CAA de LYON, 3ème chambre, 3 novembre 2021, 20LY00294, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Lyon, 3e ch., 3 nov. 2021, n° 20LY00294
Juridiction : Cour administrative d'appel de Lyon
Numéro : 20LY00294
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Décision précédente : Tribunal administratif de Dijon, 19 novembre 2019, N° 1803330
Dispositif : Rejet
Identifiant Légifrance : CETATEXT000044344379

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :


Procédure contentieuse antérieure

Le syndicat professionnel Groupement des agrobiologistes de la Nièvre a demandé au tribunal administratif de Dijon :

1°) d’annuler la décision implicite de rejet née du silence conservé par le préfet de la région Bourgogne-Franche-Comté sur sa demande du 10 août 2018 tendant, d’une part, à l’abrogation de l’arrêté préfectoral du 26 juillet 2016 relatif aux mesures agro-environnementales et aux mesures en faveur de l’agriculture biologique soutenues par l’Etat en 2015 dans le cadre du programme de développement rural de Bourgogne et, d’autre part, à l’édiction d’un nouvel arrêté préfectoral pluriannuel fixant le cadre juridique de financement public des mesures agro-environnementales de soutien à l’agriculture biologique ;

2°) d’enjoindre au préfet de la région Bourgogne-Franche-Comté, sur le fondement de l’article L. 911-2 du code de justice administrative, d’édicter un nouvel arrêté préfectoral pluriannuel fixant le cadre juridique de financement public des mesures agro-environnementales et de soutien à l’agriculture biologique ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 2 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1803330 du 20 novembre 2019, le tribunal administratif de Dijon a rejeté cette demande.


Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 21 janvier 2020 et un mémoire enregistré le 13 janvier 2021, le syndicat professionnel Groupement des agrobiologistes de la Nièvre, représenté par Me Le Meignen, avocat, demande à la cour :

1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 20 novembre 2019 ;

2°) d’annuler la décision implicite de rejet née du silence conservé par le préfet de la région Bourgogne-Franche-Comté sur sa demande du 10 août 2018 tendant, d’une part, à l’abrogation de l’arrêté préfectoral du 26 juillet 2016 relatif aux mesures agro-environnementales et aux mesures en faveur de l’agriculture biologique soutenues par l’Etat en 2015 dans le cadre du programme de développement rural de Bourgogne et, d’autre part, à l’édiction d’un nouvel arrêté préfectoral pluriannuel fixant le cadre juridique de financement public des mesures agro-environnementales de soutien à l’agriculture biologique ;

3°) d’enjoindre au préfet de la région Bourgogne-Franche-Comté, sur le fondement de l’article L. 911-2 du code de justice administrative, d’édicter un nouvel arrêté préfectoral pluriannuel fixant le cadre juridique de financement public des mesures agro-environnementales et de soutien à l’agriculture biologique ;

4°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

 – sa requête est recevable ;

 – le tribunal administratif ne pouvait écarter ses moyens tirés de la méconnaissance des articles 5 et 6 de la Charte de l’environnement, sans l’inviter à les préciser ;

 – le jugement attaqué est irrégulier, en omettant de statuer sur le moyen tiré de l’illégalité de l’arrêté du 26 juillet 2016 en ce qu’il ne comporte pas de dispositions transitoires ;

 – l’arrêté du 26 juillet 2016 méconnaît les articles 5 et 6 de la Charte de l’environnement ;

 – l’arrêté du 26 juillet 2016 méconnaît le principe de non-rétroactivité des actes administratifs, en s’appliquant à une campagne antérieure à son entrée en vigueur, en méconnaissance des articles L. 221-2 et L. 221-4 du code des relations entre le public et l’administration  ;

 – l’arrêté du 26 juillet 2016 méconnaît le principe de sécurité juridique, à défaut de comporter des mesures transitoires, en méconnaissance des articles L. 221-5 et L. 221-6 du code des relations entre le public et l’administration ;

 – l’arrêté du 26 juillet 2016 méconnaît le principe d’égalité de traitement, en visant un programme de développement rural applicable à une partie seulement de la région Bourgogne-Franche-Comté ;

 – l’arrêté du 26 juillet 2016 étant illégal, le préfet de la région Bourgogne-Franche-Comté était tenu de l’abroger ;

 – l’annulation de la décision implicite refusant de procéder à cette abrogation implique nécessairement qu’il soit enjoint au préfet de la région Bourgogne-Franche-Comté d’adopter une nouvelle décision.

Par un mémoire en défense enregistré le 3 décembre 2020, le ministre de l’agriculture et de l’alimentation conclut au rejet de la requête.

Il expose que :

 – le syndicat professionnel Groupement des agrobiologistes de la Nièvre ne justifie pas d’un intérêt lui donnant qualité pour agir, à défaut de représenter les agriculteurs ayant souscrit des engagements au titre des mesures d’aides agro-environnementales ;

 – les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 20 avril 2021, la clôture de l’instruction a été fixée au 20 mai 2021.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son préambule et la Charte de l’environnement ;

- le règlement (UE) n° 1305/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 ;

- la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 ;

- la loi n° 2015-29 du 16 janvier 2015 ;

- le code des relations entre le public et l’administration ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le décret n° 2015-445 au 16 avril 2015 ;

- le décret n° 2017-1286 du 21 août 2017 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique :

 – le rapport de Mme Sophie Corvellec, première conseillère,

 – les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public,

 – et les observations de Mme A… représentant le ministre de l’agriculture et de l’alimentation ;

Considérant ce qui suit :

1. Le syndicat professionnel Groupement des agrobiologistes de la Nièvre relève appel du jugement du 20 novembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la décision implicite de rejet, née du silence conservé par le préfet de la région Bourgogne-Franche-Comté sur sa demande du 10 août 2018 tendant, d’une part, à l’abrogation de l’arrêté préfectoral du 26 juillet 2016 relatif aux mesures agro-environnementales et aux mesures en faveur de l’agriculture biologique soutenues par l’Etat en 2015 dans le cadre du programme de développement rural de Bourgogne et, d’autre part, à l’édiction d’un nouvel arrêté préfectoral pluriannuel fixant le cadre juridique de financement public des mesures agro-environnementales de soutien à l’agriculture biologique.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, contrairement à ce que prétend le syndicat professionnel Groupement des agrobiologistes de la Nièvre, le tribunal administratif de Dijon n’était pas tenu de l’inviter à préciser la portée de ses moyens tirés de la méconnaissance des articles 5 et 6 de la Charte de l’environnement, avant de les écarter comme n’étant pas assortis de précisions suffisantes pour lui permettre d’en apprécier le bien-fondé.

3. En second lieu, il résulte des termes du jugement attaqué que les premiers juges ont, au paragraphe 7, écarté tant le moyen tiré de la méconnaissance du principe de non-rétroactivité des actes administratifs, que celui tiré de la méconnaissance du principe de sécurité juridique. Ils ont ainsi, implicitement mais nécessairement, écarté la méconnaissance des dispositions du code des relations entre le public et l’administration invoquées à l’appui de ces moyens, notamment celles de son article L. 221-5 prévoyant l’édiction de mesures transitoires. Par suite, le jugement attaqué n’est entaché d’aucune omission à statuer.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

4. Aux termes des articles 28 et 29 du règlement (UE) n° 1305/2013 du 17 décembre 2013 relatif au soutien au développement rural par le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) qui concernent, respectivement, les mesures agroenvironnementales et climatiques et les mesures en faveur de l’agriculture biologique, les aides allouées au titre de ces mesures sont accordées en contrepartie d’engagements pris sur une durée de cinq à sept ans d’adopter des pratiques allant au-delà des normes obligatoires et « indemnisent les bénéficiaires pour une partie ou la totalité des coûts supplémentaires et des pertes de revenus résultant des engagements pris ».

5. Aux termes de l’article 78 de la loi du 27 janvier 2014 relative à la modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles : « I. – (…) 1°) L’Etat confie aux régions (…), à leur demande, tout ou partie de la gestion des programmes européens soit en qualité d’autorité de gestion, soit par délégation de gestion. (…) / III. ' Pour le Fonds européen agricole pour le développement rural, un décret en Conseil d’Etat précise en tant que de besoin les orientations stratégiques et méthodologiques pour la mise en œuvre des programmes (…) ». Le décret du 16 avril 2015 relatif à la mise en œuvre des programmes de développement rural pour la période 2014-2020 dispose, en son annexe I, que, pour les mesures relevant, notamment, des articles 28 à 30 du règlement (UE) n° 1305/2013, « leur construction au niveau régional s’appuie sur le cadrage défini au niveau national », comme l’autorise l’article 6 § 3 de ce règlement. Le cadre national de référence ainsi prévu, qui a été approuvé le 30 juin 2015 par la Commission européenne selon la procédure prévue à l’article 10 du même règlement, détaille pour chaque mesure, notamment, le montant de l’aide prévue en euros par an et par unité d’œuvre pertinente, les bénéficiaires admissibles et les coûts admissibles et précise les conditions d’admissibilité communes à toutes les mesures, ou spécifiques à chacune, et, le cas échéant, des critères de sélection.

6. Enfin, aux termes du premier alinéa de l’article D. 341-9 du code rural et de la pêche maritime, applicable notamment aux paiements agroenvironnementaux et climatiques et aux aides en faveur de l’agriculture biologique, dans sa rédaction résultant du décret du 21 août 2017, rendue applicable aux engagements souscrits à compter du 1er janvier 2015 par l’article 2 de ce décret : « Chaque financeur national des paiements et aides prévus à la présente section peut fixer le montant maximum de la part qu’il finance. Pour l’Etat, ce montant est fixé par le préfet de région ».

7. En premier lieu, l’arrêté du 26 juillet 2016, dont le syndicat professionnel Groupement des agrobiologistes de la Nièvre a demandé l’abrogation au préfet de la région Bourgogne-Franche-Comté, fixe les territoires et les mesures pour lesquels est retenu un financement de l’Etat, le taux d’intervention de l’Etat et l’éventuel plafonnement de l’aide, pour la campagne 2015, et s’applique aux engagements souscrits à compter du 1er janvier 2015, avant son entrée en vigueur. Toutefois, les exploitants ayant présenté de tels engagements ne sauraient se prévaloir d’une situation juridiquement constituée qu’à compter de la décision d’engagement par laquelle l’autorité compétente valide les engagements qu’elle retient ou les contraintes invoquées et fixe le montant de l’aide qui en découle. En conséquence, si le régime établi par l’arrêté en cause ne saurait, sans méconnaître le principe de non-rétroactivité des actes administratifs, s’appliquer à des décisions d’engagement prises avant son entrée en vigueur, il peut en revanche légalement s’appliquer, sans porter atteinte à une situation juridiquement constituée, à des engagements présentés avant la date de son entrée en vigueur dès lors qu’aucune décision n’a été prise sur ces engagements avant cette date. Au demeurant, il ressort des pièces du dossier que la procédure d’instruction des demandes d’engagement ayant été suspendue en France en 2015, à raison notamment des travaux engagés pour assurer la fiabilisation du registre parcellaire graphique, aucune décision d’engagement n’avait été prise, à la date de l’arrêté en cause, concernant des engagements souscrits pour l’année 2015. Dans ces conditions, le requérant n’est pas fondé à soutenir que l’arrêté du préfet de la région Bourgogne-Franche-Comté du 26 juillet 2016 porte atteinte à des droits acquis et méconnaît le principe de non-rétroactivité des actes administratifs.

8. En deuxième lieu, compte tenu de ce qui précède et dès lors qu’il est constant que des avances de trésorerie remboursables ont été versées à raison des engagements souscrits en 2015 pour des montants inférieurs à la fois aux plafonds finalement applicables et aux montants correspondant aux engagements présentés, le syndicat professionnel Groupement des agrobiologistes de la Nièvre n’est pas fondé à soutenir que l’application immédiate de l’arrêté du 26 juillet 2016 porte une atteinte excessive aux intérêts de ses membres. Le moyen tiré de la méconnaissance du principe de sécurité juridique, à défaut pour cet arrêté de comporter des dispositions transitoires en méconnaissance de l’article L. 221-5 du code des relations entre le public et l’administration, doit être écarté.

9. En troisième lieu, en application de l’article 1er de la loi du 16 janvier 2015 relative à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral, la région Bourgogne-Franche-Comté n’a succédé aux régions Bourgogne, d’une part, et Franche-Comté, d’autre part, qu’à compter du 1er janvier 2016. Par suite, le syndicat professionnel Groupement des agrobiologistes de la Nièvre ne peut utilement reprocher au préfet de la région Bourgogne-Franche-Comté de ne pas avoir appliqué le même dispositif à l’ensemble de cette nouvelle collectivité, pour encadrer les aides versées au titre de l’année 2015. Le moyen tiré de la méconnaissance du principe d’égalité de traitement doit donc être écarté.

10. En quatrième lieu, aux termes de l’article 5 de la Charte de l’environnement : « Lorsque la réalisation d’un dommage, bien qu’incertaine en l’état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l’environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution et dans leurs domaines d’attributions, à la mise en œuvre de procédures d’évaluation des risques et à l’adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage ». Son article 6 prévoit en outre que : « Les politiques publiques doivent promouvoir un développement durable. A cet effet, elles concilient la protection et la mise en valeur de l’environnement, le développement économique et le progrès social ».

11. L’arrêté du préfet de la région Bourgogne-Franche-Comté du 26 juillet 2016, qui a pour objet de fixer les modalités de financement par l’Etat de mesures agroenvironnementales et climatiques et d’aides en faveur de l’agriculture biologique, ne comporte en lui-même aucun risque de réalisation d’un dommage susceptible d’affecter de manière grave et irréversible l’environnement. Par ailleurs, il participe ainsi à la promotion de pratiques agricoles respectueuses de l’environnement, alors même qu’il instaure, pour certaines de ces aides, un plafond dont le caractère manifestement excessif n’est nullement établi. Par suite, cet arrêté n’est contraire ni au principe de précaution consacré par l’article 5 de la Charte de l’environnement, ni à l’exigence de promotion du développement durable résultant de son article 6.

12. Enfin, le syndicat professionnel Groupement des agrobiologistes de la Nièvre ne démontrant pas l’illégalité de l’arrêté du préfet de la région Bourgogne-Franche-Comté du 26 juillet 2016, il n’est pas fondé à soutenir que celui-ci a, à tort, refusé de l’abroger.

13. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu’il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la demande de première instance, que le syndicat professionnel Groupement des agrobiologistes de la Nièvre n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d’injonction :

14. La présente décision rejetant les conclusions à fin d’annulation du syndicat professionnel Groupement des agrobiologistes de la Nièvre et n’appelant, dès lors, aucune mesure d’exécution, ses conclusions à fin d’injonction doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

15. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l’Etat, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par le syndicat professionnel Groupement des agrobiologistes de la Nièvre.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du syndicat professionnel Groupement des agrobiologistes de la Nièvre est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au syndicat professionnel Groupement des agrobiologistes de la Nièvre et au ministre de l’agriculture et de l’alimentation.

Délibéré après l’audience du 12 octobre 2021, à laquelle siégeaient :
M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,
M. Gilles Fédi, président-assesseur,
Mme Sophie Corvellec, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 novembre 2021.

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N° 20LY00294

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