Cour administrative d'appel de Lyon, 6e chambre, 19 novembre 2020, n° 20LY01492

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Lyon, 6e ch., 19 nov. 2020, n° 20LY01492
Juridiction : Cour administrative d'appel de Lyon
Numéro : 20LY01492
Décision précédente : Tribunal administratif de Grenoble, 19 avril 2020, N° 2000473
Dispositif : Rejet

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

I – Par une requête, enregistrée sous le n° 2000473, M. C E a demandé au tribunal administratif de Grenoble d’annuler l’arrêté du 25 novembre 2019 par lequel le préfet de l’Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l’a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi et de faire application des dispositions de l’article L. 911-1 et L. 911-2 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2000473 du 20 avril 2020, le tribunal administratif de Grenoble a admis provisoirement M. E au bénéfice de l’aide juridictionnelle et a rejeté sa demande.

II – Par une requête, enregistrée sous le n° 2000554, Mme B E a demandé au tribunal administratif de Grenoble d’annuler l’arrêté du 25 novembre 2019 par lequel le préfet de l’Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l’a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi et de faire application des dispositions des articles L. 911-1 et L. 911-2 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2000554 du 20 avril 2020, le tribunal administratif de Grenoble a admis provisoirement Mme E au bénéfice de l’aide juridictionnelle et a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

I – Par une requête, enregistrée le 25 mai 2020 sous le n° 20LY01491, M. E, représenté par Me D, demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement du 20 avril 2020 du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) d’annuler pour excès de pouvoir l’arrêté du 25 novembre 2019 du préfet de l’Isère ;

3°) de faire application des dispositions de l’article L. 911-1 et L. 911-2 du code de justice administrative ;

4°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridictionnelle et de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

Sur la légalité du refus de délivrance d’un titre de séjour :

— la décision a été prise par une autorité incompétente ;

— la décision est insuffisamment motivée ;

— l’autorité administrative n’est pas liée par l’avis du collège des médecins de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) ; le préfet de l’Isère s’est estimé lié par l’avis du collège des médecins de l’OFII et n’a pas recherché l’existence de la possibilité de bénéficier de soins adéquats en Algérie ;

— la décision a méconnu l’article L. 312-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile dès lors que le préfet devait saisir la commission du titre de séjour avant de refuser la délivrance du titre de séjour sollicité ;

— la décision méconnaît le 7° de l’article 6 de l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié dès lors que son état de santé nécessite des soins dont le défaut aurait des conséquences d’une exceptionnelle gravité ; l’absence de soins adéquats en Algérie a conduit à l’amputation d’une partie de son pied gauche ; depuis 2018, il est constamment soigné et se déplace en fauteuil roulant ; son diabète de type II n’a pas été diagnostiqué en Algérie ; tous les médecins qui le suivent attestent de la nécessité de sa présence en France ;

— la décision méconnaît l’article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales en l’absence de traitement disponible en Algérie ;

— la décision est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation pour les motifs précédemment évoqués et du fait que le préfet n’a pas fait usage de son pouvoir discrétionnaire en lui délivrant une autorisation provisoire de séjour renouvelable pendant la durée de son traitement ;

Sur la légalité de l’obligation de quitter le territoire français :

— cette décision est illégale en raison de l’illégalité affectant le refus de délivrance d’un titre de séjour ;

— la décision est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation dès lors qu’il doit demeurer en France pour poursuivre ses soins ;

Sur la légalité de la décision relative à l’octroi d’un délai de départ volontaire :

— la décision est insuffisamment motivée ;

— la décision est entachée d’une erreur de droit dès lors que le préfet n’a pas procédé à un examen particulier de sa situation ;

— la décision est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation dès lors que la particularité de sa situation médicale justifiait que lui soit accordée une prorogation de son délai de départ volontaire ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :

— la décision sera annulée par voie de conséquence de l’annulation du refus de délivrance d’un titre de séjour, de l’obligation de quitter le territoire français et de la décision fixant le délai de départ volontaire.

II – Par une requête, enregistrée le 25 mai 2020 sous le n° 20LY01492, Mme B E, représentée par Me D, demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement du 20 avril 2020 du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) d’annuler pour excès de pouvoir l’arrêté du 25 novembre 2019 du préfet de l’Isère ;

3°) de faire application des dispositions de l’article L. 911-1 et L. 911-2 du code de justice administrative ;

4°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridictionnelle et de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

Sur la légalité du refus de délivrance d’un titre de séjour :

— la décision a été prise par une autorité incompétente ;

— la décision est insuffisamment motivée ;

— l’autorité administrative n’est pas liée par l’avis du collège des médecins de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) ; le préfet de l’Isère s’est estimé lié par l’avis du collège des médecins de l’OFII et n’a pas recherché l’existence de la possibilité de bénéficier de soins adéquats en Algérie pour son époux ;

— sa situation est liée à celle de son époux et la décision prise à l’encontre de son époux méconnaît le 7° de l’article 6 de l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié dès lors que son état de santé nécessite des soins dont le défaut aurait des conséquences d’une exceptionnelle gravité ; l’absence de soins adéquats en Algérie a conduit à l’amputation d’une partie du pied gauche de son époux ; depuis 2018, il est constamment soigné et se déplace en fauteuil roulant ; son diabète de type II n’a pas été diagnostiqué en Algérie ; tous les médecins qui le suivent attestent de la nécessité de sa présence en France ;

— la décision méconnaît l’article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales en l’absence de traitement disponible en Algérie pour son époux ;

— la décision est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation pour les motifs précédemment évoqués et de ce que le préfet n’a pas fait usage de son pouvoir discrétionnaire en lui délivrant une autorisation provisoire de séjour renouvelable pendant la durée du traitement de son époux ;

Sur la légalité de l’obligation de quitter le territoire français :

— cette décision est illégale en raison de l’illégalité affectant le refus de délivrance d’un titre de séjour ;

— la décision est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation dès lors que son époux doit demeurer en France pour poursuivre ses soins ;

Sur la légalité de la décision relative à l’octroi d’un délai de départ volontaire :

— la décision est insuffisamment motivée ;

— la décision est entachée d’une erreur de droit dès lors que le préfet n’a pas procédé à un examen particulier de sa situation :

— la décision est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation dès lors que la particularité de la situation médicale de son époux justifiait que lui soit accordée une prorogation de son délai de départ volontaire ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :

— la décision sera annulée par voie de conséquence de l’annulation du refus de délivrance d’un titre de séjour, de l’obligation de quitter le territoire français, de la décision fixant le délai de départ volontaire.

M. C E et Mme B E ont été admis au bénéfice de l’aide juridictionnelle totale par des décisions des 1er et 22 juillet 2020.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

— la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

— l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

— le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

— le code des relations entre le public et l’administration ;

— la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridctionnelle ;

— le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l’audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Le rapport de Mme A a été entendu au cours de l’audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C E et son épouse, Mme B E, ressortissants algériens nés respectivement le 23 juillet 1952 et le 26 octobre 1964, sont entrés en France le 28 juillet 2018 sous couvert d’un visa de court séjour. Le 5 décembre 2018, Mme et M. E ont sollicité la délivrance d’un titre de séjour sur le fondement respectivement du 5° et du 7° de l’article 6 de l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié. Par des arrêtés du 25 novembre 2019, le préfet de l’Isère a rejeté leurs demandes, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme et M. E relèvent appel des jugements du 20 avril 2020 par lesquels le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes. Ces deux requêtes présentant à juger des questions communes, il y a lieu de les joindre pour statuer par un même jugement.

Sur la légalité des refus de délivrance d’un titre de séjour :

2. Par un arrêté du 26 septembre 2019, régulièrement publié au recueil des actes administratifs du 1er octobre 2019, le préfet de l’Isère a donné délégation à M. Philippe Portal, secrétaire général de la préfecture, à l’effet « de signer tous actes, arrêtés, décisions () relevant des attributions de l’Etat dans le département ». Par suite, le moyen tiré de l’incompétence du signataire des arrêtés attaqués doit être écarté.

3. Les refus de délivrance du titre de séjour qui comprennent les considérations de droit et de fait sur lesquels le préfet de l’Isère a fondé ses décisions sont suffisamment motivés. Par suite, le moyen tiré de ce que les décisions en litige méconnaîtraient l’article L. 211-2 du code des relations entre le public et l’administration doit être écarté.

4. Il ne ressort pas des pièces des dossiers de première instance et d’appel que le préfet ne se serait pas livré à un examen particulier de la situation personnelle de M. E et de son épouse ni que cette même autorité administrative se serait estimée liée par l’avis du collège des médecins de l’Office français pour l’immigration et l’intégration.

5. Aux termes de l’article 6 de l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : « Le certificat de résidence d’un an portant la mention » vie privée et familiale « est délivré de plein droit : () 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l’état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d’une exceptionnelle gravité, sous réserve qu’il ne puisse pas effectivement bénéficier d’un traitement approprié dans son pays ».

6. La partie qui justifie d’un avis du collège de médecins du service médical de l’Office français de l’immigration et de l’intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l’existence ou l’absence d’un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d’un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l’autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d’apprécier l’état de santé de l’étranger et, le cas échéant, si, eu égard à l’offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d’un traitement approprié. La conviction du juge, à qui il revient d’apprécier si l’état de santé d’un étranger justifie la délivrance d’un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d’instruction utile.

7. Il ressort des pièces du dossier, et notamment d’un certificat médical du médecin traitant de M. E du 13 janvier 2020, que l’intéressé souffre d’un diabète de type II ayant entraîné une amputation du pied gauche, une neuropathie diabétique et une artériopathie oblitérante des membres inférieurs de stade 4 compliquée par une insuffisance rénale chronique, d’une hypertension artérielle, d’une coronaropathie, d’un asthme sévère et d’un syndrome d’apnée du sommeil. Cette polypathologie fait l’objet d’une prise en charge au sein des Lits Haltes Soins Santé du centre communal d’action sociale (CCAS) de Grenoble depuis le 18 mars 2019 (surveillance glycémique, pulmonaire, tension artérielle et état cutané pluri-hebdomadaire) compte tenu de l’absence de solution d’hébergement pour M. E et son épouse. Le 2 mai 2019, l’intéressé a bénéficié d’une angioplastie coronaire.

8. Pour remettre en cause l’avis du collège des médecins de l’Office français de l’immigration et de l’intégration du 13 mai 2019, émis après une convocation à un examen médical complémentaire, selon lequel l’état de santé de M. E nécessite une prise en charge dont le défaut peut entraîner des conséquences d’une exceptionnelle gravité mais qu’il peut effectivement bénéficier d’un traitement approprié dans son pays d’origine, l’intéressé fait valoir que l’amputation d’une partie de son pied gauche révèle une absence de prise en charge médicale adéquate dans son pays et que son état de santé nécessite un suivi régulier en France. Au soutien de ses allégations, il se prévaut d’une lettre du service de cardiologie du 7 août 2019 du centre hospitalier universitaire de Grenoble indiquant qu'« il est raisonnable d’en rester à un traitement médicamenteux intensif avec un objectif d’équilibre des facteurs de risque maximal », d’une lettre du 6 novembre 2019 précisant que M. E présente un syndrome d’apnées du sommeil modérément sévère nécessitant la mise en place d’une ventilation, d’un certificat médical du 11 décembre 2019 du professeur Tamisier du centre hospitalier universitaire de Grenoble faisant état de ce que l’intéressé est suivi pour un trouble respiratoire nocturne nécessitant une ventilation non invasive et que ce traitement spécifique nécessite un suivi régulier dans le service, d’une attestation du 16 janvier 2020 du docteur Escobar du pôle appareil locomoteur et chirurgie réparatrice du centre hospitalier universitaire de Grenoble soulignant que « le suivi clinique et de l’appareillage de l’amputation doit être régulier afin d’éviter des complications à type de plaie, de récidive d’ostéïte et d’amputation majeure, d’un certificat médical du docteur Amandine du pôle thorax et vaisseaux du centre hospitalier universitaire de Grenoble du 3 février 2020 précisant que l’intéressé » nécessite une surveillance obligatoire en doppler et en chirurgie vasculaire ainsi que pour sa prise en charge du diabète ". Il produit également le compte tenu d’une opération, une adénomectomie voie haute, réalisée le 21 août 2020, un courrier du 21 septembre 2020 faisant état d’une consultation pour une hypertension artérielle non contrôlée avec une hypotension orthostatique sévère symptomatique et un compte rendu d’hospitalisation de nuit au laboratoire du sommeil du 30 septembre au 1er octobre 2020. Toutefois, par de telles pièces qui ont trait uniquement à la nécessité d’un suivi médical ou à la réalisation d’intervention, M. E ne contredit pas utilement l’avis médical du collège des médecins de l’OFII sur la disponibilité des soins en Algérie pour traiter les diverses pathologies dont il souffre. Si M. E produit également un certificat médical d’un médecin exerçant dans l’établissement public hospitalier de Mostaganem du 8 janvier 2020 indiquant que M. E devait bénéficier de soins en France pour ses pieds, ce certificat, insuffisamment circonstancié, n’est pas de nature à remettre en cause l’appréciation du collège des médecins quant à la possibilité d’accéder à un traitement approprié à ses pathologies dans son pays d’origine. Il s’ensuit que le refus de délivrance d’un titre de séjour pris à l’encontre de M. E n’a ni méconnu le 7 de l’article 6 de l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié, ni l’article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et n’est pas entaché d’une erreur manifeste d’appréciation.

9. Mme E n’ayant pas sollicité la délivrance d’un titre de séjour sur le fondement du 7 de l’article 6 de l’accord franco-algérien, elle ne peut pas se prévaloir d’une méconnaissance de ces stipulations. Par ailleurs, son époux pouvant bénéficier d’une prise en charge médicale en Algérie, elle n’est pas fondée à soutenir que la décision de refus de titre de séjour la concernant méconnaîtrait les stipulations de l’article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales en raison de l’impossibilité pour son époux de recevoir les soins qui lui sont nécessaires.

10. M. et Mme E ne sont pas davantage fondés à soutenir que le préfet de l’Isère aurait commis une erreur manifeste d’appréciation en refusant de leur accorder dans le cadre de son pouvoir dérogatoire de régularisation une autorisation provisoire de séjour.

11. Aux termes de l’article L. 312-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : « La commission est saisie par l’autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l’article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l’article L. 431-3 () ». Si l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968 régit d’une manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France et y exercer une activité professionnelle, ainsi que les règles concernant la nature et la durée de validité des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés, il n’a toutefois pas entendu écarter, sauf stipulations incompatibles expresses, l’application des dispositions de procédure qui s’appliquent à tous les étrangers en ce qui concerne la délivrance, le renouvellement ou le refus de titres de séjour, dès lors que ces ressortissants algériens se trouvent dans une situation entrant à la fois dans les prévisions de l’accord et dans celles du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Il résulte des dispositions précitées que le préfet est tenu de saisir la commission du cas des seuls ressortissants algériens qui remplissent effectivement les conditions prévues à l’article 6 de l’accord franco-algérien, équivalentes à celles des articles L. 313-11 et L. 313-14 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité et non de celui de tous les ressortissants algériens qui se prévalent de ces stipulations. Comme il a été dit précédemment, M. E ne démontre pas remplir effectivement les conditions prévues au 7 de l’article 6 de l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié pour bénéficier de la délivrance d’un titre de séjour. Par suite, le préfet n’était pas tenu de saisir la commission du titre de séjour.

Sur la légalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français :

12. Il résulte de ce qui précède que les décisions de refus de délivrance d’un titre de séjour ne sont pas entachées d’illégalité et n’encourent pas l’annulation. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à exciper de leur illégalité à l’encontre des décisions portant obligation de quitter le territoire français.

13. M. et Mme E se prévalent, au soutien du moyen tiré de ce que les décisions portant obligation de quitter le territoire français sont entachées d’une erreur manifeste d’appréciation, des mêmes arguments que ceux qu’ils ont précédemment exposés. Ce moyen doit être écarté pour les mêmes motifs.

Sur la légalité des décisions relatives à l’octroi d’un délai de départ volontaire supérieur :

14. Aux termes du II de l’article L. 511-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile dans sa rédaction alors applicable : « Pour satisfaire à l’obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l’étranger dispose d’un délai de trente jours à compter de sa notification pour rejoindre le pays dont il possède la nationalité. () L’autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s’il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. () ». Ces dispositions font du délai de départ volontaire de trente jours le délai de droit commun, dont la motivation se confond avec celle de l’obligation de quitter le territoire français dont elle découle nécessairement. Dès lors, la décision fixant à trente jours le délai de départ volontaire n’a pas à faire l’objet d’une motivation spécifique distincte de celle obligeant l’étranger à quitter le territoire français. En outre, il n’est pas établi ni même allégué que Mme et M. E auraient sollicité l’octroi d’un délai de départ volontaire supérieur à trente jours. Ils ne peuvent donc utilement soutenir que ces décisions sont insuffisamment motivées.

15. Si Mme et M. E font valoir que le préfet n’a pas pris en considération les circonstances liées à l’état de santé de M. E, il ressort des pièces du dossier que le préfet a procédé à un examen complet et particulier de la situation individuelle de l’intéressé.

16. Eu égard à ce qui a été dit au point 8, les circonstances liées à l’état de santé de M. E ne suffisent pas à faire regarder les décisions fixant ce délai à trente jours comme entachées d’une erreur manifeste dans l’appréciation de leur situation personnelle.

Sur la légalité des décisions fixant le pays de renvoi :

17. Il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 13 que M. et Mme E n’ayant pas démontré l’illégalité des refus de délivrance d’un titre de séjour et des obligations de quitter le territoire et ne pouvant donc obtenir l’annulation de ces décisions, ils ne sont pas fondés à demander l’annulation par voie de conséquence des décisions fixant le pays de destination.

18. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme E ne sont pas fondés à soutenir que c’est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes. Par voie de conséquence, doivent être rejetées leurs conclusions aux fins d’injonction et celles à fin de mise à la charge de l’Etat des frais exposés et non compris dans les dépens dans les conditions prévues par les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Les requêtes de M. et Mme E sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C E, à Mme B E et au ministre de l’intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l’Isère.

Délibéré après l’audience du 22 octobre 2020, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Gayrard, président assesseur,

Mme A, premier conseiller.

Lu en audience publique le 19 novembre 2020.

Le rapporteur,

R. A

Le président,

F. PournyLe greffier,

F. Abdillah

La République mande et ordonne au ministre de l’intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Pour expédition,

Le greffier,

N° 20LY01491

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