CAA de LYON, 4ème chambre, 12 novembre 2020, 19LY04504, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Lyon, 4e ch., 12 nov. 2020, n° 19LY04504
Juridiction : Cour administrative d'appel de Lyon
Numéro : 19LY04504
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Dispositif : Rejet
Identifiant Légifrance : CETATEXT000042543001

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :


Procédure contentieuse antérieure

L’association Eglise Evangélique de Crossroads a demandé au tribunal administratif de Lyon d’annuler l’arrêté du 10 avril 2018 du préfet de l’Ain déclarant cessibles au profit de la société publique locale (SPL) Territoire d’innovation les parcelles nécessaires à la zone d’aménagement concerté « Ferney-Genève Innovation ».

Par un jugement n° 1808840 du 9 octobre 2019, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire enregistrés les 9 décembre 2019 et 10 juin 2020, l’association Eglise Evangélique de Crossroads, représentée par la SCP Piwnica et Moliné, demande à la cour

1°) d’annuler ce jugement et cet arrêté ;

2°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 5 000 euros au titre des frais du litige.

Elle soutient que :

 – le tribunal a insuffisamment motivé sa réponse au moyen, fondé, tiré de ce que l’avis de l’autorité environnementale sur le projet a été émis en méconnaissance du principe de l’autonomie fonctionnelle ;

 – le commissaire enquêteur n’a pas émis de véritable avis au terme de l’enquête parcellaire mais de simples observations et il ne s’est pas prononcé sur le périmètre des acquisitions nécessaires à l’opération, ce qui a privé les propriétaires d’une garantie et exercé une influence sur le sens de la décision ;

 – elle excipe de l’illégalité de l’arrêté du 22 juillet 2016, en raison de l’incompétence de la communauté de communes du Pays de Gex pour recourir à l’expropriation, de la méconnaissance du principe de l’autonomie fonctionnelle, de l’insuffisance de l’étude d’impact et de l’absence d’utilité publique du projet.

Par un mémoire en défense enregistré le 20 août 2020, la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales conclut au rejet de la requête.

Elle déclare s’en rapporter au mémoire en défense produit en première instance par le préfet de l’Ain et fait valoir en outre que :

 – les moyens tirés de l’illégalité de l’arrêté du 22 novembre 2012 modifiant les compétences de la communauté de communes du Pays de Gex, de la délibération du 28 novembre 2013 créant la ZAC et de l’arrêté du 12 février 2014, invoqués par la voie de l’exception, et ceux tirés de la méconnaissance du principe de l’autonomie fonctionnelle et de l’insuffisance de l’étude d’impact sont inopérants et au surplus non-fondés ;

 – les autres moyens soulevés par l’association Eglise Evangélique de Crossroads ne sont pas fondés.

Par un mémoire enregistré le 30 septembre 2020, la SPL Territoire d’innovation, représentée par Me C…, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 4 000 euros soit mise à la charge de l’association Eglise Evangélique de Crossroads au titre des frais du litige.

Elle fait valoir que :

 – les moyens tirés de l’illégalité de la délibération approuvant le traité de concession et de la méconnaissance de l’article 6 de la directive 2011/92/UE du 13 décembre 2011 sont inopérants et en tout état de cause l’exigence d’autonomie résultant de la directive a été respectée ;

 – les autres moyens soulevés par l’appelante ne sont pas fondés.

Des mémoires enregistrés le 9 octobre 2020 présentés pour l’association Eglise Evangélique de Crossroads n’ont pas été communiqués.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

 – la directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 ;

 – le code de l’environnement ;

 – le code de l’expropriation pour cause d’utilité publique ;

 – le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique :

— le rapport de Mme A…,

 – et les observations de Me B…, représentant l’association Eglise Evangélique de Crossroads, et celles de Me D…, repérsentant la SPL Territoire d’innovation ;

Considérant ce qui suit :

1. Par une délibération du 20 novembre 2013, le conseil communautaire de la communauté de communes du Pays de Gex a créé sur le territoire de la commune de Ferney-Voltaire la zone d’aménagement concertée (ZAC) « Ferney-Genève Innovation » à vocation d’habitation et d’activités, d’une superficie de 65 hectares, et approuvé le dossier de création de la ZAC. La réalisation de cet aménagement a été confiée à la société publique locale (SPL) Territoire d’innovation par un traité de concession du 27 mars 2014. Deux enquêtes conjointes, l’une préalable à la déclaration d’utilité publique, l’autre parcellaire, ont été organisées du 8 février 2016 au 18 mars 2016. Par un arrêté du 22 juillet 2016, le préfet de l’Ain a déclaré d’utilité publique les acquisitions des parcelles nécessaires au projet d’aménagement. La commission d’enquête ayant émis un avis défavorable sur l’emprise du projet, le préfet a prescrit une nouvelle enquête parcellaire à l’issue de laquelle, par un arrêté du 10 avril 2018, il a déclaré cessibles au profit de la SPL Territoire d’innovation les parcelles nécessaires à la réalisation de la ZAC. L’association Eglise Evangélique de Crossroads, propriétaire de parcelles incluses dans le périmètre du projet déclaré d’utilité publique, a demandé l’annulation de l’arrêté de cessibilité au tribunal administratif de Lyon. Par un jugement du 9 octobre 2019 dont elle relève appel, le tribunal a rejeté sa demande.

Sur l’illégalité, invoquée par la voie de l’exception, de l’arrêté du 22 juillet 2016 par lequel le préfet de l’Ain a déclaré d’utilité publique l’acquisition des terrains nécessaires à la réalisation de la ZAC « Ferney-Genève innovation ».

2. La procédure de création de zone d’aménagement concerté est indépendante de la procédure mise en oeuvre en vue d’une expropriation pour cause d’utilité publique avec laquelle elle ne constitue pas une opération unique. Ainsi, une illégalité affectant le cas échéant l’acte de création d’une ZAC n’a pas pour effet d’entacher la légalité de l’acte déclarant d’utilité publique le projet d’acquisition des biens nécessaires à la réalisation de cette zone. Dès lors, l’illégalité qui entacherait la délibération du 20 novembre 2013 du conseil communautaire du Pays de Gex approuvant la création de la ZAC « Ferney-Voltaire » est sans incidence sur la légalité de l’arrêté du préfet de l’Ain déclarant d’utilité publique le projet d’acquisition par la communauté de commune ou son concessionnaire de terrains nécessaires à la réalisation de cette ZAC.

3. L’article 6 de la directive du 13 décembre 2011 concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement a pour objet de garantir qu’une autorité compétente et objective en matière d’environnement soit en mesure de rendre un avis sur l’évaluation environnementale des projets susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement, avant leur approbation ou leur autorisation, afin de permettre la prise en compte de ces incidences. Eu égard à l’interprétation de l’article 6 de la directive du 27 juin 2001 donnée par la Cour de justice de l’Union européenne par son arrêt rendu le 20 octobre 2011 dans l’affaire C-474/10, il résulte clairement des dispositions de l’article 6 de la directive du 13 décembre 2011 que, si elles ne font pas obstacle à ce que l’autorité publique compétente pour autoriser un projet soit en même temps chargée de mener la consultation en matière environnementale, elles imposent cependant que, dans une telle situation, une séparation fonctionnelle soit organisée au sein de cette autorité, de manière à ce que l’entité administrative concernée dispose d’une autonomie réelle, impliquant notamment qu’elle soit pourvue de moyens administratifs et humains qui lui soient propres, et soit ainsi en mesure de remplir la mission de consultation qui lui est confiée en donnant un avis objectif sur le projet concerné.

4. D’une part, il ressort des pièces du dossier que le préfet de la région Rhône-Alpes, également préfet du Rhône, est, par application du III de l’article R. 122-6 du code de l’environnement, l’auteur de l’avis rendu en qualité d’autorité environnementale, qui a été préparé et formalisé par les services de la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement de Rhône-Alpes. La déclaration d’utilité publique a quant à elle été instruite par les services de la direction des relations avec les collectivités locales de la préfecture de l’Ain. Dans ces conditions, l’avis ainsi émis par le préfet de région a été rendu par une autorité disposant d’une autonomie effective dans des conditions garantissant son objectivité. D’autre part, il ressort des termes mêmes de la directive qu’elle ne s’applique qu’aux projets publics ou privés susceptibles d’avoir une incidence sur l’environnement. La dérogation aux interdictions d’atteinte aux espèces animales non domestiques et de leurs habitats prévue au 4° de l’article L. 411-2 du code de l’environnement ne constitue pas un projet au sens de cette directive. Il ne saurait être déduit de la circonstance que la demande de dérogation a été instruite par les services de la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement de Rhône-Alpes que la garantie rappelée au point 3 n’aurait pas été assurée.

5. L’article R. 122-5 du code de l’environnement définit le contenu de l’étude d’impact qui est proportionné à la sensibilité environnementale de la zone susceptible d’être affectée par le projet, à l’importance et la nature des travaux, ouvrages et aménagements projetés et à leurs incidences prévisibles sur l’environnement ou la santé humaine. Les inexactitudes, omissions ou insuffisances d’une étude d’impact ne sont susceptibles de vicier la procédure et donc d’entraîner l’illégalité de la décision prise au vu de cette étude que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l’information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l’autorité administrative.

6. D’une part, il ressort des pièces du dossier, et notamment de l’avis de l’autorité environnementale, que l’étude d’impact présentée dans le cadre du dossier de déclaration d’utilité publique était complète et suffisamment précise sur les incidences et les mesures environnementales. Si, par un arrêté du 29 août 2018, le préfet de l’Ain a ouvert une enquête publique portant sur l’autorisation d’ouverture de travaux et un permis d’exploitation au titre du code minier d’un gîte géothermique basse température pour le chauffage et la climatisation des bâtiments à réaliser dans la ZAC, l’étude d’impact produite dans le cadre de la procédure distincte d’exploitation d’un gîte géothermique relève d’une législation indépendante de la procédure de déclaration d’utilité publique. D’autre part, le contenu de l’étude d’impact du projet a été régulièrement complété en 2017 dans le dossier de réalisation de la ZAC, dans le respect des dispositions de l’article R. 311-7 du code de l’urbanisme qui prévoit que « (…) Le dossier de réalisation complète en tant que de besoin le contenu de l’étude d’impact (…) notamment en ce qui concerne les éléments qui ne pouvaient être connus au moment de la constitution du dossier de création (…) ».

7. Une opération ne peut être légalement déclarée d’utilité publique que si les atteintes à la propriété privée, le coût financier, les inconvénients d’ordre social, la mise en cause de la protection et de la valorisation de l’environnement, et l’atteinte éventuelle à d’autres intérêts publics qu’elle comporte ne sont pas excessifs eu égard à l’intérêt qu’elle présente.

8. L’opération projetée de réalisation d’un nouveau quartier mixte de logements et d’activités au sud de la commune de Ferney-Voltaire constitue la déclinaison française du projet stratégique de développement entre la commune suisse du Grand-Saconnex et la commune de Ferney-Voltaire, élaboré dans une logique transfrontalière dans un but de rééquilibrage des programmes de logements et d’activités, en cohérence avec les objectifs du projet d’agglomération franco-valdo-genevois dont la charte a été signée en 2007. Le projet de ZAC permet une organisation spatiale structurée de la commune de Ferney-Voltaire, dont l’extension urbaine génère une croissance démographique significative. Il favorise la mixité sociale et contribue au développement économique par la création de logements sociaux et de nouveaux espaces à vocation d’activités. Ce projet contribue enfin à la limitation des trajets domicile-travail et permet une amélioration de l’offre de transports en commun. Cette opération qui répond ainsi à une finalité d’intérêt général ne peut être réalisée sans procéder aux expropriations litigieuses. Il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment de la délibération du 23 juin 2016 par laquelle le conseil communautaire a levé la réserve émise par la commission d’enquête relative au bilan financier de l’opération que son coût, d’un montant total de 200 771 000 euros incluant le coût du réseau de chauffage et de climatisation des bâtiments à implanter dans la ZAC, puisse être regardé comme excessif, eu égard aux recettes issues des cessions de charge foncière. Il ressort par ailleurs de la délibération du 23 juin 2016 que des mesures compensatoires ont été prévues pour limiter les incidences du projet sur les terres agricoles. Dès lors, les inconvénients allégués par l’association appelante, qui déplore en particulier l’absence de prise en considération de son action sociale, les atteintes portées à la propriété privée et ses conséquences sur l’environnement et l’activité agricole, au demeurant limitées, ne sont pas de nature à lui retirer son caractère d’utilité publique.

Sur l’illégalité de l’arrêté du 10 avril 2018 par lequel le préfet de l’Ain a déclaré cessibles pour cause d’utilité publique au profit de la SPL Territoire d’innovation les terrains situés dans le périmètre de la ZAC « Ferney-Genève innovation » :

9. Aux termes de l’article R. 131-9 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique : « A l’expiration du délai fixé par l’arrêté prévu à l’article R.131-4, les registres d’enquête sont clos et signés par le maire et transmis dans les vingt-quatre heures, avec le dossier d’enquête, au commissaire enquêteur ou au président de la commission d’enquête. / Le commissaire enquêteur ou le président de la commission d’enquête donne son avis sur l’emprise des ouvrages projetés, dans le délai prévu par le même arrêté, et dresse le procès-verbal de l’opération après avoir entendu toutes les personnes susceptibles de l’éclairer (…) ».

10. Il résulte de ces dispositions que l’enquête parcellaire a pour objet, en vue de la réalisation de travaux ou d’ouvrages, de concourir à l’identification précise des parcelles concernées par l’opération déclarée d’utilité publique. En indiquant qu’après un examen attentif du plan parcellaire comparé aux plans d’avant-projet, les limites des emprises qui figurent sur le plan parcellaire sont fidèles aux terrains nécessaires à la réalisation du projet malgré l’imprécision du plan, le commissaire enquêteur doit être regardé comme ayant émis un avis personnel favorable sur le maintien de l’emprise des ouvrages projetés telle que prévue au projet soumis à l’enquête. Le commissaire enquêteur s’est prononcé ainsi sur l’emprise des ouvrages en cause. Contrairement à ce qui est soutenu, son avis ne devait pas porter sur le périmètre des acquisitions d’immeubles nécessaires à la réalisation du projet.

11. Il résulte de ce qui précède que l’association Eglise Evangélique de Crossroads n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé et n’est pas entaché d’omission des premiers juges, qui n’étaient pas tenus de répondre à tous les arguments, de statuer sur un des moyens dont ils étaient saisis, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Sa requête doit être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre des frais du litige. Il a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de laisser à la charge de la SPL Territoire d’innovation les frais qu’elle a exposés à ce même titre.


DÉCIDE :

Article 1er : La requête de l’association Eglise Evangélique de Crossroads est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la SPL Territoire d’innovation au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l’association Eglise Evangélique de Crossroads, à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales et à la société publique locale Territoire d’innovation.


Délibéré après l’audience du 15 octobre 2020, à laquelle siégeaient :
M. d’Hervé, président,
Mme A…, président assesseur,
Mme Lesieux, premier conseiller.

Lu en audience publique le 12 novembre 2020.

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N° 19LY04504

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