CAA de LYON, 2ème chambre, 14 octobre 2021, 20LY00481, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Lyon, 2e ch., 14 oct. 2021, n° 20LY00481
Juridiction : Cour administrative d'appel de Lyon
Numéro : 20LY00481
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Fiscal
Décision précédente : Tribunal administratif de Grenoble, 5 décembre 2019, N° 1705037
Dispositif : Non-lieu
Identifiant Légifrance : CETATEXT000044228178

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :


Procédure contentieuse antérieure

La SARL Eurochem-Pharmasolutions a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge de la retenue à la source à laquelle elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2011, 2012 et 2013 ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1705037 du 6 décembre 2019, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.


Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 4 février 2020, la SARL Eurochem-Pharmasolutions, représentée par Me Palomares, demande à la cour :

1°) d’annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

 – s’agissant de la retenue à la source opérée au titre de l’exercice clos en 2011, l’administration ne pouvait à la fois considérer que la réalité des prestations réalisées par la SARL Laboratoires A… France n’était pas justifiée et que les dépenses correspondantes avaient été engagées dans l’intérêt de la société Laboratoires A… Algérie ; à supposer que les sommes versées l’aient été sans contrepartie réelle, les distributions en cause l’ont été entre les mains de la société Laboratoires A… France et non entre les mains de la société algérienne qui n’a perçu directement aucune somme ; en tout état de cause, ces prestations sont bien réelles et disposent d’une contrepartie réelle ;

 – dès lors que l’administration soutient qu’elle forme un groupe informel avec la société Laboratoires A… Algérie, elle ne pouvait appliquer le taux de 15 % applicable aux distributions entre sociétés tierces alors que la convention fiscale franco-algérienne prévoit l’application d’un taux de 5 % pour les sociétés détenues directement ou indirectement par une société résidente de l’autre Etat ;

 – s’agissant de la retenue à la source opérée au titre des exercices clos en 2012 et 2013 pour des montants de 31 765 euros et 51 289 euros, l’administration ne pouvait, sur le fondement des dires de sociétés étrangères ayant encaissé les paiements, en déduire que ces paiements auraient en réalité bénéficié à des entreprises tierces dont l’identité n’est pas clairement déterminée.

Par un mémoire, enregistré le 20 juillet 2020, le ministre de l’action et des comptes publics conclut au non-lieu à statuer à concurrence des remises de pénalités et au rejet du surplus de la requête.

Il soutient que :

 – à la suite de son placement en redressement judiciaire par jugement du 5 février 2020, la SARL appelante a bénéficié d’une remise des intérêts de retard et majorations ; il n’y a donc plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête à hauteur de 27 288 euros ;

 – les autres moyens soulevés par la SARL Eurochem-Pharmasolutions ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

 – la convention signée le 17 octobre 1999 entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire en vue d’éviter les doubles impositions, de prévenir l’évasion et la fraude fiscales et d’établir les règles d’assistance réciproques en matière d’impôts sur le revenu, sur la fortune et sur les successions ;

 – le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

 – le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique :

 – le rapport de Mme Lesieux, première conseillère,

 – et les conclusions de Mme Vinet, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Eurochem-Pharmasolutions, qui exerce principalement une activité d’import-export de produits chimiques et pharmaceutiques de base et autres intrants, a fait l’objet d’une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos les 31 décembre 2011, 2012 et 2013, à l’issue de laquelle l’administration fiscale a notamment, selon la procédure contradictoire, soumis à la retenue à la source des sommes prises en charge par cette société incombant à des entreprises tierces. Ces impositions ont été assorties des intérêts de retard et de la majoration de 10 % prévue au a. du 1. de l’article 1728 du code général des impôts. La SARL Eurochem-Pharmasolutions relève appel du jugement du 6 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes.

Sur le bien-fondé de l’imposition :

2. En premier lieu, aux termes du 2 de l’article 119 bis du code général des impôts : « Les produits visés aux articles 108 à 117 bis donnent lieu à l’application d’une retenue à la source dont le taux est fixé par l’article 187 lorsqu’ils bénéficient à des personnes qui n’ont pas leur domicile fiscal ou leur siège en France (…) Toutefois, la retenue à la source ne s’applique pas aux sommes visées au premier alinéa du a de l’article 111 (…) ». Aux termes du 2 de l’article 1672 du code général des impôts : « La retenue à la source prévue au 2 de l’article 119 bis est versée au Trésor par la personne établie en France qui assure le paiement des revenus ». L’applicabilité des dispositions du 2 de l’article 119 bis précitées dépend seulement de la qualification des produits visés aux articles 108 à 117 bis du même code et du domicile fiscal ou du siège social des bénéficiaires.

3. Aux termes de l’article 111 du code général des impôts : « Sont notamment considérés comme revenus distribués : (…) c. Les rémunérations et avantages occultes (…) ». Lorsqu’une société a pris en charge des dépenses incombant normalement à un tiers sans que la comptabilisation de cette opération ne révèle, par elle-même, l’octroi d’un avantage, il appartient à l’administration, si elle entend faire application des dispositions précitées du c de l’article 111, d’établir que la prise en charge de cette dépense ne comportait pas de contrepartie pour la société, et d’autre part, qu’il existait une intention pour celle-ci, d’octroyer, et pour le tiers, de recevoir, une libéralité.

4. La SARL Eurochem-Pharmasolutions soutient, par des moyens nouveaux en appel, que certaines des dépenses qu’elle a engagées au titre des exercices clos en 2011, 2012 et 2013, ne peuvent être qualifiées de revenus distribués au sens du c de l’article 111 du code général des impôts et ne peuvent dès lors donner lieu à l’application de la retenue à la source visée au 2 de l’article 119 bis du même code.

5. D’une part, il résulte de l’instruction, en particulier de la proposition de rectification du 16 décembre 2014, que la SARL Eurochem-Pharmasolutions, détenue, comme la société algérienne Laboratoires A…, par la famille A…, a comptabilisé en charges d’exploitation au titre de l’exercice clos en 2011, un montant de 225 000 euros correspondant à la réalisation, par la société Laboratoires A… France, de diverses prestations nécessaires au développement de nouveaux produits par la société algérienne Laboratoires A… SARL. La SARL Eurochem-Pharmasolutions, dont l’administration relève sans être contestée, qu’elle n’a pas le statut d’établissement pharmaceutique l’autorisant à produire, conditionner et vendre des médicaments et qu’elle ne dispose pas de moyens de production, ne produit, malgré ses allégations, aucune pièce de nature à justifier qu’elle aurait été elle-même bénéficiaire de ces prestations. Il résulte par ailleurs des déclarations de M. A…, gérant de la SARL Eurochem-Pharmasolutions, que la prise en charge de ces dépenses par cette société permettait à la société algérienne d’échapper au paiement de la taxe sur les importations de prestations de service au taux de 24 % et d’obtenir des autorisations administratives en Algérie. La société appelante ne produit pas davantage d’élément de nature à justifier que la prise en charge de ses dépenses, pour le compte de la société algérienne Laboratoires A… SARL, qui a ainsi accepté de bénéficier de cet avantage, aurait comporté une quelconque contrepartie pour elle. Dans ces conditions, et alors qu’est sans incidence la circonstance qu’il n’y aurait eu aucun flux financier direct entre la SARL Eurochem-Pharmasolutions et la société algérienne, l’administration apporte la preuve qui lui incombe que cette société a bénéficié d’une libéralité constitutive d’un avantage occulte au sens du c de l’article 111 du code général des impôts. C’est par suite à bon droit qu’elle a soumis à la retenue à la source prévue au 2 de l’article 119 bis du code général des impôts les sommes ainsi prises en charge par la SARL appelante au titre de l’exercice clos en 2011.

6. D’autre part, il résulte de l’instruction, en particulier de la proposition de rectification du 25 juin 2015, que la SARL Eurochem-Pharmasolutions a notamment comptabilisé en charges d’exploitation au titre des exercices clos en 2012 et 2013, des montants de respectivement 180 000 euros et 290 837,74 euros correspondant à des sommes versées aux sociétés espagnoles Fruhamel Alger SL et J. Ronco y Cia SL en contrepartie de prestations d’études de marchés et de développements de réseaux commerciaux sur le territoire du Maghreb et à des commissions sur vente. Toutefois, lors des opérations de vérification, la SARL Eurochem-Pharmasolutions n’a pas été en mesure de justifier de la réalité de ces prestations à son profit. Par ailleurs, le service a établi, à la suite d’une procédure de visite et saisie engagée sur le fondement de l’article L. 16 B du livre des procédures fiscales et de demandes de renseignements aux autorités fiscales espagnoles effectuées dans le cadre de la convention fiscale conclue entre la France et l’Espagne, le caractère fictif des factures présentées par la SARL Eurochem-Pharmasolutions ainsi que l’inexistence de liens commerciaux entre cette société et les sociétés espagnoles Fruhamel Alger SL et J. Ronco y Cia SL dont les activités de négoce de fruits et légumes pour l’une et d’assistance aux activités liées au trafic portuaire et de stockage de marchandises pour l’autre sont sans lien avec l’objet des factures en cause. Ces sociétés ont en outre confirmé avoir reçu les virements bancaires en cause, émis par la SARL Eurochem-Pharmasolutions, en paiement de leurs propres ventes à deux clients algériens, les sociétés Fruits EURL Com et SARL SIDAA. Par suite, la SARL appelante n’est pas fondée à soutenir que l’administration fiscale n’aurait pas précisément identifié les sociétés, bénéficiaires des dépenses engagées par elle à leur profit, ces dernières ne pouvant au demeurant pas ignorer les avantages qui leur étaient ainsi consentis. Par suite, l’administration apporte la preuve qui lui incombe que la SARL Eurochem-Pharmasolution, qui ne conteste pas n’avoir bénéficié d’aucune contrepartie à la prise en charge des dépenses en cause, a pris en charge des dépenses incombant à des sociétés tierces, constitutive d’un avantage occulte au sens du c de l’article 111 du code général des impôts. C’est par suite à bon droit qu’elle a soumis à la retenue à la source prévue au 2 de l’article 119 bis du code général des impôts les sommes ainsi prises en charge par la SARL appelante au titre des exercices clos en 2012 et 2013.

7. En second lieu, aux termes de l’article 10 de la convention fiscale franco-algérienne du 17 octobre 1999 : " 1. Les dividendes payés par une société qui est un résident d’un Etat contractant à un résident de l’autre Etat contractant sont imposables dans cet autre Etat. / 2. Toutefois, ces dividendes sont aussi imposables dans l’Etat contractant dont la société qui paie les dividendes est un résident, et selon la législation de cet Etat, mais si la personne qui reçoit les dividendes en est le bénéficiaire effectif, l’impôt ainsi établi ne peut excéder : / a) 5 % du montant brut des dividendes si le bénéficiaire effectif est une société qui détient directement ou indirectement au moins 10 % du capital de la société qui paie les dividendes ; / b) 15 % du montant brut des dividendes dans tous les autres cas (…) 4. Le terme « dividende » employé dans le présent article désigne (…) les revenus soumis au régime des distributions par la législation fiscale de l’Etat contractant dont la société distributrice est un résident (…) ".

8. La SARL Eurochem-Pharmasolutions soutient qu’elle constitue avec la société Laboratoires A… Algérie un groupe informel dès lors que le capital de ces deux sociétés est détenu par les mêmes associés. Elle en déduit que l’administration fiscale ne pouvait, s’agissant de la retenue à la source au titre de l’exercice clos en 2011, appliquer le taux de 15 % prévu au b) de l’article 10 précité de la convention fiscale franco-algérienne, seul le taux de 5 % prévu au a) de ce même article étant applicable. Toutefois, il ne résulte pas de l’instruction que la société Laboratoires A… Algérie détiendrait, même indirectement, au moins 10 % du capital de la SARL Eurochem-Pharmasolutions. Il en résulte que la SARL appelante n’est pas fondée à demander l’application du taux de 5 % visé au a) de l’article 10 de la convention fiscale franco-algérienne à la retenue à la source établie au titre de l’exercice clos en 2011.

Sur les pénalités :

9. Aux termes du I de l’article 1756 du code général des impôts : « I. – En cas de sauvegarde ou de redressement ou de liquidation judiciaires, les frais de poursuite et les pénalités fiscales encourues en matière d’impôts directs et taxes assimilées, de taxes sur le chiffre d’affaires et taxes assimilées (…) dus à la date du jugement d’ouverture, sont remis, à l’exception des majorations prévues aux b et c du 1 de l’article 1728 et aux articles 1729 et 1732 et des amendes mentionnées aux articles 1737 et 1740 A ainsi qu’aux 3° et 4° de l’article 1759-0 A ».

10. Il résulte des explications non contestées du ministre, corroborées par les pièces qu’il produit et en particulier, la copie du bordereau de situation fiscale de la SARL Eurochem-Pharmasolutions, qu’à la suite d’un jugement du tribunal de commerce du 5 février 2020 plaçant cette société en redressement judiciaire, l’administration a, en application du I précité de l’article 1756 du code général des impôts, prononcé la remise des intérêts de retard et de la majoration de 10% appliqués aux retenues à la source auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2011, 2012 et 2013, pour un montant de 27 288 euros. Par suite, les conclusions de la SARL Eurochem-Pharmasolutions relatives à ces pénalités sont devenues sans objet.

11. Il résulte de ce qui précède que, sous réserve de la remise prononcée en cours d’instance, la SARL Eurochem-Pharmasolutions n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

12. Il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce de faire application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative au bénéfice de la SARL Eurochem-Pharmasolutions.


DÉCIDE :


Article 1er : A concurrence de la somme de 27 288 euros en ce qui concerne les intérêts de retard et la majoration de 10 % prévue a du 1 de l’article 1728 du code général des impôts appliqués à la retenue à la source auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2011, 2012 et 2013, il n’y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de la SARL Eurochem-Pharmasolutions.


Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la SARL Eurochem-Pharmasolutions est rejeté.


Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Eurochem-Pharmasolutions et au ministre de l’économie, des finances et de la relance.

Délibéré après l’audience du 21 septembre 2021 à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président,
Mme Evrard, présidente-assesseure,
Mme Lesieux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 14 octobre 2021.

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N° 20LY00481

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