tendant à l’annulation de cet arrêté, l’arrêté du 23 mai 2012 n’avait pas, compte tenu du recours gracieux présenté, acquis un caractère définitif. Par suite, alors même que le maire s’est successivement prononcé sur deux demandes ayant le même objet et qu’il devait examiner ces demandes au regard des mêmes circonstances de droit et de fait, la commune de Crest-Voland n’est pas fondée à soutenir que la demande présentée par la SCCV serait irrecevable au motif que la décision du 17 septembre 2012 serait purement confirmative des précédentes décisions du maire.

En ce qui concerne la légalité de la décision en litige :

12. Aux termes de l’article L. 111-7 du code de l’urbanisme, dont les dispositions sont aujourd’hui reprises à l’article L. 102-13 du même code : « Il peut être sursis à statuer sur toute demande d’autorisation concernant des travaux, constructions ou installations dans les cas prévus par les articles () L. 123-6 (dernier alinéa) () du présent code () ». Aux termes du dernier alinéa de l’article L. 123-6 du même code, dont les dispositions sont aujourd’hui reprises à l’article L. 153-11 : « A compter de la publication de la délibération prescrivant l’élaboration d’un plan local d’urbanisme, l’autorité compétente peut décider de surseoir à statuer, dans les conditions et délai prévus à l’article L. 111-8, sur les demandes d’autorisation concernant des constructions, installations ou opérations qui seraient de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l’exécution du futur plan. ».

13. Pour prononcer un sursis à statuer sur la demande de la SCCV Les Balcons de l’Arly, initialement déposée le 3 avril 2008, tendant à l’obtention d’un permis de construire modificatif ayant pour objet la réorganisation des locaux, l’extension d’un bâtiment et le déplacement des bâtiments, le maire s’est fondé sur la circonstance que le conseil municipal a, par délibération du 11 avril 2008, prescrit l’élaboration du plan local d’urbanisme et que le projet de plan local d’urbanisme prévoit la modification de l’emplacement de la résidence de tourisme prévue dans le projet.

14. En application des dispositions de l’article L. 600-2 du code de l’urbanisme, à la suite de l’injonction prononcée par le tribunal administratif de Grenoble dans son jugement du 23 février 2012, lorsque le maire a, le 23 mai 2012, réexaminé la demande qui avait été présentée par la SCCV le 3 avril 2008, il devait l’examiner sur le fondement des dispositions d’urbanisme applicables le 12 novembre 2008, date du refus de permis de construire annulé par ce jugement. Saisi, dans le délai de recours contentieux d’un recours gracieux contre cette décision du 23 mai 2012, et d’une demande tendant à ce que la demande soit examinée sur le fondement des dispositions d’urbanisme applicables le 12 novembre 2008, c’est sur le fondement de ces dispositions qu’il devait examiner la demande présentée par la SCCV lorsqu’il a statué le 17 septembre 2012.

15. L’élaboration du plan local d’urbanisme a été prescrite par délibération du 11 avril 2008 publiée le 23 avril 2008. Toutefois, les premières réunions publiques sur le projet n’ont été organisées qu’en février 2009 et la présentation du projet d’aménagement et de développement durable n’a eu lieu qu’en juillet 2009. Le projet de plan local d’urbanisme, comprenant notamment les orientations d’aménagement et de programmation, n’a été arrêté par le conseil municipal que le 14 octobre 2011. Ainsi, en l’absence de tout autre élément dont se prévaut la commune, il ne ressort pas des pièces du dossier qu’au 12 novembre 2008, les travaux d’élaboration du nouveau plan présentaient un état suffisamment avancé pour établir que le projet en cause serait de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l’exécution du futur plan. Par suite, par la décision litigieuse du 17 septembre 2012, le maire ne pouvait légalement décider de surseoir à statuer sur la demande de permis modificatif dont il se trouvait ressaisi au titre des dispositions de l’article L. 600-2 au motif que le projet de plan local d’urbanisme prévoyait la modification de l’emplacement de la résidence de tourisme sur le secteur de « La Cottuaz ».

16. La commune fait valoir en défense qu’en tout état de cause, lorsque le maire a opposé les sursis à statuer, la SCCV ne pouvait plus solliciter la délivrance d’un permis de construire modificatif compte tenu de la péremption du permis initial. Toutefois, et alors qu’il appartient au juge de se prononcer sur la légalité des décisions qui lui sont soumises, la circonstance que le permis de construire initial aurait été périmé lorsque le maire a opposé un sursis à statuer, même avérée, n’est pas de nature à démontrer que le maire aurait légalement pu prendre la même décision en se fondant sur un autre motif. Cette circonstance est au contraire de nature à démontrer que le maire n’aurait pas dû opposer un sursis à statuer, mais un refus de permis de construire. La commune ne peut, par suite, utilement se prévaloir en défense de cette circonstance pour justifier de la légalité des décisions de sursis à statuer qui ont été prises par le maire.

17. Il résulte de ce qui précède, et sans qu’il soit besoin d’examiner la fin de non-recevoir opposée à la requête par la société intimée, que la commune de Crest-Voland n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a fait droit à la demande de la société Les Balcons de l’Arly.

18. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SCCV Les Balcons de l’Arly, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la commune de Crest-Voland au titre des frais exposés par elle à l’occasion du litige. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la commune de Crest-Voland une somme de 2 000 euros en application de ces dispositions, au titre des frais exposés par la SCCV Les Balcons de l’Arly.

Sur l’exécution du jugement :

19. Aux termes de l’article L. 911-6 du code de justice administrative : « L’astreinte est provisoire ou définitive. Elle doit être considérée comme provisoire à moins que la juridiction n’ait précisé son caractère définitif. Elle est indépendante des dommages et intérêts. ». Aux termes de l’article L. 911-7 du même code : « En cas d’inexécution totale ou partielle ou d’exécution tardive, la juridiction procède à la liquidation de l’astreinte qu’elle avait prononcée. / Sauf s’il est établi que l’inexécution de la décision provient d’un cas fortuit ou de force majeure, la juridiction ne peut modifier le taux de l’astreinte définitive lors de sa liquidation. / Elle peut modérer ou supprimer l’astreinte provisoire, même en cas d’inexécution constatée. ». Enfin, aux termes de l’article L. 911-8 de ce code : « La juridiction peut décider qu’une part de l’astreinte ne sera pas versée au requérant. / Cette part est affectée au budget de l’Etat. ».

20. Par un arrêt du 3 août 2015, devenu définitif, et notifié à la commune de Crest-Voland le 6 août 2015, la cour, saisie d’une demande d’exécution du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 4 juillet 2014, après avoir constaté qu’il n’y avait pas lieu à statuer sur cette demande en tant qu’elle concerne la condamnation de la commune de Crest-Voland à verser une somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, a prononcé une astreinte à l’encontre de la commune si elle ne justifiait pas, dans le délai d’un mois suivant la notification de son arrêt, que son maire avait pris une nouvelle décision sur la demande de permis de construire modificatif présentée par la SCCV Les Balcons de l’Arly. Le taux de cette astreinte a été fixé à 100 euros par jour, à compter de l’expiration de ce délai.

21. La commune n’a pas exécuté le jugement du tribunal dans le délai d’un mois qui lui a été imparti suivant la notification de cet arrêt du 3 août 2015 mais, ainsi que l’a indiqué la cour dans un arrêt du 24 janvier 2017, le maire de Crest-Voland a délivré le permis de construire modificatif sollicité en exécution du jugement du tribunal par un arrêté du 1er septembre 2016. Dans cet arrêt du 24 janvier 2017, devenu définitif, la cour a décidé qu’il n’y avait pas lieu à liquider d’astreinte à compter du 15 juin 2016. Il y a lieu, pour la cour, dans le présent arrêt, de se prononcer sur la liquidation de l’astreinte prononcée à l’encontre de la commune pour la seule période allant du 7 septembre 2015 au 14 juin 2016.

22. La « convention d’objectifs » conclue le 16 octobre 2015 entre la commune et la SCCV Les Balcons de l’Arly n’a ni pour objet, ni pour effet, d’exonérer la commune de son obligation d’exécution de ce jugement. En outre, si dans cette convention, la SCCV s’engageait « à renoncer à se prévaloir du bénéfice de l’astreinte qui a été prononcée à l’encontre de la commune () pendant une durée de 12 mois à compter du 3 septembre 2015 », cet engagement était conditionné aux engagements réciproques de la commune, eux-mêmes conditionnés à ce que le plan local d’urbanisme de la commune, approuvé le 14 janvier 2014, ne soit pas annulé par le tribunal administratif, alors que le tribunal l’a annulé par un jugement du 15 mars 2016, confirmé, compte tenu du désistement de la commune, par une ordonnance de la cour administrative d’appel de Lyon du 24 novembre 2017.

23. La circonstance que le permis de construire initial, transféré à la SCCV Les Balcons de l’Arly, soit devenu caduc, ne faisait pas par elle-même obstacle à ce que la commune exécute le jugement du 4 juillet 2014 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a enjoint au maire de Crest-Voland de statuer à nouveau sur la demande de la société pétitionnaire, dans un délai de deux mois, en faisant application des dispositions de l’article L. 600-2 du code de l’urbanisme, l’injonction prononcée n’impliquant pas nécessairement que le maire délivre le permis sollicité.

24. Il y a lieu, dès lors, de procéder à la liquidation de l’astreinte pour la période du 7 septembre 2015 au 14 juin 2016 inclus, au taux de 100 euros par jour, soit 28 200 euros. Dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu d’attribuer 20 % de cette somme à la SCCV Les Balcons de l’Arly et le surplus au budget de l’Etat.

DÉCIDE :

Article 1er :La requête n° 18LY00740 de la commune de Crest-Voland est rejetée.

Article 2 :La commune de Crest-Voland versera la somme de 2 000 euros à la SCCV Les Balcons de l’Arly au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 :La commune de Crest-Voland versera la somme de 5 640 euros à la SCCV Les Balcons de l’Arly et la somme de 22 560 euros à l’Etat en application des articles L. 911-7 et L. 911-8 du code de justice administrative.

Article 4 :Le présent arrêt sera notifié à la SCCV Les Balcons de l’Arly et à la commune de Crest-Voland. Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques Auvergne-Rhône-Alpes et du département du Rhône.

Délibéré après l’audience du 7 mars 2019 à laquelle siégeaient :

M. Seillet, président,

M. Souteyrand, président-assesseur,

Mme D, première conseillère.

Lu en audience publique, le 28 mars 2019.

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Nos 18LY00720 – 18LY00740

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Cour administrative d'appel de Lyon, 5e chambre a, 28 mars 2019, n° 18LY00720